Inflation: la vérité est que ce ne sont pas les prix qui montent mais la monnaie qui -enfin- se déprécie.
Source : brunobertez.com – 12 février 2024 – Bruno Bertez & Mohamed A. El-Erian
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Mohamed A. El-Erian est président du Queens’ College de l’Université de Cambridge, professeur à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie et auteur de The Only Game in Town: Central Banks, Instability, and Avoiding the Next Collapse (Random House, 2016).
Milton Friedman a dit « l’inflation c’est toujours un phénomène monétaire ». Il voulait dire que la cause de l’inflation c’était toujours la politique monétaire, il faisait référence au quantitativisme.
Je le prends autrement à savoir que je dis que l’inflation du niveau général des prix des biens et des services c’est toujours une dépréciation de la monnaie. Si les prix relatifs varient et que l’on ne crée pas de monnaie supplémentaire, il n’y a pas d’inflation.
L’idéologie économique dominante repose sur la falsification, l’inversion et la mystification.
Elle repose sur une structuration de vos perceptions et de votre savoir. Elle repose sur une forme, une gestalt. Elle repose par exemple sur la création d’invariants là où en réalité il y a du variable. Elle repose sur l’illusion qui fait croire ce que l’on voit.
Exemple: alors que nous sommes dans une vague colossale de dévalorisation de la monnaie qui a été émise en excès depuis 2008, puis encore en 2020, dans une phase colossale de réduction des salaires directs et indirects réels et dans une phase de surexploitation non moins colossale des salariés, les économistes réussirent à vous faire oublier la monnaie et à vous faire croire que ce sont les prix qui montent.
Le génie du système est là, merveilleusement illustré devant vos yeux: ils dévaluent, déprécient, avilissent, « trashent » votre monnaie et c’est présenté comme si cela tombait du ciel, comme si en fait c’était vous qui en étiez responsables.
Dans l’équivalence Prix= X euros , ils réussirent le tour de force, le tour de passe passe d’escamoter la question de la monnaie c’est à dire celle de la valeur de l’euro. Ils vous font oublier qu’un prix c’est un échange et que les prix peuvent varier aussi bien en raison de coté gauche du signe égal qu’en raison du coté droit de ce signe égal.
Ils vous font oublier que les prix des choses ne sont pas les mêmes selon que vous avez une masse monétaire de M, de 2M, de 5M!
Ils posent un invariant et vous vous croyez que ce sont les prix des biens et services qui montent. Ils ont réussi à faire sorte que vous croyiez au maintien de la valeur de la monnaie , ce qui leur a permis, leur permet et leur permettra d’en émettre toujours plus à leur profit ou à celui de leur copains..
Ah les braves gens!
Objectivement, en terme systémique, Nous ne sommes pas dans une période de hausse des prix, nous sommes dans un période de destruction de la valeur d’échange de la monnaie; tout le reste, comme les chaînes d’approvisionnement, les raretés, les sanctions, etc tout cela ce sont des « causa proxima », des causes proches, circonstancielles. Ce sont des modes Nécessité de la Necessité qui elle est de déprecier ce qui est en excès . Il faut bien que la Nécessaire dépréciation se la monnaie sur-émise soit visible à un endroit, c’est ce que l’on voit, mais cela pourrait être ailleurs, sur autre chose.
Les prix qui montent c’est l’apparence, c’est la perception, c’est ce que vous voyez et qui vous aveugle; mais la réalité objective systémique, celle qui compte pour le système c’est qu’enfin- à la faveur des circonstances et du hasard-, les élites ont réussi à dévaloriser la monnaie qu’elles vous ont distribuée, elles se sont rattrapées de leur objectif ancien qui avait pris du retard, leur objectif des fameux 2% d’érosion/inflation par an.
Je vais vous livrer un grand secret.
Ce grand secret c’est celui de l’hyperinflation.
L’hyperinflation c’est une prise de conscience sociale, c’est une vérité sue, partagée, propagée, une vérité dont tout le monde sait qu’elle est sue: « a common knowledge ». C’est la vérité que ce ne sont pas les prix qui montent mais la monnaie qui se déprécie.
