Le commissaire Andrius Kubilius appelle à augmenter les dépenses militaires de l’UE face à la Russie
Source : euractiv.fr – 7 novembre 2024 – Iuliia Akhmedova et Théophane Hartmann
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Le commissaire désigné à la Défense et à l’Espace, Andrius Kubilius, a assuré aux eurodéputés lors de son audition mercredi 6 novembre que, malgré les incertitudes entourant la future administration Trump, il s’engageait à préparer l’Europe à toutes les menaces militaires potentielles, y compris à une éventuelle agression russe.
Lors de son audition devant le Parlement européen, le commissaire proposé par la Lituanie, à qui la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a confié les portefeuilles de la Défense et de l’Espace, a déclaré que la défense serait l’une des priorités du prochain exécutif européen.
Au terme de cette audition, Andrius Kubilius a été confirmé dans ses fonctions à une majorité des deux tiers. Il a été soutenu par les membres de son groupe politique, le Parti populaire européen (PPE), mais également par des eurodéputés Socialistes et Démocrates (S&D), des Verts, des centristes et des libéraux (Renew), ainsi que par des Conservateurs et Réformistes européens (CRE), selon deux sources.
Les groupes d’extrême droite des Patriotes pour l’Europe, de l’Europe des nations souveraines et le groupe de La Gauche (GUE/NGL) ont voté contre lui.
De nombreux défis
Andrius Kubilius a confié aux eurodéputés qu’il fallait « renforcer d’urgence la préparation de l’Union européenne (UE) à une potentielle agression militaire. Même si, pour l’instant, il est difficile de prédire quelles seront les prochaines politiques de la nouvelle administration américaine, nous pouvons anticiper qu’au cours des prochaines décennies, les États-Unis se concentreront davantage sur le défi stratégique posé par la Chine ».
La première tâche du futur commissaire sera de renforcer la préparation de l’Europe à l’éventualité d’une agression militaire. Selon de récentes évaluations de services de renseignements, la Russie pourrait rapidement mettre à l’épreuve les déterminations de l’UE et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).
Pour contrer efficacement la menace russe, l’aspirant commissaire lituanien devra donc travailler sur des projets rassemblant l’ensemble des États membres, comme un bouclier de défense contre des attaques aériennes ou sur un système capable de contrer les cyberattaques.
Son second défi sera de créer un marché européen de la défense, celui-ci étant pour l’heure très fragmenté, ce qui entraîne des doublons et une faible interopérabilité. Comme le souligne le récent rapport rédigé par le Finlandais Sauli Niinistö à la demande de la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, les capacités de défense de l’UE ne sont pas à la hauteur des besoins.
« Il s’agira de promouvoir l’utilisation des normes de l’OTAN, et de soutenir la reconnaissance des certifications afin de garantir l’interopérabilité avec l’Occident », a-t-il déclaré.
Le commissaire entend réviser et évaluer la directive sur les marchés publics de la défense, améliorer l’accès au marché pour toutes les entreprises, en particulier les PME, afin de stimuler l’innovation et d’encourager une plus grande coopération transfrontalière susceptible de réaliser des économies d’échelle.
Il espère également une augmentation significative des investissements publics et privés dans la recherche et le développement. Plus important encore selon lui, les achats transfrontaliers au sein de l’UE devraient être équivalents aux achats au niveau national.
« Nous avons besoin d’une UE de la défense non pas pour faire la guerre, mais pour maintenir la paix. Cela nécessite un changement de paradigme et une réforme systémique de la défense européenne, basée sur la coopération entre les États membres, et avec l’OTAN. Il n’y a pas de concurrence entre l’OTAN et l’UE sur les questions de défense », a-t-il insisté.
