Fin des financements USAID : impacts sur l’Ukraine

Source : ojim.fr – 8 avril 2025

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La fin des financements de l’USAID à la presse se ressent surtout en Europe de l’Est et dans l’espace post-soviétique, terrains de jeu de prédilection de Washington depuis la chute du mur de Berlin.

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La fin des financements de l’USAID à la presse se ressent surtout en Europe de l’Est et dans l’espace post-soviétique, terrains de jeu de prédilection de Washington depuis la chute du mur de Berlin.

En Ukraine, environ 60 % des professionnels des médias estimaient en février qu’une interruption totale du financement américain aurait des conséquences désastreuses, selon l’Institute of Mass Information. La directrice de cette ONG, Oksana Romaniuk, affirme d’ailleurs que plus de 80 % des médias ukrainiens ont travaillé avec l’USAID. C’est sans doute en Ukraine que la décision de Donald Trump et d’Elon Musk aura le plus d’impact.

Fin de trois décennies d’influence

L’USAID était active en Ukraine depuis 1992 et a joué un rôle actif dans la transformation de ce pays en une « économie de marché » et une « démocratie » après la chute de l’Union soviétique. Ainsi, l’agence, dont le budget annuel représentait environ 0,5% des dépenses fédérales américaines, a étendu son influence dans des domaines aussi divers que l’agriculture, la santé publique, la sécurité énergétique, les droits de l’hommes, l’éducation, le soutien aux petites entreprises, la conduite de réformes économiques ou encore l’aide humanitaire à partir de 2014.

Plus de 30 milliards de dollars

L’arrêt des financements de l’USAID a provoqué un tel choc un Ukraine qu’il a été interprété comme le signe que Washington ne considérait désormais plus le soutien à Kiev comme une de ses priorités. Depuis le début du conflit en février 2022, l’USAID avait en effet versé pas moins de 30 milliards de dollars directement au gouvernement ukrainien, somme à laquelle s’ajoutent une aide humanitaire supplémentaire de 2,6 milliards de dollars et une aide au développement de 5 milliards de dollars accordée par Washington à l’Ukraine.

Ces milliards ont-ils réellement aidé l’Ukraine à se développer et à gagner en indépendance ? L’Ukraine se vide littéralement de ses forces vives depuis plus de trente ans, et encore plus depuis le début de la guerre, alors qu’elle est aujourd’hui le terrain d’un affrontement entre l’OTAN et la Russie et devient perdante sur tous les tableaux. Pis encore : après une période d’influence insidieuse à travers les ONG et l’USAID, Washington joue désormais avec Trump cartes sur table, la deuxième version de l’accord sur les minerais n’étant ni plus ni moins qu’une pure visée colonialiste sur l’Ukraine.

La fin des médias dits « indépendants »

Le mythe de l’aide et du soutien « désintéressés » tombe également lorsqu’on se pense sur le paysage médiatique ukrainien, composé de médias d’une indépendance particulière, puisqu’ils sont fortement ou totalement dépendants des dons étrangers.

« De nombreux médias ukrainiens dépendent fortement du financement de l’USAID et certains ont dû cesser leurs activités… Cela a un impact énorme. Mais mon média a la chance d’y échapper par chance », a notamment déclaré Sergiy Sudorenko, cofondateur de l’European Pravda, ajoutant que la dernière série de subventions de l’USAID avait été annulée avant qu’elles ne puissent être obtenues.

La NED en remplacement ?

Sudorenko compte désormais sur le financement de la National Endowment for Democracy (NED), qui a cependant récemment aussi été confrontée à une incertitude financière. « Nous avons été prévenus qu’ils avaient des soucis et que nous pourrions être confrontés à des problèmes de financement à l’avenir », ajoute Sudorenko, avant de conclure : « Pour l’instant, nous n’avons pas été directement touchés, mais de nombreux médias ukrainiens qui dépendaient de ces subventions sont en grande difficulté ».

D’autres ne sont pas moins alarmistes, rappelant au passage à quel point les médias ukrainiens dépendent de Washington. Selon Mikita Poturaev, président de la commission de la politique humanitaire et de l’information du Conseil suprême ukrainien et vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, « 51 % des médias ukrainiens indépendants, dont 51 à 70 % des médias régionaux, pourraient cesser de fonctionner en raison du retrait du soutien des États-Unis à divers programmes. »

L’UE, un USAID bis ?

Ce député ukrainien se plaint au passage du fait que, selon lui, contrairement aux États-Unis, la Chine et la Russie ne levaient elles pas le pied en matière de guerre de l’information. Mikita Poturaev appelle à la mise en place de mécanismes de soutien de long terme, et non à des aides ponctuelles.

Dans l’état actuel des choses, ces trous dans le budget des médias ukrainiens vont être comblés partiellement par l’Union européenne — confirmant ainsi une des caractéristiques de cette guerre : les grands acteurs en profitent et la petite UE paie les pots cassés. Le 21 mars, l’ambassadrice de l’UE en Ukraine, Katarina Maternova, a en effet fièrement annoncé un programme d’aide de 10 millions d’euros pour les médias ukrainiens « indépendants ».

100M€ déjà versés par l’UE

Cette enveloppe est loin d’être la première. Depuis 2017, l’UE a versé 100 millions d’euros aux médias ukrainiens afin de garantir leur « capacité à fonctionner de manière indépendante, à produire un journalisme de haute qualité et à lutter contre la désinformation. »

L’enveloppe annoncée au mois de mars se répartit de la manière suivante :

  • 3 millions d’euros à Internews Europe pour soutenir les médias dans les régions touchées par la guerre et promouvoir le journalisme d’investigation.
  • 2 millions d’euros à Reporters sans frontières pour financer des mesures de protection des journalistes en danger et soutenir les petits médias.
  • 1 million d’euros à l’Institute for Mass Information pour les petits et moyens médias.
  • 1 million d’euros supplémentaire sera alloué à des projets de plus petite envergure, tels que la Black Sea Foundation et le festival Docudays.

Trois millions d’euros supplémentaires seront alloués dans le cadre d’un nouvel appel à candidatures en mai 2025, l’UE étant ainsi bien déterminée à tenir sous assistance financière un pays failli, des dizaines de millions d’euros allant directement dans la poche d’acteurs ukrainiens à l’opacité souvent douteuse.

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