L’Iran face au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Source : negah.fr – 21 septembre 2023 – Morgan Lotz

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Le 13 septembre, les combats reprennent entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, ce dernier poursuivant l’offensive entamée en septembre 2020 et avançant sur 7 kilomètres à l’intérieur des terres arméniennes selon les dires du président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. L’Arménie n’est dès lors reliée à l’Iran que par son étroit corridor terrestre large de de 35 à 40 kilomètres, dénommé le « corridor de Zangezur », censé relier l’Azerbaïdjan à sa région du Nakhitchevan frontalière avec la Turquie. L’annexion de ce corridor permettrait de réunir les deux morceaux de l’Azerbaïdjan et en même temps l’Azerbaïdjan à la Turquie, de même qu’il séparerait l’Arménie de l’Iran. De son côté, le gouvernement turc annonce que 45 000 militaires appartenant à ses corps de réserve sont déployés le long de la frontière turque avec l’Arménie en vue de soutenir l’Azerbaïdjan. Conséquemment, les forces armées iraniennes renforcent leur dispositifs militaires à leur frontière commune avec les deux pays et des responsables iraniens déclarent officiellement que leur pays n’acceptera aucune modification des frontières existantes, autant pour l’Iran que pour l’Arménie. De plus, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amirabdollahian inaugure le 21 octobre 2022 un consulat dans la ville arménienne de Kapan, constituant de la sorte le signe d’un soutien à l’Arménie puisque l’Iran est désormais le premier pays à établir une mission diplomatique dans la province recherchée par Bakou et Ankara.

Le narratif d’une Arménie chrétienne assaillie par le monde islamique s’effondre de lui-même devant la réalité : l’Iran, premier partenaire commercial de l’Arménie dont furent d’ailleurs originaires les plus grands généraux de Shâh ‘Abâs (1571-1629), n’est guère en phase avec le régime azerbaïdjanais et son président Aliyev soutenu par la Turquie et Israël qui lui fournit du matériel, notamment des drones, et déploie ses forces dans quatre bases du Mossad dans ce pays pourtant shî’ite mais dont Aliyev combat l’influence au profit d’une vision nationaliste pan-turquiste. Or, ce grand pays turc englobe l’actuelle Turquie et l’Azerbaïdjan qui comprend selon cette vision l’Arménie et la région du nord-ouest de l’Iran qui se nomme l’Azerbaïdjan iranien, peuplée d’Azéris appartenant ethniquement à la famille des peuples turcs. Nous comprendrons par la suite en quoi cette précision est importante.

Le 16, des affrontements armés éclatent le long de la frontière entre le Kirghizistan et le Tadjikistan. L’Azerbaïdjan et le Tadjikistan partagent le point commun d’être des peuples turcs et d’entretenir des relations avec le président turc Erdogan qui rêve de ressusciter le Touran, ce grand pays des Turcs qui affrontèrent les Iraniens dans les temps mythiques, conquêtes et empires qu’ont si bien conté Ferdousi dans le Livre des Rois et André Malraux dans Les Noyers de l’Altenburg, sans toutefois tombé pour ce dernier dans l’illusion de sa résurrection, en témoigne ce passage où le personnage Vincent Berger est délivré de ses illusions par l’humiliation qu’il subit dans le bazar de Ghazni, en Afghanistan.[1]

