« Zone de libre échange Gaza-Arish-Sderot » : Netanyahou dévoile un plan de recolonisation de Gaza

Source : .revolutionpermanente.fr – 27 mai 2024 – Enzo Tresso

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Alors que l’avenir de Gaza divise le cabinet de guerre et complique les relations entre Israël et ses voisins arabes, le cabinet du premier ministre, Benjamin Netanyahou, a rendu public un plan d’investissement pour la colonisation de l’enclave.

Alors qu’une partie du cabinet de guerre, emmenée par Yoav Gallant et Benny Gantz, propose de confier la gouvernance de l’enclave à une entité palestinienne, l’aile droite du gouvernement défend la mise en place d’une dictature militaire israélienne en vue de la recolonisation de l’enclave. Plus pragmatique, le premier ministre Benjamin Netanyahou propose quant à lui d’organiser une occupation mixte de l’enclave, impliquant à la fois les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et d’autres Etats réactionnaires arabes qui formeraient une « force d’interposition ». Pour vaincre leurs réticences, le cabinet du Premier Ministre a rendu public, début mai, un projet de recolonisation, intitulé « Gaza 2035 », qui prévoit de transformer l’enclave en une zone d’investissements ouverte aux bourgeoisies arabes.

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En effet, les Émirats Arabes Unis, la monarchie saoudienne, la Jordanie et l’Egypte refusaient de s’engager dans la force mixte d’occupation que proposait Netanyahou et exigaient que l’enclave soit administrée provisoirement par les forces des Nations Unies pendant une dizaine d’années avant que les Palestiniens puissent décider de leur avenir par voie de vote. Confrontés au mécontentement populaire des masses arabes solidaires de la lutte du peuple palestinien, les Etats réactionnaires de la région qui se trouvent chaque jour davantage en porte-à-faux avec les aspirations de leurs propres peuples tentent, en effet, de monnayer leur compromission et d’obtenir en contrepartie des avantages économiques décisifs.

Face à l’opposition des bourgeoisies arabes, le cabinet du premier ministre israélien a rendu public un projet de reconstruction de l’enclave. Intégrant le territoire gazaoui à la zone économique de la région, le projet prévoit de construire la « zone de libre échange Gaza-Arish-Sderot ». Incluant le port égyptien d’al-Arish, au sud, et la ville de Sderot, en Israël, au nord, les autorités israéliennes veulent transformer les ruines fumantes des villes palestiniennes en une zone économique de grande échelle. Le plan prévoit ainsi la construction d’axes ferroviaires à grande vitesse qui reliraient Gaza à Alexandrie et à la zone NEOM construite par l’Arabie Saoudite, remplaçant le réseau routier de l’enclave, d’un réseau de pipelines et de plateformes pétrolières au large des côtes de Gaza et l’implantation d’industries de pointe, dans les hautes technologies et l’automobile électrique [1].

Mettant la main sur les riches ressources pétrolières qui sommeillent en dessous de la Cisjordanie et au large de Gaza, que l’ONU évaluait à 3,2 milliards de barils [2], le gouvernement Netanyahou espère convaincre les bourgeoisies du Proche-Orient de participer activement à la recolonisation de l’enclave en contrepartie de débouchés pour leurs capitaux nationaux et d’une exploitation partagée des réserves pétrolifères du Levant. Alors que les Etats-Unis font pression sur l’Arabie Saoudite pour qu’elle augmente les débits de sa production pétrolière, la monarchie perdrait beaucoup à ne pas s’engager aux côtés d’Israël dans l’exploitation des réserves énergétiques palestiniennes qui pourrait alors lui faire concurrence et pousser les prix à la baisse. Confrontée à l’inflation généralisée des produits énergétiques, la bourgeoisie étatsunienne ne peut qu’accueillir favorablement le projet israélien en dépit des contradictions politiques qui minent le mandat de Joe Biden dont la réélection est sérieusement compromise alors que son parti est confronté à une désertion électorale de masse.

Comme le souligne Yasmeen El-Hasan, avocate palestinienne, « il est manifeste que la complicité internationale avec le génocide en cours à Gaza est intrinsèquement liée aux intérêts capitalistes des puissances internationales et des multinationales, pour qui les gains financiers sont plus importants que les vies palestiniennes (et la préservation de l’environnement » [3].

Le document prévoit de réaliser le projet en trois étapes. Dans un premier temps, une période d’« assistance humanitaire » de douze mois viserait à « déradicaliser » l’enclave et « éradiquer » le Hamas. Puis, pendant cinq à dix ans, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, le Bahreïn, la Jordanie, le Maroc et les Émirats arabes unis superviseraient la construction de l’enclave qui serait gouvernée par Israël, l’Egypte et une Autorité de Réhabilitation de Gaza (GRA, « Gaza Rehabilitation Authority »), dont les rangs seraient composés de Palestiniens non-affiliées au Hamas ou au Fatah. Au terme de cette deuxième étape, l’enclave serait placée sous le contrôle nominal de l’Autorité Palestinienne tandis qu’Israël conservait la maimise sur l’ensemble des questions régaliennes, sur le modèle de la gouvernance de zone B en Cisjordanie.

Pour l’heure, seuls les Émirats ont formellement condamné la proposition du premier ministre israélien. Le 16 mai, Shekinah Abdullah bin Zayed al-Nayhan a condamné le plan dans une déclaration publique : « Les Émirats arabes unis dénoncent les déclarations du Premier ministre israélien, appelant notre Etat à participer à l’administration dans la bande de Gaza. Les Émirats arabes unis soulignent que le Premier ministre israélien n’a aucune capacité juridique pour prendre cette mesure et que l’Etat refuse de se laisser entraîner dans un quelconque plan visant à couvrir la présence israélienne dans la bande de Gaza ».

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Si la réaction des autres bourgeoisies arabes est encore inconnue, les déclarations hostiles du représentant émirati semblent indiquer que la proposition israélienne ne comble pas encore les aspirations des bourgeoisies conciliatrices arabes qui craignent qu’une invasion de Rafah n’aiguillonne le ressentiment populaire à l’encontre de leur trahison du peuple palestinien.

Lire aussi : Génocide à Rafah : le mouvement ouvrier a un rôle central à jouer pour renforcer les mobilisations

Alors que Tsahal a bombardé, dimanche soir, un camp de réfugié au nord de Rafah et que les images du massacre qui nous sont parvenus témoignent de la violence apocalyptique des opérations génocidaires de Tsahal à Gaza, le gouvernement israélien esquisse de manière toujours plus nette les modalités de la recolonisation de Gaza et tente d’obtenir des bourgeoisies arabes qu’elles y jouent un rôle actif.

[1] Cabinet du premier ministre, « ממשבר לשגשוג » (De la crise à la prospérité), mai 2024, lire ici.

[2] UNCTAD, « The unrealized potential of Palestinian oil and gas reserves », 2019, lire ici.

[3] Yessinia Funes, « “This genocide is about oil” », Atmos, 29 novembre 2023, lire ici.

Guerre en Palestine 2023-2024

Moyen-

Une pensée sur “« Zone de libre échange Gaza-Arish-Sderot » : Netanyahou dévoile un plan de recolonisation de Gaza

  • 7 juin 2024 à 20 h 09 min
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    La misère de la gaucheuserie théoricienne, humainement et intellectuellement rétrécie, qui condamne le monde à la misère et à la guerre pour célébrer sa vaine gloire narcissique et celle de sa démagogie érigée en système de référence pour Tous.

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