Chrétien de Troyes et les grands mystères de la canicule – Nicolas Bonnal

Par Nicolas Bonnal

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La chaleur…
Nous voici à nouveau en période de canicule. Elle est terrible où je vis. La canicule rend dépressif (pic
de suicides en août), peut tuer même et causer des guerres (août quatorze…) et elle a toujours été
redoutée. Les clergés païens de jadis savaient mieux que Bergoglio comment l’encadrer, nos écrivains
aussi puisque le plus grand d’entre eux, Chrétien de Troyes consacra son meilleur roman à cette
canicule, et au chevalier au lion (ou au chien) qui l’accompagne.
Voyons le dictionnaire :
Canicule vient du latin Canicula, qui signifie «chien», en liaison avec Sirius, étoile  principale de
la constellation du Grand Chien. Elle ne concerne donc à l’origine que la période annuelle du 24 juillet
au 24 août, où cette étoile se couche et se lève en même temps que le Soleil, ce qui avait laissé
penser aux anciens qu’il existait un lien entre l’apparition de cette étoile et les grandes chaleurs (1).
Le grand Pline l’Ancien ajoutait : « Quant à la Canicule, qui ignore que, se levant, elle allume l’ardeur
du soleil ? Les effets de cet astre sont les plus puissants sur la terre : les mers bouillonnent à son
lever, les vins fermentent dans les celliers, les eaux stagnantes s’agitent.  Les chiens aussi sont plus
exposés à la rage durant tout cet intervalle de temps ; cela n’est pas douteux (2). »
Encadrée car redoutée, la canicule était ainsi fêtée au temps des romains (au passage faisons la pub
pour les Fastes d’Ovide, notre livre de chevet, absolument essentiel) :
Dans la Rome antique, le début de la Canicule était célébré par la fête de  Neptunalia  (le 24 juillet), on
lui attribuait de mauvaises influences (maladies causées par la chaleur et hurlements des chiens) et
on tentait de conjurer l’influence néfaste de Sirius sur les moissons en immolant des chiens roux
comme le soleil. La Canicule s’achevait par la fête de Vulcania le 24 août ; c’est notre saint
Barthélémy (quand je vous disais qu’il y avait un lien…).
La canicule est liée au chasseur Orion (que reprend Tolkien dans le Silmarillion) et à Sirius (Huan pour
les amateurs). Le nom Sirius vient du grec « Σείριος » via le latin Sirius, signifiant « ardent ». C’était le
nom du chien que possédait le personnage de la mythologie grecque Orion éponyme de la
constellation Orion, qui se situe à proximité immédiate de Sirius, qui lui-même fait partie du Grand
Chien. Orion et le Grand Chien furent placés dans le ciel à la suite du décès du grand chasseur.
Nous en venons au Chevalier au lion. Pour avoir raté un rendez-vous courtois après la Saint-Jean, un
chevalier est éconduit par sa Belle (une fée qui commande au Temps avec sa savante servante 
Lunette – petite Lune) et devient fou. Il retrouvera son équilibre avec son Lion et vaincra les
épreuves. Sa vie de nudiste dégénéré dans les bois fait penser à nos vacances aoûtiennes (à poil
partout, à bouffer de la viande crue ; je vois cela tous les jours).
L’universitaire Philippe Walther croit à l’inspiration folklorique, et c’est heureux. Il écrit dans sa très
belle notice de la Pléiade :
« Ce conte adapte, selon toute vraisemblance, les résidus d’un vieux mythe saisonnier d’origine
celtique selon lequel un roi est appelé à être remplacé, grâce au meurtre rituel accompli sur sa
personne, en période de Canicule. L’épreuve rituelle consiste en un défi cosmique (la fontaine aux
tempêtes) suivi d’un combat à caractère eschatologique. En outre, selon la conception celtique, c’est
l’union avec la fée qui procure au prétendant sa souveraineté (3). »
Philippe Walther souligne l’importance solaire et astrologique de l’événement :