Le 19, à Ankara, un groupe de réflexion azerbaïdjanais publie un compte rendu de ses travaux énonçant la nécessité de créer une « République turque Goycha-Zangezur » pour « parvenir à une paix juste et à la stabilité dans la région », correspondant aux actuelles provinces arméniennes de Gegharkunik-Sevan et Syunik, dont les noms en azerbaïdjanais sont respectivement Goycha et Zangezur.[2] Le « corridor de Zangezur » est une menace grave pour l’Arménie puisque sa constitution la séparerait du Haut-Karabagh qui lui est relié par le corridor de Latchine, celui-ci constituant le dernier lien entre l’Arménie et le Haut-Karabagh où vivent 120 000 Arméniens. Le 12 décembre, l’Azerbaïdjan franchit un pas supplémentaire dans sa politique de blocus en bloquant le corridor de Latchine (en arménien Berdzor) au prétexte d’une manifestation de militants écologistes opposés à l’exploitation des mines d’or, de cuivre et d’argent. Les conséquences ne sont guère négligeables : les Arméniens du Haut-Karabagh sont coupés de l’Arménie, de même que les 2000 soldats de la paix russes qui y sont stationnés jusqu’en 2025.[3] Les conséquences sont désastreuses puisque les ravitaillements de nourriture et de médicaments sont impossibles en raison du blocus azerbaïdjanais. Le média azerbaïdjanais Caspian News accuse d’ailleurs les Arméniens d’inviter des conseillers militaires iraniens pour les forces d’autodéfense du Haut-Karabagh et les accuse d’être passés par le corridor de Latchine pour gagner la région disputée.[4] La chute du Haut-Karabagh serait aussi dérangeant pour l’Iran que pour l’Arménie : «  En cas de chute de Stepanachardt (centre du Haut-Karabakh), des scénarios désagréables sont imaginables face à la région du Caucase du Sud et aux zones environnantes, y compris l’Iran. L’élimination d’une barrière telle que le Haut-Karabakh ouvre la voie à l’occupation territoriale de l’Arménie et modifie la carte de la région et, à long terme, porte des coups sécuritaires au nord-ouest de l’Iran. »[5]

L’embrasement du Caucase serait dévastateur quant à ses conséquences, autant pour la région elle-même que pour la Turquie, l’Iran et la Russie. Les exercices militaires menés en décembre 2022 à proximité de la frontière iranienne par l’armée de Bakou avec la participation de la Turquie – une « réponse à l’Iran » selon les mots du député azerbaïdjanais Azar Bayramov – n’augure rien de bon ; celle-ci a d’ailleurs envoyé des chasseurs F-16 semblablement à ses agissements de 2020 quelques semaines avant l’offensive azérie sur le Haut-Karabagh. Hulusi Akar, ministre turc de la Défense, n’hésite pas à déclarer : « Personne ne devrait oublier que la Turquie est toujours aux côtés de l’Azerbaïdjan. Si nécessaire, nous savons être une seule armée, une seule puissance et un seul poing avec l’Azerbaïdjan. Nous considérons que les menaces ou les provocations contre la Turquie ou l’Azerbaïdjan visent les deux. »[6] La sécurité nationale iranienne est étroitement liée à celle de l’Arménie, ces deux pays étant menacé par le projets pan-turquistes d’Erdogan et d’Aliyev.

Le conflit du Caucase peut-il dès lors être interprété comme une prolongation de l’affrontement irano-israélien dans le conflit syrien dans le sens où l’affrontement oppose via des acteurs projetés le camps de l’OTAN et de ses alliés (la Turquie, membre de l’organisation atlantiste, et Israël soutenant militairement l’Azerbaïdjan) contre l’Iran (soutenant son allié historique arménien) ? L’Azerbaïdjan revêt pour Israël un intérêt stratégique majeur en raison de son accolement à l’Iran, lui permettant de se projeter plus efficacement et plus facilement dans l’espace iranien, notamment dans le cadre de frappes ciblées par son aviation et ses drones, ses chasseurs-bombardiers israéliens F-15I et F-16I  disposant conséquemment de bases alliées plus proches pour une projection sans nécessité contrainte par un ravitaillement et pour un retour de missions désarmé moins longtemps exposé à la défense iranienne. En effet, le trajet d’Israël à l’Iran faisant 3550 kilomètres[7], même équipés de réservoirs supplémentaires, les réserves de carburant des avions atteindraient leurs limites ; un atterrissage en Azerbaïdjân leur permettrait donc une économie de 1300 kilomètres[8]. L’International Institute for Strategic Studies rappelle dans son rapport intitulé Military Balance 2011 la présence de quatre aérodromes soviétiques abandonnés pouvant être réhabilités : « Les responsables du renseignement et de la diplomatie américaine m’ont dit qu’ils croyaient qu’Israël avait obtenu l’accès à ces bases aériennes grâce à une série d’accords militaires et politiques discrets. « Je doute qu’il y ait quoi que ce soit d’écrit », a ajouté un ancien diplomate qui avait effectué sa carrière dans la région. « Mais je pense qu’il n’y aucun doute, si des avions israéliens souhaitent atterrir en Azerbaïdjan après une attaque, qu’ils seront autorisés à le faire. Israël est très bien implanté en Azerbaïdjan depuis deux décennies.,» »[9] Cette vision stratégique n’est cependant pas nouvelle, le général israélien Oded Tira ayant déjà évoqué la nécessité pour Israël de se projeter plus en avant contre l’Iran : « Nous devrions également coordonner avec l’Azerbaïdjan l’utilisation de bases aériennes sur son territoire et obtenir le soutien de la minorité azérie en Iran. »[10]

