Le calvaire palestinien : Chronique d’un conflit séculaire et de la dérive du droit

Source : reseauinternational.net – 19 avril 2023 – Chems Eddine Chitour

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« Si j’étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal, nous avons pris leur pays. C’est vrai que Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela les concerne ? Il y a eu l’antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce de leur faute ? Nous avons volé leur pays. Pourquoi devraient-ils l’accepter ? » (David Ben Gourion, Premier ministre d’Israël)

Résumé

On aura tout rapporté ad nauseam des exactions de l’État d’Israël contre les Palestiniens. En fait, le calvaire palestinien a démarré quand l’Angleterre, puissance mandatante, décide d’offrir la Palestine pour abriter les juifs de la diaspora. Le 2 novembre 1917, Arthur Balfour déclare dans une lettre envoyée à lord Rothschild : « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement, en Palestine, d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif. »

En fait, Israël, en confiant le poste de ministre à un adepte de l’extrême droite, précipite la solution du conflit opposant la Palestine originelle et Israël, soit dans le sens d’un apaisement pour la création de deux États, soit ce sera la solution finale prélude à un Armageddon local.

Pour rappel, le 29 novembre 1947, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 181 qui prévoit le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe. Dès le départ, les Palestiniens se trouvent dépossédés de plus de 50% des terres. En vertu des accords sécuritaires israélo-palestiniens, élaborés en 1993, la police de l’Autorité palestinienne n’a pas le droit d’utiliser la force contre les colons en cas d’attaque, mais doit s’en remettre aux autorités israéliennes. Elle est aussi tenue de coopérer pour cibler et interpeller les militants palestiniens constituant un « danger potentiel » vis-à-vis d’Israël.

Pour rappel, la première Intifada eut lieu le 9 décembre 1987. Le 28 septembre 2000 débute la seconde Intifada ou Intifada al-Aqsa. Le déclenchement de l’Intifada serait dû à la visite de l’Esplanade des Mosquées par Ariel Sharon. Bien plus tard, le dernier carnage remonte à juillet 2014. Les Israéliens ont provoqué des dégâts sans équivalent depuis 1967, avec plus de deux mille morts, dont cinq cents enfants. Dans le même temps, Abbas maintient sa coopération sécuritaire avec l’armée d’occupation. Depuis les accords d’Abraham, la donne a changé ; on demande aux Palestiniens de se contenter de leur sort de deuxième collège et de s’intégrer dans la dynamique marchande des signataires qui acceptent le fait accompli.

Al-Aqsa et ses fidèles attaqués. Toute la Palestine en ébullition

Une nouvelle provocation sur l’Esplanade des Mosquées. Le directeur de la mosquée, Ghassan Al-Rajabi, déclare : « Les forces d’occupation ont fermé la mosquée Ibrahimi et empêché l’entrée des fidèles, et en retour l’ont ouverte aux colons ». Pour ce faire, les forces d’occupation israéliennes ont attaqué la mosquée Al-Aqsa et les Palestiniens qui s’y trouvaient en retraite spirituelle. À coups de crosses, de gaz lacrymo et de grenades assourdissantes, ils ont blessé de très nombreux Palestiniens, dont des femmes et des enfants, empêchant le Croissant-Rouge de les secourir. Ils ont démoli une partie du mur de la Mosquée afin d’effectuer leur assaut. Puis, ils se sont livrés à une effroyable chasse à l’homme, dans et autour de la Mosquée. Le nombre d’arrestations à la mosquée Al-Aqsa se chiffre par centaines. Tout le reste de la Palestine, en Cisjordanie, dans les territoires dits « israéliens » comme Acre, Majd al-Krum, Lod, Ramla, Sakhnin, et Umm al-Fahm, ainsi que la bande de Ghaza sont en ébullition, avec de violents affrontements un peu partout.1

« Les attaques surviennent après que des musulmans ont été expulsés de force du lieu saint. Les fidèles palestiniens de la Mosquée Al-Aqsa ont une fois encore été attaqués par la police israélienne, au lendemain de leur expulsion de force de l’enceinte pour permettre à des dizaines de colons israéliens d’entrer pour la fête de la Pâque juive. Les organisations extrémistes israéliennes du Temple ont appelé leurs partisans à prendre d’assaut Al-Aqsa pendant la Pâque juive qui s’achève la semaine prochaine. Près de 200 colons ont pris d’assaut Al-Aqsa sous l’égide de la police israélienne jeudi (…) Selon des habitants de Jérusalem interrogés par Arab News, ces mesures répressives ont pour but de jeter l’opprobre sur la Jordanie et de montrer que ses dirigeants sont incapables de protéger le site sacré. Depuis 1924, la Jordanie est le gardien des lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem ».2

