Syrie : recension du livre de Sami Kleib
Source : françoisbelliot.fr – 25 février 2023 – François Belliot
https://francoisbelliot.fr/index.php/2023/02/25/syrie-recension-du-livre-de-sami-kleib/
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Nous proposons dans le présent article la recension de Syrie, documents secrets d’une guerre programmée, du journaliste et écrivain libanais Sami Kleib, un ouvrage majeur sur les tenants et aboutissants de la guerre en Syrie, complètement ignoré par les médias, et dont l’écho fut si faible en France au moment de sa parution qu’aucun site indépendant ou alternatif n’en a rendu compte. Je n’ai moi-même pu apprendre son existence que parce que j’ai participé avec son auteur à un colloque sur la Syrie organisé par l’Académie de géopolitique de Paris le 27 janvier 2023. Quoiqu’il date de 2018 pour sa version française, il nous semble essentiel de le porter à la connaissance des lecteurs francophones, en particulier de l’hexagone, en raison des éléments d’éclairage décisifs qu’il apporte pour la compréhension de la guerre en Syrie et des relations internationales au Levant, et les enseignements que l’on peut et doit en tirer sur la politique étrangère de la France, et plus généralement sur le pouvoir qui prétend nous représenter.
Introduction
Quand Galilée eut l’idée, une nuit de janvier 1610 de pointer sa lunette agrandissante vers Jupiter, il eut la surprise de découvrir, gravitant autour de la géante gazeuse, quatre1 astres de beaucoup plus petite taille ressemblant à des lunes. Comme il refit l’expérience, les nuits suivantes, il se rendit compte que ces corps changeaient de place, par quoi il en déduisit qu’autour de Jupiter, gravitaient bien des lunes, en conséquence de quoi la Terre ne pouvait plus être considérée comme le seul corps autour duquel gravitaient des satellites. Pendant les trois siècles qui suivirent, l’amélioration des instruments d’observation permit d’affiner la connaissance de la planète : sa grande tache rouge, une dizaine d’autres satellites supplémentaires… Il fallut l’avènement de l’âge de l’exploration spatiale et des premières sondes propulsées par des fusées, dans les années 19702, pour faire des observations très rapprochées propres à clouer le bec aux sceptiques les plus butés, de plus mauvaise foi, ou aux plus possédés par le démon du mensonge. Là où la lunette de Galilée, à 600 millions de km de distance3, n’avait discerné que quatre vagues tachicules brillants, les sondes Pioneer 10 et 11, puis Voyager 1 et 2, à 100 000 km de distance, révélaient des images époustouflantes de précision. Jupiter n’était plus seulement une planète conçue pour le bon plaisir des astrologues et des géo centristes, c’était un monde à part entière dont chacun des satellites possédait des caractéristiques uniques, étrangères au destin des âmes sur la Terre. Les derniers des inquisiteurs, dont les ancêtres en leur temps avaient condamné Galilée au silence, sous peine de la mort, d’eux-mêmes s’évanouirent alors : Une fois atteint un certain niveau de correspondance entre l’observation et la réalité des choses, à moins d’être un zélote de l’Empire du mensonge, l’évidence devient tout simplement impossible à nier.
La comparaison est certainement outrée, mais c’est exactement celle qui m’est venue à l’esprit en entrant dans l’ouvrage de Sami Kleib. Dès les premiers jours de la guerre en Syrie, en mars 2011, forts de notre expérience des couvertures médiatiques frauduleuses, nous avons pointé nos lunettes européennes, à 4000 km de distance, vers le Levant et la Syrie où un profond bouleversement était en train de se produire, et malgré la faible résolution et l’imperfection de nos instruments, nous avons immédiatement obtenu des images qui nous indiquaient, sans l’ombre d’un doute, que la réalité du terrain était tout autre que celle dépeinte par les médias et politiques des autoproclamés « amis de la Syrie ». L’inquisition cependant féroce veillait au grain. Du jour au lendemain de nos premières observations, nous fûmes interdits de tout accès aux télécrans destinés à imprimer dans les âmes des foules démocratiques la fable éculée du « dictateur qui massacre son propre peuple », au secours duquel la « communauté internationale » devait s’empresser de voler.
Encore aujourd’hui, malgré les voyages, les témoignages directs recueillis, la multiplication des ouvrages, qui n’ont fait que renforcer au fil des années nos premières observations, le marteau piqueur de la propagande inquisitoriale n’a jamais relâché son vrombissant trémolo, et encore trop d’ensorcelés des télécrans se refusent encore à risquer ne serait-ce qu’un œil, ne serait-ce qu’un instant, dans nos lunettes véridiques mais à résolution basse.