De plus, l’utilisation de bases aériennes en Azerbaïdjan permettrait à Israël de déployer des unités héliportées de recherche et d’assistance dans les jours précédant une frappe, ces unités étant destinées à porter secours à des pilotes dont l’aéronef aurait été abattu par la défense anti-aérienne adverse. L’armée israélienne a d’ailleurs mené conjointement avec son homologue roumain des manœuvres en Roumanie[11], dont le terrain montagneux sont similaires aux sites nucléaires israéliens enterrés sous des massifs montagneux. L’aérodrome de Sitalcay – qui accueillait un escadron de Sukhoi Su-25 –, situé à 65 kilomètres au nord-ouest de Bakou et 550 kilomètres de l’Iran semble tout disposé pour une telle éventualité, ses deux tarmacs étant disposés pour accueillir des avions de chasse et des bombardiers.

De son côté, le président azerbaïdjanais Aliyev compare les relations entre son pays et l’État hébreux à un iceberg : « Les contacts israéliens nous disent que le Président Aliyev a eu raison de décrire la relation bilatérale comme un iceberg ; les neuf dixièmes de celui-ci se trouvent sous la surface au cours de la visite du ministre de l’Agriculture Shalom Simhon. »[12] Donald Lu note à propos de cette coopération :

« Les relations d’Israël avec l’Azerbaïdjan sont fortement fondées sur le pragmatisme et une appréciation aiguë des priorités. L’objectif principal d’Israël est de préserver l’Azerbaïdjan en tant qu’allié contre l’Iran, une plate-forme de reconnaissance de ce pays et en tant que marché pour le matériel militaire. Afin d’assurer ces objectifs, les Israéliens se sont parfaitement adaptés à ces objectifs. Les besoins du GOAJ en tant que membre de l’OCI et en tant qu’État ) comme Israël ) coincé entre large voisins puissants et hostiles. Ils renoncent à la possibilité de faire pression sur le GOAJ sur le secondaire problèmes pour sécuriser les principaux. Il nous apparaît clairement que pour l’instant, les deux parties sont bien satisfaites de l’état des lieux. »[13]

Le pays caucasien présente d’autres atouts pour les Israéliens : les services de renseignement israéliens disposent de stations d’écoute le long de la frontière[14] et l’ambassade d’Iran dans le pays – celle-ci ne comptant pas moins de 200 employés en 2000[15] – est une cible de premier choix pour la surveillance. Bien évidemment, l’Iran déploie de son côté ses services compétents pour se prémunir de cette menace au nord-ouest de son territoire. Mark Perry, analyste principal au Quincy Institute for Responsible Statecraft basé à Washington, précise que « quatre diplomates et officiers de renseignement de haut rang disent que les États-Unis estiment désormais qu’Israël a récemment obtenu l’accès à des bases militaires à la frontière nord de l’Iran. »[16], ces derniers témoignant d’une inquiétude croissante de l’expansion militaire israélienne qui compliquent selon eux les démarches américaines de réduction des tensions entre l’Iran et Israël. De plus, l’éventualité d’un conflit n’est donc plus contenue au golfe Persique mais peut s’étendre au Caucase, menaçant par là les frontières russes. Les États-Unis s’inquiètent d’une telle éventualité, en témoigne les propos rapportés par Mark Perry : « « Nous observons attentivement ce que fait l’Iran », a confirmé une des sources américaines, un officier du renseignement chargé d’évaluer les ramifications d’une potentielle attaque israélienne. « Mais nous observons maintenant ce que fait Israël en Azerbaïdjan. Et nous n’en sommes pas satisfaits. ». ».

