Trump et la globalisation du narcissisme politique – Nicolas Bonnal
Par Nicolas Bonnal
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Donald Trump fait rire tout le monde ou presque, mais Macron, Ursula, Kallas ou Mertz beaucoup
moins. Ce sont pourtant les mêmes symptômes de détraquement narcissique que l’on peut observer
partout. Mon ami Blondet avait dénoncé ces selfies grotesques des pétasses trentenaires
ministresses de la Défense un peu partout en Europe et prêtes à raser la Russie dans leurs baskets
Chanel. Mais le fait que la plupart des dirigeants actuels sont là depuis longtemps et s’accrochent
devrait aussi inquiéter tout le monde. Ils sont indélogeables et NE VEULENT PLUS PARTIR : voir
Trump, Macron, Sanchez, Z., mais aussi Poutine, Lula, Xi, Modhi, etc. la tendance est à la longévité de
l’autocrate (disait Mearsheimer de Poutine), et ce où que ce soit. Tout le monde se rêve Bonaparte
ad vitam. Netanyahou, homme de l’année et même du siècle, est là depuis trente ans je crois, et sa
violence s’accroît avec son âge déjà avancé.
Tout le monde lucide peut observer donc la dégradation psychique de nos dirigeants : mais
l’altération est générale, concerne tout le monde, y compris nous les narrateurs rebelles, et elle
accompagne la révolution de la communication technologique qui dégrade notre accès à la
connaissance (plus personne ne lit, tout le monde perd son temps sur X et You Tube conçus pour ça
aussi sans doute), exaspère nos différents et amplifie nos troubles psychiatriques et notre caractère
(je plaide coupable bien entendu).
L’excellent site suisse Watson a traduit une interview brève et intense d’un psychiatre allemand qui
parle de tout cela en quelques lignes. Je reprendrai sans trop commenter (à chacun de de faire son
idée et aussi son autocritique) :
« Le psychiatre Reinhard Haller, spécialiste de renommée mondiale, analyse les traits de personnalité
de Donald Trump.
Quels sont les traits qui vous permettent de dire que Donald Trump est narcissique?
Cinq caractéristiques principales ressortent: l’égocentrisme, la vanité, le manque d’empathie, la
dévalorisation des autres et la susceptibilité.
Voyons cela en détail, en commençant par l’égocentrisme.
Un narcissique place son propre point de vue au centre de tout. Dans le cas de Trump, son slogan
«Make America Great Again» peut être vu comme une vision très autocentrée, laissant peu de place
aux perspectives divergentes.
Comment se manifeste la vanité?
Les narcissiques recherchent constamment la reconnaissance et l’admiration. Trump semble
particulièrement attentif à son image publique et à l’attention qu’il reçoit. »
NDLR : relire le Petit Prince quand il visite les puissants de ce monde…
Plus importante la suite car elle concerne tout le monde : nous nous foutons par exemple des
souffrances des pays arabes et musulmans martyrisés par l’occident, nous nous foutons des
mutilations des gilets jaunes, des filles violées en Angleterre, et nous nous foutons du nombre de
victimes du vaccin : nous sommes devenus comme ça. Paul Nizan disait déjà il y a un siècle que le
bourgeois voyait le monde par ses écrans…
Je reprends l’interview :
« Qu’entendez-vous par manque d’empathie?
Ce trait peut se manifester par une apparente indifférence aux difficultés des autres. Certains de ses
discours et décisions politiques ont pu donner l’impression d’un faible souci du ressenti des autres. »
Oui, parler de casino à Gaza… Mais passons. Evitons les lourdes condamnations.
On constate aussi chez Trump (comme chez l’Autre en France) une tendance typique des
narcissiques à dévaloriser les autres : je plaide coupable car comme je le dis la tendance techno-
narcissique concerne tout le monde et j’en parlais déjà dans mon Internet Nouvelle voie initiatique.
Internet sert à s’engueuler avait dit un jour Michel Rocard, qui avait été le meilleur premier ministre
de la cinquième république – avec un autre socialiste protestant, Lionel Jospin, mal récompensé de sa
droiture et de son bilan.
