La doctrine de la dette odieuse

Source : cadtm.org – 3 avril 2024

https://www.cadtm.org/La-doctrine-de-la-dette-odieuse-22437?t=JZFVTGU3h6A1uJ5x0aNPhw&s=03

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La doctrine de la dette odieuse fait l’objet de nombreux débats et controverses. Contrairement aux faits, plusieurs auteurs et institutions affirment que cette doctrine n’a jamais été mise en pratique. Certains auteurs affirment que selon le père de la doctrine de la dette odieuse, le juriste Alexander Nahum Sack (1890-1955), les dettes odieuses ne correspondent qu’à certaines catégories de dettes contractées par un régime despotique ou irrégulier. En réalité, la doctrine de la dette odieuse concerne également des dettes contractées par un régime considéré comme démocratique. Bien que souvent remise en question, la doctrine de la dette odieuse est pertinente et d’une grande actualité.

  Sommaire  

Le passage le plus souvent cité du livre de Sack sur le sujet peut donner lieu à une généralisation trompeuse. Voici la citation : « Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’État entier. Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir. » (p. 157) [1]. « La raison pour laquelle ces dettes ‘odieuses’ ne peuvent être considérées comme grevant le territoire de l’État, est que ces dettes ne répondent pas à l’une des conditions qui déterminent la régularité des dettes d’État, à savoir celle-ci : les dettes d’État doivent être contractées et les fonds qui en proviennent utilisés pour les besoins et dans les intérêts de l’État (supra, § 6). Les dettes ‘odieuses’, contractées et utilisées à des fins qui, au su des créanciers, sont contraires aux intérêts de la nation, n’engagent pas cette dernière — au cas où elle arrive à se débarrasser du gouvernement qui les avait contractées — (…) Les créanciers ont commis un acte hostile à l’égard du peuple ; ils ne peuvent donc pas compter que la nation affranchie d’un pouvoir despotique assume les dettes « odieuses », qui sont des dettes personnelles de ce pouvoir. » (p. 158).

De nombreux avis sur cet extrait concluent que Sack affirme que pour qu’une dette soit « odieuse », elle doit être contractée par un régime despotique ou irrégulier. Ce n’est pas la position de Sack. En effet, en tant que juriste, il considérait que plusieurs circonstances pouvaient donner lieu à une dette à caractère odieux. La citation ci-dessus ne mentionne qu’une seule circonstance possible. Or il y en a d’autres.
La citation suivante ne laisse aucune place au doute :

« Par conséquent, pour qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier (v. supra, §§ 1 et 5) puisse être considérée comme incontestablement odieuse, avec toutes les conséquences sus-indiquées qui en résultent, il conviendrait que fussent établies les conditions suivantes (v. aussi supra, § 6 in fine) :
1. — Le nouveau gouvernement devrait prouver et un tribunal international reconnaître comme établi :
a) Que les besoins, en vue desquels l’ancien gouvernement avait contracté la dette en question, étaient ‘odieux’ et franchement contraires aux intérêts de la population de tout ou partie de l’ancien territoire, et
b) Que les créanciers, au moment de l’émission de l’emprunt, avaient été au courant de sa destination odieuse.
2. — Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux (v. aussi infra, p. 170).
 » [2]

Il faut donc souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, et être annulée ou répudiée, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux ou irréguliers.

Selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas importante. Ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.

La dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux ou irréguliers

Une autre citation de Sack confirme clairement qu’il est opposé à ce que la nature du gouvernement soit une condition à remplir pour établir qu’une dette est odieuse : « L’application d’autres conditions que celle que nous avons établie (p. 6-7) entraînerait la paralysie de tout le système international du crédit public, car des jugements arbitraires, variés et contradictoires sur le caractère de tel ou tel gouvernement (si de semblables jugements avaient un poids réel dans la question de la reconnaissance ou non-reconnaissance des dettes comme dettes d’État) priveraient le monde des bienfaits du crédit public. » (p. 11).

Si certain·es lecteur·ices ont encore des doutes sur la logique qu’applique Sack dans sa doctrine à l’égard des régimes despotiques, voici une citation supplémentaire : « Quand bien même un pouvoir despotique serait renversé par un autre, non moins despotique et ne répondant pas davantage à la volonté du peuple, les dettes ‘odieuses’ du pouvoir déchu n’en demeurent pas moins ses dettes personnelles et ne sont pas obligatoires pour le nouveau pouvoir. » (p. 158). On le voit bien, ce qui compte pour Sack, c’est uniquement l’utilisation qui est faite des dettes et la connaissance qu’en avaient les prêteurs.

Des dettes contractées dans des vues manifestement intéressées et personnelles des membres du gouvernement sont odieuses

Comme exemple de dettes odieuses, Sack inclut des dettes qui ont servi à l’enrichissement personnel de membres du gouvernement et des opérations malhonnêtes des créanciers : « On pourrait également ranger dans cette catégorie de dettes les emprunts contractés dans des vues manifestement intéressées et personnelles des membres du gouvernement ou des personnes et groupements liés au gouvernement — des vues qui n’ont aucun rapport aux intérêts de l’État.  » (p. 159) Et il déclare tout de suite après que ces types de dettes odieuses ont été répudiés aux États-Unis dans les années 1830 par 4 États (le Mississipi, l’Arkansas, la Floride et le Michigan) : « Cf. les cas de répudiation de certains emprunts par divers États de l’Amérique du Nord. L’une des principales raisons justifiant ces répudiations a été le gaspillage des deniers empruntés : le plus souvent on avait emprunté pour l’établissement de banques ou la construction de chemins de fer ; or, ces banques firent faillite, les lignes de chemins de fer ne furent pas construites. Ces opérations louches ont été souvent le résultat d’un accord entre des membres indélicats du gouvernement et des créanciers malhonnêtes  » (p. 159). Les motifs de la répudiation étaient le mauvais usage des fonds empruntés et la malhonnêteté tant des emprunteurs que des prêteurs. Il n’était pas fait référence à un quelconque caractère despotique du régime [3].

Conclusion : Pour Sack, la nature despotique ou irrégulière du régime ne constitue pas une condition nécessaire pour définir le caractère odieux d’une dette qui peut être répudiée. Selon Sack, deux critères doivent être réunis : une dette est odieuse si elle a été contractée pour satisfaire des besoins franchement contraires aux intérêts de la population et si, au moment d’octroyer le crédit, les créanciers en étaient conscients ou ne parviennent pas à prouver qu’ils ne pouvaient pas en être conscients.

 Qui était Alexander Nahum Sack et quel était son objectif ?

Une dette est odieuse si elle a été contractée contre les intérêts de la population et si les créanciers ne peuvent pas prouver qu’ils ne le savaient pas

Alexandre Nahum Sack (Moscou 1890 – New York 1955), juriste russe ayant enseigné à Saint-Pétersbourg puis à Paris, est considéré comme un des pères de la doctrine de la dette odieuse. Cette doctrine, qui est basée sur une série de jurisprudences, a fait couler beaucoup d’encre. Souvent décriée, très largement marginalisée ou omise dans les cours universitaires, la doctrine de la dette odieuse est pourtant l’objet de centaines d’articles et de dizaines de livres spécialisés. La Commission des Nations unies sur le droit international (International Law Commission) [4] , le Fonds monétaire international (FMI) [5], la Banque mondiale [6], la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) [7], l’expert indépendant auprès de l’ONU afin de rapporter sur les effets de la dette sur l’exercice des droits humains [8], la Commission d’audit intégral du crédit public de l’Équateur mise en place par le président Rafael Correa en 2007 [9], le Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde – devenu en 2016 le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes – (CADTM) [10], la Commission pour la vérité sur la dette grecque instituée par la présidente du Parlement grec en 2015 [11] ont publié des documents, pris position, organisé des séminaires à son sujet car la question des dettes dont la légitimité et la validité sont remises en cause revient sans cesse à l’ordre du jour des relations internationales [12].

