Philanthrocapitalisme et santé mondiale: les fondations Rockefeller et Gates
Source : blogs.mediapart.fr – 4 octobre 2017 – Anne-Emanuelle Birn et Judith Richter
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La Fondation Rockefeller et, plus récemment, la Fondation Gates ont influencé l’orientation de la santé mondiale (SM). Cette comparaison historique soutient que le philanthrocapitalisme accorde au secteur à but lucratif un rôle considérable dans la SM, estompant les frontières entre public et privé et posant une grave menace à la gouvernance démocratique de la SM et à l’indépendance scientifique.
Philanthrocapitalisme et santé mondiale: les fondations Rockefeller et Gates autrefois et actuellement
Aperçu préliminaire du chapitre 10 de Anne-Emanuelle Birn et Judith Richter, « US Philanthrocapitalism and the Global Health Agenda: The Rockefeller and Gates Foundations, past and present », Health Care under the Knife: Moving Beyond Capitalism for Our Health, sous la direction de Howard Waitzkin et du Working Group for Health Beyond Capitalism. Monthly Review Press (à venir en 2018).
Anne-Emanuelle Birn est professeur, Critical Development Studies, à l’Université de Toronto, Canada. ae.birn@utoronto.ca
Judith Richter est chercheur principal affilié, à l’Institut d’éthique biomédicale et d’histoire de la médecine, Université de Zurich, Suisse.
Traduction realisée par Stéphane Gregory
Un homme d’affaires étasunien en mi-carrière, férocement compétitif et immensément riche, s’intéresse à la santé publique mondiale. Curiosité historique ? Ou l’acteur contemporain le plus puissant de ce domaine ? En fait, les deux sont exacts. Au début du XXe siècle, la Fondation Rockefeller (FR) s’est servie des gigantesques profits pétroliers de John D. Rockefeller pour se garantir un rôle de premier plan dans la santé internationale (ainsi qu’en médecine, en éducation, en sciences sociales, en agriculture et en sciences naturelles). Près d’un siècle plus tard, la Fondation Bill & Melinda Gates (FBMG), des noms du magnat de l’informatique et de son épouse, s’impose comme la principale force d’orientation dans les domaines de la santé et de la nutrition (ainsi qu’en agriculture, en développement et en éducation) à l’échelle planétaire.
Ces puissantes fondations ont vu le jour à un moment charnière dans l’histoire internationale de la santé. Chacune a été lancée par le capitaliste le plus riche et le plus ambitieux de son temps. Les pratiques monopolistiques et peu scrupuleuses des deux hommes d’affaires ont été condamnées publiquement1. Leurs motivations philanthropiques ont suscité autant de louanges que de scepticisme2. Leurs fondations partagent une vision étroite et médicalisée de la maladie et de son contrôle. La FR, pour sa part, a cherché à faire de la coopération en santé une sphère légitime de l’action intergouvernementale, et a façonné les principes, les pratiques et les principales institutions du domaine de la santé internationale3. La FBMG, quant à elle, apparaissait à l’aube d’une crise de gouvernance de la santé mondiale.
Profondément politisés, les deux fondations ainsi que leurs fondateurs ont su reconnaître l’importance de la santé publique pour le capitalisme et de la philanthropie pour leur propre réputation, tout en soulignant la supposée neutralité des fondements techniques et scientifiques de leurs efforts. Une différence fondamentale les distingue cependant : la FR considérait que la santé publique relève de l’État, tandis que la FBMG s’en prend par ses actes à l’autorité et à la compétence des agences intergouvernementales publiques, contribuant de fait à fractionner la coordination de la santé en accordant aux « partenaires » d’affaires et philanthropiques un rôle mondial de premier plan4.
Une telle confluence de largesse et de pouvoir de décision à des moments historiques distincts soulève plusieurs questions : comment et pourquoi les mégaorganisations philanthropiques étasuniennes en sont-elles arrivées à jouer un rôle aussi important dans la production et le façonnage des connaissances, des organisations et des stratégies liées aux enjeux de la santé à l’échelle planétaire ? Quelles en sont les conséquences pour la santé mondiale et sa gouvernance ?
De telles questions s’avèrent tout à fait pertinentes : le « philanthrocapitalisme », acclamé comme moyen de « sauver le monde », dépend pourtant de profits amassés grâce à la spéculation financière, aux abris fiscaux, à une tarification monopolistique, à l’exploitation de travailleurs et d’agriculteurs de subsistance, et à la destruction de ressources naturelles – des profits transformés ensuite, quoiqu’indirectement, en profits supplémentaires –. Inventé par le rédacteur d’affaires étasunien de The Economist, le terme philanthrocapitalisme renvoie autant à l’infusion des principes et pratiques de l’entreprise à but lucratif dans la philanthropie, qu’à la démonstration du potentiel de bienveillance du capitalisme au travers d’innovations censées « profiter à tout le monde, tôt ou tard, grâce à de nouveaux produits de meilleure qualité et à plus bas prix5 ».
La plupart des entités gouvernementales peuvent être soumises à un examen public, mais les organisations philanthropiques privées n’ont, quant à elles, de comptes à rendre qu’aux conseils d’administration qu’elles ont elles-mêmes choisis. Quelques cadres prennent ainsi des décisions majeures qui affectent des millions de personnes. En Amérique du Nord (et dans diverses autres régions), les contributions des entreprises et des particuliers aux entités sans but lucratif sont déductibles d’impôt, privant les coffres publics des États-Unis d’une somme estimée à 40 G$ chaque année6. Ce sont donc les contribuables, sans droit de regard sur la façon dont les décisions sont prises ou l’argent dépensé, qui assument plus du tiers (selon le taux d’imposition) des dons versés par les organisations philanthropiques privées.
Dans ce chapitre, nous comparons et contrastons la FR et la FBMG : leurs objectifs, modus operandi et rôles dans l’établissement des priorités. Selon nous, la FR du début du XXe siècle et la FBMG d’aujourd’hui, qui partagent une croyance en des approches étroites et technocentrées au contrôle des maladies, ont considérablement influencé les institutions, les idéologies et les pratiques dans le champ de la santé internationale/mondiale. La FR cependant favorisait la création d’une agence unique de coordination publique de la santé mondiale (devenue par la suite l’Organisation mondiale de la santé, OMS), tandis que la FBMG, par ses approches de privatisation, sape le mandat constitutionnel de l’OMS de promotion de la santé en tant que droit de la personne fondamental. En effet, l’approche à la philanthropie de risque de la FBMG – qui consiste à appliquer des méthodes de gestion du capital de risque aux dons de charité7 – sous-tend et illustre de manière emblématique des modèles d’affaires qui s’infiltrent désormais dans le champ de la santé publique mondiale. Ces conditions ont permis au secteur privé à but lucratif d’exercer une influence considérable sur les activités de la santé mondiale et ont estompé les frontières entre les sphères du public et du privé, posant une grave menace à la gouvernance démocratique de la santé mondiale et à l’indépendance scientifique8.
Rockefeller International Health à l’époque de l’impérialisme
En 1913, alors que divers problèmes de santé « tropicaux » rongeaient les intérêts de l’empire, le magnat du pétrole devenu philanthrope John D. Rockefeller créa la FR dans le but avoué de « promouvoir le bien-être de l’humanité dans le monde entier ». Ses efforts s’inscrivaient dans le cadre de la « philanthropie scientifique », un nouveau mouvement étasunien. Dans son manifeste de 1889 intitulé The Gospel of Wealth9, Andrew Carnegie, magnat de l’acier d’origine écossaise modeste, appelait les nantis à canaliser leurs fortunes vers le bien sociétal en privilégiant des investissements sociaux organisés plutôt que des formes aléatoires de bienfaisance.
