Caucase : le mémorandum de Trump qui entérine l’humiliation arménienne et l’effacement français

Source : .lejdd.fr – 7 aout 2025 – Raphaëlle Auclert

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Raphaëlle Auclert est enseignante-chercheuse et docteur en Études russes. Spécialiste de la Russie et de la Guerre froide, elle a coécrit Poutine, Lord of warparu en 2024 chez Mareuil Éditions.

Ces 7 et 8 août 2025, une rencontre au sommet réunit à Washington le président américain Donald Trump, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azéri Ilham Aliyev. Les dirigeants s’apprêtent à signer un mémorandum d’entente secret censé poser les bases d’une stabilisation de la région. Cette occasion offrira à chacun le rôle de sa vie : Trump le faiseur de paix se rapprochera à grandes enjambées du Prix Nobel, auquel il pense tous les matins en se rasant, tandis que Pachinian et Aliyev démontreront ainsi leur bonne volonté pour trouver un apaisement après trente ans de guerre entre leurs pays respectifs. Bien que ce document ne soit pas un traité à part entière, qu’il ne prévoie pas d’engagements précis ni de mécanismes pour en assurer l’application, Pachinian s’empresse de l’accepter, sacrifiant au passage les intérêts véritables de son pays pour des chimères de gloire diplomatique.

Le corridor de Zanguezour, tête de pont américaine et grignotage turc dans le Caucase

Le point central de ce document, auquel nous avons eu accès, est l’ouverture dudit « corridor de Zanguezour » traversant sur 42 km la province arménienne de Syunik pour relier l’exclave azerbaïdjanaise de Nakhitchevan au reste du pays. Ce projet, connu également sous l’appellation de Trump’s Bridge pour Bilateral Regional Defence Gateway & Economic corridor ou The Trump Route for International Peace and Prosperity (acronyme TRIPP), sera contrôlé par des structures turques et otaniennes, notamment par une société de gestion américaine qui jouira de droits privilégiés. L’Arménie ne percevra que 30 % des revenus générés par ce corridor.

La signature de ce mémorandum renforcera la présence des États-Unis dans le Caucase du Sud au détriment de la Russie, de l’Iran et des Européens. Trump tirera tout le bénéfice diplomatique de la résolution de ce conflit régional complexe, tandis que la Turquie étendra son influence et avancera ses pions dans l’accomplissement de son ambition panturquiste. Elle s’appuiera pour cela sur son alliance avec l’Azerbaïdjan, qui bénéficie d’avantages économiques et militaires, notamment une connexion directe avec le Nakhitchevan.

La France, traditionnelle puissance d’équilibre dans la région, se trouve définitivement évincée

Après avoir arraché le Haut-Karabakh à l’Arménie en 2020, la création du corridor de Zanguezour est devenue la principale revendication de l’Azerbaïdjan, mais Erevan y résistait. En effet, il signifiait la renonciation à sa souveraineté sur une partie importante de son territoire. Mais cela ne semble pas déranger le Premier ministre arménien ; le mémorandum prévoit même des modifications constitutionnelles, avec renonciation à toute revendication territoriale envers l’Azerbaïdjan, affaiblissant les garanties juridiques d’Erevan et sa position régionale. La France, quant à elle, traditionnelle puissance d’équilibre dans la région, s’en trouvera de fait totalement et définitivement évincée.

La France victime collatérale de ce nouveau deal de Trump

Cette situation porte un coup grave à Paris, qui voit à juste titre le Caucase du Sud comme une plaque tournante des axes de transport et énergétiques reliant l’Europe et l’Asie centrale. La France, leader mondial dans le nucléaire et la sécurité énergétique, compte par ailleurs sur la stabilité de ses approvisionnements en uranium d’Asie centrale, a fortiori après la bérézina nigérienne… En effet, selon Euratom, en 2023, 27 % de ses importations d’uranium provenaient du Kazakhstan et 19 % d’Ouzbékistan. Pour elle, désenclaver et diversifier les routes de transport traversant l’Arménie représenterait une opportunité stratégique majeure. En revanche, l’ouverture d’un corridor sous contrôle américain, turc et azerbaïdjanais réduirait la possibilité d’itinéraires alternatifs. Ainsi, la dépendance européenne vis-à-vis de la Turquie et de l’Azerbaïdjan augmenterait et le rôle de la France comme acteur européen dans la région, lui, s’affaiblirait. Paris serait alors reléguée au rang d’observateur impuissant devant la mainmise des États-Unis et de l’OTAN.

