Baptiste Rappin: le grand penseur hypercritique de la « philosophie du management », de la cybernétique et de la théologie expérimentale

Source : geopolitika.ru – 3 octobre2024 – François Mannaz

https://www.geopolitika.ru/fr/article/baptiste-rappin-le-grand-penseur-hypercritique-de-la-philosophie-du-management-de-la

Abonnez-vous au canal Telegram Strategika pour ne rien rater de notre actualité

Pour nous soutenir commandez les livres Strategika : “Globalisme et dépopulation” , « La guerre des USA contre l’Europe » et « Société ouverte contre Eurasie »

Ce Maître de Conférences à l’Université de Lorraine s’est spécialisé dans le management, l’organisation, la régulation. Au fil de ses livres et articles en nombre, se profilent un fin analyste du régime de « l’exception permanente « et le contempteur de la « théologie« qui  y préside . Son axe gravitationnel  va du coaching aux sciences de gestion et culmine dans la cybernétique . Notre homme investigue les surplombs métaphysiques de la technique .  Ce qui l’amènera à questionner » la stratégie de la déconstruction » et à devenir le champion de « l’histoire totale de la forme théologique » (le compliment émane de son Maître Jean-François Mattei). Ce jeune penseur est fin connaisseur de la Trinité infernale de la théo – techno – théocratie qui golémise la planète: Organisation- Information- Management. C’est dire assez qu’il occupe la chaire de ce  »  lieu mythologique où ça sait absolument « (scripsit  son second Maître Pierre Legendre) .

La cybernétique ou le pouvoir direct de la théologie

Il faut partir de l’idée que la technique est tout sauf neutre. Elle est un dispositif qui frappe l’hominidité de toute sa rigueur: il en va de gérer les ressources humaines ! De la sorte, les managers sont les nouveaux théologiens.

L’immense mérite de Baptiste Rappin consiste à penser la translation du théologique dans le technique, le technologique, la cybernétique. Le mouvement théologique a deux obsessions en effet : le contrôle de la planète , de ses peuples, de leurs ressources (oiko-nomia comme oiko-orcétique) d’une part, prévenir tout basculement  dans  la sagesse primordiale des peuples premiers du Nord (diffamés comme « ante-christiques, préadamites, mégalithiques »). Pareil plan réclame de piloter la fraude et de façonner un monde fantasmatique. Ce sera l’affaire de la cybernétique (du grec kybernêtikéin, gouverner, diriger, piloter). Cybernétiser, c’est informer; informer, c’est propagandiser le récit théologique cybernétiquement.

Car la théologie entend élaborer le réel, le figurer, le configurer à l’image et à la ressemblance de la théo-rie théologique. Il lui importe de commander aux âmes , aux consciences , au mental des subjectivités à objectiver. Puis de conduire les conduites au culte auto référentiel  de la prophétie auto réalisatrice dûment algorithmée au dressage confessionnel. De droit, la théologie canonise et entend reformuler le cadre cognitif des peuples, reconstruire la réalité et formater la détermination des masses à l’identité golémique. Le management sera précisément en charge de faire accéder toutes les exactions  à la « condition de possibilité ontologique ». Le projet théologique de s’inscrire en sous-jacence au fond, fractale et tautiste. Tout se managérise: les partis (à la politicoclastie), la triche, le terrorisme, le coaching, le droit, l’industrie, la soumission,… (Rappin écrit sur tout cela).

De la sorte la théologie devient le management du rendre toute réminiscence impossible et « le tout est théologique obligatoire ». Elle se métaphycise en pataphysique de l’exception, régime d’exception, qui se voudraient permanents. Or Rappin attire notre attention sur le fait que l’organisation du monde , parce que « scalaire », ne saurait  structurer que « l’intervalle », l’interrègne , « le temps étiré entre un début et un terme », soit les deux bouts d’un récit processuel dont l’obsolescence est programmée. Il s’agit donc de performatiser la créance théologique contre le monde en miraculisant le « Bien » et en criminalisant le  « Mal » , durant le temps du tempo au temps. Ce faisant, la théologie se passe du religieux ; la cybernétique suffit à cadenasser les peuples à la structure théologique du management sécularisé, laquelle lui confère existence objective. Au besoin, il est fait savoir qu’il conviendrait de retoquer la « Création ».