Rockefeller suivit cet exemple en subventionnant le domaine naissant de la santé publique, polissant au passage son image de bienfaiteur social. Ses conseillers l’incitèrent à s’attaquer d’emblée au problème de l’anémie causée par l’ankylostomiase : facile à diagnostiquer et à traiter à l’aide de médicaments, cette maladie causée par un ver était considérée comme une des principales causes du « retard » économique du sud des États-Unis, qui nuisait à l’industrialisation et à la croissance économique. Le fait que ce ver n’était pas une cause principale de mortalité, ou que son traitement provoquait parfois des décès, paraissait sans objet.
Généreusement subventionnée, la Rockefeller Sanitary Commission for the Eradication of Hookworm Disease (Commission sanitaire Rockefeller pour l’éradication de l’ankylostomiase) (1910–1914), passant par les églises et les clubs agricoles, inonda onze États du Sud d’équipes de médecins, d’inspecteurs sanitaires et de techniciens de laboratoire, afin d’administrer des médicaments vermifuges ; encourager le port de chaussures et l’utilisation de toilettes ; et distribuer du matériel de santé publique. (Ces activités attirèrent favorablement l’attention sur la Fondation jusqu’à ce que se répande une [fausse] rumeur selon laquelle la campagne visait à vendre des chaussures, incitant le nom de Rockefeller à se fondre dans le décor)10. Même sans avoir « éradiqué » la maladie, la campagne entourant l’ankylostomiase déclencha un intérêt pour la santé publique au sein de la population, et la FR créa rapidement l’International Health Board (Bureau sanitaire international) afin d’étendre la portée de son travail.
Les activités de santé publique de la FR servirent également à contrer la publicité négative visant le monopole de Rockefeller dans le pétrole. La mauvaise presse culmina en 1914 lorsque deux douzaines de mineurs et leurs familles périrent dans la mine de Ludlow, au Colorado, propriété d’un producteur de charbon contrôlé par Rockefeller. Les travailleurs, les journalistes d’enquête et le public établirent rapidement des liens entre les entreprises et les intérêts philanthropiques de Rockefeller, voyant les dons offerts par des « barons voleurs » comme autant de tentatives de contrer l’agitation de la classe ouvrière, le radicalisme politique et autres menaces aux grandes entreprises11.
Ainsi, la famille Rockefeller fut avisée de concentrer ses efforts philanthropiques dans les sphères de la santé, de la médecine et de l’éducation, perçues comme neutres et acceptables. Pendant les quatre prochaines décennies la FR domina la santé internationale. Son personnel, sous la direction de fiduciaires et de gestionnaires actifs (s’ajoutant à l’origine aux conseillers d’affaires de Rockefeller), gérait une entreprise mondiale de coopération en santé à partir de bureaux régionaux à Paris, New Delhi, Cali et Mexico. Des centaines d’agents de la FR effectuèrent un peu partout dans le monde un travail de santé publique adapté à chaque pays12. Au moment de son démantèlement en 1951, l’International Health Division (Division sanitaire internationale, nom de l’International Health Board après 1927) avait dépensé l’équivalent de milliards de dollars sur des campagnes de lutte contre d’importantes maladies tropicales telles que l’ankylostomiase, la fièvre jaune et le paludisme, et sur des programmes plus modestes contre le pian, la rage, l’influenza, la schistosomiase et la malnutrition dans près de cent pays et colonies. La Division a également mobilisé des appuis nationaux pour ses campagnes en obligeant les gouvernements à les cofinancer, habituellement à hauteur de 20 % des coûts au début, jusqu’au plein montant après quelques années. Elle a aussi fondé 25 écoles de santé publique dans le monde et fourni des bourses d’études à 2500 professionnels de la santé publique afin de leur permettre de poursuivre des études supérieures, principalement aux États-Unis.13
Cependant, la FR abordait rarement les principales causes de décès, notamment la diarrhée infantile et la tuberculose, pour lesquelles aucune solution technique n’existait à l’époque et qui exigeaient des investissements sociaux à long terme dans l’habitation, l’eau potable et les systèmes sanitaires. Dans sa lutte contre les maladies, la FR évitait de s’engager dans des campagnes potentiellement onéreuses ou chronophages (à l’exception de celles contre la fièvre jaune, qui menaçait le commerce). Ces campagnes étaient pour la plupart conçues en fonction d’objectifs bien précis, afin que des cibles quantifiables puissent être visées et atteintes (épandage d’insecticides et distribution de médicaments, par exemple), ajoutées au tableau des réussites, puis présentées dans des rapports trimestriels de type commercial. De ce fait, les efforts en santé publique de la FR ont stimulé la productivité économique, étendu des marchés de consommation et préparé de vastes régions pour les investissements étrangers et l’incorporation dans le système du capitalisme mondial en pleine expansion.
Parallèlement à ses campagnes de lutte contre les maladies, la FR a soutenu le cadre institutionnel en évolution du domaine de la santé internationale. Fondée après la Première Guerre mondiale, l’Organisation d’Hygiène de la Société des Nations (OHSN) fut en partie modelée sur l’International Health Board de la FR, dont elle partageait de nombreuses valeurs et qui lui apportait une expertise dans le contrôle des maladies, le renforcement d’institutions, l’éducation et la recherche, bien que l’OHSN cherchait à remettre en question les compréhensions étroites et médicalisées de la santé. Plutôt que d’être supplantée par l’OHSN, la FR en devint le principal commanditaire et la planche de salut14. Dans le climat de militantisme antifasciste, ouvrier et socialiste des années 1930, il était pleinement justifié politiquement, sur le plan de la santé publique, d’aborder la question des conditions sociopolitiques qui sous-tendent les problèmes de santé. Certains points de vue politiques progressistes, notamment ceux de chercheurs scientifiques et d’experts de la santé publique ouvertement de gauche, inspirèrent la FR au point de financer ces derniers15. Ces appuis restaient néanmoins invariablement soumis à son modèle technique et au renforcement du pouvoir capitaliste étasunien.
La FR identifiait pourtant sa principale contribution internationale comme étant une « aide aux organisations de santé publique officielles dans le développement de mesures administratives adaptées aux coutumes, traditions, conditions et besoins locaux16. Ainsi le gage de réussite de la FR, qu’elle a elle-même défini, tenait plus généralement au rôle qu’elle jouait dans la mobilisation d’un soutien politique et populaire pour la santé publique et dans la création de services de santé publique nationaux, et à sa contribution à l’institutionnalisation de la santé internationale (Tableau 10-1).
Tableau 10-1 :
Principes de coopération internationale en matière de santé de la Fondation Rockefeller17
1. Élaboration des programmes à partir du sommet : ce sont les donateurs qui décident des activités en santé internationale – la formulation et la gestion du programme de coopération revenant à l’agence internationale, qu’il s’agisse d’activités directes menées dans les pays ou de l’octroi de subventions.
2. Incitatifs budgétaires : les activités sont financées par les agences donatrices, mais en partie seulement ; les mécanismes de financement de contrepartie obligent les gouvernements « récipiendaires » à s’engager à fournir des ressources financières, humaines et physiques considérables dans le cadre de l’initiative de coopération.
3. Paradigme technobiologique : les activités sont structurées en termes de contrôle des maladies, en fonction : (a) des connaissances biologiques et comportementales individuelles liées à la maladie ; et (b) d’outils techniques appliqués à des contextes très variés.
4. Paramètres a priori de la réussite : circonscrites géographiquement et temporellement, les activités sont également limitées à une maladie et à une intervention, ou répondent à des stratégies de sortie claires permettant d’en démontrer l’efficacité et de garantir des résultats visibles et favorables.
5. Création de consensus par le recours à des professionnels transnationaux : les activités reposent sur des professionnels transnationaux – formés à l’étranger (souvent aux côtés du personnel de l’agence donatrice) et qui évoluent au sein de réseaux internationaux – facilitant ainsi l’adaptation locale des projets de coopération.
6. Confrontation avec la réalité sur le terrain pour assurer une mise en oeuvre réussie des activités : ajustement aux conditions locales selon les besoins.