J’estime que le livre de Sami Kleib, Syrie, les documents secrets d’une guerre programmée, constitue la sonde Voyager que nous attendions, et ceci pour au moins deux raisons. D’abord il a été écrit par un Levantin, qui a grandi dans la région, qui en connaît la langue et la géographie, et qui par sa longue carrière de journaliste de premier plan a fatalement une vision de la réalité du terrain beaucoup plus fine que la nôtre. Ensuite, c’est là son originalité, il est basé sur le verbatim de longs entretiens entre la présidence syrienne – autrement dit Bachar el-Assad, avec qui l’auteur a pu s’entretenir à plusieurs reprises – et des acteurs clés de l’équation géopolitique complexe dans laquelle la Syrie évolue vaille que vaille depuis le début des années 2000 et les attentats du 11 septembre 2001. Sami Kleib résume ainsi sa démarche en introduction : « Nous tenterons ici de comprendre la guerre en analysant la personnalité et le rôle du président Bachar el-Assad en proie à des pressions de toutes sortes, et en nous penchant sur les procès-verbaux et les documents secrets dont nous faisons état. Nous aurons recours aussi aux nombreux entretiens que nous avons eus avec les différents protagonistes en Syrie et à l’étranger. Ces entretiens éclaireront éventuellement, du moins nous l’espérons, quelques uns des nombreux points demeurés obscurs et qui continuent, jusqu’à élaboration de cet ouvrage, d’interpeller politiciens, écrivains et historiens, par cette question essentielle : la destruction de la Syrie a-t-elle été délibérément planifiée ? Ou bien, est-elle due à des causes diverses et fortuites, dont la responsabilité incombe à tous ceux qui y ont été mêlés d’une manière ou d’une autre ? » (p.15) Commençons par évoquer un peu l’auteur…
Sami Kleib, un journaliste chevronné
La plupart des informations ci-dessous sont compilées du seul article en français sur la toile retraçant son parcours, publié par Joëlle Seif sur le site de Magazine en février 2018, et intitulé « Sami Kleib, un journaliste chevronné ». Originaire de la ville de Niha dans le Chouf libanais, Sami Kleib a effectué dans les années 1980 des études en France à la Sorbonne, au terme desquelles il obtient un doctorat en analyses pragmatiques du discours politique, et s’oriente insensiblement mais sûrement vers le métier de journaliste. « Entre 1990 et 2009, il occupe en France les fonctions de rédacteur en chef de RFI (Radio France internationale) et de RMC (Radio Monte Carlo). Il devient le conseiller présidentiel de la holding médiatique française adressée au monde arabe, regroupant RFI, RMC et France 24. Kleib est le seul à posséder un double titre et une double fonction, celui de directeur général et de journaliste. » Par ailleurs, « accrédité à l’Élysée et au Quai d’Orsay, il accompagne des présidents français tels que François Mitterrand et Jacques Chirac dans leurs voyages officiels ». En 2000, il entre à la chaîne qatarie al Jazeera où pendant onze ans il devient un des piliers de la chaîne en y présentant deux émissions : Visite privée (Ziyara khasa) et Le dossier (al-malaf). Quand le vent du printemps arabe commence à souffler au Maghreb puis au Machrek, il décide de quitter la chaîne basée au Qatar, en raison de son parti pris dans le traitement des événements : mutique sur la répression au Bahreïn, et radicalement anti « régime » dans le cas syrien. Il co-fonde alors avec le journaliste tunisien Ghassan Ben Jeddo la chaîne d’information Al Mayadeen, ce nom signifiant « les places », en référence aux endroits qui ont été érigés en symboles révolutionnaires (place Tahrir au Caire, place des Perles au Bahreïn, etc.). Basée à Bir Hassan, dans la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, proche de cette entité, du pouvoir syrien et de l’Iran, de ce que certains, dans la région, appellent « l’axe de la résistance » (à Israël), la chaîne est conçue d’emblée comme l’anti Al Jazeera, avec l’objectif de contrebalancer l’influence de la chaîne Qatarie, proche du mouvement des Frères musulmans, dans l’opinion publique arabe et arabophone. Sami Kleib en démissionne toutefois en novembre 2019, à l’occasion de la révolte populaire qui éclate au Liban, contre la corruption des élites politiques et la crise économique très grave que traverse alors le pays, en raison de la couverture de ces événements par la chaîne, qui prend le parti – avec ses financiers et promoteurs – de traiter ce soulèvement comme un phénomène provoqué et attisé depuis l’étranger, dont l’histoire récente offre tant d’exemples dans la région.
Sami Kleib est donc loin d’être un inconnu dans le landerneau politique et journalistique français, au vu des fonctions éminentes qu’il a exercé en France pendant de nombreuses années, et s’il est indéniable qu’il doive être rangé dans la catégorie des partisans des autorités syriennes légales, ce que du reste il revendique, sa démission d’al Mayadeen en 2019 dénote toutefois une indépendance d’esprit certaine. Venons-en à l’ouvrage…
Sami Kleib a donc pu avoir accès à un ensemble de documents à l’intérêt inestimable pour comprendre la genèse des événements de Syrie : le verbatim des échanges directs entre Bachar el-Assad et différents hommes politiques occidentaux et arabes, étalés sur une période allant du renversement de Saddam Hussein par les États-Unis en avril 2003, à octobre 2011, quelques mois après le début de la crise syrienne. Dans l’ordre, le lecteur peut ainsi avoir accès à la retranscription exhaustive d’un entretien avec Colin Powell le 3 mai 2003, avec l’envoyé spécial de Jacques Chirac Maurice Gourdault-Montagne en novembre 2003, avec le ministre des affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu le 9 août 2011, avec le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil el-Arabi le 13 juillet 2011, avec le comité d’initiative arabe, comprenant le même, le président qatari de la Ligue arabe Hamad ben Jassem, et les ministres des affaires étrangères d’Oman, d’Algérie, du Soudan, et d’Égypte, le 26 octobre 2011. Ces grands entretiens occupent environ un quart du volume, l’auteur faisant suivre chacun de ces entretiens de ses commentaires. Dans le restant du volume, il s’attache à retracer le fil des événements qui ont conduit à l’éclatement du conflit syrien en mars 2011 : la préparation de Bachar el-Assad à la succession de son père Hafez, suite au décès inopiné de son frère Bassel en 1994, son accession au pouvoir en juillet 2000 et le discours d’investiture qu’il a prononcé en cette occasion, le bouleversement géopolitique consécutif aux attentats du 11 septembre 2001, la relative libéralisation économique menée au début des années 2000 à son instigation, avec plus ou moins de bonheur, l’invasion étasunienne de l’Irak en mars 2003, le vote de la « Syria accountability act4 » (« loi pour la responsabilité de la Syrie et sur la souveraineté du Liban ») le 12 décembre de la même année par le congrès étasunien, qui désigne la Syrie comme une prochaine cible dans le cahier des charges étasunien, l’assassinat du Premier ministre libanais Rafiq Hariri le 14 février 2005, premier domino d’une série d’événements qui aboutissent au retrait de l’armée syrienne du Liban deux mois plus tard, le revirement de Jacques Chirac en cette occasion, qui passe du côté étasunien alors qu’il était le chef d’État occidental le plus proche du pouvoir syrien, l’évolution plus générale de la présidence française, qui passe d’une position de relative indépendance à un alignement de plus en plus étroit avec le pouvoir étasunien à coloration néoconservatrice et pro israélienne. Enfin l’auteur passe en revue les différents facteurs qui ont désigné progressivement la Syrie des Assad comme une cible à abattre : le désir de revanche des pays proches des frères musulmans comme la Turquie et le Qatar, notamment par rapport à la répression de Hama en 1982, les ambitions néo-ottomanes de la Turquie dans la région, le rapprochement avec le Hezbollah et le resserrement des liens avec l’Iran, le soutien indéfectible à la cause palestinienne, la découverte d’un gigantesque gisement de gaz au large des côtes libano-syriennes, la préférence accordée à la construction d’un gazoduc Iran-Irak-Syrie, au détriment d’un gazoduc terrestre devant relier le Qatar et la Turquie, enfin, facteur surdéterminant selon l’auteur, la volonté d’Israël de détruire toute forme d’opposition armée dans son environnement proche, en coupant l’approvisionnement en armes du Hezbollah au sud Liban depuis l’Iran, plus généralement la volonté d’Israël de déstabiliser, fragmenter, détruire tous les États de la région tant soit peu puissants et indépendants lui demeurant ouvertement hostiles, afin de hâter la venue du Grand Israël quasi-publiquement exposé par des officiels israéliens dans les années 1980 – projet détaillé aux pages 361 à 364 de l’ouvrage.