Souvent, les détracteurs comme les défenseurs de la doctrine élaborée par Alexander Sack ne prennent pas suffisamment le temps de connaître le cadre d’analyse et l’orientation de ce juriste international. Alexandre Sack n’est pas un humaniste qui aurait cherché à préserver les peuples ou les nations de l’action néfaste des chefs d’État ou des créanciers prêts à endetter la collectivité de manière frauduleuse, voire criminelle, en somme odieuse. Son but principal n’est pas de mettre de l’éthique ou de la morale dans la finance internationale. Sack voulait défendre les droits des créanciers mais il a été amené à préciser qu’il y a une exception importante à la sacro-sainte règle de la continuité du remboursement de la dette : à savoir que, dans certaines circonstances, les créanciers devront accepter l’annulation de leurs créances si l’on démontre que la dette est odieuse.

Sack voulait défendre les droits des créanciers mais il a été amené à préciser qu’il y a une exception importante

Sack aborde la question des dettes odieuses dans un ouvrage publié en français en 1927 à Paris [13]. Le titre qu’il a choisi est important : Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières : traité juridique et financier. La question que s’est posée Sack au départ peut être résumée de la manière suivante : que deviennent les dettes contractées par un État après un changement de régime ?

Sack le déclare très clairement dans le premier paragraphe de la préface de son livre, c’est « la Révolution russe de mars 1917 [qui] m’a amené à examiner les effets d’une transformation politique de l’État sur sa dette publique. » En effet, parmi les principaux événements qui l’ont marqué et l’ont amené à mener une étude approfondie, il y a octobre 1917 qu’il présente comme un « coup d’État bolchevique » et la répudiation des dettes tsaristes par le gouvernement soviétique en janvier 1918, qui occupent une place centrale [14]. Il a par la suite progressivement élargi le champ de ses recherches et étudié différents cas de succession d’État et leurs conséquences en ce qui concerne les obligations qui lient le nouvel État ou le nouveau régime aux créanciers.

Sack était anti bolchévique et anti communiste

Nicolas Politis [15], le juriste et homme d’État grec qui introduit l’ouvrage de Sack, montre l’ampleur du travail réalisé : « Il n’est pas exagéré de dire que M. Sack a rempli la tâche qu’il s’était fixée avec plein succès : il a réussi à réunir une documentation d’une rare richesse (…) il a suivi de très près la longue liste des traités d’annexion et de règlements de dettes conclus depuis 150 ans et analysé une à une leurs clauses ; il a recherché la manière dont elles ont été appliquées, les mesures législatives, administratives et judiciaires auxquelles elles ont donné lieu ; il a recueilli et classé l’opinion de tous les auteurs qui ont écrit sur la matière. Il a enfin su utiliser cet énorme matériel avec un sens admirable des nécessités pratiques pour expliquer, jusque dans les moindres détails, la nature juridique de la succession des dettes, les obligations des débiteurs et les droits des créanciers, les rapports entre États successeurs, les modes de répartition entre eux des dettes et les systèmes d’établissement de leurs quotes-parts. »

 La théorie de Sack en matière de dette odieuse constitue-t-elle une doctrine ?

Si l’on considère qu’une « doctrine » désigne d’une manière globale les travaux contenant les opinions exprimées par des juristes comme étant le résultat d’une réflexion portant sur une règle ou sur une situation ; si, quand il s’agit d’élaborer une doctrine, il convient de présenter « une construction juridique, la définir, la replacer dans l’ensemble des rapports de droit, en indiquer les limites, les conditions de mise en œuvre, en préciser les effets sur la vie des sociétés, en faire à la fois un examen systématique, analytique, critique et comparatif » [16], alors il est justifié de considérer que Sack a élaboré une doctrine de la dette odieuse.
Pour l’élaborer, il s’est basé sur une ample liste de traités internationaux portant notamment sur des arbitrages en matière de règlements de dettes conclus entre la fin du 18e siècle et les années 1920 ; il a analysé la manière dont des litiges en matière de dette ont été traités, les mesures législatives, administratives et judiciaires auxquelles ils ont donné lieu ; il a collecté et classé l’opinion de nombreux auteurs (en fait, uniquement des Européens et des Américains) qui ont écrit sur la matière. Il a présenté sa vision de la nature juridique de la succession des dettes, des obligations des débiteurs et des droits des créanciers, les rapports entre États successeurs, les modes de répartition entre eux des dettes, les effets de changements de régime et a défini des critères pour définir des dettes odieuses.

Sa doctrine est critiquable, contient des faiblesses, donne la priorité aux droits des créanciers, ne tient pas compte des droits humains, mais il faut reconnaître qu’elle a une véritable cohérence. Il faut également souligner que, bien que décriée par des détracteurs puissants (la grande presse, la Banque mondiale, de nombreux gouvernements), elle inspire une série de mouvements qui cherchent dans les travaux de Sack une source pour trouver des solutions en matière de règlement des problèmes de dettes. Les deux critères sélectionnés par Sack pour déterminer l’existence d’une dette odieuse qu’une nation peut refuser de payer sont opératoires et justifiés : l’absence de bénéfice pour la population et la complicité des créanciers.

 Pourquoi le FMI, la Banque mondiale et d’autres institutions insistent sur l’absence de consentement pour définir une dette comme odieuse ?

Dans une opinion publiée en 2002 par la revue du FMI « Finance et développement », Michael Kremer et Seema Jayachandran définissaient ainsi la doctrine de la dette odieuse : « La doctrine de la dette ‘odieuse’ énonce que la dette souveraine encourue sans le consentement des populations et sans bénéfice pour elles ne doit pas être transférée à l’État successeur, en particulier si les créanciers avaient connaissance de cet état de fait. » [17]

Le FMI, la Banque mondiale et d’autres créanciers veulent éviter que la doctrine de la dette odieuse soit correctement interprétée et soit appliquée

Ce résumé est à première vue convaincant et ne contient pas comme condition obligatoire la nature despotique du régime. Mais en deuxième lecture, on se rend compte qu’une des conditions émises par les deux auteurs n’est pas présente dans la définition de Sack [18]. En effet, Sack ne mentionne pas « l’absence de consentement des populations » comme une des conditions qui doivent être réunies pour qu’une dette soit odieuse.

Le FMI et la Banque mondiale, ainsi que d’autres créanciers, veulent éviter autant que possible que la doctrine de la dette odieuse soit correctement interprétée et soit appliquée. Ils ne peuvent pas nier l’existence de cette doctrine mais ils cherchent à en donner une définition qui restreint très fortement le champ de son application.

 Le soi-disant principe selon lequel « Les gouvernements héritent des dettes de leurs prédécesseurs, quelles que soient les différences politiques entre les gouvernements »

Dans le livre Sovereign Debt Diplomacies : Rethinking sovereign debt from colonial empires to hegemony [19], Mitu Gulati et Ugo Panizza présentent de manière unilatérale et fausse un principe fondamental du droit international et donnent une version incorrecte de la doctrine de la dette odieuse [20].