La FR, dont le statut d’organisation philanthropique lui conférait une indépendance vis-à-vis du public, n’avait de compte à rendre qu’à son conseil d’administration. Son influence sur l’élaboration de programmes et le renforcement d’institutions, qui lui venait de sa présence internationale, était renforcée par son implication en coulisses dans pratiquement tous les types d’activités de santé publique, et par le zèle de missionnaire qu’elle appliquait à l’établissement de ses priorités. Or, devant la nécessité de réagir dynamiquement sur des terrains politiques, scientifiques, économiques, culturels et professionnels mouvants, la FR menait aussi ses activités en acceptant d’importants compromis, marqués par des moments de négociation, de cooptation, d’imposition, de rejet et de coopération productive. Fait unique pour l’époque, la FR fonctionnait non seulement comme une agence de financement, mais simultanément comme une agence nationale, bilatérale, multilatérale, internationale et transnationale18.
L’interlude de la guerre froide et la montée du néolibéralisme
Après la création de l’OMS en 1948, la FR délaissa son rôle de premier plan dans la santé internationale, laissant derrière elle un héritage puissant, mais problématique ; elle a généré un soutien politique et populaire mondial en faveur de la santé publique et défendu l’institutionnalisation de la santé internationale, mais la FR a également instauré une approche technologique ainsi qu’un contrôle extérieur de l’élaboration des programmes. Ayant hérité des employés, chercheurs, idéologies, pratiques, activités et équipements de la FR, l’OMS mena d’importantes campagnes verticales d’éradication du paludisme, de la variole et autres maladies19.
Durant la Guerre froide, des agences bilatérales, des institutions financières internationales et d’autres agences des Nations Unies (ONU), en plus d’une gamme étourdissante d’organisations humanitaires et non gouvernementales (ONG), rejoignirent l’OMS sur la scène internationale de la santé. Dans le cadre de leur rivalité politique et idéologique, les blocs des États-Unis et de l’Union soviétique investissaient tous deux dans la création d’infrastructures de santé, bâtissant hôpitaux, cliniques et usines pharmaceutiques, commanditant des milliers de bourses de recherche et participant à des campagnes de lutte contre les maladies comparables à celles menées par la FR.
Au cours des années 1970, l’approche verticale de l’OMS commença à être contestée. Ses États membres, tout particulièrement les pays récemment décolonisés sans allégeance à l’Union soviétique ou aux États-Unis, tentèrent d’aborder la santé sous un angle sociopolitique. Halfdan Mahler, directeur général de l’OMS entre 1973 et 1988, fournit la vision nécessaire à une telle réorientation. Le « mouvement des soins de santé primaires », consacré par la conférence et la déclaration d’Alma-Ata et la politique de la « Santé pour tous » de l’OMS qui l’accompagnait, appelait à aborder la santé comme un droit de la personne fondamental par le biais de mesures sociales et de santé publique intégrées, adaptées aux contextes économiques, politiques, sociaux et culturels de la santé, misant sur la prévention plutôt que le traitement.20 La Santé pour tous s’inscrivait également dans un effort plus général de l’ONU, le Nouvel ordre économique international (NOEI), qui appelait par ailleurs les agences de l’ONU à aider à réglementer les sociétés transnationales au moyen de codes internationaux contraignants.
Cependant, alors qu’elle tentait d’échapper au legs d’interventions étroites en santé de la FR, l’OMS fut plongée dans diverses crises politiques et financières. La situation économique de la fin des années 1970 et du début des années 1980 empêchait de nombreux pays membres de verser leur cotisation à l’OMS. Au même moment, dans un contexte général marqué par la montée de l’idéologie politique néolibérale, la résistance des États-Unis à ce que le pays qualifiait de « réglementation supranationale » illégitime avait contribué à refroidir les partisans du financement public des institutions de santé internationale. Ces conditions contribuèrent également au gel des cotisations versées par les États membres, lequel reste en vigueur jusqu’à ce jour. De plus, l’administration du président des États-Unis, Ronald Reagan, réduisit unilatéralement de 80 % ses cotisations à l’ONU en 1985, retenant par la suite ses obligations de membre à l’OMS en 1986 en guise de protestation contre la réglementation par l’OMS des biens et pratiques commerciales liées à la santé21, en particulier les produits pharmaceutiques et les aliments pour nourrissons22. Au début des années 1990, moins de la moitié du budget de l’OMS provenait des cotisations des pays membres, pendant que plusieurs donateurs, dont faisaient maintenant partie une variété d’entités privées, précisaient à quels programmes et activités particulières leurs fonds seraient versés. Actuellement, près de 80 % du budget de l’OMS provient de donateurs qui décident de la manière dont leurs contributions sont dépensées.
Après la Guerre froide, on justifiait les efforts internationaux en faveur de la santé par des raisons de promotion des échanges commerciaux, de surveillance des maladies et de sécurité sanitaire23. À cette époque, l’OMS se voyait court-circuitée par une Banque mondiale armée d’un budget de santé beaucoup plus conséquent et d’une volonté de privatiser les systèmes de santé, l’eau et d’autres services publics essentiels, et par l’émergence d’un paradigme de création de « partenariats » entre l’ONU et les acteurs de l’industrie. De nombreuses agences bilatérales, en plus de certaines agences de l’ONU comme l’UNICEF, contournèrent l’OMS complètement24. La réduction des dépenses intergouvernementales marqua le retour de ce que l’on surnommait maintenant la « philanthropie en santé mondiale », dont la réémergence coïncidait et s’entremêlait désormais avec un néolibéralisme en plein essor.
La Fondation Gates entre en scène
En 2000, les dépenses globales en santé mondiale stagnaient. Les élites politiques et économiques et les médias de masse devenus entreprises encourageaient les perceptions négatives à l’égard de l’aide au développement à l’étranger. De nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire croulaient sous les fardeaux multiples du VIH/sida, de nouvelles poussées de maladies infectieuses et de maladies chroniques naissantes, tout en subissant les contrecoups de décennies de compressions de dépenses sociales imposées par la Banque mondiale et le FMI ainsi que les effets négatifs de la libéralisation des échanges et des investissements. De ce vide surgit un sauveur autoproclamé de la santé mondiale, modelant à la hâte son ordre du jour en quelques années à peine.
La FBMG fut mise sur pied en 2000 par Bill Gates, la personne la plus riche du monde, fondateur et PDG de longue date de Microsoft, et son épouse Melinda25. À l’instar de Rockefeller, l’entrée de Gates dans le monde de la philanthropie eut mauvaise presse. Il avait lancé le Children’s Vaccine Program (Programme de vaccination des enfants), un précurseur de la FBMG, en 199826, alors que Microsoft s’attirait de la publicité négative pour avoir plaidé en faveur d’une coupure du budget du département de la Justice des États-Unis au moment précis où l’entreprise était embourbée dans une action fédérale antitrust27. En 1999, Gates versa un don fondateur de 750 000 $ à l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (maintenant connue sous le nom de « Gavi, l’Alliance du Vaccin »), une initiative annoncée lors du Forum économique mondial de Davos. Plus tard la même année, Microsoft était visée par une poursuite collective pour avoir abusé de son monopole informatique auprès de millions de consommateurs californiens. S’ensuivit une prolifération d’initiatives financées par la FBMG, au moment même où Microsoft était l’objet de nouvelles accusations anticoncurrentielles dans l’Union européenne. En 2002, la FBMG cofondait l’Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (GAIN) et devenait l’un des principaux subventionnaires du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (maintenant appelé Fonds mondial).
La FBMG, coprésidée par le couple ainsi que Bill Gates Senior, est aujourd’hui, et de loin, la principale organisation philanthropique oeuvrant en santé mondiale et la plus importante fondation de bienfaisance du monde. Les dépenses en santé mondiale de la FBMG sont supérieures à celles de tous les gouvernements à l’exception de celui des États-Unis28. En 2015, elle disposait de 39,6 G$, dont 17 G$ versés par le méga-investisseur étasunien Warren Buffett, l’unique fiduciaire de la FBMG29.
