Yves d’Amécourt : « L’État nounou est une servitude volontaire, douce mais redoutable »

Source : epochtimes.fr/ – 18 juillet 2025 –

https://www.epochtimes.fr/yves-damecourt-letat-nounou-est-une-servitude-volontaire-douce-mais-redoutable-3017238.html?utm_source=fr_dujournoe&src_src=fr_dujournoe&utm_campaign=fr_dujour-2025-07-19&src_cmp=fr_dujour-2025-07-19&utm_medium=email&est=2yD3VjbLaRFn5DzHjk1O%2Byv%2BDmaeBVgXeKqZqQPWLPkdQkNF2rk9gPETDFbvjj3Qz0Xb

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L’ancien élu local et viticulteur girondin Yves d’Amécourt, également porte-voix du mouvement Nouvelle Énergie présidé par David Lisnard, dénonce dans ses tribunes un glissement progressif de la société française vers une forme d’infantilisation généralisée. Un phénomène qu’il analyse comme le fruit combiné des médias, du Parlement et d’un État devenu « nounou ».

Dans cet entretien, il revient sur les origines de cette dérive, son accélération sous Emmanuel Macron, et les conséquences démocratiques de ce qu’il appelle le « syndrome du ralentisseur ». Il y ajoute une réflexion plus large sur le biais généralisé qui affaiblit l’espoir collectif.

Epoch Times : Vous écrivez que l’État infantilise les Français depuis vingt ans. Il y a eu un basculement au début des années 2000 ?

Yves d’Amécourt : Oui. On peut situer un tournant vers les années 2000, avec la montée en puissance d’un État qui préfère la norme à l’action, la procédure au résultat. Le phénomène est plus ancien, mais il s’est structuré à cette époque. Ce qu’on appelait jadis la puissance publique s’est peu à peu muée en surveillance douce. On n’agit plus sur le réel, on l’encadre. On ne protège plus, on anticipe, on prévient, on « incite » – et toujours au nom du bien. Le résultat, c’est une infantilisation générale.

Le citoyen est vu comme un enfant à protéger, pas comme un adulte à responsabiliser. C’est ce que j’ai appelé sur mon blog « l’État nounou, l’écran papa, le grille-pain sauve » : toute la société semble désormais pensée pour éviter à l’individu d’avoir à exercer son jugement.

Avez-vous constaté une accélération de ce phénomène depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron ?

Indiscutablement. Emmanuel Macron incarne l’aboutissement de cette logique. Son parcours – l’ENA, Bercy, la haute administration, les cabinets – en fait l’enfant modèle du système technocratique. Il croit, sincèrement je pense, que l’intelligence du système suffit à faire le bonheur des gens. Mais à force de croire que le logiciel est plus fort que la vie, on finit par gouverner contre la réalité.

C’est ce que j’appelle la dictature du modèle : on ne part plus du terrain, on part du tableur Excel. Quand la vie contredit le modèle, ce n’est pas le modèle qu’on corrige, c’est la vie qu’on tente d’ajuster. C’est l’essence même du gouvernement par algorithme.

Mais si l’État joue aujourd’hui un rôle de « nounou », n’est-ce pas aussi parce que les Français le demandent ?

C’est le cœur du problème. La servitude est volontaire. Une partie de nos concitoyens attend de l’État qu’il les soulage de toute décision, de toute incertitude, de toute difficulté. À chaque fait divers, une loi. À chaque émotion collective, une interdiction. On voit dans la loi un remède à la complexité du monde.

Mais cette logique est perverse : plus l’État intervient, plus l’individu se défausse, et plus il faut que l’État intervienne encore. On est dans une boucle d’addiction réglementaire. Le citoyen devient dépendant de l’État comme un enfant de ses parents. Ce qui était censé nous libérer finit par nous enfermer.

Vous écrivez : « À force de gouverner par la norme douce, le slogan préventif et la fiscalité incitative, l’État ne protège plus : il formate. » Que voulez-vous dire ?

L’État a changé de rôle : il n’est plus le garant des libertés, il est devenu un pédagogue permanent. On ne se contente plus de fixer des règles : on oriente les comportements, on formate les esprits, on impose des récits. Par les taxes « incitatives », les nudges numériques (des outils conçus pour modifier nos comportements au quotidien, ndlr), les discours d’autorité, on cherche à influencer les choix de chacun. Il s’agit moins de préserver la liberté que de guider la population vers ce que l’on considère comme « le bon choix ». C’est la tyrannie de la bienveillance.

Et cela finit par produire des citoyens désorientés, soupçonneux, voire défiants, car ils sentent confusément qu’on ne leur fait pas confiance. Le plus grave, c’est que cela détruit la culture du débat, du doute, de la complexité.

Il y a donc pour vous une dérive totalitaire ?

J’ai souvent dit que ce n’est pas Georges Orwell, c’est Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes. Ce n’est pas la brutalité, c’est la dépendance. Ce n’est pas la terreur, c’est l’accoutumance. Ce n’est pas la censure, c’est le bavardage continu. Ce n’est pas la peur, c’est l’oubli. On nous endort sous une avalanche d’informations, de normes, d’applications.

On vous dit ce que vous devez manger, comment vous déplacer, comment trier vos déchets, comment vous chauffer. Tout cela au nom de la planète, de la santé, ou du progrès. Mais à force d’être assistés, nous devenons inaptes à faire face à la complexité du monde. Nous régressons. Nous redevenons des mineurs civiques.

Vous dénoncez aussi le rôle du Parlement dans ce processus.

Oui, car les parlementaires ne résistent plus à cette logique. Ils en sont devenus les relais, parfois les accélérateurs. Chaque député rêve de laisser son nom à une loi, comme on grave une initiale dans l’écorce d’un arbre. Ils réagissent à l’émotion du moment, sans recul, sans vision d’ensemble. D’où cette inflation législative démentielle. On fabrique des lois pour répondre à un cas particulier, sans jamais supprimer les anciennes. On multiplie les exceptions, les seuils, les dérogations.

Le résultat, c’est un maquis réglementaire. Et ce maquis est le contraire du droit. C’est ce que j’appelle le « syndrome du ralentisseur » : on généralise une contrainte pour traiter un problème localisé, comme on installe un dos d’âne après un excès de vitesse. C’est toujours plus facile d’interdire que d’éduquer, plus rapide de punir que de comprendre.

Dans l’un de vos billets, vous évoquez un monde « biaisé ». Quel est le lien avec l’État nounou ?

Un lien direct. Le monde biaisé est celui où l’on fabrique la réalité à travers des indicateurs, des classements, des messages d’alerte, des campagnes de communication. Tout devient biaisé : l’information, les chiffres, les représentations. Et dans ce monde biaisé, l’État devient à la fois l’émetteur du récit et le contrôleur de son application. On se méfie des faits, on s’abrite derrière des « vérités officielles », souvent déconnectées de la vie réelle. L’expérience humaine, la transmission, l’intelligence du bon sens sont évacuées.

C’est un monde où le doute est interdit, où toute critique est disqualifiée comme « complotiste ». Et dans ce climat, l’espérance se retire. Il faut donc résister, cultiver notre liberté intérieure, défendre la vérité même lorsqu’elle dérange, et surtout ne jamais perdre la capacité d’émerveillement. Car l’espérance est un acte de volonté.

J’aime beaucoup cette citation de Pierre Desproges qui, déjà, dénonçait cette dérive : « Un jour j’irai habiter en Théorie. Parce qu’en Théorie, tout va bien ! »

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