Pour rappel, en 2017, pour le même motif, la police israélienne avait attaqué et mis en détention les gardes d’Al-Aqsa alors que des centaines d’Israéliens envahissaient le site sacré. Le directeur adjoint d’Al-Aqsa, Cheikh Omar al-Kiswani, a déclaré que la police israélienne d’occupation a agressé un groupe de quatre gardes de la mosquée à la porte des Lions, il a affirmé que plus de 700 colons israéliens ont envahi l’esplanade, représentant un « nombre sans précédent de colons qui ont attaqué le complexe ».3

L’ONU appelle à la fin des violences, dissensions palestiniennes

À peine trois semaines auparavant, et dans le même ordre de l’impunité, l’ONU appelle à l’arrêt des violences. Mettant sur le même plan agresseur séculaire et des Palestiniens excédés : « Elle a exhorté Israël et les Palestiniens à mettre un terme « immédiatement » à la violence, au lendemain d’un raid israélien meurtrier en Cisjordanie occupée, révélateur du degré de tension entre les deux camps, mais aussi de dissensions internes palestiniennes. À Naplouse, les funérailles de Khrouchah ont été marquées mercredi par une altercation entre la sécurité palestinienne et des membres du cortège de deuil. Selon un correspondant de l’AFP, les insultes ont fusé de la procession, comparant les policiers déployés alentour et les autorités palestiniennes à des « prostituées » et des « espions » pour le compte d’Israël, ce à quoi la police a répondu par des tirs de grenades assourdissantes et lacrymogènes. Abdelatif Qanou, porte-parole du Hamas, a accusé l’Autorité palestinienne « d’offrir un service gratuit à l’occupant […] pour enterrer la résistance » et de « nager à contre-courant et contre la volonté [du] peuple » par « son comportement scandaleux ». »4

Qui éteindra les flammes en Cisjordanie ?

Toujours dans le même ordre de l’impunité, le professeur Yossi Mekelberg, un universitaire israélien excédé par les méfaits des colons extrémistes, écrit : « Commettre un pogrom contre des innocents à Huwara est un acte de terrorisme particulièrement inacceptable et impardonnable ». Il s’en explique en décrivant la mise à sac de la ville de Huwara par une horde de sionistes : « L’année 2023 a commencé il y a deux mois à peine et déjà 66 Palestiniens, militants et civils, et 13 Israéliens, dont un policier paramilitaire, ont été tués (…) La scène montrant 400 colons israéliens saccager la ville palestinienne de Huwara en Cisjordanie et y incendier des maisons et des voitures est la plus alarmante depuis bien longtemps. (…) À son habituelle manière irresponsable et désinvolte, le ministre israélien de la Sécurité, Itamar Ben-Gvir, a déclaré : « Ce qui s’est passé en Jordanie (si cela s’est produit) restera en Jordanie ». En d’autres termes, son parti et lui n’ont aucune obligation d’y adhérer, tandis que d’autres politiciens de droite ont exprimé leur sympathie à l’égard des vandales qui ont attaqué Huwara, sans parler de ceux qui encouragent de tels actes criminels. Tout Israélien honnête devrait se distancier de ces gangs de colons-terroristes. Par ailleurs, les autorités devraient arrêter de les ménager et s’assurer qu’ils soient traduits en justice. À court terme, ce qui est encore plus préoccupant, c’est la croyance populaire parmi les colons israéliens en Cisjordanie, et non sans fondement, qu’ils ont enfin un gouvernement qui les représente vraiment et mettra en œuvre leur idéologie religieuse messianique. Il fermera les yeux sur les attaques terroristes contre les Palestiniens, les colons se comportent comme une milice armée alors que Tsahal ne veut pas ou a trop peur de les arrêter ».5

Qui est Itamar Ben-Gvir comme Sharon le « déclencheur de la 2ème Intifadha ? »