Voyons à présent à quoi ressemble concrètement l’ouvrage de Sami Kleib en donnant à voir successivement deux des cinq grands entretiens dont il transcrit et analyse le verbatim dans son ouvrage. Notre ambition ici n’est pas de décortiquer toute la longue démonstration de l’auteur, selon laquelle la guerre contre la Syrie était programmée bien avant les « Printemps arabes », mais de donner un avant-goût de l’intérêt de sa lecture, tout en donnant un aperçu de l’originalité de son approche.
L’entrevue avec le secrétaire d’État étasunien Colin Powell
L’armée des États-Unis, passant outre l’aval de l’ONU, en raison de la menace de veto français, a lancé l’invasion de l’Irak le 20 mars 2003, et le 9 avril, la capitale Bagdad a été prise et Saddam Hussein renversé. C’est donc un Colin Powell en pleine confiance qui vient, le 3 novembre 2003, mettre la pression à Damas sur le président syrien. De la même façon qu’il s’est avéré que la menace des armes de destruction massive, dénoncée toute honte bue par le même Powell à l’ONU, était une invention destinée à fournir un casus belli contre l’Irak de Saddam Hussein, sans aucun lien avec les attentats du 11 septembre, cette entrevue entre Assad et Powell révèle que c’est pour de toutes autres raisons que la nécessité de lutter contre le terrorisme que Colin Powell s’est rendu dans la capitale syrienne pour intimider Bachar el-Assad.
Après avoir résumé longuement, non sans arrogance et autosatisfaction, le succès éclatant de la campagne étasunienne en Irak, l’homme à la petite éprouvette passe à l’offensive : « Nous avons été profondément déçus lorsque nous avons constaté des mouvements de matériel militaire traverser la frontière. Des camions ont pénétré en Irak à partir de la frontière puis y sont retournés. En vérité, nous en avons observé aux abords de votre frontière, et nous nous sommes demandé pourquoi on leur avait permis de s’y trouver et de franchir cette frontière. Ce matériel lourd qui a été transporté en Irak ne saurait servir qu’à des blindés ou à un armement de nature à menacer nos troupes. (… ) Vous n’êtes pas sans savoir, M. Le président, que M. Rumsfeld et moi, avons clairement établi que nous ne souhaitions pas nous engager dans une nouvelle guerre après celle qui s’achève. » (p.125) Il brandit ensuite la menace de la Syria accountability act en gestation : « Comme vous le savez, M. le président, une nouvelle version de la loi demandant des comptes à la Syrie vient d’être déposée devant le congrès américain ou est sur le point de l’être. » Après avoir développé ce point, Powell en vient à l’argument essentiel, sur lequel il reviendra obsessionnellement tout au long de l’entretien : « Le second élément qui modifie ici la donne est l’existence d’un nouveau gouvernement israélien et le transfert du pouvoir palestinien aux mains d’Abou Mazen qui a pris ses fonctions, formé un nouveau gouvernement avec Mohamed Dahlan pour ministre d’État à la sécurité. Nous estimons qu’avec ce transfert de pouvoir, nous aurons des partenaires avec lesquels nous pourrons œuvrer à réaliser la paix dans des conditions meilleures qu’avec Yazzer Arafat. Nous essaierons de mettre à profit ce sursis afin d’attirer l’attention sur Abou Mazen dont nous renforcerons le pouvoir et la force afin qu’il apparaisse comme un leader capable de travailler avec les Israéliens. Il devrait néanmoins prouver son leadership aux côtés de M. Dahlan pour mettre fin aux activités terroristes et persuader le peuple palestinien qu’avec le terrorisme on n’atteindra en aucune façon nos objectifs de former un État. Le moment est venu d’en finir avec ce type d’agissements et de commencer à étudier « la feuille de route5 » avec les Israéliens pour la mettre en œuvre. » (p.127) Une page d’explications plus loin, il en vient au problème posé par le pouvoir syrien dans la résolution de cette équation : « Si nous voulons que la feuille de route avance pour la cause de la paix dans la région du Moyen-Orient, nous devons en même temps œuvrer pour la stabilité en Irak. Pour notre part, nous souhaitons autant que nous le pouvons en finir avec la violence. Encore une fois, nous voulons que vous mettiez un terme aux actions des groupes palestiniens du front du refus, qui se trouvent en Syrie et à Damas même, qu’il s’agisse du Hamas ou d’autres organisations. Nous en avions déjà parlé. Je sais qu’il faudra fermer ces bureaux dont l’existence sert certaines intentions inutiles quant à intégrer un trop grand nombre de Palestiniens qui se trouvent sur vos territoires en Syrie, et qui ne sont évidemment pas des Syriens mais des Palestiniens qui vivent en Syrie. Ce que je crois en même temps c’est que l’existence de ces bureaux en Syrie constituent un feu rouge non seulement pour Israël, mais pour tout le reste du monde. C’est que ces bureaux ne reflètent pas un aspect aimable à propos de la Syrie, mais au contraire ils entachent négativement la réputation de la Syrie. C’est pourquoi je vous prie, Monsieur le président, de mettre sous scellés ces bureaux et informer sa direction de chercher ailleurs où mener ses actions. Cela constituerait un signe fort de votre part non seulement en direction de la région, mais aussi en direction des États-Unis où il sera très positivement reçu. » (p.129) Et ce n’est pas tout : « Le point suivant que j’aimerais évoquer avec