Le plan israélien d’adhésion aux BRI et ses effets sur la sécurité nationale des États-Unis

Source : moderndiplomacy.eu – 19 février 2023 – Nadia Helmy

https://moderndiplomacy.eu/2023/02/19/israeli-plan-to-join-bri-and-its-effects-on-u-s-national-security/

Traduction et adaptation : Strategika

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BRI : Belt and Road Initiative

Dès l’annonce officielle par la Chine de son initiative « Belt and Road », Israel s’est efforcée d’en être un partenaire essentiel. C’est ce qu’a explicitement annoncé le diplomate israélien Hagai Shagrir en sa qualité de directeur du département de l’Asie du Nord-Est au ministère israélien des Affaires étrangères, en soulignant que :

« L’initiative chinoise Belt and Road apporte davantage d’opportunités commerciales aux entreprises israéliennes dans le domaine des projets d’infrastructure. Israël se considère comme faisant partie de la Route de la soie maritime du 21e siècle, qui se fraie un chemin de la mer de Chine méridionale à la Méditerranée ». »L’initiative « Belt and Road » est une vision à long terme et une initiative positive »

Les côtes israéliennes, de Gaza à Haïfa, représentent l’une des principales étapes de Belt and road – à l’image de ce que fut l’ancienne route, il y a plus de mille ans, qui reliait l’océan Indien à la mer Méditerranée, en passant par le golfe d’Aqaba et le canal de Suez. Isrel pourrait être un élément essentiel de l’initiative chinoise grâce au gigantesque projet d’infrastructure, connu sous le nom de « chemin de fer de la paix », ou chemin de fer du port d’Eilat-Ashdod. Particulièrement, les autorités d’occupation israéliennes ont pris l’initiative de signer très tôt un partenariat avec la Banque asiatique d’infrastructure, créée par la Chine dans le cadre de l’initiative « Belt and Road ».

Israël cherche à investir à travers les récents accords de normalisation avec les régimes arabes, et les relations non officielles avec certains autres états, par le biais de projets qui aident à l’intégration israélienne dans l’initiative chinoise, plus particulièrement avec le projet ferroviaire.

Les Etats-unis de leur côté sont strictement opposés à la coopération chinoise avec Israël. Washington considère avec inquiétude l’impact que pourrait avoir la coopération israélienne avec la Chine sur sa sécurité nationale. Les craintes des États-Unis ont augmenté après la proposition israélienne d’adhérer officiellement à l’initiative chinoise Belt and Road et après que Tel-Aviv eut rejoint la Banque asiatique d’investissement. Washington s’inquiète de la construction par la Chine du nouveau port de la ville de Haïfa. Pour la CIA, la présence permanente de la Chine dans le port israélien signifie une opportunité pour la Chine de collecter des informations, telles que : faciliter la surveillance par la Chine des mouvements des navires américains.

La visite de William Burns, directeur de la CIA, en Israël en août 2021 a mis en lumière les craintes des Etats-Unis face à la coopération économique et technologique croissante entre Tel Aviv et Pékin, qui, selon Washington, « affecte sa sécurité nationale ». Des réserves ont également été émises par Washington lorsque le célèbre milliardaire chinois « Li Kaching » a fait don de 130 millions de dollars à l’Institut de recherche israélien Technion.

Notons que toutes les entreprises chinoises qui investissent ou construisent de grands projets d’infrastructure en Israël ont des relations avec le gouvernement israélien, des entités militaires ou les forces armées. Il est probable que toute entreprise israélienne de grande envergure implantée en République populaire de Chine aura des liens officieux ou officiels avec le gouvernement chinois et qu’elle coopérera avec ses services de renseignement et de sécurité. Bien entendu, Washington n’acceptera pas le transfert à Pékin de technologies liées à la défense américaine situées en Israël. A cet égard, les autorités américaines craignent que la Chine n’obtienne des technologies ou ne recueille des informations qui puissent menacer la sécurité nationale des États-Unis dans le domaine de la cybernétique, des communications par satellite, de l’intelligence artificielle et des robots.

Les inquiétudes américaines sur la possibilité de militarisation du projet « Belt and Road » à travers Tel-Aviv ont commencé lorsque la Chine a établi une base militaire à Djibouti dans la Corne de l’Afrique. Il existe également un rapport du département américain de la défense qui évoque la possibilité de construction de bases ou d’installations militaires chinoises au Pakistan et dans d’autres pays du Moyen-Orient. Mêmes inquiétudes le 8 décembre 2021, lorsque la CIA a averti que Pékin avait l’intention d’établir une base militaire permanente sur la côte de la Guinée équatoriale, ce qui lui donnerait une capacité navale dans l’océan Atlantique contre les États-Unis d’Amérique.

Washington craint que la présence chinoise dans la ville de Haïfa et l’octroi d’installations dans cette ville par Tel-Aviv ne constituent une base chinoise pour la collecte d’informations sur la sixième flotte américaine présente dans cette région, occurrence que Washington considère comme très dangereuse.