Au cours de 2015, la FBMG octroya au total 36,7 G$, ses dépenses annuelles récentes tournant autour de 6 G$. La « santé mondiale » (incluant le VIH, le paludisme et la tuberculose) profite d’investissements d’environ 1,2 G$, alors que 2,1 G$ sont injectés dans le « développement mondial » (incluant la lutte contre la polio, l’administration de vaccins, la santé maternelle et infantile, la planification familiale et le développement agricole). Récemment, le budget de la FBMG réservé aux activités liées à la santé mondiale surpasse parfois celui de l’OMS. Depuis 2008, la FBMG est la principale donatrice privée de l’OMS (ce financement étant en grande partie voué à l’éradication de la polio). L’objectif déclaré de la FBMG en matière de santé mondiale est de « mettre à profit les avancées scientifiques et technologiques pour réduire les inégalités en santé30 » ce qui comprend autant le traitement (par le biais d’outils diagnostiques et du développement de médicaments) que les technologies préventives (tels que les vaccins et les microbicides). À l’origine, la Fondation, dont le siège social se trouve à Seattle, se concentrait sur quelques programmes de contrôle des maladies, le plus souvent à titre d’organisation subventionnaire. Depuis, elle déploie ses efforts dans plus d’une centaine de pays, possédant des bureaux en Afrique, en Chine, en Inde et au Royaume-Uni, et compte plus de 1400 employés.
Faisant écho aux pratiques de la FR, la FBMG exige un cofinancement de la part de ses « partenaires » gouvernementaux, conçoit des programmes axés sur la technologie qui lui permettent d’obtenir des résultats favorables à partir d’objectifs étroitement définis, et privilégie l’atteinte de résultats à court terme. La FBMG a développé une capacité extraordinaire à regrouper divers donateurs autour de ses efforts, y compris des agences bilatérales qui, ensemble, mettent chaque année au service de la santé mondiale dix fois plus de ressources que ne le fait la FBMG, en bénéficiant toutefois d’une reconnaissance nettement inférieure31. La FBMG a été largement saluée pour avoir injecté de l’argent et de la vie dans le domaine de la santé mondiale et encouragé d’autres participants à suivre son exemple32. Or, même certains de ses partisans ont dénoncé son manque de responsabilité et de transparence (puisqu’il s’agit, après tout, de dons financés par les contribuables) ainsi que le pouvoir indu qu’elle exerce en fixant l’ordre du jour de la santé mondiale33.
L’approche de la FBMG et ses risques
En tant que grand subventionnaire d’initiatives de santé mondiale, la FBMG collabore avec une variété d’agences publiques, privées et intergouvernementales, ainsi que des universités, entreprises, groupes de revendication et ONG. Tout comme la FR, la FBMG envoie la vaste majorité de ses fonds destinés à la santé mondiale vers ou à travers des entités situées dans des pays à revenu élevé. En 2016, les trois quarts des fonds totaux octroyés par son Programme de santé mondiale ont été versés à soixante organisations, dont 90 % sont situées aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Suisse34.
Une grande partie du financement de la santé mondiale par la FBMG est consacrée au développement et à la distribution de vaccins. En 2010, la Fondation s’engageait à verser 10 G$ sur 10 ans pour financer la recherche, le développement et l’administration de vaccins. Bien que les vaccins constituent des outils de santé publique importants et efficaces, les preuves historiques démontrent que les baisses de mortalité dans les pays à revenu élevé et dans certains pays à revenu faible ou intermédiaire sont principalement attribuables à l’amélioration des conditions de vie et de travail (notamment grâce à l’accès à de l’eau propre, à des installations sanitaires et à des soins de santé primaires) dans un contexte de luttes sociales et politiques35.
Le discours d’ouverture prononcé par Bill Gates en mai 2005 lors de la 58e Assemblée mondiale de la santé, réunion annuelle durant laquelle les États membres de l’OMS établissent les politiques et décident de questions clés, laissait clairement transparaître l’approche réductionniste de la FBMG. Gates invoqua l’éradication de la variole par la vaccination, dont le faible coût s’explique par l’absence de brevets, en décrivant son ordre du jour de la santé : « D’aucuns… prétendent que l’amélioration de la santé passe par l’élimination de la pauvreté. Et l’élimination de la pauvreté reste un objectif important. Mais il n’a pas été nécessaire d’éliminer la pauvreté dans le monde pour éradiquer la variole – et il n’est pas nécessaire d’éliminer la pauvreté pour faire reculer le paludisme. Ce que nous devons faire, c’est produire et fournir un vaccin36. » Simple en apparence, la solution technique de Gates au problème complexe du paludisme implique que les approches fondées sur la justice sociale peuvent tout simplement être ignorées. De même, l’initiative Grand Challenges in Global Health (Grands défis en matière de santé mondiale) de la FBMG finance des scientifiques dans près de 40 pays pour leur permettre de mener des projets de recherche « audacieux » et « peu orthodoxes » tant et aussi longtemps qu’ils négligent en grande partie les causes sociales, politiques et économiques sous-jacentes aux problèmes de santé, y compris l’accumulation inédite de richesse37.
Assurément, la FBMG a également appuyé d’autres types d’initiatives, bien qu’à une échelle réduite. En 2006, elle verse une subvention de démarrage de 20 M$ à l’Association internationale des instituts nationaux de santé publique ainsi qu’une subvention de 5 M$ à l’Alliance mondiale pour les personnels de santé, basée à l’OMS, qui cherchait à pallier le manque de personnel de santé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Le financement par la FBMG résulte souvent d’un élan de privatisation. Récemment, la FBMG a commencé à financer une « couverture universelle des soins de santé » (différente d’un accès à un régime universel de soins de santé financé par le public)38, en versant, par exemple, une subvention de 2,2 M$ au Results for Development Institute (Institut de résultats pour le développement), qui travaille à « éliminer les barrières réduisant l’efficacité dans les marchés mondiaux (notamment en santé)39 ».
Malgré les lacunes d’une approche aux problèmes de santé publique centrée sur la technologie et abordant une maladie à la fois, ce modèle, défendu par la FBMG grâce à son rôle au sein des organes décisionnels officiels de la santé mondiale, domine désormais. Ce rôle a gagné en importance en 2007 avec la formation du « H8 » – l’OMS, l’UNICEF, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), ONUSIDA, la Banque mondiale, la FBMG, Gavi et le Fonds mondial. La plupart de ces organisations travaillent auprès de la FBMG ou en subissent largement l’influence. Le H8, à l’image de l’ancien G8 (composé de 8 pays puissants collaborant dans le cadre de politiques économiques et d’enjeux de « sécurité » : États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Canada, Italie et Russie ; devenu G7 depuis le départ de la Russie), se réunit derrière des portes closes pour fixer l’ordre du jour de la santé mondiale.40
Tout comme la FR à son apogée, l’influence de la FBMG sur le programme de la santé mondiale découle de l’ampleur de ses dons, de sa capacité à mobiliser des ressources rapidement et à allouer des sommes importantes à de vastes initiatives, de la notoriété de son patron et de l’effet de levier qu’elle tire de la gamme extraordinaire d’organisations auxquelles elle est associée. Cependant, la réaction de Bill Gates à la poussée d’Ebola qui sévit en Afrique de l’Ouest en 2014-2015 soulève de nouvelles interrogations sur sa vision. Il a en effet appelé, dans l’éventualité de nouvelles épidémies, à la mobilisation d’une autorité de la santé mondiale supranationale et militarisée, modelée sur l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), usurpant ainsi le mandat de coordination de l’OMS tout en sapant la souveraineté nationale et la règle démocratique.41
La FBMG et les conflits d’intérêts
En matière de financement et de recrutement, la FBMG baigne dans les conflits d’intérêts. Elle a été critiquée au cours des dernières années pour avoir subventionné des entreprises polluantes et l’industrie de la malbouffe ainsi que des sociétés privées qui bénéficient de son appui dans le cadre d’initiatives particulières en santé mondiale et en agriculture42. Bien que la FBMG ait vendu plusieurs de ses sociétés pharmaceutiques en 200943, elle conserve des intérêts financiers dans le Big Pharma par l’entremise de la société de portefeuille Berkshire Hathaway de Warren Buffett (près de la moitié fonds de dotation investis par la FBMG).
