Adorno et son échelle fasciste revisités
Sources: arretsurinfo.ch – 4 janvier 2021 – Gilad Atzmon – Traduction: Maria PoumierIllustration: Chard
Source: https://www.unz.com/gatzmon/the-fascist-scale-revisited/
Paru le 26 décembre 2020 sur Unz Review sous le titre The Fascist Scale Revisited
Si l’on revient sur les travaux de Theodore W. Adorno au sujet de la « personnalité autoritaire » et son « échelle F », on constate qu’en 2020, ce sont en fait les libéraux, les progressistes et la soi-disant « gauche » qui manifestent 8 des 9 attitudes les plus problématiques, antidémocratiques et autoritaires.
La théorie de la personnalité autoritaire a été introduite dans les années 1930 pour tenter d’expliquer l’attrait massif du fascisme et des idéologies de droite. Elle a vu le jour à la suite d’une forte hausse de la popularité des mouvements fascistes dans de nombreuses sociétés européennes pendant l’entre-deux-guerres.
À l’époque, de nombreux idéologues et intellectuels européens étaient profondément inspirés par Marx et Freud. Le marxisme avait prédit que la grande dépression se traduirait par un vaste changement de conscience de la classe ouvrière, se matérialisant par une révolution socialiste mondiale. Bien sûr, cela ne s’est pas produit. La crise économique a plutôt entraîné un soutien massif aux mouvements nationalistes et fascistes qui étaient souvent profondément antisémites.
Le raisonnement qui sous-tend cette déviation de la prophétie marxiste a emprunté certains mécanismes théoriques au freudisme. L’ « explication » donnée était la suivante : « Les gens sont portés sur l’autoritarisme » : dans certaines conditions menaçantes, les « personnages autoritaires » sont émotionnellement et cognitivement vulnérables à l’attrait des idéologies fascistes et nationalistes.
Dans les années 1930, une vingtaine d’intellectuels germaniques juifs, principalement (mais pas complètement) associés à l’école de Francfort (par exemple, Wilhelm Reich), cherchèrent à mettre en évidence les conditions psychologiques et socio-économiques responsables de la formation de la personnalité autoritaire.
Dans son ouvrage de 1933, La psychologie de masse du fascisme, Wilhelm Reich tentait d’expliquer la victoire éclatante du fascisme « réactionnaire » sur le communisme « progressiste ». Reich cherchait désespérément à sauver la pertinence du marxisme révolutionnaire. Pour ce faire, il avait élaboré une nouvelle perspective théorique « post-marxiste » afin d’expliquer pourquoi les Allemands de son temps préféraient l’ « autoritarisme » à une révolution communiste « préférable ».
Reich estime que l’attrait des politiques « réactionnaires » et « conservatrices » et le penchant pour le fascisme sont dus à une longue histoire de patriarcat rigide et autoritaire qui affecte la famille, la parentalité, l’éducation primaire et, finalement, la société dans son ensemble. Dans une tentative pour sauver la société du fascisme, Reich a synthétisé Marx et Freud dans le projet de « révolution sexuelle ».
En 1950, l’éminent intellectuel de l’école de Francfort, Theodor W. Adorno, ainsi que d’autres, ont publié La personnalité autoritaire, un recueil d’études qui est devenu un texte académique de premier plan dans le domaine des sciences sociales. Dans ce volume, Adorno et d’autres se sont penchés sur la théorie de la personnalité autoritaire et ont présenté les résultats d’une décennie de recherche visant à tester cette théorie.
Compte tenu des origines de nombre de ses membres et de l’objectif intellectuel premier de l’école de Francfort, il n’est pas surprenant que l’enquête ait commencé par une tentative d’explication des racines psychologiques de l’antisémitisme : l’hypothèse était que les personnalités autoritaires manifestent certains schémas ethnocentriques qui se manifestent par des inclinations xénophobes et une aversion pour les groupes et les minorités.
Adorno & co. réduisaient la personnalité autoritaire à un ensemble de neuf attitudes et croyances « implicitement antidémocratiques ». Adorno pensait qu’il était possible d’identifier les personnalités autoritaires en fonction du degré d’accord des gens avec ces neuf attitudes. Les neuf attitudes fascistes sont brièvement résumées ici:
Le conventionnalisme : Adhésion aux valeurs conventionnelles.
Soumission autoritaire : Vers des incarnations de l’autorité au sein du groupe.
Agressivité autoritaire : Contre les personnes qui violent les valeurs conventionnelles.
Anti-intraception : Opposition à la subjectivité et à l’imagination.
Superstition et stéréotypie : Croyance dans le destin individuel ; pensée en catégories rigides.
