Petit résumé de la Situation Budgétaire de la France
Source : institutdeslibertes.org – 5 juin2024 – Charles Gave
https://institutdeslibertes.org/petit-resume-de-la-situation-budgetaire-de-la-france/
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Charles Gave, économiste et financier, s’est fait connaître du grand public en publiant un essai pamphlétaire en 2001 “ Des Lions menés par des ânes “(Éditions Robert Laffont) où il dénonçait l’Euro et ses fonctionnements monétaires. Son dernier ouvrage “Sire, surtout ne faites rien” aux Éditions Jean-Cyrille Godefroy (2016) rassemble les meilleurs chroniques de l’IDL écrites ces dernières années. Il est fondateur et président de Gavekal Research (www.gavekal.com).
Un certain nombre d’entre vous m’ont demandé pourquoi je pensais que la France rentrait dans une
espèce de trou noir financier.
Dans le papier de cette semaine, je vais développer les raisons qui m’amènent à cette conclusion et ces
explications ont tout à voir avec un concept assez simple.
Être en déficit, cela veut dire que l’on dépense plus que l’on ne gagne.
Quand cette situation se produit, il n’y que quatre possibilités :
1. Trouver quelqu’un qui va vous prêter l’argent dont vous avez besoin.
2. Vendre des actifs, tels les bijoux de famille, pour combler le trou.
3. Si vous êtes un pays souverain, vous pouvez demander à votre banque centrale de financer ce
déficit en faisant tourner la planche à billets. C’est ce qu’ont fait avec le succès que l’on connaît
la République de Weimar, le Venezuela, le Zaïre etc…et depuis 10 ans la BCE et les USA.
4. Faire baisser vos dépenses au niveau de vos recettes. C’est ce qui firent Thatcher en Grande-
Bretagne et Chrétien au Canada. Complètement à exclure si vous avez fait l’ENA.
Depuis des années, les gens au pouvoir en France ont choisi d’abord les solutions 1 et 2, avant que
Draghi ne lance la planche à billets de 2012 à 2021, ce qui, bien entendu fît partir à la hausse l’inflation
mais permit le financement de nos deficits en « subventionnant des dépenses qui ne rapportent rien
avec de l’argent qui n’existe pas (Rueff )
Le fait qu’un tel financement était interdit par tous les Traités et par la Constitution Allemande ne fût
jamais pris en compte, tant il fallait sauver à tout prix le soldat Euro, première étape vers l’État
Européen dont personne ne veut, sauf les technocrates non élus de Bruxelles et de Bercy.
Voyons où en est la France aujourd’hui.
Commençons par un graphique résumant la situation de la France en 2023.
La dette est nettement passée au-dessus du PIB et le déficit primaire (hors service de la dette) est à près
de 5% du PIB d’aujourd’hui.
La question qui importe est donc la suivante : de quel montants la France aura t’elle besoin d’abord dans
les 12 mois qui viennent, puis dans les années suivantes, pour équilibrer son budget.
Réponse.
La « duration » de la dette française est d’environ 7 ans.
En termes nominaux, la dette française se monte a un peu plus de 3000 milliards d’Euros Ce qui veut
dire que chaque année la dette à amortir ou à repayer représente à peu près 400 milliards d’Euros.
A ce refinancement (nous n’avons pas le premier sou pour amortir la dette puisque nous sommes en
déficit primaire), il faut rajouter le déficit des 12 prochains mois, soit environ 125 milliards, ce qui nous
amène à 525 milliards d’Euros.
Mais ce n’est pas fini.
Grace à monsieur Draghi, la France a pu financer une dette explosant à la hausse car, les taux d’intérêts
pendant 10 ans restèrent à zéro ou même négatifs (!), pour sauver l’Euro bien sûr.
Que vous empruntiez 1 milliard ou 1000 milliards, si les taux sont à zéro, le service de la dette est de
zéro, ce qui facilite les fins de mois.
Mais dès que les taux se remettent à monter, le service de la dette explose.
C’est ce que montre mon deuxième graphique.
