Jean-Pierre Petit et les nouvelles armes russes : vers un monde multipolaire ?

Source : stratpol.com – 18 mars 2023

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Jacques Vergne

Jacques Vergne a été chercheur et enseignant à l’Université de Caen pendant 25 ans. Son domaine de recherche et d’enseignement se trouve à l’intersection entre la linguistique et l’informatique.

Certaines armes russes actuelles ont plusieurs décennies d’avance sur le reste du monde, et c’est en grande partie grâce aux recherches du chercheur français Jean-Pierre Petit1.

Dès 1975, Jean-Pierre Petit a émis l’idée que pour atteindre des vitesses hypersoniques dans l’air (soit supérieures à mach 3,6), il fallait supprimer l’onde de choc. Pour cette idée trop originale, il a été qualifié de malade mental par le CNRS et le monde de la recherche de l’OTAN, et mis au ban de la recherche officielle.

Il a effectivement trouvé comment supprimer l’onde de choc : c’est ce qu’il a appelé la magnéto-hydro-dynamique (MHD). La MHD permet d’agir sur un fluide (air ou eau) au moyen de forces électromagnétiques, pour diriger son écoulement, par exemple autour de la pointe d’un avion, d’un missile, ou d’un drone sous-marin.

Dès le départ, les Russes se sont dit “pourquoi pas”, ils ont suivi de près ses publications, et ont fait leurs propres recherches, puis les ont mises en application. Il a fallu 40 ans aux Russes pour passer des publications de Jean-Pierre Petit à des armes déployées. À ma connaissance, il n’a pas travaillé avec les Russes, qui ont simplement suivi ses publications.

Le 1er mars 2018, il y a environ 5 ans, Vladimir Poutine prononce un discours à l’Assemblée Fédérale de Russie, et à la fin de ce discours, il présente les nouvelles armes russes.

Le 13 avril 2018, Jean-Pierre Petit revient sur ce discours dans une vidéo:

https://youtube.com/watch?v=3ZxO8A46Ulg%3Ffeature%3Doembed

Dans sa vidéo, Jean-Pierre Petit (JPP) choisit des extraits de ce discours, en fait l’analyse minutieuse, et nous explique comment fonctionnent ces armes, avec ses qualités de chercheur et de pédagogue.

Cette vidéo essentielle permet à elle seule de comprendre l’enjeu stratégique et politique mondial de ces nouvelles armes. En voici quelques morceaux choisis:

— Vladimir Poutine (VP) : le nouveau missile balistique2 Sarmat est capable d’atteindre n’importe quelle cible sans limite de portée en survolant un des deux pôles.

— JPP : le système antimissile US a prévu seulement le pôle nord, mais pas le pôle sud. Le Sarmat rend donc caduc le système antimissile US. Seule l’énergie nucléaire permet une portée infinie.

— VP : j’annonce un nouveau missile de croisière3 donc à trajectoire imprévisible. Un bouclier antimissile ne peut pas intercepter ce missile, car le principe d’un tel bouclier est qu’une trajectoire balistique est prévisible. La portée est illimitée.

— JPP : comment peut fonctionner un missile non balistique de portée illimitée ? Il fonctionne avec un petit réacteur nucléaire embarqué, sans blindage car il n’y pas d’humain à bord. Le premier lancement a eu lieu en 2017. Le réacteur est amorcé seulement après le lancement, pour ne pas émettre de rayonnements avant le lancement, et il fonctionne pendant une très courte durée, son temps de trajet du lancement à la cible.

   * Le réacteur nucléaire a deux fonctions : il sert à la propulsion, et aussi à produire l’électricité qui rend la MHD possible, ce qui permet de supprimer l’onde de choc, et rend le missile hypersonique (voir ci-dessous).

   * On peut transposer la MHD dans l’eau. Les Russes ont conçu et déployé un missile de croisière (ou drone) sous-marin, qui peut se déplacer à de très grandes profondeurs, et est ainsi inaccessible à l’interception. Il est capable de frapper partout. Comme le missile non balistique, il embarque un petit réacteur nucléaire, ce qui permet d’utiliser la MHD pour la propulsion (silencieuse, car sans hélice et sans turbulence) et pour supprimer les ondes de choc.

   * Il n’a pas de blindage, car il n’y a pas d’humain à bord, et sa vitesse est très élevée.

   * C’est une arme de dissuasion, car elle est capable de destructions énormes en créant un tsunami près d’une côte. L’arme embarquée est conventionnelle ou nucléaire. Le 1er essai a eu lieu en 2017.

— VP présente le Kinzhal, missile aéroporté très manœuvrable, se déplaçant à mach 10, de portée d’environ 2000 km, qui peut donc atteindre sa cible en quelques minutes, et qui peut emporter une charge classique ou nucléaire4.

