Taux d’intérêt de la BCE : « L’Europe doit se préparer à une crise économique et sociale de grande ampleur »
Source : marianne.net – 8 novembre 2024 – Emmanuel Sales
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Ex-élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie et président de la Financière de la Cité, Emmanuel Sales estime qu’à rebours de la communication rassurante de Christine Lagarde, sa présidente, le taux d’intérêt de la Banque centrale européenne demeure trop élevé, ce qui est mauvais signe pour l’économie.
La Banque centrale européenne (BCE) vient d’annoncer une baisse de 0,25 % de son taux directeur à 3,25 % alors que l’inflation est à 1,7 % (et à 1,2 %, hors secteur de l’hôtellerie et de la restauration). Avec un taux d’intérêt égal au double de l’inflation, la politique monétaire demeure donc ouvertement restrictive, ce qui n’a pas empêché la présidente de la BCE, Christine Lagarde, d’affirmer que l’objectif de 2 % d’inflation « à moyen terme » n’était pas encore « atteint » et que l’Europe « n’allait pas vers une récession ». Continuons donc à saigner le malade tant qu’il donne encore quelques signes de vie.
Rien ne semble en effet freiner le déclin économique de l’Europe : en Allemagne, l’activité du secteur privé est au niveau de 2018, l’investissement industriel est en chute libre et les indices de confiance ne cessent de baisser depuis la première hausse de taux d’intérêt de la BCE. En France, la survenance d’une prime de risque consécutive à la dissolution et la mise en œuvre d’un plan de réduction du déficit pèsent sur les faibles perspectives de croissance, qui ont été divisées par deux. La fin des mesures exceptionnelles de soutien à l’économie devrait également se faire sentir en Europe du Sud où les prévisions sont à la baisse pour 2025.
La crise qui vient
La combinaison d’une politique de restriction monétaire et de déflation budgétaire n’a jamais produit rien de bon. Aucune grâce divine ne viendra nous récompenser de cet accès d’ascétisme économique. Quel investisseur irait risquer son capital dans une économie déclinante, tourmentée par l’empreinte qu’elle peut laisser sur le monde ?
L’Europe doit donc se préparer à une crise économique et sociale de grande ampleur. Elle sera la première victime du deuxième choc déflationniste chinois initié par Xi Jinping : 15 millions d’emplois sont concernés. Le jeu mené par Pékin n’a rien à voir avec les principes du libre-échange d’Adam Smith. C’est une logique de prédation de parts de marché appuyée sur des entreprises d’État.
Mais depuis plusieurs mois, les constructeurs automobiles allemands se sont préparés en passant des accords avec des entreprises chinoises pour maintenir leurs marges. En Europe, le combat est déjà perdu. La prochaine étape sera la vente d’infrastructures à la Chine – ports, aéroports, installations industrielles – comme l’Allemagne et la France l’ont exigé de la Grèce et de l’Italie il y a quinze ans. Et il se trouvera certainement des esprits assez sots pour se féliciter de cette nouvelle « cure d’amaigrissement ».
Comment inverser la tendance ? Le système européen est inchangeable de l’intérieur comme l’a montré la réception du rapport Draghi. La culture déflationniste allemande et les rancœurs nationales nées depuis la crise de la zone euro rendent peu probable la mise en œuvre d’une stratégie commune de croissance. Seule la France aurait pu prendre cette initiative en constituant autour d’elle une coalition d’intérêts comme savait le faire notre diplomatie sous l’Ancien Régime. Mais cela supposait des dirigeants faits d’un autre bois.
Comment le peuple français sortira-t-il de cette nouvelle épreuve ? La grande faculté de la France, disait Bainville, c’est de reconstituer sans cesse une classe moyenne qui est la source de tous les talents. Encore faut-il que chaque génération nouvelle trouve dans la société des perspectives et aussi une forme de tranquillité permettant le libre exercice des facultés intellectuelles. On a connu pour cela de meilleure époque.