vous, M. Le président est la question relative au Hezbollah. Nous avions déjà évidemment abordé ce sujet auparavant et je sais que toutes les délégations que vous avez rencontrées ici en ont discuté. Nous disposons bien sûr de certains signaux qui indiquent que le soutien au Hezbollah se poursuit, notamment le transfert à la Syrie de matériel qui lui est destiné. Nous réitérons notre demande de faire cesser ce genre d’actions. Nous disposons de moyens de surveillance technologique de pointe pour repérer ces mouvements de transporteurs. Nous avions évidemment déjà auparavant discuté de l’importance qu’accordent les États-Unis au fait de ne pas provoquer de troubles ni de destructions tout au long de la frontière nord d’Israël. Franchement, il serait préférable que les opérations militaires cessent et, selon un accord déjà convenu, il faudrait que les forces armées libanaises régulières se dirigent vers le sud u pays et qu’elles y prennent leurs positions. » (idem)
Examinons à présent quelques éléments de la réponse de Bachar el-Assad, qui commence en mettant en avant la coopération de la Syrie dans le domaine la lutte contre le terrorisme aux côtés des États-Unis, argument qui devrait porter en considération du contexte de la « guerre contre la terreur » décrétée par le président Bush, dans le sillage des attentats du 11 septembre 2001 : « J’aimerais commencer par les grandes questions avant de passer aux détails. La relation avec les États-Unis en tant que superpuissance est d’un intérêt certain pour tous les États du monde. Vous possédez des intérêts dans le monde, nous en avons néanmoins dans notre région. Il est naturel que les vôtres se réalisent mais que les nôtres se réalisent simultanément. Il est des questions que je soulève dont certaines ont été posées à certains de mes interlocuteurs, membres du Congrès : comment se fait-il que nous réussissions dans des domaines comme la lutte contre le terrorisme, alors que nous échouons à coordonner nos efforts dans d’autres domaines ? Si la Syrie était hostile aux États-Unis, elle n’aurait pas collaboré dans le domaine de la lutte antiterroriste, ni sauvé la vie de citoyens américains l’an dernier. Certaines personnes de votre administration admettent que la Syrie a contribué à sauver la vie d’Américains et qu’elle a combattu al Qaida, mais qu’elle soutient le terrorisme. Ce sont des paroles contradictoires. » Il s’attache ensuite à minimiser la question de la porosité de la frontière entre la Syrie et l’Irak, concluant ainsi : « Nous sommes en mesure d’admettre en toute simplicité que nous n’exerçons pas une maîtrise absolue sur l’ensemble de nos frontières. Nous ne pouvons pas être tenus pour responsables de ce qui se passe à travers nos frontières irakiennes. Vous qui vous trouvez de l’autre côté, êtes en mesure de mieux les contrôler. Nous pouvons collaborer dans ce domaine mais la Syrie ne peut pas tout garantir. » (p.130) Un peu plus loin, il met lui-même en lumière le sous-entendu de la menace de Colin Powell. A l’époque en effet, les soldats étasuniens battaient tous les buissons et retournaient tous les cailloux d’Irak pour donner consistance à la fable des armes de destruction massives : « Autre chose : une rumeur a couru selon laquelle les armes de destruction massives étaient passées dans notre pays ! Je puis dire que ceci n’est que dérision. Vous qui êtes militaire savez que ces propos n’ont pas de sens. Si Saddam Husseïn voulait dissimuler ces armes, il les aurait fait détruire. Et s’il voulait les utiliser, il les aurait gardées afin de les jeter dans la bataille contre vous. Ce sujet nous ne le discuterons donc pas car il il ne mérite pas d’être discuté. » (p.132) Une page plus loin il en vient enfin à la préoccupation essentielle de Powell : « Vous aurez à en discuter avec les Palestiniens et les Israéliens, mais si vous n’êtes pas animés d’une volonté de faire pression de manière équilibrée sur les Israéliens et pas uniquement sur les Palestiniens, vous n’aurez pas la paix au Moyen-Orient. Le problème du Golan6 représente, comme je l’ai dit, le fond du sujet, et à partir de là, tous les autres détails sont faciles à résoudre. » (p.133) Et comme après avoir un peu développé il enchaîne : « Pour en revenir à la question des locaux autorisés aux Palestiniens, puisque vous l’évoquiez… » Powell lui coupe la parole, témoignant du caractère crucial du sujet pour ses employeurs : « Au sujet des locaux, il faut les fermer et leur interdire de rouvrir sous d’autres enseignes et en d’autres lieux. Il faut clore cette affaire de permanences qui ont causé pas mal de problèmes à tous. Et si vous consentez à faire quelque chose de concret en la matière, cela aura une grande signification, non seulement aux yeux des milieux politiques de notre administration et de la capitale américaine, mais aussi un impact significatif eu égard au processus de paix au Moyen-Orient. Je crois personnellement que ceci conduira le Premier ministre Sharon à dire à son peuple que les choses sont en train de changer. Il ne faudrait donc pas sous-estimer cette disposition. » Il concède ensuite au président Assad que son raisonnement est juste sur les armes de destruction massive, tout en lui assurant, ce qui est cocasse avec le recul : « Je puis vous affirmer que nous aurons les moyens de prouver la justesse de notre cause, en ce qui concerne les armes de destruction massive irakiennes. » L’entretien se poursuit et Assad en vient à donner sa réponse concernant sa protection accordée aux militants Palestiniens : « Soyons clairs. Mon objectif n’est pas de gagner le soutien de l’administration américaine et de perdre en Syrie. Nous sommes incapables d’expulser maintenant les dirigeants palestiniens ; nous pouvons traiter de leur visibilité médiatique, mais nous ne les expulserons jamais. Je crois que vous pouvez comprendre cet aspect. » (p.135) Et comme Powell revient à la charge sur le même thème, Assad synthétise : « Ce qui vous concerne en Amérique se résume, pour l’essentiel, dans l’affaire des locaux, alors que pour nous, l’essentiel réside dans la paix. » (p.137)