L’hyperinflation est un phénomène de foule,c’est quand les gens à la faveur d’on ne sait quoi, prennent conscience du coté droit de l’équation Prix= X euros.
Et a ce moment ils se débarrassent de la monnaie elle brûle les doigts.
Et la chute fait boule de neige et la banque centrale court derrière, elle en émet encore plus pour préserver les échanges et le financement du gouvernement, c ‘est le cercle infâme.
Une piste de réflexion pour un autre jour:
On dit que les valorisations du papier boursier sont élevées; toute la doxa financière et analytique est fixée sur cette vision avec le multiple cours-bénéfice qui aveugle tout le monde.
Mais la réalité objective est ailleurs; la réalité objective c’est que si un titre a un multiple cours bénéfice de 50X cela veut dire que le rendement du capital-argent correspondant est de 2%. Si le multiple est de 100X le rendement chute à 1%.
La hausse des cours boursiers c’est équivalent à la chute du rendement du capital-argent, c’est la raréfaction des occasions rentables d’employer son épargne ou son capital.
C’est l’effondrement de la rentabilité interne d ‘un placement et son remplacement par l’espoir de plus-value sur le cours de bourse.
Tirez sur ce fil , c’est passionnant.
Lisez ceci :
9 février 2023MOHAMED A. EL-ERIAN
Alors que l’inflation américaine diminue progressivement, l’affirmation selon laquelle les pressions inflationnistes actuelles sont le résultat d’un choc d’offre temporaire a refait surface. Bien que cette thèse puisse être réconfortante, elle pourrait également encourager une complaisance dangereuse, rendant un problème déjà sérieux beaucoup plus difficile à résoudre.
CAMBRIDGE – Près de deux ans après le début de l’actuelle poussée d’inflation, le concept d ‘«inflation transitoire» fait son retour à mesure que les chocs d’offre liés au COVID se dissipent. Cela survient à un moment où il est extrêmement important de garder un esprit ouvert sur la trajectoire de l’inflation, notamment en évitant un récit transitoire trop simplifié qui risque d’obscurcir les véritables problèmes auxquels est confrontée l’économie américaine.
« Transitoire » est une notion réconfortante suggérant un phénomène éphémère et réversible. Surtout, le concept exclut la nécessité d’ajuster les comportements. Après tout, si une peur de l’inflation n’est que temporaire, la meilleure façon d’y faire face est simplement de l’attendre (ou, pour utiliser un terme de politique et de marché, de « regarder à travers »). C’est pourquoi ce récit est particulièrement dangereux. En encourageant la complaisance et l’inertie, cela pourrait exacerber un problème déjà grave et le rendre plus difficile à résoudre.
La réponse initiale de la Réserve fédérale américaine à la hausse de l’inflation en est un bon exemple. En 2021, la banque centrale la plus puissante et la plus influente du monde s’est empressée de qualifier la hausse de l’inflation de transitoire. Il a doublé cette approche même après que les données se soient opposées, refusant de pivoter trop longtemps.
Les erreurs de description répétées de la Fed ont retardé des réponses politiques cruciales à un moment où la persistance de l’inflation commençait à influencer la fixation des prix des entreprises et les revendications salariales des travailleurs. En conséquence, la Fed a non seulement perdu sa crédibilité, mais a également infligé des souffrances inutiles à des millions de ménages américains, en particulier les segments les plus vulnérables de la population.
Alors que quelques économistes n’ont jamais abandonné la thèse de l’inflation transitoire, la grande majorité a déjà réalisé l’année dernière qu’il s’agissait d’une regrettable erreur d’analyse et de politique. Cela rend la réémergence actuelle de ce récit encore plus perplexe.
Un article récent de Politico a noté qu’« il y a aussi au moins une raison de croire que [les économistes et les décideurs] qui ont assuré [aux Américains] que l’inflation serait transitoire, y compris le président de la Fed, Jerome Powell, auraient pu être en quelque sorte… de droit, bien que la période transitoire ait été juste plus longue et plus laide que prévu.