« Comment s’exprime la dévalorisation des autres?
Les critiques semblent souvent déclencher chez lui des réactions très vives, ce qui est caractéristique
des personnalités narcissiques. »
Trump ouvre les yeux de tout le monde – enfin, théoriquement… – car il est trop susceptible,
devenant ce faisant une cible facile :
« Et qu’en est-il de la susceptibilité?
C’est en quelque sorte son talon d’Achille. Les critiques semblent souvent déclencher chez lui des
réactions très vives, ce qui est caractéristique des personnalités narcissiques.
Donald Trump est donc une personne vulnérable?
Les narcissiques paraissent grands et inébranlables de l’extérieur, mais ils ont une peau très fine. La
moindre critique les touche profondément, une goutte de pluie a l’effet d’un coup de fouet. Ils ne
peuvent tolérer aucun avis différent sans se sentir attaqués.
«Pour se stabiliser, ils dévalorisent les autres. C’est pourquoi ils le font si rapidement: c’est un
mécanisme de protection»
On comprend alors mieux les âneries distillées par le pauvre président sur Social Truth et ailleurs.
Ajoutons tout de même que Trump a contre lui les médias, médias qui font le jeu de la tyrannie en
Europe, comme l’a observé JD Vance au cours d’une conférence brillante et déjà oubliée. Trump est
moins périlleux que nos autocrates européens belliqueux et autoritaires. Il n’est que narcissique et à
peu près impuissant.
Après l’interview devient encore plus intéressante. Car cela concerne tout le monde. Au-delà de
Donald-cible-facile, comme dirait un chef sioux.
« Pourquoi la société devient-elle plus narcissique?
Plusieurs facteurs entrent en jeu. Une phrase particulièrement pertinente vient de Stephen Hawking,
le célèbre astrophysicien: peu avant sa mort, il a déclaré que la survie de l’humanité dépendrait de sa
capacité à préserver l’empathie.
«Car sur tous les autres plans – intelligence, logique, même créativité – les machines finiront par
nous surpasser, si ce n’est déjà le cas»
Oui, et on constate que Virgil Gheorghiu avait raison dans sa vingt-cinquième heure : nous pensons
en mode machine et nous sommes même moins sensibles que Grok ou ChatGPT. La machinerie de la
communication nous a mieux désensibilisés que l’Inquisition (voir Bruckberger) ou le nazisme (Primo
Levi). Nous n’en sommes qu’au début. Les bourreaux de Gaza restent des pauvres victimes des
holocaustes et de la haine antisémite, et les bourreaux des petites vieilles en Europe des victimes du
racisme et de l’extrême-droite.
Haller ajoute :
« Mais l’empathie, cette capacité à ressentir ce que l’autre ressent, reste une caractéristique
fondamentalement humaine. Malheureusement, c’est précisément cette faculté qui est menacée.
Pourquoi?
La communication numérique remplace de plus en plus les échanges en face-à-face. Les emojis et les
«likes» ne sont pas de véritables expressions émotionnelles. Les réseaux sociaux encouragent
l’autopromotion narcissique et appauvrissent la profondeur des relations humaines. A cela s’ajoute
l’idéal de «coolitude» imposé par la société: il faut paraître fort, indépendant, inébranlable. La
vulnérabilité, les besoins affectifs, la proximité sont dissimulés derrière un masque. Et plus cette
façade est entretenue, plus l’empathie diminue et plus le narcissisme s’accroît. »
La technologie accélère cette insensibilité qui est venue avec le monde moderne. Dans ma
dissertation sur Chateaubriand je rappelais avec le Maître (c’est mon moment narcissique, la
citation…) :
« Il voit le basculement immoral de l’homme moderne, grosse bête anesthésiée, ou aux indignations
sélectives, qui aime tout justifier et expliquer :
« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le
progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette
contradiction ?