Sami Kleib synthétise logiquement : « Cette rencontre décisive entre Al-Assad et le secrétaire d’État américain révèle qu’à travers la guerre contre l’Irak, les USA mettent les intérêts d’Israël au centre de leurs préoccupations. (…) Il nous suffit de voir, à titre d’exemple, combien de fois Powell a évoqué la question de la permanence palestinienne durant cet entretien, censé être le premier du genre et le plus important entre un responsable américain et le président syrien immédiatement après l’invasion de l’Irak, pour comprendre le but ultime des États-Unis. » L’auteur souligne également qu’« il est aussi important, pour comprendre la mentalité de l’émissaire américain et les menaces qu’il adressa au président, de signaler qu’il n’a pas remercié la Syrie, tout au moins dès le début de son intervention, pour la collaboration en matière de sécurité ; ce qui amena Assad à lui rappeler que son pays a contribué à sauver la vie de citoyens américains. Ce n’est qu’alors qu’il a dû le reconnaître. Plus encore, il a retiré toutes les accusations formulées à l’encontre de la Syrie au sujet d’un transfert d’armes dont celles de destructions massives ; ce qui signifiait que cette question était déjà passée au second plan, contrairement à toute la campagne qui avait été menée à son sujet tambour battant, au point où elle avait constitué le premier prétexte de la guerre. » (p.142) Mais les dés étaient pipés dès le départ : « En dépit de la reconnaissance qu’Al-Assad avait raison au sujet du transfert des armes de destruction massive et bien qu’il ait annoncé ouvertement le retrait de la Syrie du Liban, le Congrès s’est tout de même empressé de voter la Syria accountability act (Cf note 4 pour bien prendre conscience du caractère délirant de cette loi). (…) La rencontre avec Al-Assad et le vote de la loi sur la Syrie, furent suivis d’une politique d’affaiblissement délibéré de la Syrie et de son rôle au Moyen-Orient. Cependant personne ne soupçonna que cette destruction adviendrait huit ans plus tard, de l’intérieur et de manière systématique. »
Et l’on est tenté d’ajouter : le verbatim de cette entrevue entre Bachar Al-Assad et Colin Powell constitue un nouvel étai très solide à l’appui de la thèse qui tend à s’imposer ces dernières années7 : depuis l’arrivée des néoconservateurs au pouvoir en novembre 2000, la politique étrangère des États-Unis au Levant est de plus en plus étroitement contrôlée par Israël, et les attentats du 11 septembre 2001 ne sont l’œuvre, ni d’une bande de terroristes islamistes dirigés par ben Laden depuis des grottes d’Afghanistan, ni d’une équipe de patriotes étasuniens dirigés par le subtil George W. Bush, mais d’Israël et de sayanim8 – c’est-à-dire des traîtres à la solde d’Israël – hauts-placés dans l’administration Bush et à des postes-clés dans les médias, les services de renseignement et sur le site du World Trade Center. De même qu’il n’y a aucune logique dans le ciblage de l’Irak de Saddam Hussein immédiatement après les attentats, avec la campagne l’accusant de collaborer avec al Qaida et de détenir des armes de destruction massive, il n’y en a aucune non plus dans celui de la Syrie, qui a honnêtement joué le jeu de la lutte contre le terrorisme, comme le reconnaît Powell lui-même à la fin de l’entretien… à moins d’envisager une autre hypothèse qui a le mérite de la cohérence à défaut de sauter aux yeux : comme l’Irak de Saddam Hussein et la Syrie de Bachar el-Assad, en n’oubliant pas la Libye de Mouammar Kadhafi qui a subi un sort comparable en 2011, étaient les deux entités politiques de poids les plus hostiles à Israël et son projet d’étendre durablement ses frontières dans la région, Israël a fomenté l’opération sous faux-drapeau des attentats du 11 septembre 2001 pour donner un prétexte aux États-Unis (que ce néo État contrôle) de projeter leur « hyperpuissance » en direction de ces pays lui étant hostiles.
L’entrevue avec Maurice Gourdault-Montagne et l’évolution des relations franco-syriennes
L’ouvrage de Sami Kleib permet aussi de bien mesurer l’évolution spectaculaire des relations franco-syriennes depuis la fin des années 1990 : franchement cordiales, voire quasi fraternelles lors du premier mandat de Jacques Chirac (1995-2002), elles ont inexorablement dérivé – par la volonté, la faute, ou l’inféodation du pouvoir français, cela dépend du point de vue – vers un antagonisme de plus en plus tranché, ouvert, et irréconciliable, comme nous l’avons détaillé dans un précédent article portant sur l’avenir des relations diplomatiques entre la France et la Syrie.