Israël peut profiter des relations détériorées entre Bakou et Téhéran : « l’Iran a présenté le mois dernier à l’ambassadeur azerbaïdjanais une note affirmant que Bakou a soutenu des équipes d’assassinat ciblé formées par Israël et visant des savants iraniens, une accusation que le gouvernement azerbaïdjanais a désignée comme « un mensonge ». »[17] L’Iran a pour sa part de quoi s’inquiéter : outre un contrat d’armement de 1,6 milliards de dollars conclu en février 2012 entre Israël et son voisin du nord portant sur la livraison de système antimissiles et de drones, l’Azerbaïdjan joue sur les minorités ethniques et les tensions régionales. Ainsi plusieurs députés demandent-t-ils en février 2012 de renommer leur pays en « Azerbaïdjan du Nord », sous-entendant de la sorte que la région iranienne serait séparée de son pays originel et occupée par l’Iran.[18] En mars suivant, 22 personnes sont arrêtées par les autorités de Bakou sous l’accusation de prévoir « des actes terroristes contre les ambassades des États-Unis, d’Israël et d’autres États occidentaux et les employés des ambassades »[19] – aucun pays étranger ne remettra en cause ces accusations ; qu’en aurait-il été si c’était l’Iran qui avait énoncé cela sinon des accusations d’arrestations « arbitraires » ? Le 29 novembre 2022 est d’ailleurs créée en Suisse l’Organisation pour la protection des droits des Azerbaïdjanais du Sud, celle-ci annonçant la soumission de « documents » et d’« informations aux organisations internationales, y compris l’ONU » traitant des « droits des personnes dans la province azerbaïdjanaise d’Iran ».[20]

Les désaccords entre l’Iran et l’Azerbaïdjan concerne également les ressources énergétiques en mer Caspienne, cette dernière regorgeant de pétrole et de gaz. En effet, Téhéran refuse de reconnaître les droits de Bakou sur la base d’une division égale des eaux territoriales entre les cinq États riverains (à savoir l’Azerbaïdjan, l’Iran, le Kazakhstan, la Russie et le Turkménistan) en raison des traités irano-soviétiques signés 1921 et 1941 qui divisent la mer entre les deux pays riverains à l’époque (l’URSS et l’Iran) et confèrent à l’Iran des droits exclusifs sur plus de la moitié de la mer Caspienne, ceux-ci persistant aux dépens des autres États riverains issus de l’éclatement de l’URSS.

Les relations avec Israël sont également intéressantes pour l’Azerbaïdjân au point de vue économique : l’État hébreux est le deuxième client importateur de pétrole azerbaïdjanais[21], transporté via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan inauguré en mai 2005, en échange de matériaux et d’équipements militaires utiles à l’Azerbaïdjân, commerce s’avérant bien utile pour ce dernier sanctionné par un embargo de l’Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE) depuis février 1992 et faisant suite au premier conflit dans le Haut-Karabagh. De plus, l’Azerbaïdjan renforce sa dissuasion vis-à-vis de ses voisins.

Cette coopération s’est accélérée après le différend entre Israël et la Turquie consécutif à l’affaire de la flottille turque survenue le 31 mai 2010 alors qu’elle se rendait à Gaza – neuf citoyens turcs périrent lors de l’assaut israélien, plusieurs corps présentant des impacts de balles tirées à bout portant dans la tempe, le visage ou dans le dos et à l’arrière de la tête.[22] Israël refusa de présenter des excuses réclamées par le gouvernement turc et annula 150 millions de dollars de contrats de développement et de fabrication de drones turcs pour se tourner vers l’Azerbaïdjan.

Les relations officielles furent établies dès le mois d’avril 1992 – moins d’un an après l’indépendance de l’ex-pays de l’URSS proclamée le 18 octobre 1991 – et le développement des relations économiques entre l’Azerbaïdjan et Israël débuta en 1994 après que la société israélienne de télécommunication Bezeq acheta une importante part de la société nationale de téléphonie azerbaïdjanaise. Le marché s’ouvre alors pour les Israéliens et d’importants responsables politiques ne tardent pas à se rendre en visite officielle dans le pays bordant la mer Caspienne (Ephraïm Sneh, alors ministre de la Santé, en mars 1996 ; Benjamin Netanyahou en 1997 ; une délégation parlementaire en 1998 ; Avigdor Lieberman, vice-Premier ministre, et Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, en 2007 ; le président israélien Shimon Peres en 2009, accompagné par Avi Leumi, un ancien responsable du Mossad qui avait préparé la voie pour l’accord sur les drones et devenu le PDG d’Israel Aeronautics Defense Systems, ; Liebermann, devenu ministre des Affaires étrangères, en février 2012). Les États-Unis s’intéressent de plus près à cette coopération au cours de l’année 2001, alors que se renforce les échanges militaro-industriels stratégiques, notamment lorsque l’entreprise d’armement israélienne Elbit Systems s’allie à son homologue géorgien Tbilissi Aerospace Manufacturing, développant notamment l’ avion d’appui aérien rapproché soviétique SU-25 Scorpion dont l’un des premiers client ne sera autre que l’Azerbaïdjan. Suivra une collaboration entre cette entreprise israélienne pour la mise au point du système de reconnaissance satellite TecSar et du véhicule d’infanterie Namer.[23] Des entreprises de sécurité israéliennes surveillent également les infrastructures pétrolières azerbaïdjanaises et assurent la protection du président Aliyev lors de ses déplacements à l’étranger[24]. Ilya Bourtman ancien chercheur au Centre Begin-Sadat pour les études stratégiques à Ramat Gan, en Israël, voit la naissance de la coopération azerbaïdjanaise avec l’État hébreux motivé par un « manque d’alternative » :

« En 1991, l’Azerbaïdjan était économiquement fragile, politiquement instable et militairement faible. Ayant désespérément besoin d’une aide extérieure, Bakou s’est tourné vers Israël pour fournir un levier contre un Iran beaucoup plus fort et une Arménie militairement supérieure. Israël a promis d’améliorer la faiblesse de l’économie de l’Azerbaïdjan en développant des liens commerciaux. Il a acheté du pétrole et du gaz azerbaïdjanais et a envoyé des experts médicaux, technologiques et agricoles. Plus important encore pour l’Azerbaïdjan, le ministère israélien des Affaires étrangères a promis de prêter le poids de son lobby à Washington pour améliorer les relations américano-azéries, fournissant un contrepoids à l’influent lobby arménien. »[25]

Concernant les relations entre les États-Unis et l’Azerbaïdjan, le Congrès adopta en 1992 le Freedom Support Act destiné à soutenir toutes les anciennes républiques soviétiques à l’exception de l’Azerbaïdjan, l’article 907 de cette loi ne prévoyant d’aide à ce pays qu’à la condition de la résolution du conflit dans le Haut-Karabagh[26]. Aucune aide économique ne lui sera attribuée dans les années 1990, contrairement à l’Arménie qui perçut plus d’un milliard de dollars. Cela n’empêche guère les États-Unis d’associer l’Azerbaïdjan à l’OTAN qui rejoint en 1992 le Conseil de coopération nord-atlantique et adhére en 1994 au Partenariat pour la paix (PPP), « un programme de coopération pratique bilatérale entre l’OTAN et des partenaires euro-atlantiques »[27], semblablement à ses voisins arméniens et géorgiens qui suivirent le même parcours. Il est également intéressant de noter que l’ambassade des États-Unis en Arménie n’accueille pas moins de 2500 personnes, un nombre de diplomates plus que disproportionné pour un petit pays – il est aisé de comprendre au vue de la situation géographique de ce pays que la plupart des membres du personnel ne sont pas des « diplomates »…


[1] André Malraux, Les Noyers de l’Altenburg, Gallimard, 1948, pp. 70-71.

[2] L’avènement et la chute de la « République de Goycha-Zangezur » de l’Azerbaïdjan, Le Courrier d’Erevan, 29 septembre 2022 (https://www.courrier.am/fr/region/lavenement-et-la-chute-de-la-republique-de-goycha-zangezur-de-lazerbaidjan, consulté le 29 janvier 2023).

[3] Virginie Pironon, Arménie-Azerbaïdjan : l’enclave arménienne du Haut-Karabakh coupée du monde, Radio France, 28 janvier 2023 (https://www.radiofrance.fr/franceculture/armenie-azerbaidjan-l-enclave-armenienne-du-haut-karabakh-coupee-du-monde-8762161, consulté le 29 janvier 2023).

[4] Gunay Hajiyeva, Illegal Entry of Iranians into Azerbaijan’s Karabakh Region Raises Suspicions (« L’entrée illégale d’Iraniens dans la région azerbaïdjanaise du Karabakh suscite des soupçons »), Caspian News, 1er décembre 2022 (https://caspiannews.com/news-detail/illegal-entry-of-iranians-into-azerbaijans-karabakh-region-raises-suspicions-2022-12-1-0/, consulté le 29 janvier 2023).

[5] قره‌باغ، منطقه‌ای که خط قرمز تمامیت ارضی ایران است (« Le Haut-Karabakh, la région qui est la ligne rouge de l’intégrité territoriale de l’Iran »), Eghtesaad24, 17 décembre 2022 (قره‌باغ، منطقه‌ای که خط قرمز تمامیت ارضی ایران است | اقتصاد24 (eghtesaad24.ir), consulté le 29 janvier 2023).

[6] Zulfugar Agayev, Turkish, Azeri Armies Hold Drills Near Iran Border Amid Tension (« Les armées turque et azérie organisent des exercices près de la frontière iranienne dans un contexte de tension »), Bloomberg, 6 décembre 2022 (https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-12-06/turkish-azeri-armies-hold-drills-near-iran-border-amid-tension, consulté le 29 janvier 2023).

[7] Propos de David Isenberg, analyste des questions de défense, rapporté par Mark Perry in L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, Slate, traduit par Felix de Montety, 30 mars 2012 (https://www.slate.fr/story/52415/ww.meforum.org/987/israel-and-azerbaijans-furtive-embrace, consulté le 22 janvier 2023).

[8] Propos du général Joe Hoar, ancien commandant du Centcom, rapporté par Mark Perry, ibid.

[9] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit.

[10] Oded Tira, What to do with Iran? (« Que faire de l’Iran ? »), Ynetnews, 30 décembre 2006 (https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3346275,00.html, consulté le 22 janvier 2023).

[11] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit. Les premiers entrainements de l’armée de l’air israélienne ont débuté dans le ciel roumain en 2004 et un accord militaire fut signé en 2006 entre Israël et la Roumanie permettant à Israël d’y déployer des avions de combat (Herb Keinon, Analysis : Disaster shines light on Romania ties (« Analyse : Une catastrophe met en lumière les liens avec la Roumanie »), The Jerusalem Post, 27 juillet 2010 (https://www.jpost.com/International/Analysis-Disaster-shines-light-on-Romania-ties, consulté le 22 janvier 2023)).

[12] Azerbaijan’s discreet symbiosis with Israel (« La symbiose discrète de l’Azerbaïdjan avec Israël »), Canonical ID:09BAKU20_a, câble de Donald Lu, assistant chef de mission de l’ambassade américaine à Bakou, envoyé au quartier général du département d’État à Foggy Bottom, 13 janvier 2009, publié par Wikileaks (https://wikileaks.org/plusd/cables/09BAKU20_a.html, consulté le 22 janvier 2023).