Telle est la matière des ouvrages intitulés : « Au fondement du Management. Théologie de l’Organisation » volume 1 (2014) ; »Heidegger et la question du Management. Cybernétique, Information et Organisation à l’époque de la planétarisation »(2015) ; « Au régal du management. Le banquet des simulacres « (2017) ; « De l’exception permanente Théologie de l’Organisation » volume 2 (2018) ; « Abécédaire de la déconstruction » (2021) ; ou « Les origines cybernétiques du management contemporain » (2022) .

Après avoir démasqué l’entreprise d’ « effroi catastrocénique », RAPPIN aura entendu identifier les fêlures, les ruptures et vices du régime  de l’exception- exception. Tel est l’objet de son récent travail intitulé « Anachronismes. Éléments pour une philosophie de l’Intempestivité » (2024).

Les ratés de la cybernétique

Notre homme sait pour l’avoir vérifié que toute idée moderne est idée fausse, parce que la théologie qui y préside est sciemment fausse. Quoique fixée à la chute, à la catastrophe, à la déchéance, l’entreprise est vendue comme «  Progrès » ; la réalisation ose primer la réalité; le réalisé vaudrait seul réel. Aussi Rappin peut-il décocher son regard clinique pour diagnostiquer par le menu ce qui cloche, pourquoi cela cloche et pourquoi cela est ingéniérisé pour devoir clocher.

Baptiste Rappin de se jouer des caresses du varan de Komodo et d’isoler la causalité magique de la malfaisance. Il propose au lecteur « huit antagonismes radicaux », « huit  contresens  historiques » au sens unique, huit obstacles incontournables de « désajustement» , de «directions contraires» et de re-configuration au devenir. C’est dire le talent de l’auteur qui manie avec dextérité l’épée de l’hétérotélie contre « l’effroyable cybercléricature théo-pulatrice ».

Le constat de départ est triple: « le cosmos n’est plus; la dévastation a déjà eu lieu; la catastrophe est devenue condition »!

En clair, le truc théologique est à requalifier en schème de mise en chute, de destitution, d’inversion.

Aussi Rappin offre-t-il de se placer « sous la bannière de l’anachronisme » et de foncer au « contresens  historique « . C’est façon pour lui d’inviter à s’insurger contre l’anti-système  , tendre  vers  l’hyper- Source du Holzweg heideggerien du recours  à l’origine des origines, et à faire le sur-saut quantique et qualitatique dans l’excellence, le beau, le chtonique, l’auto-nomie,…

Examinons ces huit « stations hétérotopiques » de sortie du drame du «temps»:

