Palestine : la fin d’un long calvaire ?

Par Philippe Prevost

Philippe Prévost est un historien qui a écrit en particulier « La France et la déclaration Balfour » (Éditions Érick Bonnier, 2018), ouvrage dans lequel  il montre que les Palestiniens ont été victimes, dès 1917, des sionistes et des Anglo-saxons.

Le présent texte est une recension de l’ouvrage « Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale. L’enquête » (Éditions Érick Bonnier, 2020) écrit par Christophe Oberlin, chirurgien de réputation mondiale qui se rend trois fois par an à Gaza pour soigner les blessés. Il a écrit plusieurs ouvrages sur Gaza dont le dernier, « Chrétiens de Gaza », qui a connu un franc succès. 

Chacun sait que la pire des choses pour un peuple qui souffre, c’est le silence. C’est ce qui se passe pour les Palestiniens, pour les Gazaouïs en particulier, victimes d’un silence qui dure depuis plus d’un siècle et qui aurait pu durer encore longtemps si une lueur d’espoir n’était apparue au bout du tunnel comme le raconte le livre de Christophe Oberlin : «Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale. – L’enquête».[i]


Un éclair déchire le monde du mensonge.


Le 20 décembre 2019, à la veille de la trêve des confiseurs, éclatait une véritable bombe. La procureure de la CPI, Madame Fatou Bensouda, annonçait que, compte-tenu de la situation en Palestine, elle était parvenue à la conclusion que «Tous les critères définis dans le statut de Rome pour l’ouverture d’une enquête étaient remplis». Cela voulait dire en clair que d’ici quelques temps les dirigeants israéliens risquaient de se retrouver en position d’accusés devant la Cour comme cela s’était passé à Nuremberg en 1945. Voilà une nouvelle qui aurait dû faire la Une de nos médias mais qui fut totalement occultée pour des raisons sur lesquelles il n’est pas besoin de s’étendre.
Depuis la déclaration Balfour en 1917, les sionistes, appuyés par les Anglais d’abord, par les Occidentaux ensuite, spécialement par les Américains, se sont toujours moqués du droit comme d’une guigne. Comme Bismarck, les Israéliens considèrent que la force prime tout. C’est pourquoi ils ont mis toutes les résolutions de l’ONU les concernant à la poubelle, sauf bien évidemment, celles dont ils pouvaient tirer parti. Mais voilà que, grâce à la Cour pénale internationale les choses sont en train de changer.


Mais qu’est-ce que cette Cour ?


Qu’est-ce donc que ce tribunal qui a l’audace, on devrait plutôt dire l’outrecuidance, de demander aux véritables maîtres du monde, États-Unis et Israël, de comparaître devant lui ? La CPI a été créée à la suite d’une conférence qui s’est tenue à Rome du 15 juin au 17 juillet 1998. Ce jour-là, le 17 juillet, son statut fut adopté par 120 voix contre 7. Parmi ces sept voix on comptait évidemment Israël et sa colonie américaine. Lorsqu’en 2002, son existence fut actée à la suite de la rectification de la moitié des États signataires du traité de Rome, la Cour devint opérationnelle.


La Cour et la Palestine.


Ce n’est qu’en janvier 2015 que la Palestine adhéra au traité de Rome. Elle devint donc membre de la CPI. En Israël, on considéra cela comme une péripétie sans grande importance. Il est vrai que l’adhésion n’était qu’une première étape un peu formelle. Il fallut attendre qu’un dépôt de plaintes eut lieu pour activer l’art.14 du traité. L’Autorité palestinienne, pour d’obscures raisons, bloqua l’affaire et ce jusqu’en 2018.

Cette année-là, le 30 mars à l’occasion d’une Journée de la Terre destinée à rappeler au monde le droit des Palestiniens à retourner chez eux, les Israéliens tirèrent dans la foule des manifestants désarmés. Résultat : 17 morts et des centaines de blessés. «L’armée la plus morale du monde» avait fait preuve de son efficacité. Le 14 mai, Tsahal, à l’occasion d’une nouvelle manifestation, recommença à faire quelques cartons : il y eut 62 morts et des centaines de blessés. C’est ce qui décida, enfin !, l’Autorité palestinienne à porter plainte devant la CPI. Cela n’empêcha nullement les Israéliens de continuer leurs crimes puisqu’en 2019 ils ont tué 305 Palestiniens et en ont blessés plus de 20 000 dont 8 306 dans les jambes, «l’objectif est à l’évidence de créer des handicapés à vie…».  
Le problème pour les Israéliens est que les Gazaouïs commencent à savoir se défendre sur le plan juridique. Grâce à une Néo-Zélandaise qui a accumulé des diplômes en droit et en santé publique, des équipes médico-administratives ont été formées depuis 2014 afin de recueillir les preuves des crimes commis par la soldatesque israélienne. Aussi lorsque l’état-major de Tsahal déclare fièrement : «nous savons où va chaque balle», «nous aussi, répondent les Palestiniens, elle va à la Cour pénale internationale», grâce aux recueils des preuves effectués par les équipes d’Huda. 