Corentin Pennarguear du journal Le Monde écrit : « Peu connu en dehors de ses frontières, Itamar Ben-Gvir a réalisé une campagne de « rock star » en Israël. Ce député d’extrême droite, ouvertement raciste et partisan d’une annexion totale de la Cisjordanie, a labouré l’État hébreu du nord au sud. Partout, des foules de jeunes Israéliens l’ont acclamé. Partout, cette jeunesse chantait « mort aux terroristes ». Souvent, elle clamait « mort aux Arabes ». »6

L’OCI dénonce les incursions israéliennes dans la Mosquée Al-Aqsa

Les pays arabes ont protesté. L’Assemblée nationale algérienne a pris l’initiative de réunir par visioconférence les représentants de plusieurs pays arabes pour dénoncer ce dérapage. De même, l’OCI a qualifié ces incidents d’escalade grave et condamné l’agression continue des Israéliens contre la ville sainte, ainsi que les attaques contre les fidèles. L’Organisation a condamné les incursions en violation flagrante du droit international. Elle a souligné qu’Israël n’a aucune souveraineté sur aucune partie de la Mosquée Al-Aqsa et que les fidèles musulmans ont le droit d’y prier librement et en toute sécurité. L’OCI a exhorté la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité des Nations unies, à agir de toute urgence et à prendre toutes les mesures afin de mettre fin à l’escalade israélienne7

Depuis 1948, Israël ignore les résolutions de l’ONU

Marie Verdier du journal La Croix décrit quelques résolutions à l’occasion d’un fait accompli : « Le gouvernement israélien a déclaré qu’il ne respecterait pas la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU du 23 décembre 2016 condamnant sa politique de colonisation des territoires palestiniens. Depuis sa création, le Conseil de sécurité a adopté 226 résolutions sur le conflit israélo-palestinien, dont nombre n’ont jamais été suivies d’effet. Israël doit cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est. Les autorités israéliennes ont vertement réagi à la résolution 2334 adoptée le vendredi 23 décembre 2016 par le Conseil de sécurité de l’ONU par 14 des 15 membres permanents et non permanents, grâce à l’abstention inhabituelle des États-Unis. « Israël rejette cette résolution anti-israélienne honteuse des Nations unies et ne s’y conformera pas », a d’emblée fait savoir le gouvernement de Benyamin Netanyahou dans un communiqué. La politique de colonisation par-delà les frontières de 1967 se poursuit sans relâche, le nombre de colons étant dorénavant estimé à environ 430 000 en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupée ».8

« Et nombre de résolutions n’ont pas été respectées, à commencer évidemment par le plan de partage adopté le 29 novembre 1947 qui mettait fin au mandat britannique sur la Palestine et recommandait la création, dès l’année 1948, de deux États, l’un juif, l’autre arabe, en prévoyant un régime international pour Jérusalem. Après la guerre des six jours de juin 1967, le Conseil de sécurité a ainsi adopté à l’unanimité en novembre la résolution 242 portant sur le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit » et affirmant la « nécessité » de « réaliser un juste règlement de la question des réfugiés » et de « garantir l’inviolabilité territoriale et l’indépendance politique de chaque État de la région ». »[8]

« En mai 1968, la résolution 252 réaffirme que « l’acquisition de territoires par la conquête militaire est inadmissible » et considère « non valides » les mesures telles que « l’expropriation de terres et de biens immobiliers qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem ». » Dans la résolution 446 du 22 mars 1979, le Conseil de sécurité considérait à l’époque que «la politique et les pratiques israéliennes consistant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967 n’ont aucune validité en droit ».[8]

Israël : Le deux poids, deux mesures de l’Europe et de l’Occident

Comme on le sait, les États-Unis ont usé plus de trente fois de leur droit de veto pour bloquer des résolutions concernant Israël. Il en est de même de tout les vassaux européens de l’Empire tétanisés par Israël : « Depuis quelques jours, lit-on sur le site TSA, l’armée israélienne tue des jeunes Palestiniens en Cisjordanie, bombarde la bande de Ghaza et démolit des maisons palestiniennes. Tout a commencé par une énième provocation de l’armée d’occupation qui a fait irruption mercredi dernier dans la Mosquée d’Al Aqsa, en plein mois de Ramadhan. Depuis le début de l’année, 92 Palestiniens, en majorité des jeunes, ont été tués par la police et l’armée israéliennes, devant le silence assourdissant des pays occidentaux. Cette notion de deux poids, deux mesures a été reprise par un courageux député européen qui a tenu à annoncer cette vérité à la face de l’Europe : « Jusqu’à quand Israël continuera-t-il à agir en toute impunité et devant l’indifférence de l’Occident ? »9