Ils écrivent : « La règle générale de succession gouvernementale en droit international est stricte. Les gouvernements héritent des dettes de leurs prédécesseurs, quelles que soient les différences politiques entre les gouvernements » et ils citent comme référence un texte écrit par Gulati lui–même en compagnie notamment de Lee C. Buchheit, un juriste ayant travaillé pour Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP, un grand cabinet d’avocats spécialisé dans la défense des intérêts des grandes entreprises privées, et ayant participé à la restructuration de la dette grecque en 2012, qui a clairement favorisé les grands créanciers privés (Buchheit, Gulati & Thompson, 2007 [21]).

De nombreux exemples y compris dans l’histoire des États-Unis montrent qu’un changement de gouvernement peut déboucher sur une annulation de dettes

Ce qu’ils affirment comme un principe incontesté « Les gouvernements héritent des dettes de leurs prédécesseurs » fait justement l’objet d’une controverse entre juristes et entre États vieille de plusieurs siècles.

De nombreux exemples y compris dans l’histoire des États-Unis montrent clairement qu’un changement de gouvernement peut déboucher sur une annulation de dettes. Au 19e siècle, il y a eu plusieurs répudiations de dette après un changement de gouvernement. Comme je l’ai indiqué plus haut dans les années 1830, le Mississipi, l’Arkansas, la Floride et le Michigan ont répudié leurs dettes suite à une rébellion citoyenne et un changement de gouvernement.

Une deuxième vague de répudiations a eu lieu aux États-Unis après 1877. Huit États du Sud [22] répudièrent leurs dettes en décrétant que les dettes accumulées pendant la période qui s’étend entre la fin de la guerre de Sécession (1865) et 1877 résultaient des emprunts illicites effectués par des politiciens corrompus qui étaient soutenus par les États du Nord.

Il est frappant de constater que les deux exemples que je viens de citer ont été analysés par Mitu Gulati et deux autres auteurs dans une étude très intéressante publiée en 2009 (Sarah Ludington, G. Mitu Gulati, Alfred L. Brophy, « Applied Legal History : Demystifying the Doctrine of Odious Debts »).
Le principe de la continuité des obligations en matière de dette en cas de changement de gouvernement est au cœur des conflits en matière de dettes souveraines et l’histoire montre très clairement qu’il ne s’agit nullement d’un principe intangible.

Le principe de la continuité des obligations en matière de dette en cas de changement de gouvernement est au cœur des conflits en matière de dettes souveraines

D’ailleurs le livre Sovereign Debt Diplomacies où est publié l’article de Gulati et Paniza contient une démonstration de l’ampleur des débats sur le principe de la continuité des obligations des États, notamment en matière de dettes, et des enjeux vitaux autour de cette problématique. Il s’agit du chapitre 9 sur le rapport entre décolonisation et dette souveraine intitulé « Decolonization and Sovereign Debt : A Quagmire » (« Décolonisation et dette souveraine : un bourbier), rédigé par Michael Waibel [23].

Pour en savoir plus, lire : Anaïs Carton : Un État a le droit de refuser le transfert de dettes contractées en période d’assujettissement

Dans le cas des dettes issues d’une colonisation, le droit international prévoit leur non-transférabilité aux États qui ont gagné leur indépendance, conformément à l’article 16 de la Convention de Vienne de 1978 qui dispose : ‘Un État nouvellement indépendant n’est pas tenu de maintenir un traité en vigueur ni d’y devenir partie du seul fait qu’à la date de la succession d’États le traité était en vigueur à l’égard du territoire auquel se rapporte la succession d’États’ [24]. L’article 38 de la Convention de Vienne de 1983 sur la succession d’États en matière de biens, d’archives et de dettes d’États (non encore en vigueur) est à cet égard explicite :

‘1. Lorsque l’État successeur est un État nouvellement indépendant, aucune dette d’État de l’État prédécesseur ne passe à l’État nouvellement indépendant, à moins qu’un accord entre eux n’en dispose autrement au vu du lien entre la dette d’État de l’État prédécesseur liée à son activité dans le territoire auquel se rapporte la succession d’États et les biens, droits et intérêts qui passent à l’État nouvellement indépendant.

2. L’accord mentionné au paragraphe 1 ne doit pas porter atteinte au principe de la souveraineté permanente de chaque peuple sur ses richesses et ses ressources naturelles, ni son exécution mettre en péril les équilibres économiques fondamentaux de l’État nouvellement indépendant.’ [25]

Aucune dette publique de l’État prédécesseur ne passe à l’État nouvellement indépendant

Voici quelques exemples historiques :

Un des grands principes affirmés par la Révolution française de 1789 est qu’un peuple souverain et libre n’est pas tenu de respecter les traités et les obligations contractées par les tyrans et en 1792, la Convention nationale française a répudié deux tiers de la dette qui avait été contractée par l’Ancien régime. La révolution américaine de 1776 a aussi débouché sur l’annulation unilatérale de différents traités.

Le juriste allemand Gustave Hugo (1764-1844) [26], souvent appelé le père de l’école historique en droit, écrit : « Une faillite nationale n’a rien d’illégal, et savoir si elle est immorale ou peu avisée dépend entièrement des circonstances. Il n’est pas décemment possible de demander à la génération actuelle qu’elle porte seule les conséquences de la folie ou du manque de prévoyance de celles qui l’ont précédée, car sinon à la fin, un pays n’aurait plus d’habitants à cause du poids de ses dettes publiques. » [27]

En 1867, après le renversement de Maximilien d’Autriche, installé au pouvoir par Napoléon III à Mexico, le Mexique a répudié la dette contractée à Paris. Cet acte a été reconnu par la plupart des autres États, y compris finalement par la France.

Le Costa Rica après un changement de régime en 1919 a répudié en 1922 la dette contractée par le régime antérieur [28].

En février 1918, le gouvernement soviétique a répudié toute la dette contractée par le régime tsariste [29].

La doctrine de la dette odieuse élaborée en 1927 sur la base d’un siècle et demi de litiges en matière de dettes souveraines consiste justement à affirmer que le principe de la continuité des obligations des États ne s’applique pas en cas de dettes odieuses et de changement de gouvernement.

Le principe de la continuité des obligations des États ne s’applique pas en cas de dettes odieuses

La règle de la continuité des obligations des États en matière de dette malgré un changement de régime favorise les créanciers et renforce l’ordre international dominant en cherchant à empêcher les États (et les peuples) de se libérer du fardeau de la dette. Cette règle a été souvent remise en cause tant du point de vue de la théorie par de nombreux juristes dès le 19e siècle que dans la pratique par le recours des États à des répudiations unilatérales de dettes.