« La date du premier juillet – huit jours après la Saint-Jean – retenue pour ce délai fatidique partage
d’ailleurs l’année en deux moitiés égales, marquant ainsi une échéance médiane symbolique : Yvain
se trouve alors au carrefour de son destin… Dans la tradition astrologique, le Lion solaire de l’été est
le signe royal par excellence. En rencontrant et en acceptant le compagnonnage du lion, Yvain
découvre son affinité profonde pour cet animal conquérant ».
Et il ajoute cette note très importante : Yvain serait conçu lors de la nuit de Samain (Halloween !!!)
pour naître lors de la fête de Lug, le premier août donc.
« Le lion est aussi très certainement le signe zodiacal de naissance d’Yvain si l’on se fonde sur un
texte gallois peu connu et qui raconte l’engendrement mythique du héros. Celui-ci s’opère sous le
signe du chien, dans le comté de Denbigh, là où se trouve une paroisse appelée Llanferrys. Urien y
connaît charnellement la fille du roi d’Annwn qui prend les traits d’une lavandière de la nuit.
L’engendrement a lieu lors de la nuit de Samain (1er novembre) ; il donnera naissance, neuf mois
plus tard, le 1er août, lors de la fête celtique de Lugnasad, à un héros solaire. Chevalier de la
Canicule, Yvain rejoint ainsi les grandes figures caniculaires de la tradition mythologique (4). »
Quel plaisir quand un universitaire comprend son sujet !
Mais il nous manque la vision supérieure, hérétiquement considérée par l’université, et qui nous sera
commentée par René Guénon.
Voici ce qu’inspiré par le Maître je note dans mon livre (5) :
« Dans le même texte d’Yvain, solaire et initiatique à souhait, on connaît la panique solsticiale et la
peur du dérèglement cosmologique et temporel.
C’est la folie d’Yvain qui arrive trop tard après la Saint-Jean, et qui n’a pas obéi à sa Dame conçue ici
comme Reine du Ciel et des cycles naturels (il n’a pas non plus été le bon gardien de la source
fervente).
En réalité la folie d’Yvain est solsticiale et elle est liée à la Saint-Jean estivale qu’il n’a pas respectée.
Ce terme produit le châtiment astrologique de sa Dame. Voici ce que dit Guénon sur cette Saint-Jean
liée au Baptiste :
« Bien que l’été soit généralement considéré comme une saison joyeuse et l’hiver comme une saison
triste, par là même que le premier représente en quelque sorte le triomphe de la lumière et le
second celui de l’obscurité, les deux solstices correspondants n’en ont pas moins, en réalité, un
caractère exactement opposé à celui-là… En effet, ce qui a atteint son maximum ne peut plus que
décroître, et ce qui est parvenu à son minimum ne peut au contraire que commencer aussitôt à
croître ; c’est pourquoi le solstice d’été marque le début de la moitié descendante de l’année, et le
solstice d’hiver, inversement, celui de sa moitié ascendante ».
Guénon justifie ensuite la course malheureuse de notre Yvain arrivé après la Saint Jean :
« En réalité, c’est la moitié ascendante du cycle annuel qui est la période « joyeuse », c’est-à-dire
bénéfique ou favorable, et sa moitié descendante qui est la période « triste », c’est-à-dire maléfique
ou défavorable ; et le même caractère appartient naturellement à la porte solsticiale qui ouvre
chacune de ces deux périodes en lesquelles l’année se trouve divisée par le sens même de la marche
du soleil (6)».
Notre savant impeccable explique ensuite qu’il y a autour du cercle du cycle une figure de deux
tangentes (cf. Gibraltar et les piliers d’Hercule), et que ces points sont comme les bornes que le soleil

ne peut jamais dépasser au cours de sa marche. Yvain l’ayant fait, il sombre dans une folie solsticiale.
Nous la lions à la canicule qui déchaîne aussi les passions et prodigue la fameuse dépression estivale
des aoutiens.
Un dernier point sur le caractère solaire et celtique d’Yvain :
« Le lendemain, à midi, Owein revêtit une robe, un surcot et un manteau jaunes, rehaussé d’un large
orfroi de fil d’or; ses pieds étaient chaussés de brodequins de cordwal bigarré, fermes par une figure
de lion en or (7) ».

 
Notes
(1) Wikipédia, article canicule
(2) Pline, Histoire naturelle,
(3) Chrétien de Troyes, la Pléiade, notice p.1173-4
(4) ibid., p. 1184
(5) La chevalerie hyperboréenne et le Graal, p. 236
(6) Guénon, Symboles de la Science sacrée, XXXV
(7) Mabinogion, Owein

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