Puissance et dureté : Souci de soumission et de domination ; affirmation de la force.
Destructivité et cynisme : hostilité à la nature humaine.
Projectivité : Perception du monde comme dangereux ; tendance à projeter des pulsions inconscientes.
Sexe : Excessive méfiance des les pratiques sexuelles modernes.
Voyons ce que donne la transposition de cette échelle dans notre contexte: l’examen de la pertinence du point de vue d’Adorno sur l’autoritarisme à la lumière de l’hystérie pandémique mondiale actuelle ou de la bataille sur l’intégrité de l’élection présidentielle américaine amène à considérer que, selon l’échelle F, ce sont en fait les progressistes, les libéraux et la soi-disant « gauche » qui manifestent les modèles autoritaires antidémocratiques les plus problématiques:
1. Selon Adorno, les fascistes « adhèrent aux valeurs conventionnelles ».
En 2020, les « valeurs conventionnelles » sont pratiquement dictées par les « normes communautaires » dites « libérales » et « progressistes » telles que définies par Twitter, FB et Google. Ces valeurs conventionnelles sont souvent validées par des « vérificateurs de faits », parfois étayées par des conventions plutôt que par tout ce qui pourrait ressembler à une recherche factuelle, à une étude universitaire ou théorique.
2. Adorno insiste: les Autoritaires se soumettent à des figures d’autorité au sein du groupe.
Mais en 2020, ce sont en fait les progressistes et les libéraux qui adhèrent à « l’autorité épidémiologique de groupe » de Bill Gates. De même Anthony Fauci est pour les progressistes un juge suprême en matière de santé publique. Combien de bévues colossales devrions-nous prendre pour argent comptant à l’Imperial College de Londres avant que cette institution ne soit démantelée ? De même, vous pouvez vous demander qui, en Amérique, a tendance à croire en ces enquêteurs « de groupe » malgré le fait qu’ils se trompent colossalement à chaque fois?
3. Adorno nous dit que les fascistes manifestent une agressivité autoritaire contre les personnes qui violent les valeurs conventionnelles.
Dans l’état actuel des choses, « annuler la culture » est en fait un mode opérationnel progressiste/libéral. Les gens voient leur culture annulée parce qu’ils explorent des points de vue critiques sur des pensées conventionnelles qui sont précieuses pour les progressistes. Ce n’est un secret pour personne que le grand public craint de plus en plus d’exprimer des critiques, et encore moins des doutes sur un certain nombre de questions progressistes, car une telle conduite pourrait conduire à une vile agression.
4. Adorno insiste sur le fait que les fascistes s’opposent à la subjectivité et à l’imagination.
En réalité, ce sont des algorithmes progressistes qui sont mis en place par les « libéraux » sur Twitter et FB pour traquer et punir ceux qui osent explorer des idées subjectives sur COVID-19, Trump, le genre, la Palestine ou Soros. La notion progressiste de politiquement correct est en soi un appel tyrannique visant à supprimer toute forme de subjectivité ou d’imagination.
5. Selon Adorno, les fascistes sont superstitieux et pensent de manière stéréotypée, ils croient au destin individuel et pensent en catégories rigides.
Malheureusement, ce sont en fait les progressistes et les libéraux qui succombent à des catégories rigides telles que « blanc », « privilégié », « théoriciens du complot », « antisémites », « suprémacistes », « racistes ». déplorables » et ainsi de suite. Dans le monde dans lequel nous vivons, un nombre important d’électeurs américains expriment des doutes sur l’intégrité des dernières élections, mais leur voix est institutionnellement ignorée parce qu’ils sont « blancs », « conspirateurs » et plus généralement « déplorables ». De même, de nombreux Occidentaux expriment leur scepticisme à l’égard des vaccins COVID-19, mais les grands médias dits « libéraux » ne veulent pas que leur voix soit entendue et encore moins explorée. Les sceptiques du COVID sont présentés comme des « délirants » et des « théoriciens de la conspiration ». Que ce soit effectivement le cas ou non, il est assez évident que ce sont les progressistes et les libéraux qui opèrent réellement dans un domaine intellectuel rigide fait de catégories strictes.
6. Adorno insiste sur le fait que les fascistes sont obsédés par la domination.
En 2020, ce sont en fait les géants libéraux et progressistes de l’internet, de Google à Amazon, qui célèbrent leur pouvoir de domination en éliminant ceux avec lesquels ils ne sont pas d’accord, en supprimant leurs pages, en tripotant leurs classements et en éliminant pratiquement leurs pensées. C’est ce que signifie brûler des livres en 2020. Vous pouvez également vous demander qui exerce souvent la violence contre les statues, en adhérant à la croyance insensée selon laquelle dégrader une statue équivaut à « réécrire l’histoire ».