Nikol Pachinian est parfaitement conscient que le peuple arménien ne peut raisonnablement accepter la vente au rabais des intérêts de son pays. C’est pourquoi l’homme politique n’a eu de cesse de marteler que la création du corridor de Zanguezour n’était pas à l’ordre du jour, lui préférant l’expression ambiguë de « carrefour de la paix » qui n’est autre que ce même corridor. Alors qu’en est-il vraiment ? Après la fuite d’informations sur ce projet de mémorandum d’entente fin juillet, confirmant une déclaration émise deux semaines plus tôt par l’ambassadeur américain en Turquie, le dirigeant arménien a nié farouchement l’existence de ce document et s’est bien gardé d’en révéler la teneur à ses compatriotes. Pourtant, sa signature aura lieu demain. La mise en place de ce corridor entraînera une présence militaire étrangère permanente sur le sol arménien, puisque la sécurité en sera confiée à une société militaire privée qui déploiera une force pouvant atteindre 1 000 hommes. En l’acceptant, Pachinian prive de fait l’Arménie de sa souveraineté, bradant les intérêts nationaux au profit des appétits géopolitiques américains et turcs.

Une pensée sur “Caucase : le mémorandum de Trump qui entérine l’humiliation arménienne et l’effacement français

  • 14 août 2025 à 14 h 43 min
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    Il y a Caucase et Caucase…
    Joseph A Schumpeter, qui a enseigné à David Rockefeller à Harvard, écrit (Capitalism, Socialism and Democracy) : « Les vrais stimulateurs du socialisme n’étaient pas les intellectuels ou les agitateurs qui l’ont prêché, mais les Vanderbilt, les Carnegie et les Rockefeller ». Aussi, au lendemain de la révolution bolchevique, la « Standard Oil of New Jersey », propriété des Rockefeller, achetait 50% des gigantesques gisements pétrolifères du Caucase, bien qu’ils fussent officiellement propriété d’Etat. (Cf. Harvey O’Connor, « The Empire of Oil », Monthly Review Press, New York, 1955, p.270). Carroll Quigley, ancien professeur d’histoire à Princeton et à Harvard, a écrit (Tragedy and Hope) : « c’est l’Union Soviétique qui a insisté pour que le Quartier Général des Nations Unies soit établi aux États-Unis. ». Aussi, est-ce une coïncidence si le terrain sur lequel est construit ce Quartier Général a été donné par les Rockefeller ?
    À propos de l’étymologie du mot « Caucase », notons que l’on trouve huit montagnes appelées ainsi par les anciens, ce qui prouve que ce nom cache une signification symbolique. En effet, dans les langues du nord, « Keush » signifie « pur » et « Haus » « demeure », d’où « Caucase » (demeure des hommes purs).
    Dans la Bible, on trouve le mot « Koush » (pur), traduit en latin par « Ethiopiens » (« ethos », mœurs, « ops », terre ; Ethiopie, « terre des hommes purs »). Ce mot « Koush » semble être la racine du mot « Kadosh » (saint).
    C’est peut-être parce que le mot Caucase signifie « demeure des hommes purs » qu’on prétend qu’on y aurait trouvé les restes de l’Arche de Noé.
    Les souvenirs lointains de l’histoire de l’Iran nous disent qu’il y eut autrefois dans ce pays une race de créatures appelées « Dives ». Cette race était regardée comme excellente et supérieure, puisque son nom, resté dans les langues, a servi à désigner l’Etre suprême et le don de l’Esprit le plus élevé. Ce nom renferme tout ce que, aujourd’hui encore, les hommes admirent et honorent le plus sur la Terre.
    Rappelons que Rabelais parlait d’une « Dive bouteille ».
    Les hauts faits des Dives, leurs qualités, les mettaient au-dessus des hommes (mais non au-dessus de la Femme). Les Arabes leur donnent le nom commun de « Jin » (racine du mot femme en grec, « gyn », « gun », « gunè »). Le pays habité par ces « Jin » se nommait « Ginnistan » (selon les mages) ; c’était le séjour des « fées ».
    Depuis que « le diable eut relégué les Dives dans les montagnes sacrées de Caf (Qaf) », on considéra ces montagnes comme les prisons universelles (Le « Ginnistan », l’ancien lieu de délices, devint le « gynécée », la prison des femmes). Ces montagnes, célèbres dans l’antiquité, sont devenues le Caucase même, elles s’étendent de la Mer Noire à la Mer Caspienne. Chacune d’elle a son histoire particulière dont la tradition s’est perpétuée en Russie ; c’est dans les défilés de ces montagnes qu’eurent lieu les batailles des Amazones. Toutes les guerres avec les Dives ont leur théâtre près de ces montagnes, sur les rives de la Mer Noire, c’est là que se trouve le Thermodon.
    Au début du XXème siècle, les femmes que les Russes appelaient des « sorcières » connaissaient ces légendes et les enseignaient. C’est parce qu’elles connaissaient les anciennes luttes de sexes qu’on les vouait à la haine publique, afin d’empêcher qu’elles soient écoutées.
    Rappelons que la « Mer Noire » fut appelée ainsi parce que le peuple qui vivait sur ses bords était féministe.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/perseethindous.html

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