Les relations par trop serrées qu’entretiennent la FBMG et le Big Pharma soulèvent certaines questions quant l’objectif déclaré de la Fondation – réduire les inégalités en santé –, compte tenu du fait que les profits engrangés par ces sociétés limitent l’accès à des médicaments abordables44.
En outre, plusieurs cadres supérieurs de la FBMG sont issus du domaine pharmaceutique45. Notamment, Dr Trevor Mundel, président du Programme de santé mondiale de la FBMG, est un ancien cadre supérieur chez Novartis ; son prédécesseur, Dr Tachi Yamada, fut cadre et membre du conseil d’administration de GlaxoSmithKline. Pourtant, ces problèmes de « portes tournantes » sont rarement discutés publiquement.46
Les défenseurs de médicaments abordables permettant de sauver des vies ont également contesté la position de la FBMG en matière de propriété intellectuelle (PI). Gates admet que sa fondation « touche des revenus provenant du brevetage de produits pharmaceutiques47 ». Microsoft est depuis longtemps une fervente partisane des droits en matière de PI – lesquels facilitent sa conquête de marchés à l’échelle mondiale48 – et a assumé un rôle de premier plan pour garantir l’adoption de l’entente de l’Organisation mondiale du commerce sur les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle (ADPIC)49. Sur le plan juridique, la FBMG et Microsoft sont des entités distinctes (comme l’étaient la FR et les entreprises Rockefeller), mais certains liens, notamment l’embauche par la FBMG, en 2011, d’un avocat en brevets de Microsoft pour son Programme de santé mondiale50, demeurent troublants. Le gouvernement indien s’est inquiété des liens de la FBMG avec les pharmaceutiques et des conflits d’intérêts connexes au point de couper, au début de 2017, tout lien financier entre son organe consultatif national en matière de vaccination et la FBMG51.
De tels conflits d’intérêts sont également manifestes au sein de l’OMS, compte tenu du rôle accru de la FBMG en tant que premier contributeur du budget de l’OMS. Le problème de la dépendance de l’OMS à l’égard du financement « volontaire » – son conflit d’intérêts institutionnel le plus fondamental – reste ignoré en dépit des efforts d’organisations de la société civile52. Il suffirait de 2,2 G$ – soit la moitié du budget de l’hôpital presbytérien de New York53 – pour assurer le financement intégral de l’OMS par les cotisations des États membres. Plutôt que de dégeler les cotisations des États membres de l’OMS, la dernière réforme de l’Organisation accoucha du Cadre de collaboration avec des acteurs non étatiques de 201654. Le résultat en fut de légitimer d’autant plus l’influence de la FBMG et des entreprises sur l’OMS en permettant spécifiquement aux acteurs philanthropiques et commerciaux de réclamer le statut de « relations officielles », réservé à l’origine aux ONG oeuvrant dans le sens des objectifs formulés dans la constitution de l’OMS.
La FBMG, les partenariats public-privé et les initiatives multipartites
Les « partenariats public-privé » (PPP) font partie des principaux leviers grâce auxquels la FBMG a pu asseoir son influence sur l’établissement de l’ordre du jour et la prise de décisions. Le terme générique de PPP couvre une multitude d’arrangements, d’activités et de relations. Au début des années 1990, les PPP furent promus comme moyens de financer et mettre en oeuvre des initiatives de santé mondiale conformes aux prescriptions néolibérales en matière de privatisation des biens et services publics. À la fin de la même décennie, une grande variété d’interactions public-privé étaient ainsi classées par les agences de l’ONU en tant que « partenariats » ou « initiatives multipartites ».
Les deux concepts amalgament l’ensemble des participants, effaçant les différences clés entre les rôles et les objectifs de ceux qui visent à assurer le droit des personnes à la santé et à l’alimentation, et de ceux préoccupés avant tout par leurs résultats nets55. Actuellement, la plupart des principaux PPP en santé mondiale, dont les budgets s’échelonnent de quelques millions à plusieurs milliards de dollars – tels que Gavi, Stop TB (Halte à la tuberculose), Roll Back Malaria (Faire reculer le paludisme) et GAIN – ont été lancés ou subventionnés par la FBMG.
Plutôt que l’indépendance, ces hybrides public-privé favorisent la proximité entre institutions publiques et entreprises privées, en plus de promouvoir un processus décisionnel conjoint entre des partenaires ou « parties prenantes » prétendument égaux. De tels arrangements ont permis à des intérêts commerciaux de jouer un rôle inédit dans l’orientation des politiques de santé mondiale, largement à l’insu du public et sans responsabilité à son égard56, s’inscrivant ainsi en faux par rapport à la FR, qui préconisait une santé publique relevant du gouvernement, auquel les activités de santé publique doivent par ailleurs être déclarées.
Le rôle prépondérant de la FBMG au sein des deux PPP les plus puissants – Gavi et le Fonds mondial, deux membres du H8 – et sa création de GAIN soulignent la primauté de la Fondation dans le façonnage de PPP, l’accroissement de leur influence et leur orientation en tant que projets commerciaux. Gavi a servi de modèle à presque tous les PPP en santé mondiale. Lorsque Bill Gates l’a financée au départ, il suivait le modèle de philanthropie de risque créé au milieu des années 1990 par les milliardaires « dot.com » qui cherchaient à faire entrer dans le domaine public la pensée et le jargón du monde des affaires. Les arrangements sont caractérisés par l’implication active des entrepreneurs donateurs et du personnel des fondations au sein des organisations récipiendaires, et par la représentation du secteur commercial au sein des conseils d’administration57, la présence des entreprises ayant l’effet de créer un environnement intimidant pour certains représentants du gouvernement58.
Gavi fut critiquée pour avoir privilégié le recours à de nouveaux vaccins contre les maladies infantiles plutôt qu’une vaccination universelle employant des vaccins existants ayant démontré leur efficacité. Qualifié d’arrangement « du haut vers le bas », un tel choix privilégiait des solutions techniques faisant fi des conditions et des besoins locaux59, avec pour résultat le financement d’entreprises pharmaceutiques déjà immensément rentables pour « sauver des vies d’enfants60 ». En effet, Gavi a subventionné des entreprises, dont Merck, en achetant des produits déjà rentables tel que le vaccin antipneumococcique, pendant que des pays susceptibles de recevoir un appui de Gavi sont tenus d’assumer une proportion croissante des coûts, les privant ainsi éventuellement de subventions directes comme d’un accès à des vaccins à des prix négociés à la baisse.61
De telles questions se posent également à propos du Fonds mondial, le plus important PPP en santé mondiale, financièrement parlant ; le Fonds a reçu une subvention de démarrage de 100 M$ de la part de la FBMG, qui lui a depuis versé près de 1,6 G$. Au début de 2017, le Fonds mondial avait déboursé 33 G$ pour financer des programmes dans 140 pays, court-circuitant les agences de l’ONU et affaiblissant d’autant plus, par le fait même, l’OMS et tout semblant de gouvernance démocratique de la santé mondiale. Ni l’OMS ni ONUSIDA ne peuvent voter au conseil, contrairement au secteur privé, représenté actuellement par Merck et la FBMG. Le Fonds mondial, comme de nombreux PPP, est réputé offrir des « occasions d’affaires » – des contrats lucratifs et une influence décisionnelle –.