Comme Éric Toussaint l’a analysé en détail dans le livre Le Système dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, paru en 2017, au cours du 19e siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, une série de gouvernements des anciennes colonies espagnoles d’Amérique latine ont suspendu le paiement ou ont répudié des dettes car ils les ont considérées comme odieuses, illégales et/ou illégitimes. C’est le cas du Mexique en 1861, en 1867, en 1883, c’est le cas du Guatemala en 1829, du Pérou en 1886, du Costa Rica en 1922, de Cuba en 1909 et en 1934, du Brésil à partir de 1932. Les États-Unis ont également répudié des dettes considérées comme odieuses et illégitimes dans les années 1830, en 1865, dans les années 1870 et en 1898. La Russie soviétique a répudié en 1918 la dette contractée par le régime tsariste. Outre l’annulation des dettes contractées par l’Allemagne pour coloniser des territoires polonais et africains, annulation imposée par le Traité de Versailles de juin 1919, il faut ajouter l’annulation en 1920-1921 par le gouvernement bolchevique de la dette des trois États baltes qui avaient fait partie de l’empire tsariste ainsi que celle de la Pologne, de la Perse et de la Turquie. Ces différentes annulations, suspensions, répudiations ont donné lieu à de multiples conflits, à des arbitrages et à des actes unilatéraux. Ensuite, la doctrine juridique de la dette odieuse a émergé.

 La Banque mondiale et le FMI ont agi pour rétablir la continuité des obligations des États en matière de dettes

Dans l’après seconde guerre mondiale, la Banque mondiale et le FMI ont agi systématiquement pour rétablir la continuité des obligations des États en matière de dettes malgré un changement de régime.

Précisons que nous entendons par annulation de dette, la renonciation par un créancier de sa prétention à se faire rembourser une dette. Une suspension ou un moratoire, c’est l’arrêt temporaire du remboursement de la dette. La répudiation, c’est la décision unilatérale d’un débiteur de ne plus rembourser ni le capital, ni les intérêts d’une dette.

Manifestement la Banque mondiale et le FMI ont agi pour rétablir le pouvoir des créanciers et ont tenté de convaincre les différents États que la doctrine de la dette odieuse faisait partie d’un passé révolu.

C’est ainsi que, comme l’écrit Julia Juruna dans les colonnes du mensuel Le Monde diplomatique, lors d’une première demande de crédits adressée au FMI et à la Banque mondiale par un pays membre, ces deux institutions ont posé deux conditions préalables : le paiement des dettes internationales antérieurement contractées et une indemnisation « adéquate » des biens étrangers nationalisés [30]. Selon Mason et Asher, historiens de la Banque, l’exigence du paiement d’anciennes dettes a relancé entre certains gouvernements latino-américains et leurs créanciers occidentaux, des contentieux vieux de plusieurs décennies ou remontant au 19e siècle [31]. Et Julia Juruna, en se basant sur leur travail, indique que « Le cas le plus frappant fut sans doute celui du Guatemala, où la Banque mondiale ressuscita la question du paiement de titres émis en 1829 : ce pays obtint les crédits de la Banque seulement après que les tribunaux guatémaltèques eurent donné raison aux détenteurs de ces obligations plus que centenaires ».

Les tentatives de rétablir le pouvoir des créanciers ont remporté des succès, comme l’affirment Pénet et Zendejas, les coordinateurs du livre Sovereign Debt Diplomacies , mais cela n’a pas empêché des actes importants d’annulation ou de répudiation de dettes dans la deuxième moitié du 20e siècle et au début du 21e siècle. Voici une liste non exhaustive : la répudiation des dettes par la Chine révolutionnaire en 1949-1952 ; la répudiation des dettes à l’égard des Pays-Bas par l’Indonésie en 1956 ; la répudiation des dettes par Cuba en 1959-1960 ; la répudiation des dettes coloniales par l’Algérie en 1962 ; la répudiation par l’Iran en 1979 des dettes contractées par le Shah pour acheter des armements ; la répudiation par les trois républiques baltes des dettes héritées de l’URSS en 1991 ; l’annulation de la dette de la Namibie à l’égard de l’Afrique du Sud par le gouvernement de Nelson Mandela en 1994 ; l’annulation de la dette coloniale du Timor-Leste en 1999-2000 ; l’annulation de 80 % de la dette irakienne en 2004 ; la répudiation par le Paraguay des dettes envers des banques suisses en 2005 ; l’annulation par la Norvège en 2006 de ses créances sur cinq pays (Équateur, Pérou, Sierra Leone, Égypte et Jamaïque) [32]. Anaïs Carton, juriste, et Éric Toussaint ont insisté sur l’actualité de la Convention de Vienne de 1983 et ils ont complété la liste précitée en y ajoutant l’Érythrée lors de sa séparation d’avec l’Éthiopie en 1993 et le Sud Soudan lors de sa séparation d’avec le Soudan en 2011 [33]. Chacune de ces nombreuses situations invoquait d’une manière ou d’une autre le caractère odieux des dettes passées.

La crise de la dette qui a éclaté au début des années 1980 et l’offensive néolibérale qui s’est progressivement imposée au niveau planétaire a renforcé le pouvoir de coercition des institutions comme la Banque mondiale et le FMI et des créanciers en général.
C’est ce que disent Pénet et Zendejas dans leur introduction de Sovereign Debt Diplomacies .

Les auteurs soulignent que « le Club de Paris, la Banque mondiale, les banques régionales de développement et les organisations bilatérales utilisent également des cadres de conditionnalité dans leurs opérations de financement. » (p. 25) [34] Ces institutions multilatérales servent les intérêts d’États puissants comme les États-Unis ou l’Union européenne, qui s’en servent souvent « pour aider les créanciers privés à récupérer leurs prêts » (p. 26) [35]. De nos jours, « le remboursement de la dette mobilise des organisations multilatérales comme le FMI, la Banque mondiale et le Club de Paris, dont les pratiques de conditionnalité sont difficiles à affronter, même par les pays occidentaux, comme la Grèce récemment » (p. 27) [36]. Pénet et Zendejas expliquent également que les créanciers privés arrivent de plus en plus souvent à faire condamner des États en matière de remboursement de dettes. Tout cela est vrai. Néanmoins, il y a encore des failles dans ce système comme le montre les victoires réelles de pays comme l’Équateur [37] ou l’Islande [38] en 2008-2009. Il y a aussi des jugements émis par des organes de justice qui donnent tort aux créanciers privés. Ils sont rares mais ils existent. C’est le cas d’un arrêt rendu par le Tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne le 23 mai 2019 (voir la partie suivante).

 Même sans changement de gouvernement, un État endetté peut imposer des pertes aux créanciers. Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne le confirme.

Comme démontré plus haut il est faux d’affirmer comme le font Gulati et Paniza qu’un changement de gouvernement ne change en rien l’obligation de rembourser une dette. Il faut ajouter que, même en l’absence d’un changement de gouvernement ou de régime, un État peut imposer à ses créanciers une réduction de dettes. C’est d’ailleurs ce qu’affirme depuis des années, le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM). En vertu du droit international, un gouvernement peut imposer des pertes aux créanciers en posant un acte unilatéral afin de venir en aide à sa population.

Un arrêt de 2019 du Tribunal de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) confirme qu’un État peut modifier unilatéralement ses obligations en matière de dette.Dans un arrêt du 23 mai 2019, les juges européens donnent tort aux requérants, des créanciers allemands (trois individus et deux sociétés) de la dette grecque, qui exigeaient des compensations financières pour un montant total avoisinant 4 millions d’euros. Ces créanciers allemands considéraient que la loi adoptée par la Grèce en 2012, qui impose un échange forcé de titres de sa dette contre de nouveaux titres avec une réduction de valeur de plus de 50 %, constituait une violation des obligations de la Grèce. Les requérants invoquaient la violation du principe pacta sunt servanda qui implique qu’un contrat doit être respecté [39].