C’est malheureux. Non seulement cela impose une dimension temporelle à un concept intrinsèquement comportemental, mais cela ignore également le fait que la réponse initialement maladroite de la Fed l’a forcée à se lancer dans l’une des séries de hausses de taux d’intérêt les plus agressives et les plus précoces de tous les temps, dont quatre années consécutives. -augmentations du point de base. De plus, alors que l’inflation américaine ralentit, il est dangereux de suggérer que le problème est derrière nous.
En ce qui concerne le reste de l’année et le début de 2024, trois possibilités se présentent à moi. Le premier est la désinflation ordonnée, également connue par les critiques sous le nom de « désinflation immaculée ». Dans ce scénario, l’inflation continue de baisser régulièrement vers la cible de 2 % de la Fed sans nuire à la croissance économique et à l’emploi aux États-Unis. La dynamique passe avant tout par un marché du travail qui évite des hausses salariales excessives tout en continuant à ancrer une activité économique forte. Compte tenu de ce qui se passe d’autre dans l’économie, je mettrais la probabilité de ce scénario à 25 %.
Le deuxième scénario est celui dans lequel l’inflation devient collante. Le taux d’inflation continue de baisser, mais reste ensuite bloqué à 3-4 % au cours du second semestre de cette année, les prix des biens cessant de baisser et l’inflation des services persistant. Cela obligerait la Fed à choisir entre écraser l’économie pour ramener l’inflation à son objectif de 2 %, ajuster le taux cible pour le rendre plus cohérent avec l’évolution des conditions d’approvisionnement, ou attendre de voir si les États-Unis peuvent vivre avec une stabilité de 3 à 4 % inflation. Je ne sais pas ce que la Fed choisirait dans un tel cas, mais je mettrais la probabilité d’une inflation aussi rigide à 50 %, alors j’espère qu’elle a réfléchi à ce scénario.
Enfin, il y a la possibilité de ce que nous pouvons appeler «l’inflation U»: les prix remontent à la fin de cette année et en 2024, alors qu’une économie chinoise entièrement rétablie et le marché du travail américain dynamique entraînent simultanément une inflation persistante des services et une hausse des prix des biens. Je mettrais la probabilité de ce résultat à 25%.
Il ne s’agit pas seulement de scénarios multiples sans qu’aucun ne domine. Il s’agit aussi de probabilités qu’il faut considérer avec prudence. L’ancien secrétaire américain au Trésor, Lawrence H. Summers , a bien saisi l’état d’esprit qui prévaut chez de nombreux économistes : « C’est une économie aussi difficile à lire que je me souvienne », a-t-il récemment déclaré .
Ce sentiment d’incertitude est évident dans les perspectives à court terme de l’activité économique, des prix et de la politique monétaire, ainsi que dans les changements structurels à long terme comme la transition vers une énergie propre, le recâblage des chaînes d’approvisionnement mondiales et la nature changeante de la mondialisation. . Les tensions géopolitiques accrues jouent également un rôle.
Quoi qu’il arrive, la pire chose que nous puissions faire est de retomber dans la complaisance. Powell, après avoir trop longtemps défendu «l’inflation transitoire», met désormais en garde contre elle. « On s’attendait à ce que [l’inflation] disparaisse rapidement et sans douleur et je ne pense pas que ce soit du tout garanti », a-t-il récemment déclaré . « Le cas de base, pour moi, c’est que cela prendra du temps. Et nous devrons faire plus d’augmentations de taux… »
Les récits économiques simplistes, en particulier ceux qui réconfortent ceux qui recherchent des raccourcis, trompent souvent bien plus qu’ils n’éclairent. Ce fut le cas avec le récit transitoire de l’inflation qui, bien que discrédité en 2021-22, refait maintenant surface. C’est aussi le cas de ceux qui prédisent avec un haut degré de confiance une récession américaine (je ne suis pas dans ce camp), pour ensuite la qualifier de « courte et superficielle » afin de regagner leur zone de confort économique.
Compléments :
- L’élargissement de l’écart de productivité aux États-Unis6 février 2023 MICHAEL SPENCE et BELINDA AZENUI
- Qu’est-ce qui ne va pas avec ChatGPT ?6 février 2023 DARON ACEMOGLU & SIMON JOHNSON
- L’Europe au bord de la dette7 févr. 2023 HANS-WERNER SINN
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