— JPP : ce missile utilise forcément la MHD. Il n’est pas possible de l’intercepter, car sa trajectoire est imprévisible, et il est indétectable par les moyens actuels, à cause de sa vitesse de mach 10.

   * Le domaine supersonique s’étend de mach 1 à mach 3,6 (cas du BlackBird US, l’avion piloté le plus rapide); à mach 3,6 l’échauffement dû à la compression de l’air est le maximum possible avec les matériaux existants.

   * Le domaine hypersonique se situe au-dessus de mach 3,6 : la MHD est indispensable pour réduire l’échauffement et éviter les ondes de choc.

   * Pour que la MHD soit possible, il faut disposer d’une forte puissance électrique embarquée, pour produire des forces électromagnétiques qui contraignent le fluide à se configurer de manière à pouvoir s’écouler, ce qui empêche les ondes de choc de se former.

— VP déclare : “notre système est unique au monde”.

— JPP fait le point sur les armes développées et déployées :   

   * des missiles de portée infinie, grâce à l’énergie nucléaire, balistiques ou non balistiques, impossibles à intercepter, soit parce qu’ils passent par le pôle sud, soit parce qu’ils ont une trajectoire imprévisible

   * des drones sous-marins à énergie nucléaire et MHD, de portée infinie

   * des missiles de portée moyenne de 2000 km, hypersonique à mach 10, aussi à énergie nucléaire et MHD (le Kinzhal).

— VP présente un planeur hypersonique, opérationnel, arme stratégique de grande maniabilité, capable de frapper partout, se déplaçant par gravité à mach 20, invulnérable, fait de matériau composite, pouvant monter à 2000°C, le nez est entouré de plasma, donc protégé des tirs laser.

— JPP : le planeur hypersonique est placé en orbite par une fusée classique, le vol plané est mu par la gravité, sans propulsion, sans réacteur nucléaire, il utilise la MHD, l’électricité venant de l’énergie cinétique. Le planeur surfe sur son onde de choc, ce qui lui assure une très grande finesse, et une très grande portée.

Voici les conclusions de Jean-Pierre Petit (en avril 2018) :

  • Les Russes n’ont jamais menti sur leur capacité militaire. Il n’y a pas besoin de milliers de missiles, il suffit d’avoir un petit nombre d’armes impossibles à intercepter, ce qui permet une dissuasion efficace.
  • Avec ces nouvelles armes, le monde devient bipolaire, avec une évolution possible vers un monde multipolaire, et c’est une garantie de paix, contrairement à un monde unipolaire5.

Le lecteur aura remarqué l’exergue choisi par JPP au début de sa vidéo : “Logique de paix ou logique de guerre ?“, et aura fait le lien avec ses conclusions. Ceci me permet de faire une synthèse de la vidéo de JPP en une seule phrase :

Les nouvelles armes russes, basées en partie sur une idée de JPP, permettent une dissuasion efficace et une évolution vers un monde multipolaire, ce qui est une garantie de paix.

Jacques Vergne, mars 2023

Notes:

1) Site web de Jean-Pierre Petit : www.jp-petit.org

2) Le terme balistique signifie : non propulsé sur une grande partie de son vol, de manière analogue à un lancer de boulet par un canon. Cela permet une économie d’énergie de propulsion. Mais la trajectoire est entièrement prévisible.

3) Un missile de croisière est non balistique, donc propulsé sur son vol entier. L’énergie nucléaire permet des vols propulsés de portée infinie, et de trajectoire non prévisible.

4) Le Kinzhal est actuellement utilisé sur le terrain en Ukraine : https://www.theinteldrop.org/2023/03/09/2nd-kinzhal-attack-hits-natos-western-command-center-400-feet-underground-40-killed/embed/#?secret=qfYkgA8I85#?secret=bxmlwNQMbK

5) Dans un monde unipolaire, une puissance unique revendique le monopole du pouvoir sur la planète entière et cherche à le perpétuer, au prix d’un niveau de conflit élevé.

Un monde unipolaire devient bipolaire quand la puissance qui revendiquait le monopole du pouvoir sur la planète entière s’est assez affaiblie pour perdre ce monopole, et qu’une deuxième puissance est devenue capable de rompre ce monopole et de construire sa propre zone d’influence. Cette bipolarité peut être accompagnée d’un niveau de conflit assez élevé.

Dans un monde multipolaire, il y plusieurs zones d’influence d’importances comparables, qui cohabitent à bas niveau de conflit, et même qui collaborent dans la complémentarité.

Une pensée sur “Jean-Pierre Petit et les nouvelles armes russes : vers un monde multipolaire ?

  • 1 avril 2023 à 11 h 36 min
    Permalink

    C’est pas possible de lire des conneries pareilles !

    Petit Levy a tout piqué à Sakharov, crétins ignares

    Répondre

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