Géopolitique du Coronavirus XII – Entretien avec Jean-Yves Le Gallou

Au cœur d’une crise mondiale inédite par son ampleur, Strategika vous propose l’éclairage d’analystes et de penseurs reconnus dans leur domaine d’expertise. Nous avons posé à chacun une série de questions qui portent sur les différents aspects de cette véritable crise de civilisation ainsi que sur ses répercussions politiques, géopolitiques et sociales.

C’est aujourd’hui Jean-Yves Le Gallou qui nous répond

Jean-Yves Le Gallou est un haut fonctionnaire, intellectuel et homme politique français. Lauréat du concours général en géographie puis en histoire. Diplômé d’études supérieures de sciences économiques et de l’Institut d’études politiques de Paris. Ancien élève de l’ENA. Membre du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne – GRECE, il est le cofondateur en 1974 du Club de l’Horloge, célèbre laboratoire d’idées politiques. Il est le cofondateur et l’animateur principal du think tank Fondation Polemia depuis décembre 2002.
Créateur du Bulletin de réinformation sur Radio Courtoisie (2007) et de l’émission i media sur TVLibertés (2014), il est aussi le cofondateur de l’ILIADE, Institut pour la longue mémoire européenne fondé en 2014.
Jean-Yves Le Gallou est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment : Les Racines du futur (Masson, 1977, réédition 1984) ; La Préférence nationale : réponse à l’immigration (Albin Michel, 1985, réédition 1988); Etre Français, cela se mérite (Albatros, 1987) ; Rapport d’enquête sur le budget européen (Les Presses bretonnes, 1996) ; Le défi gaulois, carnets de route en France réelle (Libraire nationale, 2000) et Immigration : la catastrophe. Que faire ? (2016) aux éditions Via Romana.

Strategika – On lit beaucoup d’éléments contradictoires selon les différentes sources d’information disponibles ou selon les avis des professionnels de la santé. Quelle est la réalité effective de cette pandémie selon vous ?

Ni une grippette, ni une grande peste. Si l’épidémie se poursuit au rythme actuel en France il y aura de l’ordre de 30 000 morts, courant mai, vers la fin du premier épisode ; 10 000 morts de personnes très fragiles dans les EPHAD mais aussi 20 000 morts à l’hôpital, des décès prématurés et parfois fortement prématurés. L’épidémie sature aussi tous les systèmes de santé dans les pays qu’elle touche en dépit des mesures très contraignantes prises pour la combattre, en cela aussi le COVID19 est différent d’une grippe ordinaire.

Pour se faire une bonne idée du potentiel agressif du virus il suffit de regarder le Charles de Gaulle. 1760 marins en bonne santé, de 20 à 50 ans, en majorité des hommes : 1046 infectés, 500 avec des symptômes, 24 hospitalisés, 10 sous oxygène, 2 en réanimation.

Le covid19 est plus grave que la grippe asiatique (1958) ou la grippe de Hong-Kong (1969). Mais ce n’est pas non plus une Grande peste anéantissant la moitié d’une population. Ni la grippe espagnole (1918/1919) qui ravagea le monde qui, il est vrai, ne disposait pas des moyens médicaux actuels.

Mais avec un taux de létalité estimé à 0,5%, si le virus infectait la moitié de la population française il tuerait 160 000 personnes. Un chiffre jugé socialement inacceptable ce qui a justifié les mesures de confinement. D’autant que ces mesures ont conduit à éviter un pic trop élevé de l’épidémie ce qui a permis au système de santé de faire face. Mais le virus, sauf s’il s’atténue avec le temps, peut retenter ses chances lors d’une deuxième manche…

Strategika – Cette pandémie précède-t-elle un effondrement économique et systémique ?

Le système a une grande résilience. Il l’a montré lors de la crise financière de 2018. Ceci étant l’impact économique sera d’autant plus lourd qu’il touche des pays déjà très endettés. Au sein de la zone euro le fossé va encore plus se creuser entre les pays du sud – France comprise évidement – et la zone germanique. Jusqu’à quand le lâcher de billets par hélicoptère peut-il marcher ? L’euro est clairement menacé dans sa survie.

Strategika – Plus de 3 milliards de personnes sont appelées à se confiner dans le monde. Pour la première fois de son histoire, l’humanité semble réussir à se coordonner de manière unitaire face à un ennemi global commun. Que vous inspire cette situation ?

Tous les romans de science-fiction insistent sur la nécessité d’un ennemi commun pour unir les terriens. C’est le scénario de la Guerre des mondes ou de Mars attack. Pour servir le discours mondialiste le coronavirus a remplacé le réchauffement climatique.

Les communicants font le grand écart : d’un côté ils nous disent « restez chez vous » et ils placent les frontières à la porte des appartements ; de l’autre ils annoncent multiplier les réunions internationales type ONU. Les grands organismes onusiens sont des acteurs majeurs du cosmopolitisme et du mondialisme : l’UNESCO pour l’école et la culture, le GIEC pour le climat, l’office des réfugiés pour l’immigration. L’OMS adossée sur la Chine et les GAFA va venir en renfort.