Pour Marc Botenga, ce gouvernement « avoue ouvertement » qu’il viole le droit international. Il cite aussi le cas d’un ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, qui a appelé à raser le village palestinien de Huwara et qui a nié l’existence du peuple palestinien.

En présence de Josep Borrell, vice-président de la Commission européenne et haut représentant pour la politique étrangère, le député s’est dit convaincu que l’Europe et le reste du monde auraient bougé si un autre État avait fait « la moitié du quart » de ce que fait subir Israël aux Palestiniens. « Prenons des sanctions ou suspendons pour le moins l’accord d’association », a-t-il suggéré.[9]

32 experts appellent la CPI à enquêter sur les crimes ayant lieu en Palestine

Dans le même ordre, d’un appel à un coup d’arrêt à l’impunité d’Israël, le 23 mars 2023, 32 experts ont signé une lettre à destination du procureur de la CPI, Karim A. A. Khan, et l’invite à enquêter sur les crimes commis sur le territoire occupé de la Palestine. « Alors que la situation des droits de l’Homme en Palestine occupée ne cesse de se détériorer et constitue une violation systémique du droit international, la CPI est grandement invitée à ouvrir une enquête sur ces crimes perpétrés en toute impunité. Il s’agit d’actes pouvant constituer des attaques contre des civils, des arrestations et détentions provisoires ou encore des démolitions forcées et destructions massives. En vue de cela, ces experts de l’ONU ont exprimé leur inquiétude en signant cette lettre, en espérant restaurer le droit international et ainsi mettre fin à ces crimes de guerre commis en toute impunité ».10

L’avenir incertain de la Palestine à la Cour pénale internationale

On l’aura compris, aucune réponse de la CPI. On peut se poser la question : pourquoi l’impunité pour Israël ? Le veto américain n’explique pas tout ! Insaf Rezagui et Mohammed Qawasma ont rapporté méthodiquement le parcours du combattant de l’Autorité Palestinienne à la Cour pénale internationale et l’enlisement de la cause palestinienne en face d’un occupant du droit du fort et qui dicte la norme à l’Occident et d’une CPI qui actionne sous ordre.

Nous lisons : « Alors qu’une nouvelle vague de violence entre Israël et les Palestiniens a déjà causé la mort de près de cent personnes depuis le début de l’année 2023, la Palestine continue de mobiliser la Cour pénale internationale, au regard d’événements qui se sont produits depuis 2014. En 2009, l’armée israélienne mène une offensive militaire, l’opération « Plomb durci », dans la bande de Gaza. Près de 1500 Palestiniens, dont 82% de civils, et trois civils et neuf militaires israéliens sont tués. L’AP entame alors une nouvelle stratégie internationale qui vise à investir les organisations internationales pour obtenir une reconnaissance de l’État de Palestine. Cette stratégie a trois objectifs : démontrer la capacité de la Palestine à agir comme un État ; mettre fin à l’impunité des dirigeants israéliens dans le cadre de l’occupation militaire ; rééquilibrer les rapports de force entre les Israéliens et les Palestiniens pour contraindre Israël à revenir à la table des négociations. La Cour pénale internationale (CPI) occupe une place centrale dans cette stratégie ».11

« Trois jours après la fin de la guerre à Gaza poursuivent les deux auteurs, le 21 janvier 2009, l’Autorité palestinienne fait une déclaration reconnaissant la compétence de la Cour et demande au procureur d’ouvrir une enquête concernant des allégations de crimes de guerre commis sur le territoire palestinien. Organisation internationale basée à La Haye, la Cour pénale internationale (CPI) a pour but de lutter contre l’impunité des individus – et non des États. La Palestine est le dernier membre à y avoir adhéré, en 2015.  En avril 2012, Moreno-Ocampo affirme qu’en raison de l’absence de clarification quant au statut étatique de la Palestine, il ne peut ouvrir d’enquête. Ce statut, octroyé par un vote de l’Assemblée générale de l’ONU, est une alternative au statut d’État membre de l’ONU ».[11]

