Pour le ministère des Armées, l’option du char franco-allemand E-MBT « se doit d’être considérée »
Source : opex360.com – 24 octobre 2023 – Laurent Lagneau
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Étant donné les difficultés auxquelles ils ont dû faire face depuis leur lancement en 2017 et les obstacles qui ne manqueront sans doute pas de se dresser devant eux à l’avenir, les programmes SCAF [Système de combat aérien du futur] et MGCS [Main Ground Combat System – Système principal de combat terrestre] pourraient ne pas aller jusqu’à leur terme.
Et cette hypothèse n’est pas une vue de l’esprit : elle a été évoquée par Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, la semaine passée, alors qu’il était interrogé sur l’avenir du « segment blindé chenillé » dans l’attente du MGCS ainsi que sur ce que pourrait apporter le char E-MBT, développé par Krauss-Maffei Wegmann et Nexter dans le cadre de leur co-entreprise KNDS.
« Je pense que tout ce qui est fait dans le MGCS aujourd’hui doit nous permettre d’assurer la feuille de route du char lourd, du blindé chenillé. C’est un peu comme le SCAF. Si jamais ça ne marche pas, on aurait déjà développé les briques technologiques qui nous permettraient d’assurer l’avenir de notre aviation de combat. C’est la même chose sur le blindé chenillé dans le cadre du MGCS : on développe des briques qui sont finalement celles dont on aura besoin pour avoir un char lourd à l’horizon des [futurs] besoins opérationnels », a répondu M. Chiva.
Cela étant, dans l’attente de l’arrivée du MGCS, prévue en 2040/45, l’armée de Terre devra prolonger ses chars Leclerc, qui ne seront pas loin d’atteindre les 50 ans de service à cette échéance. D’où la proposition d’acquérir une capacité « intérimaire » qui reposerait sur l’E-MBT de KNDS. Si celle-ci a récemment été soutenue par l’Institut français des relations internationales [IFRI], dans une note sur l’évolution des forces armées allemandes, elle avait été évoquée par le député [LR] Philippe Gosselin, dans une question écrite adressée au ministère des Armées le 28 mars dernier.
Il aura fallu attendre près de sept mois pour avoir une réponse [elle a été publiée dans les pages du Journal officiel le 17 octobre, ndlr].
« Faisant intervenir Nexter et KMW au travers de KNDS, l’E-MBT constitue, sous réserve de son développement, une solution industrielle franco-allemande sur le segment des chars lourds en Europe », a d’abord rappelé le ministère des Armées dans sa réponse. Pour autant, et comme l’a expliqué le général Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT] lors de ses récentes interventions, la priorité va à la modernisation du Leclerc.
« Afin d’éviter toute rupture capacitaire et opérationnelle sur ce segment pour l’armée de Terre, la poursuite de la rénovation des chars Leclerc est la voie la plus crédible pour la France pour le court terme », a en effet expliqué le ministère.
« Toutefois, a-t-il ajouté, pour le long terme et dans le cadre d’une part des travaux nationaux de préparation du successeur au Leclerc et d’autre part au titre des travaux conduits en coopération franco-allemande [projet de système multiplateformes MGCS], cette option se doit d’être condidérée ». Mais il n’en a pas précisé les modalités…
Quoi qu’il en soit, récemment, au Sénat, ayant l’habitude de dire que le MGCS « ne sera ni un nouveau char Leopard ni un nouveau char Leclerc tant les ruptures technologiques seront importantes », le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a dit entendre les « inquiétudes qui peuvent surgir chez Nexter » au sujet de ce programme.
« C’est une entreprise que j’apprécie pour son savoir-faire exigeant, qui lui a valu un satisfecit de l’armée ukrainienne pour les canons CAESAr », a enchaîné le ministre. Mais, a-t-il poursuivi, il « serait suicidaire de considérer que le feu classique serait le seul feu possible entre 2040 et 2070 ». Et d’insister : « Nous ne devons pas veiller uniquement aux intérêts d’une entreprise, mais nous assurer que l’armée de Terre bénéficiera de chars efficaces en 2050. Je ne veux pas que l’on puisse accuser notre génération d’avoir fait un contresens total dans les choix technologiques à mettre en œuvre pour la construction de ce char ».