De même, depuis que la FBMG et l’UNICEF ont fondé GAIN, ce PPP a popularisé le terme de « malnutrition en micronutriments » pour justifier l’attention particulière qu’il accorde à l’enrichissement et à la supplémentation des aliments. Comme argument, GAIN avance que « dans un monde idéal, nous aurions tous accès à une grande variété d’aliments riches en nutriments qui nous fournissent les vitamines et minéraux dont nous avons besoin. Malheureusement, pour bien des gens, surtout dans les pays plus pauvres, cela n’est souvent ni faisable ni abordable62. » Ce raisonnement ignore les problèmes d’approvisionnement et de distribution des aliments. La malnutrition sévit dans des régions dont les sols extrêmement fertiles et les conditions de croissance avantageuses produisent certaines des récoltes les plus nutritives du monde, qui sont cependant destinées en grande partie à l’exportation, laissant les populations locales à faible revenu dans l’incapacité de se procurer des aliments nutritifs63.
De manière générale, l’architecture de la santé mondiale, truffée de PPP et d’initiatives multipartites, fragmente et déstabilise le paysage de la santé mondiale ; elle mine l’autorité de l’OMS ainsi que sa capacité de fonctionnement et de coordination.64 Ces arrangements permettent à des intérêts privés d’orienter le programme de la santé publique, de légitimer leur implication dans le domaine public et de combiner objectifs commerciaux et publics, provoquant au passage de multiples conflits d’intérêts, les PPP ayant le plus souvent tendance à canaliser les fonds publics vers le secteur privé, et non l’inverse.65 Tout récemment, à un jet de pierre de l’OMS, un nouveau campus de la santé mondiale a vu le jour. Accueillant les sièges sociaux de grands PPP, il contribuera, tant physiquement que métaphoriquement, à éloigner les agences de l’ONU du coeur de la gouvernance mondiale de la santé.66
Autres avenues d’influence
Les subventions de 3,5 G$ versés par la FBMG au cours des dernières années pour la réalisation de travaux liés à la « politique et au plaidoyer » ont été relativement peu étudiées. Ces fonds servent à financer la vaste couverture médiatique consacrée à la santé et au développement, notamment les programmes appuyés par la FBMG, dans divers médias allant du service de radiotélévision publique des États-Unis, au journal britannique The Guardian.67
À cette couverture médiatique s’ajoute l’autopromotion considérable générée par Bill et Melinda Gates eux-mêmes, qui ont fait l’objet d’un nombre incalculable d’articles au fil du temps. À titre d’exemple, dans leur lettre annuelle de 2017, les réussites de la FBMG étaient présentées, à renfort de preuves soigneusement choisies, sous un jour pour le moins favorable et trompeur.68 En revanche, la FR limitait ses apparitions publiques, en grande partie parce qu’elle avait affaire à des médias plus vigilants et à un public sceptique devant le mélange d’intérêts commerciaux et philanthropiques. Son influence s’exerçait généralement au plus haut niveau politique, derrière des portes closes.
Le financement de la philanthropie de risque par la FBMG influence de plus en plus les mouvements de la société civile69, les universités et les chercheurs70 ainsi que les programmes gouvernementaux. Une telle influence entraîne la modification des mandats, des sujets de recherche scientifique et des approches méthodologiques ainsi que de nouvelles pertes sur le plan de l’analyse critique.
Il est en effet de notoriété publique que la FBMG – par l’entremise de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (Institut de mesures et d’évaluation sanitaires), qu’elle finance – « revendique un rôle central au sein de l’OMS : diagnostiquer les problèmes de santé du monde et identifier les solutions71 ». Entre-temps, les voix critiques au sein des agences de l’ONU, des organisations de la société civile et du milieu universitaire sont réduites au silence, exclues, présentées comme défendant des points de vue dépassés. Par exemple, un rapport d’évaluation financé par Gates sur l’initiative multipartite Scaling Up Nutrition (Renforcement de la nutrition) dépeignait celles et ceux qui exprimaient des inquiétudes quant à la possibilité de conflits d’intérêts, d’entretenir des « phobies » et des « sentiments hostiles » à l’égard de l’industrie, risquant ainsi de « saboter les chances des parties cherchant à améliorer la nutrition72 ».
Autre illustration éloquente, le protocole d’entente de haut niveau conclu entre la FBMG et l’agence de développement allemande BMZ, en 2017. En vertu de ce protocole, la FBMG et BMZ s’engagent à unir leurs forces en vue de promouvoir les objectifs de développement durable de l’ONU de 2030 à travers la « revitalisation » d’approches de « partenariats » mondiaux. Entre autres effets, ce protocole donne accès à la FBMG au vaste réseau de contacts de BMZ et encourage les échanges de personnel entre les organisations73. S’il devenait un modèle pour les relations futures entre gouvernements et fondations, ce protocole d’entente contribuerait à bouleverser la prise de décisions démocratiques et responsables dans la sphère de la santé et du développement mondiaux.
Le retour du philanthrocapitalisme : comparaison entre la FR et la FBMG
Vantées aujourd’hui comme étant inégalées, la générosité philanthropique et la mission socio-entrepreneuriale des milliardaires du XXIe siècle seraient capables, croirait-on, de « sauver le monde74 ». Un état de fait renforcé par les environnements toujours plus accueillants et habilitants offerts aux investissements d’entreprises et aux commandites « caritatives » appuyant les objectifs vedettes de développement durable de l’ONU adoptés en 2015 dans le but déclaré de mettre fin à la pauvreté, réduire les inégalités et promouvoir la santé, le bien-être social et la durabilité environnementale75. Cette prétendue générosité philanthropique désintéressée mérite que l’on y jette un oeil critique76, le passé nous offrant, à des fins de comparaison, quelques exemples éclairants.
Vers 1900, la philanthropie était alimentée par les bénéfices et les pratiques d’exploitation des principales sociétés pétrolières, métallurgiques, ferroviaires et manufacturières. De même, l’accumulation de profits colossaux au cours des années 1990 et 2000 par les investisseurs dans les secteurs des technologies de l’information, de l’assurance, immobilier et financier, ainsi que dans les industries minières, pétrolières et militaires, a été rendue possible grâce aux inégalités croissantes auxquelles ces investissements ont contribué, aidés en cela par une évasion fiscale massive, quoique souvent légale.77 Aux deux époques, l’accumulation de profits a été permise par la réduction des salaires et la détérioration des conditions de travail ; des pratiques en matière d’échanges et d’investissements étrangers contrecarrant et affaiblissant les règles protectrices ; la fuite illicite de capitaux ; la sous-traitance et le transfert au public et aux générations futures des coûts sociaux et environnementaux liés au commerce ; et l’appui tacitement offert à des régimes militaires visant à garantir l’accès à des matières premières et à des biens précieux.78
La veille du lancement de sa fondation, la valeur nette de Bill Gates dépassait celle de 40 % de la population des États-Unis79. L’entreprise qu’il a créée et dans laquelle la FBMG et lui-même détiennent encore des parts a récemment été accusée de s’adonner à un lobbying intensif contre des réformes destinées à freiner l’évasion fiscale des entreprises80. Gates demeure le plus fortuné parmi huit mégamilliardaires aussi riches que la moitié la plus pauvre de la population mondiale81. On glorifie pourtant les gestes philanthropiques de ces hommes au lieu de contrôler leurs pratiques commerciales.
Le dogme selon lequel les modèles d’affaires permettent de régler les problèmes sociaux, et qu’ils le font mieux que des politiques de redistribution discutées collectivement et élaborées par des gouvernements élus, repose sur une foi en l’aptitude supérieure du marché à s’acquitter de ces tâches, malgré de nombreuses preuves du contraire. La FBMG et la FR dans le passé se distinguent cependant par le choix des modèles et mesures incitatives qu’elles appuient. Bien qu’ayant suivi un modèle d’affaires et soutenu un système capitaliste en expansion, la FR a explicitement plaidé en faveur d’un système de santé publique qui demeure, à juste titre, public.