« Le 29 novembre 2012 poursuivent les auteurs, la Palestine obtient le statut d’État non-membre. Grâce à ce statut, l’Autorité palestinienne peut adhérer à tous les traités internationaux ayant pour dépositaire le secrétaire général de l’ONU, ce qui est le cas du Statut de Rome. Depuis Le 1er avril 2015, la Palestine devient officiellement un État partie à la CPI et, dans le même temps, la nouvelle procureure, Fatou Bensouda, ouvre un examen préliminaire de la situation. Le 20 décembre 2019, Bensouda affirme que tous les critères sont réunis pour ouvrir une enquête et qu’il existe « une base raisonnable de croire que des crimes de guerre ont été commis ou sont en train d’être commis en Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est et la bande de Gaza ». (…) La procureure annonce l’ouverture de son enquête au sujet de « la situation dans l’État de Palestine ». »[11]

Les atermoiements du nouveau procureur A Khan

Pourquoi la CPI, si prompte à dégainer un mandat d’arrêt à la vitesse de la lumière contre le président Poutine pour des motifs mesquins, ne fait-elle rien s’agissant des centaines d’agressions subies par les Palestiniens depuis plus de vingt ans ? « Depuis 2021, l’enquête n’a connu aucune avancée. Le nouveau procureur, Karim Khan, en poste depuis juin 2021, ne s’est jamais rendu dans les territoires palestiniens et se contente, en décembre dernier, d’annoncer son intention de « visiter » la Palestine. Depuis, de nouvelles opérations et des raids militaires israéliens ont eu lieu dans la vieille ville de Jérusalem, sur l’esplanade des Mosquées, dans la bande de Gaza et dans de nombreuses villes de Cisjordanie ».[11]

 « Les auteurs avancent une explication concernant le blocage du dossier palestinien : « Plusieurs raisons expliquent la paralysie du dossier palestinien à la CPI. Tout d’abord, les autorités israéliennes n’entendent pas coopérer avec le procureur. De plus, l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 renforce cette nécessité de priorisation des dossiers. Pour mener son enquête en Ukraine, Khan peut compter sur un soutien financier, humain et politique de la part des pays européens, ce qui n’est pas le cas dans le dossier palestinien. Tout cela démontre la capacité de la justice pénale internationale à fonctionner, dès lors que la société internationale s’investit. L’idée d’un « deux poids, deux mesures » traverse l’appareil politique et la population palestiniens ».[11]

La vie à Ghaza et en Cisjordanie : Chronique du désespoir et des  temps morts  

On l’aura compris , les Jeunes sont livrés à eux-mêmes . Les dirigeants palestiniens auto-proclamés ont perdu  leur légitimité  voire leur magister moral aussi bien en cis Jordanie avec une Autorité Palestinienne à la fin d’un cycle , qu’à  Ghaza avec le Hamas Dans une interview à France 24, Ghaith al-Omari, ancien négociateur palestinien à Oslo, conseiller du président Mahmoud Abbas jusqu’en 2006, recyclé comme chercheur au Washington Institute for Near East Policy, nous informe que la situation est catastrophique à Ghaza et en Cisjordanie du fait de l’occupation. En zoomant sur les politiques d’abord du mouvement islamiste Hamas et de l’OLP qu’il renvoie dos à dos, il nous apprend au passage que la corruption est structurelle aussi bien à Ghaza avec le Hamas qu’en Cisjordanie. Enfin, il nous informe que Mahmoud Abbas est usé et qu’il doit passer la main.

L’ex-négociateur propose d’exploiter les opportunités économiques avec Israël

« Aujourd’hui, déclare-t-il, à Ghaza ou en Cisjordanie occupée, la situation est totalement désespérée pour les jeunes Palestiniens. La possibilité de trouver un emploi dans ce territoire est inexistante. C’est pourquoi nous voyons tant de jeunes de Gaza prendre d’énormes risques pour émigrer via la mer Méditerranée. D’autres décident de prendre les armes et de rejoindre les groupes armés. En Cisjordanie occupée, la situation est également sans espoir. L’occupation israélienne limite le développement économique. Selon de récents sondages menés par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, environ 80% des Palestiniens estiment que l’Autorité palestinienne est corrompue et génère elle aussi un manque d’opportunités pour la jeune génération. Ce n’est pas seulement l’économie qui est morte dans ces deux territoires, les Palestiniens n’ont pas confiance dans les intentions d’Israël d’aller de l’avant, et n’ont pas plus confiance dans leurs gouvernants pour améliorer leur quotidien ».12