Touchait-on alors au but ? Pas encore car les Israéliens ne s’avouaient pas vaincus, loin de là. Ils engagèrent un combat contestant la recevabilité des plaintes palestiniennes.

 
Un combat en recevabilité.


Deux personnes ont mené ce combat : du côté israélien, Avichaï Mandelblit, du côté de la justice, Fatou Bensouda.

Avichaï Mandelblit est un général de réserve, ancien procureur militaire qui a exercé à Gaza, ancien secrétaire de Netanyahu de 2013 à 2016. C’est un likudnik pur et dur qui a été nommé procureur général d’Israël. C’est donc un juriste de métier qui a fait sa thèse sur les moyens d’utiliser les outils juridiques pour faire la guerre. Tout un programme ! En face, on a Fatou Bensouda, avocate de nationalité gambienne qui a été adjointe du premier procureur de la CPI, Ocampo, avant de lui succéder en 2012. Elle a été critiquée parce qu’elle a servi le régime d’un dictateur gambien comme ministre de la justice, puis comme procureur général. Mais qu’appelle t-on dictateur ? Ceux qui déplaisent aux Occidentaux parce qu’ils défendent leurs pays, comme Khadafi par exemple. 
Le jour même où Fatou Bensouda publiait son communiqué, le 20 décembre 2019, Mandelblit sortait un mémoire de 34 pages dans lequel il prétendait que toute cette affaire était le résultat d’une manipulation politique et que, de toute façon, la Cour n’avait pas juridiction sur ce qui se passait en Palestine car ce pays n’était pas un État au sens du droit international.
Fatou Bensouda avait prévu ces accusations. C’est pourquoi dans on rapport de 112 pages qui accompagnait son communiqué, elle y avait répondu par avance. Sur le premier point, elle expliquait qu’il ne s’agissait pas de discuter de problèmes territoriaux mais de «déterminer la réalité de crimes de guerre commis sur un territoire précis…». Ainsi coupait-elle l’herbe sous le pied de Mandelblit qui l’accusait d’avoir politiser l’enquête. Sur le second point, elle répondait que la Palestine ayant été acceptée comme État-membre de la CPI pouvait ester devant cette Cour même si son territoire est occupé. Enfin elle démontrait que les accords d’Oslo qui n’ont jamais été respectés par les Israéliens, soit dit en passant, ne pouvaient faire obstacle à la saisine de la Cour. 

La guerre des droits.


Derrière cette argumentation fort bien exposée par le Pr. Christophe Oberlin, se cache en réalité deux conceptions opposées du droit. Fatou Bensouda est l’héritière de la conception classique du droit, Mandelblit de la conception hébraïque.
Dans l’Antiquité et jusqu’à nos jours, le droit était considéré comme un outil de concorde afin de permettre à l’homme qui est un animal social de vivre en paix avec ses semblables. C’est si vrai qu’une société sans droit n’existe pas. Ainsi, près de 2000 ans avant Jésus-Christ, le code d’Hammourabi régissait la vie sociale en Mésopotamie tout comme les « sauvages » obéissaient à des coutumes qui étaient des règles aussi respectables que les nôtres, contrairement à ce que pensaient les descendants des Lumières aux XIXème siècle.
Chez les Hébreux, c’était tout différent. Certes, ils avaient un grand nombre de lois, présentées comme des commandements de leur dieu, Yahvé, mais ces lois n’étaient valables que pour eux et non pas pour les autres. Surtout, elles doivent servir les buts de guerre que s’est fixé ce peuple insatiable. Autrement dit, les juifs ont subverti le droit comme ils le font du langage. Le droit pour eux n’est pas fait pour établir la paix à l’intérieur des nations ou entre elles, même si cette paix est imparfaite, mais au contraire pour faire naître d’incessants conflits dont tirent profit Israël. C’est la thèse de Mandelblit.


***
Le combat de Fatou Bensouda est donc capital. Derrière une bataille juridique un peu abstraite, se cache en réalité la lutte de la civilisation contre la barbarie. Cela montre que le combat des Palestiniens est le nôtre comme le montre le livre du Pr. Christophe Oberlin. Soutenons-les en diffusant cet ouvrage.


Notes



[i] Oberlin, Christophe. Les dirigeants israéliens devant la Cour pénale internationale. L’enquête. Paris : Éditions Erickbonnier, 2020. 15 EU


Nota bene : la CPI vient d’ouvrir une enquête sur l’Afghanistan.

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