La Cour leur a répondu que ce principe général ne s’appliquait pas à eux et que, de toute manière, un État pouvait ne pas respecter le principe pacta sunt servanda s’il invoquait avec raison le principe rebus sic stantibus. La Cour les a déboutés et les a condamnés à payer les frais de justice.

Le principe de droit connu comme pacta sunt servanda selon lequel un État doit respecter les obligations qu’il a contractées n’est pas absolu

Le principe de droit connu comme pacta sunt servanda selon lequel un État doit respecter les obligations qu’il a contractées n’est pas absolu. Dans certaines circonstances, un État peut ne pas exécuter les termes du contrat. Il peut modifier les termes de ce contrat. En effet, le principe Pacta sunt servanda , qui implique que les parties sont liées au contrat conclu et qu’à ce titre elles ne peuvent déroger aux obligations issues de cet accord, est tempéré par un autre principe dit clausula rebus sic stantibus ( « choses demeurant en l’état ») qui sous-entend que les dispositions du traité ou du contrat ne restent applicables que pour autant que les circonstances qui ont justifié la conclusion de ces actes demeurent en l’état et que leur changement n’altère pas radicalement les obligations initialement acceptées. Dit très simplement, si les circonstances dans lesquelles un contrat a été signé changent de manière importante, une des parties peut ne pas exécuter les termes du contrat.

La Cour a répondu aux créanciers qu’ils ne pouvaient pas invoquer le principe de la continuité des obligations de l’État grec à leur égard. Premièrement, elle a affirmé que la Convention de Vienne sur laquelle s’appuyaient les plaignants ne s’applique qu’aux relations entre les États. Voici ce que dit l’arrêt en son point 78 : « En l’espèce, la souscription par les requérants aux titres de créance litigieux émis et garantis par la République hellénique a créé une relation contractuelle entre eux et la République hellénique. Cette relation contractuelle n’est pas régie par le principe pacta sunt servanda de l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités. En effet, en application de son article 1er, cette convention ne s’applique qu’aux traités entre États. » [40]

Deuxièmement, les juges de la Cour ont affirmé que la Grèce pouvait s’appuyer sur l’argument du changement des circonstances, c’est–à-dire le principe rebus sic stantibus pour ne pas respecter ses obligations liées à un contrat. La Grèce a utilisé le principe rebus sic stantibus pour adopter la loi no 4050/2012 qui imposait aux détenteurs de titres de la dette grecque une perte d’un peu plus de 50 %.

Voici ce que dit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) au point 84 : « En outre et en tout état de cause, il n’est pas avéré que l’adoption de la loi no 4050/2012 a entraîné une violation du principe pacta sunt servanda. En effet, l’investissement dans des titres de créance étatiques n’était pas exempt du risque d’un préjudice patrimonial, même si le droit régissant ces titres ne prévoyait pas la possibilité, avant leur échéance, de renégocier certaines modalités, telles que la valeur nominale, le coupon couru et l’échéance. Comme l’a indiqué le Conseil d’État de la Grèce, ce risque est notamment dû au grand laps de temps qui s’écoule à compter de l’émission des titres de créance et pendant lequel des imprévus risquent de limiter substantiellement, voire d’anéantir, les capacités financières de l’État, émetteur ou garant de ces titres. Ainsi qu’il a été jugé par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), si de tels imprévus surviennent, comme en l’espèce la crise de la dette publique grecque, l’État émetteur est en droit de tenter une renégociation sur le fondement du principe rebus sic stantibus. »

L’investissement dans des titres de créances étatiques n’est pas sans risque

C’est une décision très importante pour deux raisons fondamentales :

1. Des créanciers privés (des individus ou des sociétés privées –banques, fonds d’investissements, fonds vautours…) ne peuvent pas invoquer la convention de Vienne pour se retourner contre un État qui leur impose des pertes.

2. Un État peut ne pas exécuter les termes d’un contrat avec les créanciers et peut modifier ce contrat en leur imposant des pertes. Cela signifie qu’il peut annuler entièrement une dette ou la réduire radicalement si les circonstances le justifient [41].

Conclusion : De nombreux États qui sont confrontés à un changement fondamental de circonstances dus aux effets de la pandémie et de la crise économique internationale devraient s’appuyer sur le principe rebus sic stantibus afin de réduire radicalement les ressources budgétaires destinées aux créanciers de la dette et de les rediriger vers les dépenses destinées à venir en aide à leur population.

 Un début de riposte des États face aux abus des créanciers privés

Un chapitre très intéressant du livre de Pénet et Zendejas est consacré partiellement au début de riposte de certains États par rapport aux droits exorbitants des créanciers privés. Il s’agit du chapitre 11 intitulé “Placing contemporary Sovereign Debt : The fragmented landscape of legal precedent and legislative pre-emption” [42]. Giselle Datz, son auteure, montre très bien comment les créanciers privés et, en particulier, des fonds vautour ont pu utiliser la justice de l’État de New York pour faire condamner l’Argentine au cours en 2008 et au début des années 2010. Giselle Datz relève fort pertinemment que les États ont progressivement accepté à partir des années 1970-1980 d’introduire des clauses de renoncement de leur immunité dans les contrats qui régissent l’émission de titres souverains vendus sur les marchés financiers (p. 264). Cela a eu des conséquences fatales. L’auteure montre ensuite que certains États du Nord, sous pression de mouvements sociaux qui prennent la défense des peuples du Sud Global, ont adopté des lois qui vont à l’encontre des prétentions des fonds vautour. Elles consacrent trois pages (p. 271-273) à l’action menée par le CADTM et d’autres organisations comme le Centre national de coopération au développement et son homologue flamand qui ont obtenu que le parlement belge adopte en 2015 une loi anti-fonds vautour.

Voici un extrait de ce que Datz en dit : (…) « en juillet 2015, la Chambre des représentants belge a adopté à l’unanimité sa loi « anti-fonds vautours » (…). Le projet de loi d’avril 2015 cite comme motivation plusieurs cas de litiges liés aux fonds vautours dans des tribunaux étrangers : Elliott Associates v. Peru en Belgique (1996-99), Kensington International v. the Democratic Republic of Congo (DRC) en Belgique (cité ci-dessus), FG Hemisphere v. the DRC dans un tribunal de Jersey en 2004, Donegal International v. Zambia devant des tribunaux britanniques (2007), et, bien sûr, NML v. Argentina devant les tribunaux de New York (avec des décisions judiciaires critiques énoncées en 2008 et 2012). La loi a établi que « si un tribunal belge identifie un fonds agissant comme un »vautour« , ce dernier ne peut réclamer plus que le prix réduit qu’il a payé ». » (Datz in Pénet et Zendejas, p. 272) [43]

Cette loi a été mise en cause devant la Cour constitutionnelle de Belgique par un des principaux fonds vautour de la planète : NML Capital LTD de Paul Singer, un magnat étasunien. Le CADTM associé au CNCD est intervenu en justice et a obtenu que la Cour constitutionnelle de la Belgique déboute la plainte de NML Capital LTD et confirme la validité de la loi de 2015 [44]
.
Voici ce qu’en dit Datz :

« Enfin, le 31 mai 2018, la Cour constitutionnelle belge a mis un terme aux revendications de NML Capital selon lesquelles la loi belge de 2015 était inconstitutionnelle. Au contraire, la Cour a considéré que la loi était « non discriminatoire, respectueuse des engagements européens et internationaux de la Belgique et ne violait aucun droit constitutionnel ». »

Giselle Datz ajoute : « Il s’agit d’une victoire pour le public qui soutient la loi et, en particulier, pour les ONG qui se sont jointes à l’État belge pour soutenir la loi : la coalition belge des ONG de développement francophones, CNCD-11.11.11, son organisation sœur flamande 11.11.11, et le Comité pour l’abolition de la dette illégitime (CADTM). » (p. 273) [45]

Il est important de souligner que d’autres pays comme la France et la Grande Bretagne ont également adopté des lois pour limiter les droits de certains créanciers privés comme les fonds vautour (voir G. Datz p. 270 et p. 273-274).