Surtout les médias de propagande insistent sur des événements partagés sur la terre entière. Ceci étant c’est de la pure propagande : il suffit de regarder ce qui se passe en France. Le confinement n’est pas pratiqué de la même façon dans les banlieues de l’immigration et les quartiers français. L’avion efface les distances entre nations mais les lignes de métro ne suffisent pas à rapprocher des peuples différrents…

Mais n’oublions pas : la propagande cela marche et cela peut s’imposer contre le réel !

Strategika – Cette pandémie va-t-elle forcer l’humanité à se doter d’un gouvernement mondial comme le préconisait Jacques Attali lors de la pandémie de grippe A en 2009 ?  

La pandémie va être utilisée par la propagande mondialiste bien sûr. Mais dans les faits l’heure est plutôt au cloisonnement. A l’intérieur de chaque pays d’ailleurs. Les Chinois ont isolé la province de Wuhan. Et les pays fédéraux – Allemagne, Suisse – semblent mieux s’en sortir que les pays centralisés comme la France. C’est au plus près du terrain qu’il y a la meilleure réactivité. Quant au traitement – voire au vaccin – c’est la multiplicité des essais et des tentatives qui permettront (éventuellement ) de découvrir ce qui marche.

Strategika – En 2009 toujours, Jacques Attali expliquait que « l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur ». Que vous inspire cette idée ?    

C’est exact. La peur, l’émotion, sont les moyens de propagande les plus puissants. Ils ont fait accepter aux Français une dictature sanitaire :

-limitation de la liberté de circulation bien au-delà des seules nécessités pour limiter la propagation du virus (interdiction du sport, fermeture des parcs et des forêts) ;

-atteintes aux liens les plus intimes et les plus sacrées : visites aux mourants, honneurs funéraires ;

-perspectives de traçage numérique pour la sortie du confinement ;

-censure revendiquée par Facebook en lien avec les « facts checkers », ces « journalistes » (sic !) de Libération, de l’AFP et du Monde  qui défendent mordicus des vérités officielles;

-mise en cause de la liberté de prescription médicale avec l’interdiction de l’usage de la chloroquine pour lutter contre le virus ;

Choc du virus. Choc sur nos libertés. Nous vivons une séquence de « stratégie du choc » selon l’expression de l’essayiste altermondialiste Naomi Klein. Une avancée dans le Moulag, ce goulag mou qui nous est imposé.

Strategika – Comment voyez-vous l’évolution de la pandémie et ses conséquences politiques et sociales dans les semaines à venir ?

En mai nous sortirons probablement du premier cycle de l’épidémie.

Mais la crainte d’un retour de flamme conduira à un maintien de fortes restrictions.

Poursuite des privations de libertés et renforcement de la surveillance technologique via les drones et les applications de traçage numérique.

Et début des conséquences économiques dont les principales victimes seront les indépendants et les TPE /PME. Regardez ! Les marchés et les petits commerces ont été fermés pour le plus grand bénéfice des grandes surfaces commerciales.

Mais, attention, les entreprises stratégiques sont aussi menacées. Pendant que nos communicants découvrent, sur fond de pénurie de masques, les vertus de l’indépendance économique, les fonds rapaces chinois ou américains préparent leurs raids sur les entreprises en difficultés.

Comme l’a montré Michel Geoffroy c’est aussi par le chaos que la superclasse mondiale gouverne. Pour les oligarques le mal est souvent un bien au service du pire.

Pour les grands oligarques qui nous gouvernent le COVID19 ce n’est pas qu’un problème, c’est aussi une opportunité.

Strategika – Existe-t-il une issue politique à la situation que vous venez de décrire et quelle forme pourrait-elle prendre selon vous ?

Je ne crois pas une évolution lente mais à une rupture radicale avec le système mondialiste et sans frontièriste dominant, avec l’idéologie arc-en-ciel de déconstruction et de négation de toutes les identités de sexe, de race, de culture, de civilisation.

A cet égard le mouvement des gilets jaunes, venu de la France périphérique, était prometteur mais il a été brisé. Par une répression sans précédent : les blindés de la gendarmerie et les balles de défense de la police, ce n’est pas pour les racailles mais pour les Français de souche ! Et par un détournement des objectifs du mouvement par l’extrême gauche, un détournement rendu possible par les médias qui ont mis en avant certains hommes et certaines revendications et étouffé les autres. A la gauche de la gauche certains rêvent même d’une alliance entre les racailles et les Gilets jaunes !

Strategika – Comment liez-vous la crise actuelle à votre domaine d’expertise et votre champ de recherche ?

Méfions-nous des experts !Comme le dit Nassim Nicolas Taleb, auteur du Cygne noir « Le problème avec les experts, c’est qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’ils ignorent »

Reste que de mon point de vue la clé c’est le contrôle des esprits. La première révolution internet, fondée sur la neutralité du net, a libéré la parole et offert d’immenses espoirs pour les opinions alternatives. Nous assistons aujourd’hui à une reprise en main de l’opinion dans le sens politiquement correct par les GAFA en alliance avec certains gouvernements. Un premier prétexte a été utilisé : « la lutte contre les discours de haine ». Un nouveau vecteur est instrumentalisé : la promotion du discours officiel sur l’épidémie. Deux techniques : la censure pure et simple et le jeu des algorithmes qui propulsent ce qui va bien et occultent ce qui déplait. Le « shadow banning », l’occultation discrète, est une arme terrible.

Plus que jamais la critique radicale des médias dominants et la promotion des médias alternatifs sont essentiels.

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