Sami Kleib rappelle que dans ses mémoires, Jacques Chirac raconte « comment Hafez Al-Assad l’avait chargé de la mission de veiller sur son fils : « Bachar est comme ton fils, tu devras donc le traiter comme tel », m’avait déclaré Hafez Al-Assad, peu avant sa mort en juin 2000. » (p.96) Jacques Chirac a ainsi été le seul chef d’État occidental à se déplacer en Syrie pour assister à ses obsèques, et dès l’accès de Bachar au pouvoir, « la France [a] envoyé des émissaires et de l’assistance au jeune président, au point où l’on a parlé d’une relation stratégique entre la France et la Syrie ; dans tous les domaines de coopération, à l’exception de la « haute technologie », au sujet de laquelle Israël et les États-Unis opposaient leur refus. » (p.97) L’invasion de l’Irak par les États-Unis en mars 2003 marque un tournant. Suite à la menace de veto au Conseil de sécurité des Nations unies posée par Jacques Chirac, Washington exerce d’énormes pressions sur Paris, et le pouvoir français est obligé de prendre ses distances avec Damas. Sami Kleib évoque également « la dégradation des rapports de [la Syrie] avec son ami Rafiq Hariri et son refus de signer d’importants accords commerciaux » ( p.161). Le ton est toutefois encore cordial lorsque le président Chirac dépêche à Damas son conseiller diplomatique, Maurice Gourdault-Montagne, rencontrer Bachar el-Assad à Damas en novembre 2003. L’envoyé du président français annonce que ce dernier ne respectera pas la Syria accountability act à la veille d’être votée aux États-Unis : « des sanctions sont stipulées dans cette loi que de nombreux pays refuseront d’appliquer. En ce qui concerne la France, le président Chirac a assuré qu’[ils] n’accepteraient pas que la Syrie soit sanctionnée » (p.168). Il affiche crûment les ambitions des États-Unis : « L’ambition des USA est d’établir dans la région des régimes politiques qui lui soient favorables et qu’ils décrivent comme démocratiques. Au cours d’un dîner à la fin du mois de septembre dernier, Mme Rice a expliqué qu’un Irak démocratique aura le même impact positif que l’Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale en 1945, et ce grâce aux Américains. Par ailleurs, il y a Israël et vous êtes là aussi en première ligne. Israël est convaincu que son insécurité vient de la Syrie. Les États-Unis partagent la même analyse. Ils ne contredisent jamais les Israéliens. » (idem) On a donc la confirmation d’une source française du plus haut niveau de la main mise d’Israël sur la politique étrangère étasunienne, qu’ont révélée dans le détail en 2007 John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt dans Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine. L’envoyé de Chirac lui propose alors de participer à une initiative diplomatique conjointe avec l’Allemagne et la Russie, qui serait de nature à tempérer le bellicisme anti-syrien de la Maison blanche : « En vérité, nous pensons qu’il faudrait qu’il y ait une initiative qui vous protège de toute agression éventuelle et apporte en même temps à la Syrie les avantages et les bénéfices auxquels elle aspire. (…) ce soutien ne se limiterait pas uniquement à la France, mais il impliquerait l’Allemagne et la Russie. (…) Je suis ici en mesure de m’exprimer au nom des trois présidents. » Le président Assad commence ainsi sa réponse : « Concernant la première partie de votre analyse de la situation américaine, nous sommes tout à fait d’accord avec vous ; nous considérons même que la situation est pire que celle que vous avez décrite. Si les États-Unis s’engagent davantage qu’ils ne l’ont fait, ils pourront porter la bataille ailleurs et, en l’occurrence, en Syrie. (…) Avant d’aborder la deuxième partie dans laquelle vous développez l’idée de la nécessité de prendre une initiative pour éviter cette situation dangereuse, de savoir de quels moyens nous disposons et quelle serait la nature de notre action, laissez-moi vous exposer brièvement ce que j’ai échangé à ce sujet avec les Américains d’autant que le problème, à l’origine, est un problème syro-américain. Sans comprendre la situation américaine, nous ne pouvons entreprendre aucune initiative. » Il lui rappelle les exigences formulées par Colin Powell : « la Syrie a fait savoir ce qu’elle veut tandis que nous ignorons toujours ce que veulent les États-Unis. A propos des Palestiniens, ils ont exigé que nous fermions leurs permanences et expulsions leurs dirigeants vivant en Syrie ; ce qui est une ingérence injustifiée et inadmissible dans nos affaires intérieures. Il s’agit donc en premier lieu de définir l’objectif que se fixent les Américains de sorte qu’aucune de leurs exigences ne soit occultée, afin que nous sachions à l’avance où mènerait le chemin. » Le président Assad lui fait comprendre que ce sont les États-Unis qui dans tous les cas sont les maîtres du jeu, comme pour l’Irak où le rapprochement entre la France, l’Allemagne et la Russie n’a finalement pas pesé bien lourd au final ; des États-Unis qui sont eux-mêmes sous influence… « à quelle administration avons-nous affaire ? ajoute-t-il. Il semble qu’il y ait de multiples administrations aux États-Unis. Traitons-nous avec le président ? Avec le département d’État ? Ou encore avec le Pentagone ? A qui avons-nous affaire ? De là, passons à un troisième point : quel est l’impact des élections sur tout cela ? Le président Bush a en ce moment besoin des votes juifs. Même s’il est actuellement en position dominante, le lobby juif américain restera au moins aussi puissant qu’il l’est, encore une année, c’est-à-dire d’ici la fin des élections. C’est pour cette raison que j’ai dit à William Burnes [NDA : l’actuel directeur de la CIA (depuis 2021), qui était présent lors de l’entrevue entre Assad et Powell], lors de ma dernière rencontre avec lui, ce que vous venez nous dire : « nous allons faire ceci et cela, entendons des actions positives envers la Syrie. Êtes-vous réellement maîtres de la situation au niveau de l’administration américaine actuelle ? Vous n’êtes pas sans savoir que le lobby juif vous impose sa volonté ». » (p.172) William Burnes ne semble pas l’avoir contredit, et l’on ne trouve pas trace dans le verbatim de l’entrevue avec Gourdault-Montagne d’une quelconque réserve émise par ce dernier. Mais Jacques Chirac, explique Sami Kleib, avait déjà décidé de se rapprocher des États-Unis : « Bush et Chirac lancèrent la bataille pour l’affaiblissement d’Al-Assad