  • La biologie n’est point évolution (à la sauce de Darwin) mais additions de soustractions, de prélèvements, de divergences, de dissociations et de « freins ». La complexité du vivant ne peut se décliner en monovers mais en polyvers, polygénie, polythéie. La « position néoténique » de l’hominidité rejette la saturation à la « spécialisation » téléologisée .
  • La révolution est l’idée neuve qui viendra à bout de la technique du progrès. Elle est frein à la chute ; elle rompt la continuité du plan de chute ; elle tend à rétablir l’harmonie des peuples brisée par la discipline de la machine.
  • L’accident accompagne la technique comme son ombre. Le bris des machines est le talon d’Achille de la technocène (Jean Vioulac) . L’aléa mate, dompte, commande aux maîtres cybernants. L’obsolescence programmée de la théologie se réverbère dans ses productions. La « Création » est marigot de l’imperfection .
  • La théologie paulinienne a cru devoir inventer le concept de katechon. C’est la clé de voûte de son ouvrage et la clé de celui de Rappin. L’institution se retourne en contre-catecontie. Elle ne retient plus, ne fait plus digue, ni ne « retarde », mais s’hystérise en transgression de la transgression. Les horlogers du temps, d’abord bateleurs de la rigueur rivée à la « réparation intégrale «,  dévissent dans l’hyper -omni- transgression initialisée à la théomorphose. Le monde de l’immonde de finir sa sculpture sociale au tout faux.
  • Le spectacle de la marche à l’abîme en « son et lumière « dévoile la théopathie psychopathique des psych-élites. La psychagogie au culte de leur narcissisme vangélise hétérotéliquement la fraude au réel. L’état d’exception se décline en hyper- fascisme . Les peuples n’en peuvent plus de psalmer les fictions, postures et instances du récit hypnotique. Le management managérise la sidération au point de fabriquer des petits Clovis qui brûleront à leur tour ceux qui leur intimèrent d’adorer détruire .
  • Nul ne parle plus que déconstructivement. Langue et langage sont ravalés à sabir monoblogish. La récitation dominante en devient inaudible, incompréhensible, « analogique ». La communication est à la dé-communication. Le commandement vire au dé-commandement. La « société » s’abîme au « n’être rien d’autre qu’un Texte » narrativé à la nausée  par des médiacrates corsaires qui cultent la cybernétique en diablerie. Et ainsi « satar «, le caché,de se dé-voiler et d’advenir .
  • Au bout de la chute, il y a la « kénose du principe théologique. Nul n’y croit plus, à commencer par les théocrates eux-mêmes . Ne reste plus que le plan ; il dézingue en squelette mental agité par un « syndic planétaire «. Mais le message ne prend plus. Le discours se pétrifie , se granularise, s’incestualise aux sables du désert. Tsim-tsoum pataboum ! Kénose est l’autre nom de la décadence ou de l’entropie du défunt récit de mystification. Clap de fin: évidement du theos; dé-théologisation; dé-cybertination. Désormais la puissance redevient hominide et rien qu’hominide; et de déboulonner le management organisé, la technostructure et ses petits dieux.
  • Enfin, la fin de la « condition » techno-théologique La culte-ture dé-culte tous les cultes. C’est la lutte finale des manières de de vivre et des intuitions du monde. La disjonction est là: soumission ou insoumission au système? S’ouvre dès lors l’ espace de la « tenue », de la « retenue », du « maintien ». Faire exception à l’exception, résister aux tentations et menées de l’ingéniérie théo-techno-cybère, briser le mur de verre de la cage (et laisser voir combien çà pue de l’autre côté !).

Pour une philosophie de l’intempestivité

La pertinence du propos est entière. La physique quantique de le conforter qui   dézingue le temps en illusion, récuse le déterminisme, réfute la causalité; propulse le réel historique à la quadridimensionnalité; chiffre l’espace non plus au linéaire mais au sphérique.

Baptiste Rappin nous offre de penser le « sursaut de l’après frayeur », l’anti-catastrophe, l’anti-chute. Il nous invite à nous dresser contre la marche forcée de l’histoire qui n’est point nôtre, à inventer le katechon contre le katechon, à retourner le retournement. Il est déconstructeur de la déconstruction. Il pense et respire la Sophia primordialis et combat la misosophie. Il fait de la « philosophie de l’intempestivité » une… technique hétérodoxe du contre-courant, du contre-temps, de la contre-puissance. Elle signe le bannissement de l’oeuvre cybernée en temps théologique et advenue de l’espace au topos du toujours-là.

C’est un grand livre. Il fera autorité.

Lisons-le.

Une pensée sur “Baptiste Rappin: le grand penseur hypercritique de la « philosophie du management », de la cybernétique et de la théologie expérimentale

  • 9 octobre 2024 à 21 h 09 min
    Permalink

    La frénésie mentale contemporaine, confuse et auto-contemplative, avec son expression néo-pompeuse ridicule voire quasi délirante, et les illusions de son narcissisme débridée, est aux antipodes de la Sagesse et de la Connaissance. La clarté du Véritable s’extériorise toujours avec simplicité.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *