Élections présidentielles : le délire et les décombres – Gabriele Adinolfi

Crédit photo : AFP

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La campagne présidentielle en France est désormais un leurre.
Se réveiller de la gueule de bois sera terrible car le populisme de droite en sortira divisé, vaincu et remplacé par des idéologies importées d’outre-mer, condamné à une impuissance aigre et colérique.
Malheureusement, la mentalité avec laquelle en général on regarde les élections est fausse, elle fait preuve d’immaturité, d’impréparation et de puérilité.

Beaucoup de gens croient que le Président de la République en France a des pouvoirs que même le Roi Soleil ou Napoléon n’ont jamais eus. Ils comptent ainsi sur l’élection d’un sauveur qui devrait changer l’économie, la politique, la culture, l’éducation, la propagande médiatique et même les mœurs sexuelles des Français en donnant simplement des ordres. On ignore l’imbrication des réalités nationales et internationales, le capital et la technologie sont sous-estimés, bref, on délire.
Le Président de la République a certes un vrai pouvoir mais celui-ci est l’expression, la médiation et la représentation de pouvoirs réels. Comme l’a expliqué Mitterrand, il faut d’abord conquérir des positions de force parmi ces pouvoirs et ensuite seulement peut-on prétendre à l’Elysée. Et à partir de là on peut essayer de donner une direction d’un genre plutôt qu’une autre aux réalités existantes. Mais on n’invente pas la transformation magique de la réalité avec des délires mégalomanes ou avec une naïveté enfantine.

Malheureusement, l’immaturité règne en maître et ainsi la droite populaire se divise en deux tronçons qui rêvent de l’impossible. D’un côté on a Marine Le Pen qui a au moins le mérite de vouloir penser de manière concrète mais qui trahit une série de retards dans la lecture de la situation actuelle. Elle se présente comme la restauratrice du bon sens, dans une forme dèsormais archaïque de démocratie. Quoi qu’on pense de sa proposition, elle ne peut pas se matérialiser car l’analyse de la réalité est ancienne, elle ne tient pas compte de l’évolution sociale et technologique qui modifie aussi la structure politique, donc ça ne marchera pas.
De l’autre côté, il y a Zemmour qui, avec un soutien médiatique et financier sans précédent, joue à l’extrémiste. Sa réédition du lepénisme est en fait une chose très différente. Il se laisse inspirer par des modèles idéologiques construits aux États-Unis, comme le « choc des civilisations » de Hungtington qui n’est que la fossilisation d’une hypnose de guerre civile constante mais virtuelle, rêve anthologique pour l’oligarchie anxieuse d’annuler toute alternative, comme Eric Werner avait bien vu. Une autoroute vers le cul de sac !
Par ailleurs, Jean-Marie Le Pen avait une vision humaniste des immigrés et posait le problème en termes politiques ; à lire les termes utilisés par le parti de Zemmour j’y trouve une dépravation à mes yeux inacceptable qui trahit une forme de racisme biblique et un classisme social qui me donnent la nausée : mais cela me concerne.

Quel que soit le choix le 10 avril, Marine, Zemmour ou abstention, ce qui compte c’est qu’après il y aura des décombres et que la droite populaire sera définitivement ghettoïsée ou manipulée par des centrales sinistres. Dans tous les cas, tout sera bien pire qu’avant et ce pour une raison très simple, car au lieu de travailler jour après jour, on continue à déléguer à des figures providentielles la tâche de résoudre les problèmes que nous ne savons pas affronter.
Cela est vrai aussi bien dans les élections présidentielles que dans les scénarios mondiaux où des personnages mythifiées, toujours dépeints d’une manière bien différente de ce qu’ils sont, défilent les uns après les autres dans notre imaginaire malade dans leur rôle de sauveurs providentiels. La liste est longue, pour nous tenir qu’à ces dernières années nous avons Poutine, Salvini et Trump.
Et chaque jour est pire que celui d’avant : la faute est la notre, pas celle de quelqu’un d’autre. Plus on rêve d’un mégalomane qui nous sauvera plus mal nous nous ferons en tombant; et cette fois il n’y aura même pas de coussins pour amortir le coup.

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