Dépenser plus, dépenser mieux, dépenser ensemble
Selon le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité de l’Europe, l’industrie européenne de la défense a besoin de 500 milliards d’euros au cours de la prochaine décennie pour rester compétitive. Pour Andrius Kubilius, l’UE devrait donc optimiser son soutien financier, accroître les investissements nationaux et exploiter immédiatement les actifs existants.
Une fois commissaire, il présentera, dans les 100 premiers jours de son mandat, un livre blanc sur l’avenir de la défense européenne avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
« Nous définirons une nouvelle approche de la défense et identifierons les besoins d’investissement pour fournir un spectre complet de capacités de défense européennes sur la base d’investissements conjoints dans les États membres pour les contingences militaires les plus extrêmes », a-t-il affirmé.
« Nous devons dépenser plus, dépenser mieux, dépenser ensemble », a-t-il poursuivi.
L’Ukraine est le meilleur investissement pour la sécurité de l’Europe
Andrius Kubilius est né en Lituanie, durant la période soviétique. Après avoir milité pour l’indépendance de son pays, il est devenu Premier ministre et a été pendant plusieurs années un membre influent de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen.
Le candidat lituanien a estimé que l’UE devait faire plus pour soutenir Kiev et s’est engagé à soutenir l’intégration des industries de la défense et de l’espace de l’Ukraine et de l’UE.
« Le meilleur investissement dans la sécurité européenne est l’investissement dans la sécurité de l’Ukraine », a-t-il soutenu.
Les engagements d’Andrius Kubilius sur le volet Espace
Sur le second volet de son portefeuille — à savoir l’Espace — le Lituanien s’est abstenu de détailler des objectifs concrets.
Il s’est engagé à travailler en étroite collaboration avec les eurodéputés de la commission Sécurité et défense (SEDE) du Parlement européen, à soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) dans les secteurs de la défense et de l’espace, et à augmenter « de manière significative » le budget de la défense de l’UE, qui s’élève à 14 milliards d’euros sur sept ans, sans pour autant donner de chiffre.
Il a renvoyé certaines questions aux responsables de l’OTAN ou à la future Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, Kaja Kallas, soulignant ne pas avoir l’autorité nécessaire pour traiter ces questions lui-même.
Il a néanmoins soutenu l’adoption d’une législation spatiale européenne, qu’il souhaite présenter au début de l’année 2025, afin d’harmoniser les industries spatiales des 27 États membres. Initialement prévue pour le premier trimestre 2024, cette législation a été reportée à plusieurs reprises.
Reconnaissant le retard de l’Europe en matière de capacités de lancement par rapport à SpaceX d’Elon Musk, le Lituanien s’est engagé à développer des pôles spatiaux et à diversifier les services de lancement.
Partisan de la souveraineté technologique, il a ensuite souligné l’importance de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, en particulier pour les matières premières essentielles.
Il a également exprimé son soutien à la mise en œuvre de la boîte à outils pour la sécurité 5G de l’UE, qui vise à restreindre les équipements de télécommunications provenant de fournisseurs à haut risque tels que les entreprises chinoises Huawei et ZTE.
Cinq priorités pour le secteur spatial de l’UE
Andrius Kubilius a aussi présenté cinq grandes priorités pour l’industrie spatiale européenne : diversifier les capacités de lancement, unifier le marché de l’espace grâce à la future loi européenne sur l’espace, accroître le soutien aux start-ups et aux scale-ups (entreprises ayant dépassé le stade de start-ups) du secteur spatial, augmenter le budget de l’espace lors du prochain cadre financier pluriannuel (CFP 2028-2034) et préparer les capacités spatiales à un double usage, y compris dans les situations d’urgence militaire.
Il a également fait l’éloge des initiatives européennes existantes, telles que les constellations de satellites Galileo et Copernicus, comme la preuve de la puissance de l’Europe dans le domaine spatial. Selon le commissaire, qui prévoit que l’économie mondiale de l’espace atteindra 1 000 milliards d’euros d’ici 2034, « l’Europe doit participer à la révolution spatiale ».