La Chine coupe le cordon : son « nouvel Internet » est désormais actif
Source : clubic.com – 20 décembre 2025 – Naïm Bada
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Après une décennie de travaux titanesques, Pékin a officiellement mis en service le China Environment for Network Innovation, ou CENI. Imaginez un réseau tentaculaire de 55 000 kilomètres de fibre optique reliant 40 des plus grandes villes du pays. Ce n’est pas un simple accès à l’Internet que nous connaissons, mais bien un laboratoire à ciel ouvert, une plateforme conçue pour forger les technologies réseau de demain, loin des standards occidentaux.
CENI : une bête de course aux ambitions démesurées
Le réseau supporte simultanément 128 réseaux hétérogènes (des architectures incompatibles entre elles) et peut exécuter 4 096 tests parallèles. Pour les chercheurs, c’est Noël : chacun peut bricoler son prototype sans perturber le voisin. Et cerise sur le gâteau, les coûts de transmission s’avèrent 60% moins chers que les solutions précédentes.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. CENI a transféré 72 téraoctets entre un radiotélescope du Guizhou et une université du Hubei (mille kilomètres de distance) en seulement 1,6 heure. Ce volume représente environ 699 jours de transfert sur le réseau classique. Le débit soutenu frôle les 100 gigabits par seconde, avec une latence inférieure à 20 microsecondes même à pleine charge. Pour contextualiser : votre connexion domestique oscille généralement entre 100 mégabits et 1 gigabit par seconde. On joue dans une autre cour.
Les géants Huawei et Baidu figurent parmi les premiers utilisateurs. Baidu exploite CENI pour optimiser ses modèles d’intelligence artificielle de très grande taille. L’entraînement de modèles de 100 milliards de paramètres voit chaque cycle d’itération s’accélérer à environ 16 secondes. Le radiotélescope FAST, installé dans un gouffre du Guizhou et générant 100 téraoctets quotidiennement, achemine désormais ses observations astronomiques vers les centres de traitement sans transpirer.

Au-delà, CENI servira les manufacturiers, la santé et l’économie aérienne émergente. Le gouvernement prévoit d’interconnecter une centaine d’universités et d’entreprises sélectionnées, consolidant ainsi sa stratégie « Données orientales, calcul occidental ».
Pendant ce temps, en Occident… on regarde le train passer ?
L’ironie de l’histoire mérite qu’on s’y attarde. Pékin compare volontiers CENI à ARPANET, l’ancêtre d’Internet lancé en 1969, et à GENI (Global Environment for Network Innovations), le réseau expérimental américain. Sauf que ces deux projets ont été abandonnés. GENI a cessé ses opérations le 1er août 2023 après près de deux décennies d’expérimentation.
La trajectoire diverge radicalement. Les Américains ont progressivement transféré les responsabilités vers l’industrie privée. La Chine procède à l’inverse : elle investit massivement dans une infrastructure publique testant les standards de demain, probablement les réseaux 5G avancés et la 6G. Rappelons que le pays affiche déjà 3,4 millions de stations 5G installées, soit 60% du parc mondial.
L’équipe dirigeant CENI a développé 206 normes technologiques et obtenu 221 brevets d’invention. Pékin ne se contente plus d’importer : il construit ses propres briques techniques fondamentales. Et pendant que l’Union européenne réfléchit à sa souveraineté numérique, la Chine accumule tranquillement les cartes maîtresses pour les décennies à venir. Qui a dit que patience et longueur de temps faisaient mieux que force ni que rage ?