pour qu’il se retire du Liban puis anéantir très probablement son rôle en le confinant à la seule Syrie. Al-Assad qui avait profité largement de l’aide française pour développer l’administration syrienne et joui du soutien de son parrain Chirac sur le plan international, s’était rendu compte par l’intermédiaire de rapports secrets que Paris, Washington et Hariri, préparaient un complot contre son pouvoir avec l’aide de quelques anciens poids lourds du régime syrien. Tout ce qui venait donc de Paris après l’invasion de l’Irak était reçu avec une méfiance profonde. » (p.180) La rupture définitive survient en février 2005 avec l’assassinat de Rafiq Hariri, Jacques Chirac prenant immédiatement parti pour la version accusant le pouvoir syrien d’en être le commanditaire9. Puis les néoconservateurs français sont parvenus au pouvoir – phénomène à peu près général en Europe – avec Nicolas Sarkozy, que le pouvoir syrien identifia rapidement comme tel : « Lorsque Nicolas Sarkozy est arrivé au pouvoir, il ne cachait pas son admiration pour les États-Unis et Israël, mais il souhaitait tourner la page Chirac avec Al-Assad. Sarkozy voulait également jouer le rôle de pivot entre les Arabes et Israël, comme le faisait, avant lui, le président Mitterrand, tout en insistant sur le rôle destructeur de l’Islam dans la région. Ce que Sarkozy déclarait à l’adresse de l’Iran ressemblait beaucoup à ce qu’il essayait de faire passer aux responsables syriens, soit dans les rencontres directes, soit par l’intermédiaire de ses émissaires. L’Iran et l’alliance avec le Hezbollah figuraient dans toutes les communications de Sarkozy en direction de la Syrie : ce qui incita Al-Assad et son équipe à les assimiler à celles bien connues des États-Unis et d’Israël. Ainsi débuta la période des doutes et de l’appréhension. » (p.180) Et la présidence de Hollande n’apporta aucun « changement » : « La même logique se poursuivit avec l’arrivée à la présidence de la République du socialiste François Hollande. Il apparut alors au grand jour avec quelle virulence la France s’opposait à l’accord irano-occidental alors que l’Allemagne durcissait également ses positions mais dans l’ombre. Dépassant tous les présidents qui l’ont précédé à l’Élysée, Hollande tissa des relations commerciales, économiques et militaires beaucoup plus importantes avec les pays du Golfe. Ce rapprochement significatif avec ces pays fit que Hollande avec ces alliés fut beaucoup plus dur avec l’allié arabe numéro 1 de l’Iran au Moyen-Orient, Bachar al-Assad. » (p.181)
Maurice Gourdault-Montagne a rendu compte de son entretien secret avec Bachar el-Assad dans ses mémoires publiés en 2022 aux éditions Bouquins : « Je m’attendais à ce qu’il soit intéressé par les idées que je développais, au nom de Jacques Chirac et des leaders de trois grands pays. J’insistai sur la souveraineté de la Syrie et sur toute initiative qu’il pourrait prendre sans en pointer aucune en particulier. Je ne lui ai ainsi jamais suggéré, contrairement à ce qui a été rapporté à l’époque, d’abandonner le Golan ou d’aller en Israël. Nous savions que c’était un « non starter ». J’eus très vite l’impression qu’il ne m’écoutait pas vraiment. En guise de réponse, il me tint un long monologue, dont l’obsession de la reconnaissance américaine était le sujet central. « Êtes-vous ici au nom des Américains ? Venez-vous avec un message de leur part ? Je discute avec les Américains, ce qui m’intéresse, c’est la reconnaissance des Américains », me dit-il. A aucun moment je n’eus l’impression qu’il avait pris la mesure des bouleversements du monde qui l’entourait et des opportunités qu’ils lui offraient de moderniser son pays en l’intégrant sur la scène internationale. Ou alors, s’il devinait confusément l’ampleur de la vague, il refusait d’en tirer les conséquences, préférant se recroqueviller sur lui-même. Au fond, ce qui l’intéressait était la seule Syrie et la pérennité des fondamentaux du régime. » (p.130 de ces mémoires) En effet, l’initiative des « trois grands pays » est rapportée, et en effet Gourdault-Montagne n’a pas suggéré d’abandonner le Golan, pour le reste ce résumé lapidaire de l’entretien et de la position de Bachar el Assad est lacunaire et caricatural : il conforte la vision médiatique d’un « régime syrien » autistement agrippé à son nid d’aigle, d’un dictateur grossier et animé par des obsessions anachroniques, tout en donnant un semblant de justification à la guerre qui sera déclenchée huit ans plus tard, à laquelle il ne consacre pas une ligne sur 400 pages de mémoires, alors qu’il aborde largement l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Pas une ligne non plus dans ces mémoires sur l’influence déterminante d’Israël sur la politique étrangère étasunienne, qu’il a lui-même évoquée devant Assad, ce dernier développant crûment en écho ce facteur fondamental : au moins sur ce point, Maurice Gourdault-Montagne n’est pas franc du collier.
Recension du livre de Sami Kleib
Le lecture de cette poignée d’extraits, qui ne sont qu’un échantillon limité à deux entretiens, suffit à la rigueur pour comprendre pourquoi cet ouvrage n’a fait l’objet d’aucune recension en France. Outre le camp dans lequel son auteur s’est délibérément placé au premier plan, du début des « Printemps arabes » fin 2010 à la fin de l’année 2019, ces entretiens révèlent sans fard un phénomène relevant du tabou religieux dans l’hexagone en particulier et dans les pays de la zone OTAN en général, à savoir la prise de contrôle de la politique étrangère des États-Unis et de ces pays par Israël et les lobbies ad hoc qui y sont enkystés. Son second péché impardonnable est de révéler un Bachar el-Assad aux antipodes de la caricature hitléroïde inlassablement colportée dans les médias depuis les douze années qu’ont commencé la guerre : fin diplomate, habile dialecticien, excellent connaisseur des dossiers, apparemment soucieux du bien et de l’honneur de la Nation arabe, équanime et sans écart de langage, plutôt séduisant en comparaison d’interlocuteurs souvent retors, parvenus, et de mauvaise foi. Ce Bachar el-Assad-là, nul en zone OTAN ne doit avoir la moindre idée de son existence, et le livre de Sami Kleib se pose bel et bien comme une réhabilitation particulièrement convaincante du président syrien, dont il retrace l’enfance, la formation, le parcours, et les premiers pas comme président dans les 60 premières pages de son ouvrage.