La déductibilité fiscale des dons philanthropiques constitue un affront à la démocratie. La croyance selon laquelle les dons de bienfaisance peuvent changer le monde n’est qu’une variante de la doctrine décidément peu démocratique selon laquelle les riches sont les mieux placés pour prendre les décisions. Alors qu’auparavant « les gouvernements recueillaient des milliards auprès de magnats, puis décidaient démocratiquement de ce qu’ils allaient en faire82 », les gouvernements d’aujourd’hui confient l’orientation des priorités sociales à la classe qui exerce déjà un pouvoir économique et politique indu.
Applaudir et encourager les élites pour leur munificence n’entraînera pas la création de sociétés équitables et durables. Ironiquement, les personnes à revenue modeste sont proportionnellement beaucoup plus généreuses que les personnes nanties, donnant souvent de leur temps et de leur argent sans égard aux sacrifices personnels considérables que cela entraîne, et sans profiter en échange d’une reconnaissance comparable ou de baisses d’impôts pour leurs contributions83. Il y a un siècle, les millions de personnes engagées dans des luttes sociales et politiques pour des sociétés plus décentes et plus justes étaient nettement plus sceptiques que ne le sont plusieurs de nos contemporains à l’égard de la grande philanthropie et de ses effets sur l’établissement de politiques, notamment en santé publique.
Un système ploutocratique de gouvernance de la santé doté de caractéristiques autoritaires est en train de s’enraciner, en somme. Facilitant l’assaut du philanthrocapitalisme, l’effacement graduel des médias critiques indépendants permet l’émergence d’un « consensus » orchestré selon lequel les problèmes du monde peuvent être réglés par des « partenariats » entre toutes les « parties prenantes ».
À l’opposé, la FR, qui privilégiait une approche médicalisée et réductionniste, a pourtant soutenu au cours des années 1940 un petit nombre de défenseurs gauchistes de la médecine sociale. La FBMG, en revanche, demeure largement réfractaire aux points de vue opposés aux siens. La FR, dotée d’une compétence générale à titre de principale organisation internationale de la santé de son époque, joua un rôle instrumental en établissant la centralité du champ de la santé publique pour les domaines du développement économique, de la construction de nations, de la diplomatie et de la diffusion scientifique, et pour le capitalisme dans son ensemble, tout en institutionnalisant des modèles de coopération en santé durables, bien que problématiques. Quant à la FBMG, qui dépend du secteur public pour livrer plusieurs de ses programmes technocentrés84, elle semble largement indifférente à la survie du « public » dans la santé publique.
Le monde appartient-il vraiment aux riches ?
Ces nombreux exemples démontrent que le capitalisme l’emporte sur la philanthropie – terme tiré du grec ancien signifiant « amour de l’humanité » – faisant du philanthrocapitalisme une affaire oxymorique s’il en est. Le rôle crucial, voire néfaste qu’il a joué en santé mondiale dépend de ressources gargantuesques rendues disponibles par l’accumulation démesurée de profits, combinée à des assauts idéologiques incessants contre les approches redistributives, dans le climat géopolitique favorable aux entreprises d’un capitalisme mondial triomphant, mais en voie de se fissurer.
Au XXIe siècle, le monde appartient peut-être encore aux riches, mais rien ne nous oblige à nous contenter de leur ordre du jour. Il est nécessaire et urgent de militer collectivement pour rompre l’emprise du philanthrocapitalisme sur la santé mondiale. Un tel effort devrait s’inspirer et profiter de la résistance aux « partenariats multipartites » promus par l’ONU et de la restructuration néolibérale globale en cours depuis les années 199085. Les acteurs qui, sans le savoir, par leur silence, voire par leur collaboration active, ont contribué à la ploutocratie mondiale de la santé, partagent également la responsabilité de la rendre à nouveau démocratique. Les gouvernements et les agences de l’ONU doivent prendre leurs mandats publics au sérieux. Les scientifiques, universitaires, militants, fonctionnaires, membres du personnel d’organisations internationales, parlementaires, journalistes, syndicalistes du travail et penseurs éthiques de toutes tendances ont le devoir de contester et contrer l’influence injustifiée des philanthrocapitalistes ; travailler ensemble à assurer une reddition de compte et une prise de décisions démocratiques ; et reprendre en main un programme de santé mondiale qui repose sur la justice sociale plutôt que sur l’accumulation de capital.
Remerciements
Ce document est une adaptation et une mise à jour de : Anne-Emanuelle Birn, « Philanthrocapitalism, Past and Present: The Rockefeller Foundation, the Gates Foundation, and the Setting(s) of the International/ Global Health Agenda », Hypothesis 12, no 1 (2014) : e8.
Nous tenons à remercier Sarah Sexton, Alison Katz, Esperanza Krementsova, Mariajosé Aguilera, Jens Martens, Jacqueline Mendels Birn et Lída Lhotská pour leur aide et leurs suggestions.
Notes
1. Ron Chernow, Titan: The Life of John D. Rockefeller, Sr. (New York : Random
House, 1998) ; William H. Page et John E. Lopatka, The Microsoft Case: Antitrust, High
Technology, and Consumer Welfare (Chicago : University of Chicago Press, 2009).
2. William Wiist, Philanthropic Foundations and the Public Health Agenda (New York :
Corporations and Health Watch, 2011),
http://corporationsandhealth.org/2011/08/03/philanthropic-foundations-and-the-publichealth-
agenda/.
3. Josep Lluís Barona, The Rockefeller Foundation, Public Health and International
Diplomacy, 1920–1945 (New York : Routledge, 2015).
4. Judith Richter, Public-Private Partnerships and International Health Policy Making:
How Can Public Interests Be Safeguarded? (Helsinki : Ministère des Affaires étrangères
de la Finlande, Development Policy Information Unit, 2004) ; Jens Martens et Karolin
Seitz, Philanthropic Power and Development: Who Shapes the Agenda?
(Aachen/Berlin/Bonn/New York : Brot für die Welt/Global Policy Forum/MISEREOR,
2015). https://www.globalpolicy.org/images/pdfs/Newsletter/newsletter_15_09_25.pdf.
5. Matthew Bishop et Michael Green, Philanthrocapitalism: How Giving Can Save the
World (New York : Bloomsbury Press, 2009). Le sous-titre original de 2008 du volume
Philanthrocapitalism, How the Rich Can Save the World, a été modifié dans le sillage de
la crise financière mondiale de 2008 lorsqu’il est devenu apparent que les riches, loin de
sauver le monde, lui causaient plutôt du tort. Site Web :
http://philanthrocapitalism.net/about/faq/
6. George Joseph, « Why Philanthropy Actually Hurts Rather Than Helps Some of the
World’s Worst Problems », In These Times, 28 décembre 2015,
http://inthesetimes.com/article/18691/Philanthropy_Gates-Foundation_Capitalism.
7. David Callahan, The Givers: Money, Power, and Philanthropy in a New Gilded Age
(New York : Alfred A. Knopf, 2017).
8. Cette situation est amplifiée par d’autres acteurs, particulièrement l’initiative Global
Redesign (WEF GRI) du Forum économique mondial, une campagne menée par des
entreprises en 2009 et qui visait à restructurer l’architecture de la prise de décision
mondiale, qui visait à réduire le rôle des agences de l’ONU à celui de simples « parties
prenantes » au sein d’une « gouvernance multipartite ». Voir Judith Richter, « Time to
Turn the Tide: WHO’s Engagement with Non-State Actors and the Politics of
Stakeholder-Governance and Conflicts of Interest », BMJ 348 (2014): g3351,
http://www.bmj.com/content/348/bmj.g3351 ; Flavio Valente, « Nutrition and Food – How Government for and of the People Became Government for and by the TNCs », Transnational Institute, 19 janvier 2016, https://www.tni.org/en/article/nutrition-and-food-how-government-for-and-of-the-people-became-government-for-and-by-the.