[13] Ibid. « Israel,s relations with Azerbaijan are based strongly on pragmatism and a keen appreciation of priorities. Israel,s main goal is to preserve Azerbaijan as an ally against Iran, a platform for reconnaissance of that country and as a market for military hardware. In order to ensure those goals, the Israelis have keenly attuned themselves to the GOAJ,s needs as an OIC member and a state ) like Israel ) wedged between large, powerful and unfriendly neighbors. They forgo the option of pressuring the GOAJ on secondary issues to secure the primary ones. It is apparent to us that for now both sides are well satisfied with the bilateral state of affairs. »

[14] Soner Cagaptay, Good Relations between Azerbaijan and Israel : A Model for Other Muslim States in Eurasia ? (« Bonnes relations entre l’Azerbaïdjan et Israël : un modèle pour les autres États musulmans d’Eurasie ? »), Washington Institute for Near East Policy, 30 mars 2005 (https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/good-relations-between-azerbaijan-and-israel-model-other-muslim-states-eurasia, consulté le 27 janvier 2023).

[15] Avi Machlis, Azerbaijan Courts Jews, Israel to Win Favor with U.S. (« L’Azerbaïdjan courtise les Juifs et Israël pour tenter de gagner les faveurs des États-Unis »), Jewish Telegraphic Agency news service (New York), 2 février 2000 (https://www.jta.org/archive/azerbaijan-courts-jews-israel-to-try-and-win-favor-with-the-u-s, consulté le 27 janvier 2023).

[16] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit.

[17] Ibid.

[18] Azerbaijani MPs propose to change country’s name (« Les députés azerbaïdjanais proposent de changer le nom du pays »), Trend News Agency, 1er février 2012 (https://en.trend.az/azerbaijan/politics/1986820.html, consulté le 23 janvier 2023).

[19] Azerbaijan arrests 22 suspects in alleged Iran spy plot (« L’Azerbaïdjan arrête 22 suspects dans un complot d’espionnage présumé avec l’Iran »), BBC, 14 mars 2012 (https://www.bbc.com/news/world-europe-17368576, consulté le 23 janvier 2023).

[20] Yeghia Tashjian, South Caucasus : A battle of wills and corridors (« Caucase du Sud : une bataille de volontés et de couloirs »), The Craddle, 30 décembre 2022 (https://thecradle.co/article-view/19895, consulté le 29 janvier 2023).

[21] Israël devient le plus grand importateur de pétrole de l’Azerbaïdjan après l’Italie en 2002. Il est également à noter qu’entre 2000 et 2005 Israël est passé du dixième partenaire commercial de l’Azerbaïdjan à son cinquième (« Annuaire statistique de l’Azerbaïdjan, 2005 », Comité national de statistique de la République d’Azerbaïdjan, Bakou). Les statistiques de l’ONU montrent quant à elle que les exportations de l’Azerbaïdjan vers Israël sont passées de 2 millions de dollars à 323 millions de dollars entre 1997 et 2004.

[22] Robert Booth, Harriet Sherwood, Justin Vela, Gaza flotilla attack : Autopsies reveal intensity of Israeli military force (« Attaque de la flottille de Gaza : Les autopsies révèlent l’intensité de la force militaire israélienne »), The Guardian, 4 juin 2010 (https://www.theguardian.com/world/2010/jun/04/gaza-flotilla-attack-autopsy-results, consulté le 23 janvier 2023).

[23] Mark Perry, L’Azerbaïdjan, le terrain d’atterrissage secret d’Israël, op. cit

[24] Soner Cagaptay, Good Relations between Azerbaijan and Israel : A Model for Other Muslim States in Eurasia ?, op. cit.

[25] Ilya Bourtman, Israel and Azerbaijan’s Furtive Embrace, op. cit. Ilya Bourtman, Israel and Azerbaijan’s Furtive Embrace (« L’étreinte furtive d’Israël et de l’Azerbaïdjan »), Middle East Quarterly, été 2006, pp. 47-57.

[26] The Freedom Support Act (« Loi sur le soutien à la liberté »), Public Law 102-511, article 907, 24 octobre 1992.

[27] Le Partenariat pour la paix, site internet de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50349.htm, consulté le 29 janvier 2023).

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