Il s’agit d’un début de retour de manivelle face aux abus des créanciers privés.

En 2023-2024, les parlementaires de l’État de New York débattent sur la nécessité de modifier la loi de l’État de New York afin de réduire la toute puissance des créanciers privés à l’égard des pays endettés [46], il en va de même en Belgique. Là encore, le CADTM, en alliance avec le CNCD et Entraide et Fraternité essayent d’obtenir l’adoption d’une loi forçant les créanciers privés à participer aux annulations de dettes [47].

Il est certain que la riposte qui sera donnée aux prétentions abusives des créanciers dépendra fondamentalement de l’action des peuples et des gouvernements qui, sous leur pression, adopteront une attitude courageuse. Néanmoins les dispositions législatives mentionnées plus haut peuvent constituer une petite avancée.
Pour terminer cette étude, nous revenons sur la doctrine de la dette odieuse en posant la question : Toutes les dettes contractées par un régime despotique sont-elles odieuses ?

 Toutes les dettes contractées par un régime despotique sont-elles odieuses ?

Pour Sack, certaines dettes contractées par un régime despotique peuvent être utiles à la population, par exemple la construction de routes ou d’autres infrastructures d’utilité publique. Dès lors elles ne sont pas odieuses et, en cas de changement de régime, ces dettes doivent être remboursées. C’est cohérent avec sa position.

Le CADTM défend une position clairement différente. Les créanciers, dans le cas de dictatures notoires, ne peuvent arguer de leur ignorance et ne peuvent exiger d’être payés. Dans ce cas, la destination des prêts n’est pas fondamentale pour la caractérisation de la dette. En effet, soutenir financièrement un régime criminel, même pour des hôpitaux ou des écoles, revient à consolider son régime, à lui permettre de se maintenir. D’abord, certains investissements utiles (routes, hôpitaux…) peuvent ensuite être utilisés à des fins odieuses, par exemple pour soutenir l’effort de guerre. Ensuite, le principe de fongibilité des fonds fait qu’un gouvernement qui emprunte pour des fins utiles à la population ou à l’État, – ce qui est officiellement presque toujours le cas – peut libérer des fonds pour d’autres buts moins avouables.

Les créanciers, dans le cas de dictatures notoires, ne peuvent arguer de leur ignorance et ne peuvent exiger d’être payés

Quelques exemples. Le régime nazi a fait construire un énorme réseau d’autoroutes. Il a entretenu et développé des hôpitaux. Cela était à la fois nécessaire pour essayer d’avoir un appui d’une partie de la population et pour être capable de perpétrer une guerre d’agression ainsi qu’une politique génocidaire.

Le régime de l’apartheid en Afrique du Sud a reçu de nombreux financements extérieurs et réalisaient d’importantes dépenses d’infrastructure. Le maintien du financement extérieur a permis au régime raciste de se maintenir en place pendant des décennies alors que les Nations unies appelaient au boycott et demandaient à la Banque mondiale d’arrêter son soutien financier. La Banque mondiale a refusé pendant des années de mettre fin à ses prêts [48]. De grandes banques privées internationales ont systématiquement financé le régime de Pretoria.

Les crédits octroyés à une dictature sont automatiquement odieux et les créanciers se rendent complices des crimes commis par le régime qu’ils financent

Prenons le cas de la dictature rwandaise qui a préparé et perpétré un génocide en 1994. Cette dictature a été financée par la France, la Belgique, la Banque mondiale, le FMI. Comme différent·es auteur·ices l’ont démontré sur la base de documents de la Banque mondiale, cette institution a poursuivi le financement du régime rwandais qui prétendait acheter des ambulances et augmenter les dépenses de santé alors qu’en réalité, il finançait l’achat d’armes et préparait le génocide [49].

On pourrait ajouter une grande quantité d’exemples. La conclusion est claire : les crédits octroyés à une dictature sont automatiquement odieux et les créanciers se rendent complices des crimes commis par le régime qu’ils financent. Un peuple qui se libère d’un tel régime et se dote de nouvelles institutions n’est pas redevable de cette dette et les créanciers doivent être poursuivis pour complicité.
Rendre illégal le financement de dictatures constituerait une avancée.

Conclusion : La doctrine de la dette odieuse, bien que remise en cause par les créanciers, refait régulièrement surface car le problème des dettes souveraines illégitimes amène périodiquement des gouvernements à prendre des mesures d’annulation ou de répudiation.

Notes

[1] Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières : traité juridique et financier, Recueil Sirey, Paris, 1927. Voir le document presque complet en téléchargement libre sur le site du CADTM : http://cadtm.org/IMG/pdf/Alexander_Sack_DETTE_ODIEUSE.pdf

[2] Alexander Sack, Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières : traité juridique et financier, Recueil Sirey, Paris, 1927. Voir le document presque complet en téléchargement libre sur le site du CADTM

[3] Voir Éric Toussaint, « Trois vagues de répudiations de dettes publiques aux États-Unis au 19e siècle », http://www.cadtm.org/Trois-vagues-de-repudiations-de-dettes-publiques-aux-Etats-Unis-au-19e-siecle / https://www.cadtm.org/Three-Waves-of-Public-Debt

[4] Yearbook of the International Law Commission 1977 Volume II Part One – ilc_1977_v2_p1.pdf, http://legal.un.org/ilc/publications/yearbooks/english/ilc_1977_v2_p1.pdf , voir aussi le rapport de 1979
http://legal.un.org/ilc/publications/yearbooks/english/ilc_1979_v2_p2.pdf

[5] FMI, Michael Kremer et Seema Jayachandran, « La dette odieuse », Finances et développement – Juin 2002, Washington DC, https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2002/06/pdf/kremer.pdf. Voir aussi en anglais : Michael Kremer and Seema Jayachandran, “Odious Debt”, Presented at the Conference on Macroeconomic Policies and Poverty Reduction, April 2002, https://www.imf.org/external/np/res/seminars/2002/poverty/mksj.pdf
FMI, « Entre nous : Odieuse ou insidieuse ? » – Finances et développement – Décembre 2004 https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2004/12/pdf/straight.pdf ; en anglais : https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/2004/12/pdf/straight.pdf

[6] Vikram Nehru and Mark Thomas, 2008, “Odious Debt : Some Considerations” at : https://documents1.worldbank.org/curated/en/542021468150313836/pdf/WPS4676.pdf
La table-ronde sur la dette odieuse, organisée le 14 avril 2008 par la Banque mondiale, a mis à jour des débats dont on trouve trace dans la partie III de : Carlos A.Primo Braga & Dörte Dömeland (ed), Debt Relief and Beyond : Lessons Learned and Challenges ahead, 2009, https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/2681

[7] Robert Howse, The Concept of Odious Debt in Public International Law, CNUCED-UNCTAD, 2007 http://unctad.org/en/Docs/osgdp20074_en.pdf