De 2009 à 2020, la TAILLE de la dette française a quasiment doublé, tandis que le SERVICE de la dette
diminuait de moitié.
Ce qui est ahurissant.
Merci monsieur Draghi.
Mais avec les taux qui sont passés brutalement de 0 % à 3 %, le service de la dette vient de doubler
passant de 30 milliards/an à près de 60 milliards/an
C’est à ce point qu’il faut comprendre que l’an dernier déjà nous avons eu environ 400 milliards d’euros
qui sont arrivés à échéance et qui à la place de payer 0 % vont devoir payer 3 %. La hausse des taux dont
on voit le résultat sur le graphique a porté sur cette première tranche.
Mais c’est loin d’être fini.
Cette année une deuxième tranche de 400 milliards verra son coût augmenter, puis une troisième et
ainsi de suite, et si les taux continuent de monter le service de la dette augmentera de la hausse des
taux multipliée par la hausse de la dette arrivant à échéance.
Il me semble donc raisonnable d’anticiper une augmentation annuelle du service de la dette de 20
milliards au minimum par an.
Et, si les taux passent à 5 %, le service de la dette peut doubler à nouveau puisque sur 7 ans à 5 % le
service de 3000 milliards de dettes (qui va passer à 3500 milliards en 5 ans) atteindra 100 milliards
contre 30 milliards l’an dernier.
Résumons-nous.
Besoins de financement annuel pour les années qui viennent
Au minimum 400+125+20= 545 milliards d’euros pour cette année et plus pour les années suivantes
puisque la France est en déficit primaire, c’est-à-dire qu’elle doit emprunter pour payer les intérêts sur
sa dette (ce qui n’est pas le cas de l’Italie). En termes techniques la France est en cavalerie, empruntant
pour payer les intérêts sur sa dette passée.
L’état français va devoir emprunter chaque année près de 15 % du PIB, ce qui me parait très supérieure
aux capacités d’épargne des Français.
Cela peut « « passer » » si les taux ne montent pas, et si les étrangers qui tiennent cette dette accepte
de resouscrire aux nouvelles émissions ».
S’ils demandent à être remboursés tandis que les taux montent, cela ne passe pas.
Il me semble que ces étrangers (Qatar, Arabie Saoudite, Fonds de pension hollandais, Chine etc…), qui
peuvent faire ces calculs aussi bien que moi, vont probablement choisir de ne pas re souscrire quand les
dettes qu’ils détiennent arriveront à échéance.
Et comme ces étrangers détiennent 50 % de nos dettes…
Reste la BCE.
Mais les Allemands en ont assez des facéties budgétaires et monétaires des Français ou des Italiens.
A l’évidence, et avec beaucoup de tristesse, les Allemands aideront la France comme ils ont aidé l’EDF.
De fait, si les étrangers refusent de maintenir leurs positions en dettes françaises tandis que nos taux
montent, il n’y a qu’une solution : mettre la France sous la coupe des USA et de l’Allemagne, je veux
dire du FMI et de la Commission Européenne.
La conclusion est simple : dans les années qui viennent, dans tous les cas de figures, nous serons à la
merci des étrangers et nous perdrons notre souveraineté fiscal au profit, soit de ceux qui détiennent
déjà des positions et qui prélèveront leurs livres de chair pour réinvestir, soit du FMI et de la
Commission Européenne.
Avec une France ayant perdu toute souveraineté fiscale, les uns et les autres pourront sans nul doute
acheter les bijoux de famille français à très, très bon compte, un peu comme cela avait été le cas pour
l’Asie à la fin du siècle dernier.
L’orgueilleuse Nation, la France, comme l’appelait Bismarck sera enfin soumise.
Je ne crois pas que le monde en sera meilleur.
Et je ne crois pas non plus que la population française sera très heureuse d’être soumise aux ordres de
princes arabes ou d’un consortium Germano-Américain.
Ma recommandation reste la même : Vendre la dette française, achetez les bijoux de famille francais,
des obligations asiatiques et de l’or (voire mes articles précédents sur le portefeuille IDL) et détenir ce
portefeuille en Suisse ou à Singapour.