La Grande-Bretagne poussée vers une famine endémique

Source : les-crises.fr – 22 avril 2022 – Jacobin Mag, Alex Collinson

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Vendredi dernier, l’ancien Premier ministre David Cameron a tweeté, photo à l’appui, qu’il avait passé les deux dernières années à faire du bénévolat dans une banque alimentaire. La réponse a été, sans surprise, critique. Certains se sont moqués de son hypocrisie, d’autres l’ont positionné comme un pénitent tentant de se racheter pour ses péchés passés.

Mais considérer les banques alimentaires comme la réponse à la faim et à la pauvreté généralisées n’est pas hypocrite ou en contradiction avec les actions passées de Cameron. Au contraire, elle est conforme à l’idéologie qui a inspiré de nombreuses décisions gouvernementales depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs en 2010 – une idéologie qui exige que les individus et les organisations bénévoles fournissent un filet de sécurité plutôt que l’État.

Détruire le filet de sécurité sociale

Par ses politiques d’austérité, le gouvernement de Cameron a supervisé la destruction intentionnelle et idéologique du filet de sécurité sociale.

Cette destruction a été réalisée de plusieurs manières. Le gouvernement a introduit l’Universal Credit (UC), un nouveau système de prestations censé simplifier les choses, mais qui, en réalité, a rendu le système de prestations plus cruel, plus punitif et moins généreux.

Dans le cadre de l’Universal Credit, les nouveaux demandeurs doivent attendre cinq semaines avant de recevoir leur premier paiement. Il est possible de contracter un prêt anticipé pour faciliter l’attente, mais le prêt doit être remboursé par des déductions futures sur les prestations à venir. Il y a aussi la limite de deux enfants, qui plafonne le crédit d’impôt pour enfants et les paiements de l’UC à deux enfants. Et il y a le plafond des prestations, qui limite arbitrairement le montant total des prestations qu’un ménage peut recevoir. Tout cela a été introduit parallèlement à un régime de sanctions punitives qui punit de manière injuste et disproportionnée ceux qui ont besoin d’aide.

Pendant une grande partie de la dernière décennie, également, il y a eu des réductions réelles des paiements de prestations pour les personnes en âge de travailler. Entre 2013 et 2016, la revalorisation des prestations (le montant de l’augmentation des prestations) a été gelée à 1 %. En 2016, les paiements ont été complètement gelés, et ce jusqu’en 2020. Compte tenu du taux d’inflation sur cette période, cela signifie que les paiements ont constamment diminué en termes réels.

En 2019, un rapport de l’ONU sur la pauvreté au Royaume-Uni a résumé la situation, expliquant que le gouvernement a « systématiquement et brutalement érodé » le filet de sécurité sociale. Des réformes désastreuses du système d’allocations, parallèlement à des coupes massives dans le financement des collectivités locales et des services sociaux, ont fait qu’il a été « délibérément supprimé et remplacé par une éthique dure et indifférente. »

Tout cela a été fait pour économiser de l’argent et réduire le rôle de l’État dans la fourniture de l’aide sociale. En février 2021, la New Economics Foundation a estimé que 14 milliards de livres Sterling avaient été retirés du système d’aide sociale depuis 2010-2011 et que la situation des 20 % de ménages les plus pauvres était inférieure de 750 livres Sterling par an à celle de 2010.

Les conséquences de cette destruction

Les conséquences de ces changements sont rapidement devenues évidentes. Le recours aux banques alimentaires a explosé. Le Trussell Trust, l’organisation qui gère environ deux tiers des banques alimentaires au Royaume-Uni, est passé de 61 468 colis alimentaires distribués en 2010-11, la première année du gouvernement de David Cameron, à 2,54 millions en 2020-21. La pauvreté atteint un niveau record, touchant 14,5 millions de personnes, soit une augmentation de 1,5 million de personnes depuis 2010-2011.

La destruction du filet de sécurité nous a laissé encore plus démunis face à la pandémie et, parallèlement à la plus longue compression des salaires de mémoire d’homme, a contribué à la crise actuelle du coût de la vie.

Lorsque les nouvelles statistiques sur la pauvreté seront publiées dans le courant du mois, on s’attend à ce qu’elles montrent une baisse de la pauvreté en 2020-21. Cette baisse était due à l’augmentation temporaire de 20 £ par semaine de l’Universal Credit. Cette augmentation a depuis été réduite, et le nombre de personnes en situation de pauvreté devrait rebondir en 2021-22. Ce seul fait prouve que le gouvernement a le pouvoir d’aider à protéger les personnes de la pauvreté par le biais du système d’allocations – il choisit simplement de ne pas le faire.

Lutter pour une économie sans les banques alimentaires

Nous n’avons pas besoin de voir des photos d’anciens Premiers ministres dans des banques alimentaires. Nous avons besoin de voir des actions de la part de l’actuel Premier ministre et de son gouvernement. La prochaine déclaration de printemps [Présentation du budget rectificatif pour l’année en cours par le Trésor Britannique, NdT] leur offre l’occasion de le faire.

Face à la crise actuelle du coût de la vie, le gouvernement doit remanier le système d’allocations, en le rendant plus généreux par le biais d’une augmentation immédiate de l’Universal Credit et des anciennes allocations à hauteur de 80 % du salaire réel (266 £ par semaine). Les aspects cruels introduits au cours des douze dernières années, tels que l’attente de cinq semaines, le plafonnement des prestations et la limite de deux enfants, doivent être supprimés de toute urgence.

Nous devrions être reconnaissants pour le service rendu par les banques alimentaires. Nous devrions également nous battre pour créer une économie dans laquelle elles n’existent pas. Une partie essentielle de ce combat consiste à recréer le filet de sécurité sociale détruit par ce gouvernement.

A propos de l’auteur :

Alex Collinson est responsable de la politique d’analyse et de recherche du Trades Union Congress.

Source : Jacobin Mag, Alex Collinson, 28-03-2022

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

Illustration : Des bénévoles emballent des colis dans une banque alimentaire du Trussell Trust alors que la crise du coût de la vie au Royaume-Uni s’aggrave. (Peter Summers / Getty Images)

2 pensées sur “La Grande-Bretagne poussée vers une famine endémique

  • 24 avril 2022 à 10 h 24 min
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    Davos en a décidé ainsi. Les mondialistes ne voient de salut pour leurs âmes misérables qu’à travers la misère et la dépopulation programmée sur les six continents.

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  • 23 avril 2022 à 12 h 27 min
    Permalink

    « une éthique dure et indifférente »
    On apprécie le langage onusien.
    Quand une éthique est « dure et indifférente » c’est qu’il n’y a pas d’éthique du tout (et ils n’utilisent jamais le mot « morale » d’ailleurs, trop chrétien).
    L’ONU qui pond des rapports sur la pauvreté, alors qu’elle roule à fond pour le Great Reset… quelle hypocrisie.
    Cameron n’a fait qu’obéir à ses patrons. On donne trop d’importance à des présidents ou premiers ministres qui ne dirigent plus rien de toute façon. Le pouvoir est supranational et dans l’ombre.

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