C’est là que réside le danger qu’Israël rejoigne l’initiative chinoise Belt and Road dans un avenir prochain. C’est aussi la raison directe de l’escalade du ton des protestations américaines, dans le contexte de l’investissement de la Chine dans le système de métro léger à Tel-Aviv, qui devrait commencer à fonctionner à proximité de l’état-major général Israëlien dans le centre de Tel Aviv et près de la base navale d’Ashdod, ce qui constitue une menace directe pour la sécurité nationale américaine de la part d’Israël, de sorte que Washington s’oppose à toute tentative israélienne d’adhérer à l’initiative chinoise Belt and Road, afin de s’assurer que la Chine n’entre pas par son intermédiaire à proximité de lieux militaires sensibles au détriment du système de sécurité nationale américain dans l’État hébreu et dans la région du Moyen-Orient dans son ensemble.

Enfin, l’impact de la coopération israélo-chinoise dans le cadre de l’initiative Belt and Road pourrait avoir un impact sur l’influence américaine dans les régions de l’océan Indien, l’Asie centrale et du Pacifique, ce que l’on appelle la région « Indo-Pacifique ». Par conséquent, le transfert illégal par Israël (selon les accusations des Américains) de technologies avancées à la Chine a causé un grand préjudice aux technologies japonaises qui sont les alliées de l’Amérique dans la région « Indo-Pacifique », ainsi qu’aux Américains eux-mêmes, selon les estimations du Commandement du Pacifique de l’armée américaine, à proximité des sphères d’influence de la Chine.

Cependant, il existe de nombreux points de friction entre Israël et la Chine, le plus important étant la position d’Israël sur la question des musulmans ouïgours dans la région chinoise du « Xinjiang », ce qui a été confirmé par le (site web israélien Walah), qui a révélé que Neug Jin Chao, un diplomates chinois a remis à l’ambassadeur israélien un message clair indiquant que les relations d’Israël avec la Chine avaient atteint un stade critique.

De même, la stricte opposition de la Chine aux relations d’Israël avec Taïwan s’est manifestée par l’envoi, en août 2022, par le gouvernement chinois, par l’intermédiaire du chef du département des affaires internationales du parti communiste chinois, Liu Jianchao, d’une lettre très ferme à l’ambassadeur d’Israël à Pékin, Irit Bin Aba, pour l’avertir de ne pas permettre aux pressions américaines de nuire aux relations d’Israël avec Pékin, la Chine affirmant qu’elle ne pourra jamais tolérer un pays qui soutient Taïwan.

Les relations entre la Chine et Israël se sont tendues à la suite de l’objection chinoise à l’interview du ministre taïwanais des affaires étrangères Joseph Wu par le site web israélien « Jerusalem Post » en octobre 2022, la Chine s’opposant à l’interview d’un ministre d’État, à savoir Taïwan, qui n’est pas reconnu par la plupart des pays du monde, y compris les États-Unis d’Amérique eux-mêmes, et qui considère la Chine comme faisant partie intégrante de son territoire national. . L’ambassade de Chine à Tel-Aviv avait alors adressé un avertissement sévère au journaliste Jacob Katz, rédacteur en chef du Jerusalem Post, et exigé qu’il supprime immédiatement l’interview du site web israélien. Cette forte réaction des autorités chinoises prouve que Pékin est prêt à attaquer Israël si les positions de l’Etat hébreu sont en contradiction avec les politiques chinoises.

Nous devons également tenir compte de la position contradictoire de la Chine et d’Israël sur l’accord nucléaire iranien, et la position israélienne sur l’accord de partenariat stratégique de 25 ans entre la Chine et l’Iran. Washington et Tel-Aviv considèrent que cet accord de longue durée entre la Chine et l’Iran indique implicitement les ambitions chinoises dans la conquête du leadership mondial.

Il convient de noter ici que le président israélien Isaac Herzog a exprimé son inquiétude lors du premier appel téléphonique à son homologue chinois Xi Jinping en 2021, quant aux répercussions du développement par l’Iran d’un programme nucléaire, essayant de persuader Pékin de faire pression sur Téhéran afin qu’il mette un terme à son programme et à ses activités nucléaires. Par ailleurs, la Chine se concentre sur le développement des ports iraniens, en particulier le port de Chahbar, qui donne sur la mer d’Arabie.

De son côté, Pékin a critiqué toute escalade militaire israélienne en Syrie, de peur que ses intérêts dans ce pays soient touchés. Notons la présence de nombreux experts et de milliers de travailleurs chinois dans les installations militaires syriennes pour la reconstruction.

Washington s’inquiète de la présence chinoise en Syrie, présence qui pourrait servir de base à des opérations d’espionnage contre Tel Aviv et les intérêts américains dans la région. De plus, l’acquisition par Damas de systèmes de défense chinois avancés, contribuera inévitablement à accroître l’efficacité des forces de défense aérienne syriennes et les aideront à repousser toute attaque israélienne future sur les territoires syriens à partir du plateau du Golan, territoire syrien occupé par Israël.

On comprend ici l’ampleur de la volonté israélienne de développer ses relations avec la Chine pour l’aider à freiner et restreindre les ventes militaires chinoises, notamment de missiles, à certains pays arabes, en particulier la Syrie, le Liban et peut-être le Yémen.

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