Dostoïevski et la rage russophobe des européens

Par Nicolas Bonnal

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Déjà une fois le sort nous avait sauvés d’une façon analogue, à l’époque où nous voulûmes libérer l’Europe du joug de Napoléon : il nous donna la Prusse et l’Autriche comme alliées. Si nous avions vaincu seuls, l’Europe, à peine revenue à elle après la chute de Napoléon, se serait jetée sur nous.
Grâce à Dieu, la Prusse et l’Autriche, que nous avons délivrées, se sont attribué tout l’honneur des victoires, à tel point qu’elles se vantent aujourd’hui d’avoir seules abattu le tyran, malgré l’opposition de la Russie.

DU CARACTÈRE GUERRIER DES ALLEMANDS
Dès que nous fûmes entrés en Allemagne, les six Allemands de notre compartiment se mirent à parler de la guerre et de la Russie. Je fus intéressé par leur conversation. Ce n’étaient pas des Allemands des hautes classes : il n’y avait là, certes, ni un·« baron », ni même un officier. Ils parlaient des forces militaires de la Russie. Avec une hautaine tranquillité, ils décrétaient que jamais notre pays n’avait été plus faible au point de vue des armements. Un solide Germain qui arrivait de Pétersbourg déclara du ton le plus capable que nous n’avions guère plus de 270.000 fusils à tir rapide ; que le reste du matériel consistait en vieux flingots retapés. Il n’y avait de préparé, selon lui, que soixante millions de cartouches, c’est-à-dire que chaque soldat ne pourrait tirer plus de soixante coups de feu, l’effectif étant d’un million d’hommes. De plus, les cartouches étaient mal faites.
Quelques mots que j’avais échangés avec le conducteur du train leur avait fait supposer que j’étais incapable de comprendre l’allemand. Mais si je parle très mal cette langue, je l’entends assez bien.
Au bout d’un certain temps, je crus de « mon devoir patriotique » de riposter que tous leurs renseignements étaient inexacts. Ils m’écoutèrent poliment et m’aidèrent même à m’exprimer quand je ne trouvais pas un mot. Ils ne me firent aucune objection, sourirent même avec indulgence, convaincus qu’un Russe devait toujours se faire quelques illusions, et je suis sûr qu’ils ne changèrent pas d’avis.

En 1871, ils n’étaient pas aussi courtois. Je vis le retour de l’armée saxonne à Dresde. On avait organisé une entrée triomphale et des ovations. Il fallait voir le défilé ! Toute la vanité allemande,
cette vanité qui rend si désagréable une race d’ailleurs de premier ordre, se donna alors carrière.
Et depuis cette entrée trop triomphale, la population de la ville ne perdit aucune occasion de blesser par des propos les nombreux Russes qui se trouvaient alors à Dresde. Même dans les boutiques où ilsvenaient faire leurs emplettes, on ne leur ménageait pas les prédictions désagréables :
« Voilà que nous en avons fini avec les Français, leur disait-on. À votre tour, maintenant ! » Nous fûmes victimes d’une inconcevable animosité subite et imprévue. Cela me parut étonnant, bien que je fusse habitué à entendre, à Moscou même, les Allemands répéter à tout bout de champ qu’ils détestaient les Russes.

Les journaux allemands mènent actuellement une campagne féroce contre la Russie qui veut, affirment-ils, s’emparer de l’Orient et, forte de son alliance avec tous les Slaves, se jeter sur la civilisation européenne pour la détruire. Le Golos, dans l’un de ses articles, a fait remarquer que ces provocations furibondes se produisent justement au lendemain des entrevues amicales des trois empereurs, et que c’est au moins bizarre.

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