[8] Nations unies, Cephas Lumina, Rapport de l’expert indépendant chargé d’examiner les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, en particulier des droits économiques, sociaux et culturels, 2009.
http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/11session/A.HRC.11.1_fr.pdf En anglais : UN, Cephas Lumina, Report of the independent expert on the effects of foreign debt and other related international financial obligations of States on the full enjoyment of all human rights, particularly economic, social and cultural rights, 2009 http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/11session/A.HRC.11.10_en.pdf

[9] Voir le rapport final des travaux de cette commission à laquelle j’ai participé en tant que représentant du CADTM. Ce rapport existe en anglais et en espagnol, il peut être téléchargé ici : http://www.auditoriadeuda.org.ec/index.php?option=com_content&view=article&id=89

[10] Voir CADTM – Dette illégitime : l’actualité de la dette odieuse. Position du CADTM, publié le 28 août 2008, http://www.cadtm.org/Dette-illegitime-l-actualite-de-la

[11] Commission pour la vérité sur la dette grecque, Rapport préliminaire de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque, en particulier les chapitres 8 et 9, http://www.cadtm.org/Rapport-preliminaire-de-la
Voir également Commission pour la vérité sur la dette grecque, « Analyse de la légalité du mémorandum d’août 2015 et de l’accord de prêt en droit grec et international », http://www.cadtm.org/Analyse-de-la-legalite-du

[12] On peut citer également la publication récente de livres universitaires sur le sujet : Stephania Bonilla, Odious Debt : Law-and-Economics Perspectives, Gabler publisher, Wiesbaden, 2011 ; Michael Waibel, Sovereign Defaults before International Courts and Tribunals, University of Cambridge, 2013 ; Jeff King, The Doctrine of Odious Debt in International Law. A Restatement, University College London, 2016 ; Michael Waibel, Sovereign Defaults before International Courts and Tribunals, University of Cambridge, 2013 ; Odette Lienau, Rethinking Sovereign Debt : Politics, Reputation, and Legitimacy in Modern Finance, Harvard University, 2014 ; Pénet, Pierre and Zendejas, Juan Flores (eds). Sovereign Debt Diplomacies. Rethinking Sovereign Debt from Colonial Empires to Hegemony, Oxford University Press, 2021 https://academic.oup.com/book/39549

[13] Les effets des transformations des États sur leurs dettes publiques et autres obligations financières : traité juridique et financier, Recueil Sirey, Paris, 1927.

[14] La liste des ouvrages qu’il a publiés indique qu’il ne s’est penché sérieusement sur la question des dettes publiques qu’à partir de la révolution russe.

[15] Nicolas Politis (Corfou 1872- Paris 1942), juriste, spécialiste du droit international ; diplomate et homme politique. Docteur en droit et sciences politiques (en 1894) ; professeur agrégé de droit public international aux facultés de droit des universités d’Aix-en-Provence (de 1898 à 1903), Poitiers (de 1903 à 1910), puis Paris (de 1910 à 1914). Membre de l’Institut de France ; membre fondateur de l’Académie d’Athènes (en 1926). Ministre des affaires étrangères de Grèce à plusieurs reprises (de 1916 à 1920, en 1922 et en 1936) ; représentant de la Grèce à la Conférence de la paix en 1919 ; ambassadeur de Grèce en France (de 1924 à 1925 et de 1927 à 1940). Membre et vice-président de l’Institut de droit international, vice-président de l’Académie de droit international de La Haye, membre de la Cour permanente d’arbitrage de La Haye, représentant la Grèce. Délégué à la Société des Nations (en 1923), puis président de l’assemblée de la SDN (en 1932). Autres formes du nom : Nikólaos Polítīs (1872-1942), Νικόλαος Πολίτης (1872-1942) Source : http://data.bnf.fr/13092602/nicolas_politis/
C’est tout à fait frappant de constater que Nicolas Politis, qui a été ministre des affaires étrangères de la Grèce à trois reprises, ne mentionne pas, dans son introduction au livre de A. Sack, la Grèce comme un exemple emblématique de dette odieuse. Nulle part dans son introduction, il ne fait allusion à la thématique de la dette odieuse qui manifestement à ses yeux ne constitue pas un élément central du livre de Sack.
Sur la dette odieuse de la Grèce dès son origine en 1829-1830, voir Éric Toussaint, « La Grèce indépendante est née avec une dette odieuse », http://cadtm.org/La-Grece-independante-est-nee-avec et Éric Toussaint, « Grèce : La poursuite de l’esclavage pour dette de la fin du 19e siècle à la Seconde Guerre mondiale », http://cadtm.org/Grece-La-poursuite-de-l-esclavage

[16] Serge Braudo, Dictionnaire du droit privé, http://www.dictionnaire-juridique.com/definition/doctrine.php

[17] FMI, Michael Kremer et Seema Jayachandran, « La dette odieuse », Finances et développement, juin 2002, Washington DC, https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2002/06/pdf/kremer.pdf

[18] Évidemment, Michael Kremer et Seema Jayachandran ont tout à fait le droit d’ajouter eux-mêmes cette condition supplémentaire. Mais il paraît évident que le consentement est régulièrement obtenu par la manipulation de l’opinion publique. On peut également se trouver face à une situation où une majorité fanatisée de la population donne son consentement pour que soient menées des politiques odieuses et criminelles, comme cela a été le cas sous le régime nazi par exemple.

[19] Pénet, Pierre and Zendejas, Juan Flores (eds). Sovereign Debt Diplomacies. Rethinking Sovereign Debt from Colonial Empires to Hegemony, Oxford University Press, 2021 https://academic.oup.com/book/39549

[20] Mitu Gulati,,Ugo Panizza, « Maduro Bonds » in Sovereign Debt Diplomacies : Rethinking sovereign debt from colonial empires to hegemony, Oxford Academic, https://academic.oup.com/book/39549/chapter/339409943

[21] Buchheit, L. C., Gulati, M. & Thompson, R. (2007). ‘The Dilemma of Odious Debts’.
Duke Law Journal, 56, 1201–62.

[22] Il s’agit de l’Alabama, l’Arkansas, la Floride, la Géorgie, la Louisiane, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et le Tennessee.

[23] Michael Waibel, Decolonization and Sovereign Debt : A Quagmire in Sovereign Debt Diplomacies : Rethinking sovereign debt from colonial empires to hegemony, Oxford Academic, https://academic.oup.com/book/39549/chapter/339408034

[24] Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités 1978, https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/3_2_1978.pdf , voir l’article 16 à la p. 207

[25] Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de biens, archives et dettes d’Etat, 1983, https://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/3_3_1983.pdf , voir l’article 38 à la page 239

[26https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Hugo

[27] Lehrbuch des Naturrechts, 2e édition, Berlin, 1819 cité dans Edwin Borchard, State Insolvency and Foreign Bondholders, Vol. I. General Principles. Yale University Press, New haven, 1951.

[28] Éric Toussaint, En quoi la répudiation des dettes par le Costa Rica devrait inspirer d’autres pays https://www.cadtm.org/En-quoi-la-repudiation-des-dettes

[29] Éric Toussaint, « Russie : origine et suites de la répudiation des dettes du 10 février 1918 », https://www.cadtm.org/Centenaire-de-la-revolution-russe

[30] Julia Juruna, « Le Fonds monétaire et les banques privées. Le ‘gendarme’ du grand capital », Le Monde diplomatique, octobre 1977, p. 1, 20 et 21.

