Nouvelle-Calédonie : “si la France ne prend pas conscience de la valeur de ses territoires, d’autres puissances viendront les exploiter”
Source : lesalonbeige.fr – 16 novembre 2024 – Nicolas Metzdorf interrogé par Michel Janva
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Nicolas Metzdorf, député de Nouvelle-Calédonie, né en 1988 à Nouméa, ingénieur agronome de formation, fondateur du parti Générations NC en 2019, élu maire de La Foa en 2020, député depuis 2022, a donné un entretien à la revue Conflits. Loyaliste, il défend une vision pro-française qui s’incarne dans l’autonomie et s’oppose à l’indépendance de l’archipel. Extraits :
[…] La différence pour nous, Français du Pacifique, c’est que nous devons nous battre pour rester Français. En métropole, les gens naissent Français, vivent Français et meurent Français, c’est presque une évidence. Mais nous, nous devons lutter pour que nos enfants, et même pour que nous-mêmes, restions Français. Cela nous donne un rapport à la France qui est peut-être plus fort. J’ose dire plus fort, car pour nous, la France, c’est un peu un idéal, un « graal » pour lequel nous nous battons. La France représente pour nous une grande puissance qui nous protège et qui porte des valeurs suprêmes. Quand on n’a pas à se battre pour être Français, on ne se rend pas compte de ce que cela signifie. C’est là notre différence avec les métropolitains.
Aujourd’hui, avec l’axe indo-pacifique, la Nouvelle-Calédonie a une importance géostratégique importante. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Je suis fatigué d’entendre ça et de voir que rien ne se fait. On entend partout, surtout en métropole, que la Nouvelle-Calédonie a une position géostratégique clé. C’est devenu un discours en boucle, mais concrètement, que se passe-t-il ? Rien. Nous avons un quart des ressources mondiales de nickel, que nous vendons aux Chinois, et aucun minerai calédonien, donc français et européen, n’arrive en Europe, alors que le nickel est crucial pour les batteries de voitures électriques. Nous avons une zone économique exclusive de 1,3 million de kilomètres carrés, mais il y a seulement 16 bateaux de pêche calédoniens, et la France ne fait rien pour exploiter cette zone, ni pour la pêche ni pour les ressources sous-marines. Pire, le chef d’état-major des armées a même affirmé récemment en commission que la France n’était pas taillée pour protéger la Nouvelle-Calédonie en cas de conflit. On a voté trois fois pour rester français, et on nous dit qu’on ne sera pas défendu. Sommes-nous des Français de troisième catégorie ? Alors, on nous parle sans cesse de cette importance géostratégique, mais il n’y a aucune action concrète.
[…] La France manque de cohérence. Nous avons eu sept ministres des Outre-mer en sept ans ! Cela prouve qu’il n’y a pas de stratégie à long terme. Quand on voit la France présente sur les trois grands océans, sur tous les fuseaux horaires du monde, avec des territoires dotés de ressources incroyables, il est frustrant de constater ce manque de vision. Par exemple, la Polynésie française est plus grande que l’Europe en superficie maritime, la Nouvelle-Calédonie est aussi vaste que la Belgique, avec un quart des ressources mondiales de nickel, la Guyane est grande comme le Portugal. La France a des joyaux qu’elle n’utilise pas. Et si la France ne prend pas conscience de la valeur de ses territoires, d’autres puissances viendront les exploiter. […]
Pour en venir à la question identitaire, en Nouvelle-Calédonie, la population est souvent perçue en métropole comme divisée entre les Blancs loyalistes et les kanak indépendantistes. Pourquoi est-ce plus complexe que cela ? Quelles sont les implications politiques ?
C’est plus compliqué, car la Nouvelle-Calédonie est très diverse. La communauté kanak représente environ 45 voire 50 % de la population, mais il y a aussi 27 % d’Européens (recensement de 2019), 10 % de Polynésiens, 6 ou 7 % d’Asiatiques et des métis. Le clivage n’est donc pas simplement entre kanak et Blancs. Les indépendantistes représentent surtout les kanak, car le projet indépendantiste est un projet identitaire, un projet « kanako-kanak ». Les autres communautés, voyant dans l’indépendance une perte de beaucoup de choses, se réfugient dans les valeurs universalistes de la France. Cependant, même parmi les kanak, il y a des divergences. Certains indépendantistes sont radicaux et plutôt pro-chinois, ce sont eux à l’origine des problèmes, ce qui rend difficile le dialogue, tandis que d’autres sont modérés et ouverts à la discussion.
Vous parliez des ingérences étrangères. Les indépendantistes radicaux sont-ils manipulés ?
Les indépendantistes radicaux ne sont pas manipulés, ce serait une erreur de les sous-estimer. Ils sont parfaitement conscients de leurs actions et recherchent activement des soutiens extérieurs pour renforcer leur cause. Ce ne sont pas des acteurs passifs. Ils agissent avec une stratégie claire et une organisation bien structurée. Il ne faut pas les voir avec un regard paternaliste ou condescendant, car ce sont des personnes intelligentes et déterminées, prêtes à tout pour atteindre leur objectif : que la France quitte la Nouvelle-Calédonie.
On a pu le constater lors des récentes émeutes. Ce n’était pas une simple manifestation de colère spontanée ; tout était planifié avec une logistique précise et une hiérarchie établie. Ils ont même mis en place des tactiques pour contourner les contrôles de police, ce qui montre leur niveau d’organisation. On n’est pas dans des émeutes de banlieue classiques, c’est un mouvement très structuré et orienté vers un but politique bien défini. […]
La solution de sortie, c’est de respecter les trois référendums : la Nouvelle-Calédonie est française, et toute discussion de statut doit partir de ce principe. Je suis autonomiste, car à 17 000 km, il est logique de vouloir se gérer soi-même. Mais le passeport reste français, la nationalité aussi, et le statut de la Nouvelle-Calédonie fait partie de la Constitution. Tant que les Calédoniens restent Français, on peut tout discuter. Cependant, si la France n’est pas assez forte pour imposer ce choix, nous ne nous laisserons pas oublier ni mépriser, comme les pieds-noirs. Nous avons appris de l’histoire. […]