7. Les autorités ne peuvent pas regarder leur cynisme en face. Ils sont hostiles à la nature humaine, dit Adorno
Je me demande qui poursuit les comédiens, les artistes, les auteurs, les scientifiques qui osent se moquer des discours hégémoniques contemporains. Combien de livres ont été brûlés par Amazon ? Combien de conférences et de vidéos ont été supprimées par Google/YouTube ? Dans le monde dans lequel nous vivons, ce sont les libéraux et les progressistes qui censurent les élus politiques et épinglent leurs commentaires.
8. Adorno pense que les fascistes perçoivent le monde comme un endroit dangereux et qu’ils ont tendance à attribuer leurs propres pulsions inconscientes aux autres
Dans le monde à l’envers dans lequel nous vivons, ce sont en fait les soi-disant droites et nationalistes qui refusent constamment d’être tourmentées par les menaces mondiales : qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou des pandémies. C’est la « gauche », les libéraux et les progressistes, qui succombent à toutes les mises en garde mondiales possibles, qu’elles soient factuelles ou imaginaires. Comme nous le verrons tout à l’heure, dans le monde où nous vivons, ce n’est pas la droite ou le nationaliste qui « projette » ses symptômes. Ce sont en fait les Américains de droite qui sont altérisés et réprimés au point qu’ils luttent sans que leur vision soit entendue et encore moins discutée par les grands médias.
9. Adorno pense que les fascistes et les autoritaires sont trop préoccupés par les pratiques sexuelles modernes.
C’est le seul critère qui se rapporte véritablement aux conservateurs contemporains. Il est juste d’affirmer que les conservateurs succombent encore à l’idée que le genre est une question binaire. Ils adhèrent également aux valeurs familiales et ecclésiastiques. Toutefois, cela n’a pas nécessairement à voir avec le « fascisme » ou l’ »autoritarisme ». Les personnes qui croient que le genre est une question binaire peuvent souvent plaider leur cause et aussi discuter de tout autre sujet de la manière la plus franche.
Un examen actuel de l’échelle F d’Adorno et de la personnalité autoritaire révèle que ce sont en fait les progressistes et les libéraux qui manifestent la quintessence des tendances fascistes. Alors que la corrélation des conservateurs et des nationalistes contemporains avec l’échelle F ne peut pas dépasser 0,12 (1 trait sur 9), la corrélation des libéraux et des progressistes avec l’échelle F d’Adorno peut atteindre 0,88 (8 sur 9).
Adorno avait-il alors totalement tort ? Pas nécessairement. L’échelle F d’Adorno décrit la condition autoritaire qui est caractéristique de l’hégémonie, de la domination et d’une vision du monde particulièrement exceptionnaliste. Dans les années 1930, certains idéologues nationalistes européens de droite ont évolué vers un exceptionnalisme radical. L’échelle de F décrit leur attitude avec précision. Aujourd’hui, ce sentiment d’exceptionnalisme et d’appartenance à une élite est un territoire progressiste, car les progressistes se trouvent être des personnes qui croient que les autres sont réactionnaires. Les progressistes, en tant que tels, sont des personnes qui se croient supérieures, donc choisies.
La lutte contre l’antisémitisme et les efforts pour comprendre ses racines étaient au cœur du travail d’Adorno et de l’école de Francfort. Bizarrement, l’échelle F d’Adorno est une description adéquate de la condition juive. Chacun des traits autoritaires de l’échelle F d’Adorno peut être retracé au cœur des croyances et de la pensée juives ; le judaïsme est une adhésion autoritaire rigide aux Mitzvoth (valeurs conventionnelles). Il exige le règne total des rabbins (soumission autoritaire). Il ne tolère aucune forme de déviation (Agressivité autoritaire).Il est superstitieux et fait entrer les « goyim » dans un stéréotype (Superstition et stéréotypie), etc. Il est donc plausible que les « attitudes » qu’Adorno attribuait aux fascistes par projection soient celles qu’Adorno a effectivement trouvées en lui-même. Une telle observation du projet d’Adorno validerait le travail du grand philosophe Otto Weininger, qui a proclamé que ce que nous détestons chez les autres est ce que nous détestons en nous-mêmes.
Gilad Atzmon
Atzmon toujours brillant. La bêtise humaine est un mouvement de balance.
Merci pour cet article de la Unz Review, qui est un des plus grands espaces de liberté sur l’internet.