[31] Edward S. Mason et Robert E. Asher. 1973. The World Bank since Bretton Woods, The Brookings Institution, Washington, D.C.

[32] Cette liste provient de Christina Laskaridis , Nathan Legrand, Éric Toussaint , « Des audits citoyens aux répudiations de dettes : l’actualité des luttes contre la dette illégitime » , publié le 23 décembre 2020, https://www.cadtm.org/Des-audits-citoyens-aux-repudiations-de-dettes-l-actualite-des-luttes-contre-la
Cet article en français est paru initialement dans le livre : The Routledge International Handbook of Financialization – 1st Edition, 2020, https://www.routledge.com/The-Routledge-International-Handbook-of-Financialization/Mader-Mertens-Zwan/p/book/9781032174631 Christina Laskaridis, Nathan Legrand and Éric Toussaint, « Historical Perspectives on Current Struggles against Illegitimate Debt » chapter 40

[33] Anaïs Carton et Éric Toussaint, « L’urgence de répudier les dettes : La convention de Vienne de 1983, socle d’un nouvel ordre économique international », publié le 6 avril 2023, https://www.cadtm.org/L-urgence-de-repudier-les-dettes

[34] “the Paris Club, the World Bank, regional development banks, and bilateral organizations also use conditionality frameworks in their country financing operations”

[35] “to help private creditors recover their loans”

[36] “Debt repayment mobilizes multilateral organizations like the IMF, the World Bank, and the Paris Club, whose practices of conditionality are hard to resist, even by Western countries, such as Greece recently.”

[37] Éric Toussaint, « Équateur : Les résistances aux politiques voulues par la Banque mondiale, le FMI et les autres créanciers entre 2007 et 2011 », publié le 15 janvier 2021, https://www.cadtm.org/Equateur-Les-resistances-aux-politiques-voulues-par-la-Banque-mondiale-le-FMI

[38] CADTM, « Le tribunal de l’AELE rejette les réclamations « Icesave » contre l’Islande et ses habitants », publié le 29 janvier 2013, https://www.cadtm.org/Le-tribunal-de-l-AELE-rejette-les et Renaud Vivien, Eva Joly, « En Islande, les responsables du naufrage bancaire n’ont pas pu acheter leur procès », publié le 20 février 2016, https://www.cadtm.org/En-Islande-les-responsables-du

[39] Article 26 (pacta sunt servanda) of the 1969 Vienna Convention on the law of treaties reads as
follows : “Every treaty in force is binding upon the parties to it and must be performed by them in good
faith.” The Vienna Convention entered into force in 1980. Its text is electronically available at
http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/english/conventions/1_1_1969.pdf

[40] Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre), 23 mai 2019, https://curia.europa.eu/juris/document/document_print.jsf;jsessionid=EA4A8B08EF9AD852027BA537FCEC5A7E?docid=214384&text=&dir=&doclang=FR&part=1&occ=first&mode=DOC&pageIndex=0&cid=6502141

[41] Voir notamment Renaud Vivien, « Quel type de lois peuvent prendre les États membres de l’UE pour restructurer unilatéralement leurs dettes ? », publié le 31 mai 2019, https://www.cadtm.org/Quel-type-de-lois-peuvent-prendre-les-Etats-membres-de-l-UE-pour-restructurer

[42] Giselle Datz, « Placing Contemporary Sovereign Debt : The Fragmented Landscape of Legal Precedent and Legislative Pre-emption » in Sovereign Debt Diplomacies : Rethinking sovereign debt from colonial empires to hegemony | Oxford Academic https://academic.oup.com/book/39549/chapter/339409082

[43] “in July, 2015, the Belgian House of Representatives unanimously passed its ‘anti-vulture funds’ law (…). The bill’s draft of April 2015 cites several cases of vulture fund-driven litigation in foreign courts as its motivation : Elliott Associates v. Peru in Belgium (1996–99), Kensington International v. the DRC in Belgium (cited above), FG Hemisphere v. the DRC in a Jersey Court in 2004, Donegal International v. Zambia in British courts (2007), and, of course, NML v. Argentina in New York courts (with critical judicial decisions stated in 2008 and 2012).¹⁵ The law established that ‘if a Belgian court finds a fund acting as a “vulture”, the latter cannot claim more than the discounted price it paid’ “ p. 272

[44] La décision complète de la Cour peut être consultée à l’adresse suivante : http://www.const-court.be/public/f/2018/2018-061f.pdf. On y lit à la page 2 que le CADTM est intervenu dans cette affaire en opposition au fonds vautour NML Capital LTD, société privée basée aux Iles Caïmans, un paradis fiscal notoire.
Voir aussi CADTM, Eurodad, CNCD “Debt justice prevails at the Belgian Constitutional Court : Vulture funds law survives challenge by NML Capital”, https://www.cadtm.org/Debt-justice-prevails-at-the-Belgian-Constitutional-Court-Vulture-funds-law

[45] “Finally, on 31 May 2018, the Belgian Constitutional Court put to rest NML Capital’s claims that the 2015 Belgian law was unconstitutional. Rather, the Court saw the law as ‘non-discriminatory, respectful of Belgium’s EU and inter- national commitments and not in violation of any constitutional right’. This was a victory for the supporting public and, in particular, for the NGOs that joined the Belgium state litigating in support of the law : the Belgian coalition of French- speaking development NGOs, CNCD-11.11.11, its Flemish sister organization 11.11.11, and the Committee for the Abolition of Illegitimate Debt (CADTM, 2018).” p. 273

[46] Zonebourse, « Un projet de loi de l’État de New York est considéré comme une aide à l’allègement de la dette des pays pauvres », 17 février 2023, https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Un-projet-de-loi-de-l-Etat-de-New-York-est-considere-comme-une-aide-a-l-allegement-de-la-dette-43022110/ Financial Times « New York moves to rewrite law on sovereign debt default recovery », 6 mars 2024, https://www.ft.com/content/3c4f3323-d9bb-4399-94fb-0bd4abd67b2a ; Cleary Gottlieb, « New York State Legislature Revives Sovereign Debt Restructuring Proposals », 26 mars 2024, https://www.clearygottlieb.com/news-and-insights/publication-listing/new-york-state-legislature-revives-sovereign-debt-restructuring-proposals

[47] Pablo Laixhay, Renaud Vivien, Aurore Guieu, « Annuler les dettes pour assurer la justice climatique », CADTM, 2 janvier 2024, https://www.cadtm.org/Annuler-les-dettes-pour-assurer-la-justice-climatique.

[48] Voir Patrick Bond & Éric Toussaint, « Afrique du Sud : Le soutien de la Banque mondiale et du FMI au régime de l’apartheid », publié le 24 avril 2019, https://www.cadtm.org/Afrique-du-Sud-Le-soutien-de-la-Banque-mondiale-et-du-FMI-au-regime-de-l

[49] Voir et Pierre Galand et Michel Chossudovsky, « L’usage de la dette extérieure du Rwanda (1990/1994). La responsabilité des bailleurs de fonds. La responsabilité des bailleurs de fond, Analyse et recommandations. Rapport préliminaire ». Bruxelles – Ottawa, novembre 1996, publié le 4 avril 2004, http://www.cadtm.org/L-usage-de-la-dette-exterieure-du

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