C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n’étaient
point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment
religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ;
si on les jugeait autrefois d’une manière différente, c’est qu’on n’était pas encore, ainsi qu’on l’ose
affirmer, assez avancé dans la connaissance de l’homme ; on les analyse actuellement ; on les
éprouve au creuset, afin de voir ce qu’on peut en tirer d’utile, comme la chimie trouve des
ingrédients dans les voiries. »
Reprenons Haller qui rappelle un de mes génies préférés (n’en déplaise à Guénon) :
« Vivons-nous à l’ère du narcissisme?
Autrefois, dans de nombreuses religions, le narcissisme était considéré comme un péché – une
volonté de s’élever à la hauteur des dieux. Sigmund Freud l’a ensuite décrit au début du 20e siècle
comme un trouble psychologique. Aujourd’hui, c’est devenu un idéal social dans bien des domaines:
il faut se mettre en scène, se présenter sous son meilleur jour, projeter une image parfaite. »
Après encore un point essentiel : l’électeur n’est pas victime de la propagande (sinon il n’aurait pas
voté Trump par exemple…), l’électeur adore voter pour le sociopathe qui lui ressemble (on ne citera
personne) – et Haller d’expliquer pourquoi :
« Pourquoi les gens choisissent-ils de plus en plus des dirigeants narcissiques?
Nombreux sont ceux qui trouvent fascinant quelqu’un qui transgresse toutes les règles. Quelqu’un
qui affirme: «Les lois sont pour les faibles», «Toute critique est une fake news», «Plutôt construire un
mur que discuter». Ces solutions simples et autoritaires impressionnent – en particulier ceux qui
aimeraient eux-mêmes pouvoir agir ainsi, mais qui n’en ont pas la possibilité. Ce qui m’a cependant
surpris lors des dernières élections américaines, c’est que les électeurs de Trump provenaient de
tous les milieux sociaux – y compris parmi les intellectuels et les scientifiques. Cela a ébranlé mon
hypothèse selon laquelle le narcissisme ne trouverait un écho que dans certains segments de la
population. »
Ces « lois qui sont faites pour les faibles », cela rappelle furieusement les sophistes et le phénoménal
Calliclès de Platon : le discours politique nourrit le narcissisme et il est constitutif de la logique
politique en occident. Mais passons.
Oui plus le dirigeant occidental (c’est clairement le pire en ce moment, et je répète que Trump n’est
pas le pire) est empreint de Chutzpah, plus il est adoré et réélu.
Le reste est chez Guy Debord : « Qui a pu en faire tant sans peine ira forcément plus loin. On ne doit
pas croire que puissent se maintenir durablement, comme un archaïsme, dans les environs du
pouvoir réel, ceux qui n’auraient pas assez vite compris toute la plasticité des nouvelles règles de leur
jeu, et son espèce de grandeur barbare. Le destin du spectacle n’est certainement pas de finir en
despotisme éclairé. »
Sources principales :
https://numidia-liberum.blogspot.com/2025/07/usania-un-pays-dirige-par-des-fous.html
https://www.watson.ch/fr/international/donald-trump/563308486-egocentrique-vaniteux-
narcissique-trump-vu-par-un-psychiatre
https://www.dedefensa.org/article/chateaubriand-et-la-conclusion-de-notre-histoire
https://www.profession-gendarme.com/la-25eme-heure-et-la-prophetie-de-notre-extermination-
technique/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Chutzpah
« Chutzpah peut être utilisé pour exprimer l’admiration envers un culot non-conformiste. Cependant,
dans Les Joies du Yiddish, l’expression est illustrée par l’histoire du parricide implorant l’indulgence
du tribunal en s’exclamant : « Ayez pitié d’un pauvre orphelin ».
https://achard.info/debord/CommentairesSurLaSocieteDuSpectacle.pdf
https://xn--lerveildesmoutons-dtb.fr/entretien-avec-nicolas-bonnal-2/
https://www.dedefensa.org/article/nizan-et-les-caracteres-de-notre-tyrannie-bourgeoise
Le narcissisme est d’abord l’expression d’une immaturité du psychisme humain et d’un état de néant spirituel; l’identité égotique, plus ou moins construite, est sa propre idole.