Ghaith al-Omari ne croit pas à un État de tous les citoyens ; mieux, il suggère que les Palestiniens coopèrent avec Israël en taisant toute velléité d’autonomie : « (…) L’idée d’un État unique n’est pas une bonne solution. (…) En fin de compte, seule la solution à deux États, où chaque nation peut exprimer ses aspirations et son identité, est valable (…) Il faut réformer l’Autorité palestinienne et faire renaître l’espoir dans la validité de la coopération en encourageant les initiatives économiques conjointes et en poursuivant la coopération en matière de sécurité. (…) Donc le seul moyen de résoudre ce conflit est le dialogue ».[12]

Enfin, Ghaith al-Omari nous informe qu’à propos des accords d’Abraham, « les leaders palestiniens ne réalisent pas que la région est en train de changer ». Il déclare : « Nous assistons à une toute nouvelle façon de faire de la politique au Moyen-Orient, impulsée par les pays du Golfe. Je pense que les leaders palestiniens vivent toujours dans le passé. Le bon vieux temps des idéologies disparaît lentement, les temps du panarabisme, du panislamisme, du nassérisme ne sont plus dominants. C’est une réalité. La question qui se pose donc aux Palestiniens, alors que tout le monde est concentré sur ses propres intérêts, est de savoir s’ils peuvent trouver un moyen de tirer profit de la nouvelle donne, ou s’ils se contentent de rester sur la touche et regarder l’Histoire passer devant eux. (…) S’ils s’engagent, ils obtiendront un soutien politique arabe accru. Au-delà du soutien politique, il peut également y avoir des possibilités dans le domaine économique. (…) Les Israéliens se sont presque habitués aux critiques en provenance de l’Égypte et de la Jordanie. Ils ne les prennent pas tellement au sérieux, mais lorsque leurs nouveaux partenaires émettent des critiques, ils les écoutent parce que ces accords sont très populaires en Israël. Nous savons que le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, voudrait multiplier les provocations à Jérusalem. Or, c’est la crainte de voir les Émirats arabes unis, qui ont développé des relations très profondes et très rapides avec Israël, couper les relations qui pousse Benjamin Netanyahu à faire pression sur son ministre pour qu’il s’abstienne de passer à l’action ».13

« Aujourd’hui, lorsque la communauté internationale observe le monde (…) en termes de risques, la question israélo-palestinienne qui nous concerne a donc été éclipsée par d’autres conflits. Les Occidentaux et les acteurs régionaux ont compris que les Palestiniens sont trop faibles pour conclure un accord, et que les Israéliens ne sont pas intéressés par cette perspective. Les leaders politiques cherchent donc des opportunités ailleurs, et c’est pourquoi les accords d’Abraham sont populaires. Même les nouveaux alliés d’Israël, comme les Émirats arabes unis, se retrouvent à le critiquer en permanence. C’est une chose d’ignorer ce conflit, mais si la situation dégénère, en particulier du côté de Jérusalem, cela peut avoir des répercussions sur le monde arabe et le monde musulman. C’est donc un rappel que cette question ne peut pas être complètement ignorée ».[13]

Conclusion

Ce qui s’est passé sur l’Esplanade des Mosquées est grave en ce sens, que la dernière ligne rouge du « sacré » a sauté. Plus rien n’arrête le rouleau compresseur de l’extrême religieuse. El Qods sera à terme judaïsé. Aussi bien le roi de Jordanie gardien des lieux depuis un siècle et même le Maroc en temps que responsable du Comite El Qods n’ont protesté. Comme les autres pays Arabes, ils acceptent le fait accompli. Où sont les Arabes et leurs rodomontades, eux qui disposent de deux tiers des réserves pétrolières du monde ? Eux qui n’ont cessé de servir de variables d’ajustement tétanisés par Israël et l’Occident. Peuples des beaux départs d’après Lawrence d’Arabie, mais au final ils sont englués dans les temps morts.

