Le modèle romain de notre empire ploutocratique – Nicolas Bonnal

Par Nicolas Bonnal

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La ploutocratie totalitaire induit une gouvernance impériale-globale sur les masses. C’est pourquoi actuellement les élites et leurs journalistes choisissent l’empire ; il en était de même dans l’Antiquité, comme l’explique l’historien Fustel De Coulanges dans son infinie Cité antique, livre le plus indispensable au monde.

La situation est déjà proche de la nôtre (du pain, des jeux, un empire, une déchéance humaine totale – revoir notre texte sur Ortega Y Gasset et la montée de la stupidité) :

« De tels faits disent assez comment Rome, sans faire de très grands efforts, obtint l’empire. L’esprit municipal disparaissait peu à peu. L’amour de l’indépendance devenait un sentiment très-rare, et les cœurs étaient tout entiers aux intérêts et aux passions des partis. Insensiblement on oubliait la cité. Les barrières qui avaient autrefois séparé les villes et en avaient fait autant de petits mondes distincts, dont l’horizon bornait les vœux et les pensées de chacun, tombaient l’une après l’autre. On ne distinguait plus, pour toute l’Italie et pour toute la Grèce, que deux groupes d’hommes d’une part, une classe aristocratique ; de l’autre, un parti populaire ; l’une appelait la domination de Rome, l’autre la repoussait. Ce fut l’aristocratie qui l’emporta, et Rome acquit l’empire. »

On répète alors : « Ce fut l’aristocratie qui l’emporta, et Rome acquit l’empire. »

Se rappeler de Warren Buffet qui écrivait que sa classe avait gagné la guerre. L’Empire s’est mondialisé, il est devenu une matrice et partout le populo s’est soumis au pain et aux Jeux en attendant le camp d’extermination ploutocratique-numérique-OMS-CBDC.

L’empire romain annihila tout, comme l’empire américain. Revoyez mon texte sur la tirade de l’infortuné leader breton Calgacus, mis en scène par Tacite. Fustel :

« Tel fut l’effet de la conquête romaine sur les peuples qui en devinrent successivement la proie. De la cité, tout tomba : la religion d’abord, puis le gouvernement, et enfin le droit privé ; toutes les institutions municipales, déjà ébranlées depuis longtemps, furent enfin déracinées et anéanties. Mais aucune société régulière, aucun système de gouvernement ne remplaça tout de suite ce qui disparaissait. Il y eut un temps d’arrêt entre le moment où les hommes virent le régime municipal se dissoudre, et celui où ils virent naître un autre mode de société. »

L’impression de chaos était déjà là :

« La nation ne succéda pas d’abord à la cité, car l’imperium romanum ne ressemblait en aucune manière à une nation. C’était une multitude confuse, où il n’y avait d’ordre vrai qu’en un point central, et où tout le reste n’avait qu’un ordre factice et transitoire, et ne l’avait même qu’au prix de l’obéissance. »

Mais le secret de Rome c’est ça : la domination du fric et la soumission d’une plèbe abrutie – les américains ayant étendu à toute l’Europe l’abrutissement tyrannique et ploutocratique (vive la bourse et la télé) :

« La domination de la classe riche se soutint à Rome plus longtemps que dans aucune autre ville. Cela tient à deux causes. L’une est que l’on fit de grandes conquêtes, et que les profits en furent pour la classe qui était déjà riche ; toutes les terres enlevées aux vaincus furent possédées par elle ; elle s’empara du commerce des pays conquis, et y joignit les énormes bénéfices de la perception des impôts et de l’administration des provinces. Ces familles, s’enrichissant ainsi à chaque génération, devinrent démesurément opulentes, et chacune d’elles fut une puissance vis-à-vis du peuple. »

Le mystère romain c’est que le pauvre (contrairement au grec, Fustel donnant d’innombrables exemples) se soumettait au fric :

« L’autre cause était que le Romain, même le plus pauvre, avait un respect inné pour la richesse. Alors que la vraie clientèle avait depuis longtemps disparu, elle fut comme ressuscitée sous la forme d’un hommage rendu aux grandes fortunes ; et l’usage s’établit que les prolétaires allassent chaque matin saluer les riches et leur demander la nourriture du jour. »

Il y eut de fausses luttes, rappelle Fustel :

« Ce n’est pas que la lutte des riches et des pauvres ne se soit vue à Rome comme dans toutes les cités. Mais elle ne commença qu’au temps des Gracques, c’est-à-dire après que la conquête était presque achevée. D’ailleurs, cette lutte n’eut jamais à Rome le caractère de violence qu’elle avait partout ailleurs. Le bas peuple de Rome ne convoita pas très-ardemment la richesse ; il aida mollement les Gracques ; il se refusa à croire que ces réformateurs travaillassent pour lui, et il les abandonna au moment décisif. Les lois agraires, si souvent présentées aux riches comme une menace, laissèrent toujours le peuple assez indifférent et ne l’agitèrent qu’à la surface. »

Oui, elle ne voulait déjà pas trop travailler cette plèbe…

Le résultat c’est qu’on se livrait à Rome pour protéger son pognon. Idem ici depuis la fin du communisme :

« Il résulta de là que, dans toutes les cités, l’aristocratie tourna les yeux vers Rome, compta sur elle, l’adopta pour protectrice, et s’enchaîna à sa fortune. Cela semblait d’autant plus permis que Rome n’était pour personne une ville étrangère : Sabins, Latins, Étrusques voyaient en elle une ville sabine, une ville latine ou une ville étrusque, et les Grecs croyaient retrouver en elle des Grecs. »

Sources

https://www.dedefensa.org/article/ortega-y-gasset-et-la-montee-eschatologique-de-la-stupidite

https://www.dedefensa.org/article/tacite-et-le-message-anti-imperialiste-il-y-a-2000ans

https://www.nytimes.com/2006/11/26/business/yourmoney/26every.html

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