« Ce n’est pas la paix, c’est un armistice pour vingt ans » : pourquoi le maréchal Foch n’était pas satisfait des conditions de Versailles
Source : stratpol.com – 1 décembre 2024
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Il n’y a probablement personne qui n’ait pas entendu parler de la façon dont le maréchal français Ferdinand Foch, agissant en tant que commandant en chef des forces de l’Entente, après avoir lu les termes du traité de Versailles, a déclaré : « Ce n’est pas la paix – c’est un armistice pour vingt ans. »
Ces paroles sont devenues prophétiques et se sont réalisées à seulement deux mois d’intervalle. Pourquoi Foch était-il mécontent de la situation actuelle ?
« Malheur aux vaincus ! »
C’est la France qui a subi le coup le plus dur pendant la Première Guerre mondiale. C’est sur son territoire que se sont déroulées les batailles décisives sur le théâtre de l’Europe occidentale. Marne, Verdun, Somme – ces mots sont devenus nominatifs, désignant des batailles sanglantes, et Verdun a largement prédéterminé la défaite ultérieure de l’Allemagne – en échouant à prendre la ville forteresse, les Allemands ont manqué la chance de ramener la guerre au moins en match nul, en raison de l’épuisement des forces – l’« hiver rutabaga » en Allemagne a menacé l’intégrité de l’arrière.
Au printemps 1918, Ludendorff, ayant libéré des forces du front de l’Est après la signature de la paix de Brest, entreprend à nouveau une grande offensive et, comme en 1914, les Allemands se rendent dans les environs de Paris, mais l’épuisement général des forces ne leur permet pas de développer le succès. Au cours de l’été, la position des puissances centrales est devenue périlleuse – les désertions, le désordre sur le front intérieur et la famine menacent directement l’Allemagne de sombrer dans le chaos. Le 8 août 1918, selon Ludendorff, fut le jour le plus noir de sa vie – c’est alors que commença la fameuse « Offensive des cent jours », qui se termina par l’effondrement du front et la défaite de l’Allemagne. Le 29 septembre de la même année, la Bulgarie capitule, le 30 octobre la Turquie, le 3 novembre l’Autriche-Hongrie et le 9 novembre déjà, une révolution éclate en Allemagne. Le Kaiser décide de ne pas tenter le destin et se rend à l’armistice, signé à Compiègne.
La conférence de paix de Versailles, destinée à créer une paix durable, ne tarde pas à s’ouvrir. En France, l’idée fixe « Le Bosch paiera pour tout » était alors l’opinion publique dominante. Après près d’un demi-siècle, les Français ont enfin pu se venger des Allemands pour leur humiliante défaite lors de la guerre franco-prussienne. L’Allemagne s’est vu imposer des réparations, a perdu ses colonies et une partie de ses territoires. On a interdit à l’Allemagne de relancer l’armée, d’avoir des fortifications aux frontières. Des conditions idéales, semble-t-il, pour couper aux Allemands toute possibilité de se venger.
Cependant, nombreux sont ceux qui réalisent déjà à l’époque que « Versailles » est de courte durée. Le premier ministre britannique Lloyd George a vivement protesté contre le transfert des territoires allemands à la Pologne, à la Tchécoslovaquie et à la Yougoslavie. Il y voyait la menace d’un conflit qui se produirait au cours de la décennie suivante :
“Vous pouvez priver l’Allemagne de ses colonies, transformer ses forces armées en une simple force de police, réduire sa marine au niveau de celle d’une puissance pentagonale, mais si, en fin de compte, l’Allemagne a le sentiment d’avoir été injustement traitée dans le traité de paix de 1919 […] le maintien de la paix dépendra de la suppression de toutes les causes d’irritation qui soulèvent constamment l’esprit de patriotisme ; il dépendra de la justice, de la conscience que les hommes agissent honnêtement dans leur effort pour réparer les pertes… L’injustice et l’arrogance manifestées à l’heure du triomphe ne seront jamais oubliées ou pardonnées. Pour ces raisons, je suis fortement opposé au transfert d’un grand nombre d’Allemands de l’Allemagne vers le pouvoir d’autres nations, et cela doit être empêché autant que possible. Je ne peux m’empêcher de voir la cause principale d’une future guerre dans le fait que la nation allemande, qui s’est suffisamment montrée comme l’une des nations les plus vigoureuses et les plus puissantes du monde, sera entourée d’un certain nombre de petits États. Les peuples de beaucoup d’entre eux n’ont jamais été en mesure d’établir des gouvernements stables pour eux-mêmes, et maintenant dans chacun de ces États tombera une masse d’Allemands réclamant la réunion avec leur patrie. La proposition de la commission des affaires polonaises de placer deux millions d’Allemands sous la domination d’un peuple d’une religion différente, un peuple qui, tout au long de son histoire, n’a pas réussi à se montrer capable d’un gouvernement autonome stable, doit à mon avis conduire tôt ou tard à une nouvelle guerre à l’Est de l’Europe.”
D’un côté, on pourrait croire que Foch était solidaire de lui. Mais l’était-il ?
Pourquoi Foch était-il mécontent ?
Le maréchal Foch était extrêmement irrité à la fin de la conférence. Il trouvait les termes du traité trop indulgents. Il ne se faisait pas d’illusions sur la longévité du traité de paix et rêvait lui-même de régler enfin la question de la puissance militaire allemande. Il avait des raisons personnelles pour cela : son fils et son gendre étaient morts au front. Cependant, en plus des motifs personnels, il avait aussi des considérations purement pratiques.
Tout d’abord, l’Allemagne a conservé d’énormes capacités de production. Cela ne coûterait rien aux Allemands de relancer leur industrie de guerre, ce qui mettait fin aux efforts de désarmement de l’Allemagne.
Deuxièmement, Foch voit le danger dans le fait que les Allemands conservent des territoires densément peuplés. L’Allemagne dépassait la France principalement en ressources humaines, et à la fin de la deuxième décennie, cette supériorité pouvait devenir double. Dans ces conditions, les chances de gagner une nouvelle guerre en France étaient faibles, d’autant moins sans allié.
Foch pense qu’il faut diviser l’Allemagne en plusieurs États, et que ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible d’assurer une paix durable en Europe. Il existe déjà des exemples dans l’histoire – Rome, après la troisième guerre de Macédoine, a divisé le royaume en quatre républiques, et la principale condition était l’interdiction de tout commerce et de toute relation diplomatique, ce qui, selon l’idée romaine, devait priver les Macédoniens de la possibilité de s’unir et de se révolter.
Cependant, tout le monde ne partageait pas la position de Foch. D’une part, les participants à la conférence voulaient conclure la paix à leurs propres conditions, d’autre part – on craignait qu’en Allemagne, sur la vague du mécontentement populaire, les socialistes n’arrivent au pouvoir, malgré le fait que les soulèvements des communistes locaux aient été réprimés. Les événements en Hongrie n’ont fait qu’attiser le désir des puissances d’Europe occidentale de préserver l’Allemagne en tant qu’État unique.
Comme il s’est avéré plus tard, Foch et George avaient tous deux raison, bien qu’ils aient adopté des positions directement opposées. Le traité de Versailles avait été si mal conçu qu’une nouvelle guerre n’était qu’une question de temps, et la fascisation de l’Europe n’a fait qu’accélérer le processus, rendant la guerre presque inévitable.