Pourtant, la situation de marasme a connu un éveil grâce à l’Algérie qui a fait le tour de force de mettre les différents protagonistes autour d’une table leur demandant d’aller vers l’unité en novembre 2022. Pour rappel, c’est à Alger que fut promulgué l’acte de naissance de l’État de Palestine il y a trente-cinq ans. Yasser Arafat annonçait la création d’un État palestinien avec comme capitale Jérusalem devant le Conseil national palestinien. L’OLP reconnaissait de facto l’existence de l’État d’Israël et ouvrait la voie à une solution à deux États. Depuis, c’est le brouillard et les différents protagonistes palestiniens s’habituent au statut quo chacun ayant ses protecteurs qui les maintiennent sous perfusion.

La réalité est qu’Israël est sur une dynamique d’un État unique d’apartheid. Il se veut État juif aseptisé de ses Arabes même israéliens qui auront, à terme, vocation à être transférés vers le territoire en peau de léopard laissé aux Palestiniens. Le « négociateur palestinien » Ghaith al-Omari ne propose pas autre chose qu’une reddition en rase compagne sous l’aile protectrice des Accords d’Abraham. Il restitue cependant, le sentiment des pays du Golfe qui pensent régler le problème palestinien à coups de dollars sous la tutelle technologique israélienne. Toute la lutte, les milliers de morts, les centaines de milliers de la Nekba, pour rien !

Les Palestiniens deviendront des marchands oubliant leur passé et s’inscrivant dans la realpolitik des accords d’Abraham. Ils auront du travail dans une nouvelle configuration où Israël fournit l’intelligence et les Arabes nantis financeront… Israël, État d’apartheid avec deux populations et deux collèges, continue à bafouer le droit international. Les Palestiniens veulent vivre en paix. Le moment est venu dans cette nouvelle dynamique mondiale multipolaire de penser à restituer aux Palestiniens leur dignité et leur donner des raisons de vivre dignement sur moins de 18% qui restent de la Palestine. La ligne rouge du sanctuaire de l’esplanade des Mosquées a sauté. La colonisation continue à grande vitesse. 500 000 colons sur la terre de Palestine. Ainsi va le monde de la compromission.14

NOTES:

  1. https://oumma.com/al-aqsa-et-ses-fideles-attaques-toute-la-palestine-en-ebullition 5 avril 2023
  2. Mohammed Najib https://www.arabnews.fr/node/monde-arabe 7avril 2023
  3. http://arretsurinfo.ch/aides-par-la-police-israelienne-des-centaines-de-colons-envahissent-lesplanade-des-mosquees 27 mai 2017
  4. https://www.arabnews.fr/node/monde-arabe 8 mars 2023
  5. Yossi Mekelberg https://www.arabnews.fr/node/yossi-mekelberg 09 mars 2023
  6. Corentin Pennarguear https://www.lexpress.fr/conflit-israelo-palestinien-les-illusions-perdues-de-la-jeunesse 7 novembre 2022
  7. https://www.arabnews.fr/node/monde-arabe 9 avril 2023
  8. Marie Verdier https://www.la-croix.com/Depuis-1947-Israel-fait-resolutions-lONU 26 décembre 2016
  9. https://www.tsa-algerie.dz/israel-le-deux-poids-deux-mesures-de-leurope-et-de-loccident
  10. https://oumma.com/32-experts-appellent-la-cour-penale-internationale-a-enqueter-sur-les-crimes-ayant-lieu-en-palestine 12 avril 2023
  11. Insaf Rezagui, Mohammed Qawasma https://theconversation.com/lavenir-incertain-de-la-palestine-a-la-cour-penale-internationale 10 avril 2023
  12. Marc Daou https://www.france 24.com/2023/03/26/à-gaza-ou-en-cisjordanie-la-situation-est-totalement-désespérée-pour-les-jeunes-palestiniens
  13. Marc Daou https://www.france24.com/2023/04/05/accords-d-abraham-les-leaders-palestiniens-ne-réalisent-pas-que-la-région-est-en-train-de-changer
  14. Chems Eddine Chitour : « Le calvaire Palestinien », Préface Smail Hamdani Éditions Casbah 2012.

Une pensée sur “Le calvaire palestinien : Chronique d’un conflit séculaire et de la dérive du droit

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