9. Andrew Carnegie, « The Gospel of Wealth », North American Review 148 (1889) :
653-654. Carnegie a ultérieurement étendu cette présentation sous la forme d’un livre
publié en 1901.
10. John Ettling, The Germ of Laziness: Rockefeller Philanthropy and Public Health in
the New South (Cambridge, MA : Harvard University Press, 1981).
11. La philanthropie a également joué un rôle ambigu dans le cadre de luttes entourant les mesures de protection sociale garanties par le gouvernement en faisant plutôt la promotion d’initiatives « volontaires » et de nature caritative. À ce jour, le secteur sans but lucratif comme le secteur à but lucratif jouent un rôle important dans la fourniture de services sociaux aux États-Unis, limitant la taille et la portée de l’État-providence étasunien en plus d’accorder à des intérêts privés un pouvoir non démocratique en matière de bien-être social.
12. John Farley, To Cast Out Disease: A History of the International Health Division of
the Rockefeller Foundation, 1913–1951 (New York, NY : Oxford University Press,
2004).
13. Marcos Cueto, (dir.) Missionaries of Science: The Rockefeller Foundation and Latin
America (Bloomington, IN : Indiana University Press, 1994).
14. Iris Borowy, Coming to Terms with World Health: The League of Nations Health
Organisation 1921–1946 (Frankfort : Peter Lang, 2009).
15. Anne-Emanuelle Birn et Theodore M. Brown (dir.), Comrades in Health: U.S. Health
Internationalists Abroad and at Home (New Brunswick, NJ : Rutgers University Press,
2013).
16. League of Nations Health Organisation, « International Health Board of the
Rockefeller Foundation », International Health Yearbook (Genève : OHSN, 1927).
17. Adapté de Anne-Emanuelle Birn, Marriage of Convenience: Rockefeller
International Health and Revolutionary Mexico (Rochester, NY : University of Rochester
Press, 2006), p. 270.
18. Birn, Marriage of Convenience.
19. Anne-Emanuelle Birn, « Backstage: The Relationship Between the Rockefeller
Foundation and the World Health Organization, Part I: 1940s–1960s », Public Health
128, no 2 (2014) : 129-40.
20. La FR refit surface à ce moment pour jouer un rôle modeste mais instrumental dans
la promotion des soins de santé primaires sélectifs (SPHC), mettant l’accent sur des
approches réduites et « rentables ». Parmi celles-ci, la vaccination et la réhydratation
orale, qui furent au centre des campagnes pour la survie des enfants de l’UNICEF
durant les années 1980 sous la direction de James Grant, fils d’un éminent personnage
de la FR, semant durablement l’amertume et la division entre l’OMS et l’UNICEF.
21. Nitsan Chorev, The World Health Organization Between North and South (Ithaca,
NY : Cornell University Press, 2012).
22. Judith Richter, Holding Corporations Accountable (Londres, Zed Books, 2001).
23. Eeva Ollila, « Global Health Priorities – Priorities of the Wealthy? » Globalisation and
Health 1, no 6 (2005) : 1-5.
24. Debabar Banerji, « A Fundamental Shift in the Approach to International Health by
WHO, UNICEF, and the World Bank: Instances of the Practice of ‘Intellectual Fascism’
and Totalitarianism in Some Asian Countries », International Journal of Health Services
29, no 2 (1999) : 227-59.
25. Deborah Hardoon, « An Economy for the 99% », Oxford : Oxfam International,
2017, https://www.oxfam.org/en/research/economy-99.
26. Martens et Seitz, Philanthropic Power and Development.
27. Page et Lopatka, The Microsoft Case.
28. Mark Curtis, « Gated Development – Is the Gates Foundation Always a Force for
Good? » (Londres : Global Justice Now, 2016),
http://www.globaljustice.org.uk/sites/default/files/files/resources/gated-developmentglobal-
justice-now.pdf.
29. En 2006, Buffett s’est engagé à payer en versements un montant de 31 M$ US
sous la forme de parts.
30. Fondation Bill & Melinda Gates, « Global Health Data Access Principles », avril
2011, https://docs.gatesfoundation.org/Documents/data-access-principles.pdf.
31. Anne-Emanuelle Birn, Yogan Pillay et Timothy H. Holtz, Textbook of Global Health,
4e édition (New York : Oxford University Press, 2017).
32. Bishop et Green, Philanthrocapitalism.
33. Linsey McGoey, No Such Thing as a Free Gift: The Gates Foundation and the Price
of Philanthropy (New York : Verso Books, 2015).
34. David McCoy, Gayatri Kembhavi, Jinesh Patel et Akish Luintel, « The Bill and
Melinda Gates Foundation’s Grant-making Program for Global Health », Lancet 373, no
9675 (2009) : 1645-1653 ; Birn, Pillay et Holtz, Textbook of Global Health. Entre 1998 et
2016, par exemple, PATH (Program for Appropriate Technology in Health), PATH Drug
Solutions et PATH Vaccine Solutions – qui ensemble reçoivent plus de subventions de
la FBMG que quiconque – ont touché plus de 2,5 G$, soit environ 12 % des
subventions en santé mondiale et en développement mondial versées par la Fondation.
35. Birn, Pillay et Holtz, Textbook of Global Health.
36. Bill Gates, allocution – Assemblée mondiale de la Santé, 2005,
https://www.gatesfoundation.org/media-center/speeches/2005/05/bill-gates-2005-worldhealth-
assembly
37. Anne-Emanuelle Birn, « Gates’s Grandest Challenge: Transcending Technology as
Public Health Ideology », Lancet 366, no 9484 (2005) : 514.
38. Anne-Emanuelle Birn, Laura Nervi et Eduardo Siqueira, « Neoliberalism Redux: The
Global Health Policy Agenda and the Politics of Cooptation in Latin America and
Beyond », Development and Change 47, no 4 (2016) : 734-59.
39. Results for Development, « Our Approach », http://www.r4d.org/about-us/ourapproach.
40. Martens et Seitz, Philanthropic Power and Development.
41. Jacob Levich, « The Gates Foundation, Ebola, and Global Health Imperialism »,
American Journal of Economics and Sociology 74, no 4 (2015) : 704-42.
42. David Stuckler, Sanjay Basu et Martin McKee, « Global Health Philanthropy and
Institutional Relationships: How Should Conflicts of Interest Be Addressed? » PLoS
Medicine 8, no 4 (2011) : 1-10.
43. Jessica Hodgson, « Gates Foundation Sells Off Most Health-Care, Pharmaceutical
Holdings », The Wall Street Journal, 14 août 2009,
http://online.wsj.com/article/SB125029373754433433.html.
44. William Muraskin, « The Global Alliance for Vaccines and Immunization: Is It a New
Model for Effective Public-Private Cooperation in International Public Health? »
American Journal of Public Health 94, no 11 (2004) : 1922-25.
45. « Merck Exec to Be Gates Foundation CFO », Reuters, 31 mars 2010,
http://www.reuters.com/article/idUSN3120 892820100331.
46. Voir McCoy, et al., « The Bill and Melinda Gates Foundation’s Grant-making
Program for Global Health ». Quelques journalistes et sites Web d’enquête sont de
courageuses exceptions.
47. William New, « Pharma Executive to Head Gates’ Global Health Program »,
Intellectual Property Watch, 14 septembre 2011, http://www.ipwatch.
org/2011/09/14/pharma-executive-to-head-gates-global-health-program/.
48. Page et Lopatka, The Microsoft Case.
49. Curtis, « Gated Development ».
50. New, « Pharma Executive to Head Gates’ Global Health Program ».
51. Anubhuti Vishnoi, « Centre Shuts Health Mission Gate on Bill & Melinda Gates
Foundation », The Economic Times, 9 février 2017.
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