La longue expérience de Sami Kleib en France, à Radio France International et Radio Monte Carlo, et aux côtés des présidents français à l’occasion de leurs voyages officiels dans le monde arabe, suggère toutefois, que – contrairement à d’autres ouvrages sur le même sujet et à l’angle d’attaque comparable, dont ceux de votre serviteur, qui ont pu échapper à l’attention des journalistes chargés de traiter ces thématiques10 – on imagine mal que la parution de Syrie : documents secrets d’une guerre programmée, soit demeurée complètement inconnue dans les milieux que son auteur a fréquentés dans une autre existence. On doit indiquer que ce livre, qui a reçu le premier prix du Salon international du livre arabe de Beyrouth en 2016, est l’un des plus vendus dans le monde arabe, alors qu’en France, faute de couverture médiatique, il stagne à sa première édition, et demeure inconnu des médias alternatifs ou indépendants. Dans cet autre monde il en est à sa seizième édition.
L’intention de censure est donc indéniable, et l’on est en droit de considérer, puisqu’il n’a été contesté sur aucun point, que l’essentiel sinon la totalité de ce qui y est dit, sur les causes de la guerre en Syrie et la réalité de la personne de Bachar el-Assad, est véridique.
Nous clorons cette recension en évoquant un contre-exemple amusant montrant qu’il était tout à fait à la portée d’un journaliste « français » du XXIème siècle d’exhumer des documents secrets sur le « clan Assad » et la guerre en Syrie, pour en tirer des articles sensationnels propre à édifier le grand public. C’est ainsi qu’en mars 2012, l’ensemble des médias subventionnés s’est avidement emparé, pour les relayer avec une joie mauvaise, d’un corpus de quelque 3000 courriels – révélés par le Guardian britannique –échangés de juin 2011 à février 2012 entre le couple syrien et une partie de son entourage, qui auraient été piratés par des opposants. Voici un échantillon de titres d’articles avec les liens hypertextes correspondants.
- Le Monde : la petite cour des Assad révélée par ses courriels
- Le Figaro : Les e mails édifiants du couple Assad
- L’Express : Syrie, comment le Guardian s’est-il procuré les mails d’el-Assad ?
- Le Point : Syrie, les « mails secrets » du couple Assad
- Le Devoir : La vie secrète de la famille Assad
- Le Journal du Dimanche : Syrie, des mails attribués à el-Assad révélés
C’est ainsi que Bachar el-Assad, « désinvolte et confiant », « totalement coupé des réalités » a reçu des conseils de l’Iran « allié infaillible du régime », ce qui est évidemment une honte. Fait par ailleurs ignoble et sans précédent dans l’histoire des États, il est visiblement assisté par des conseillers en communication pour ses prises de parole publiques relatives à la crise. Suivant leurs conseils, il serait tenté de « renforcer sa politique sécuritaire pour restaurer le contrôle et l’autorité de l’État », ou encore de « laisser filtrer davantage d’informations sur [leurs] capacités militaires ». Les articles font la part belle à Asma el-Assad, la femme du président, qui serait une « Marie-Antoinette orientale », ayant « la passion des achats en ligne ». « La première dame a dépensé des milliers de dollars en bijoux, meubles de luxe, escarpins Louboutin, œuvres d’art, vestes pare-balles. » En décembre 2011, elle ose écrire la chose suivante à son mari, au moment où les observateurs de la Ligue arabe se trouvent à Homs, l’un des points chauds de la guerre naissante : « Si nous sommes forts ensemble, nous triompherons de cela ensemble. », et pousse le bouchon jusqu’à conclure : « Je t’aime. » Quelques auteurs de ces articles sont obligés de reconnaître qu’on ne peut trouver aucun « gros morceau » dans ces milliers de mails. « Il n’y a aucune allusion aux questions sécuritaires, probablement traitées oralement ou dans d’autres cercles ». « Les opposants, qui espéraient en piratant ces mails, découvrir des détails cruciaux sur les opérations militaires du régime en ont été pour leurs frais. » Pire, il n’est même pas sûr que ces mails soient authentiques, de l’aveu-même du Guardian : « Il est impossible d’écarter totalement la possibilité de faux. »
Signalons que le nom de Sami Kleib apparaît dans l’un de ces articles de propagande, sous la plume de Christophe Ayad, fidèle médiatique anti régime depuis douze ans11 : « L’équipe de conseil de Bachar Al-Assad semble essentiellement féminine, jeune, et inexpérimentée. Trois femmes prévalent. Luna Chebel, une ancienne présentatrice d’Al-Jazira et l’épouse du journaliste vedette Sami Kleib, qui travaille actuellement à un projet de télévision pro syrienne à Beyrouth, est la plus sérieuse et la plus engagée. »
Après avoir publié deux ouvrages et de nombreux articles sur le sujet, je dois dire, avec le recul de douze années, que cette campagne médiatique anti Assad – qui m’avait jusqu’alors échappé – est l’une des plus ridicules qu’il m’ait été donné de découvrir : de l’art de mimer un big bang à partir d’une poignée d’atomes insignifiants dont on ne sait même pas au fond s’ils ont une existence. On est à des millions d’années lumière des verbatims des entrevues au plus haut niveau proposées et commentées par Sami Kleib ! Ironie de l’histoire, le seul élément concret faisant référence à la crise, la visite des inspecteurs de la Ligue arabe à la fin de l’année 2011 en Syrie, où comme de juste ils auraient navigué de bain de sang en bain de sang, forcément versé par le « régime », s’avère aujourd’hui, avec le recul des années, comme l’un des plus grands scandales de l’histoire de l’organisation, puisque le rapport final de cette visite était globalement favorable aux autorités syriennes, et que les membres de la Ligue arabe ont été obligés de l’enterrer eux-mêmes, le 24 janvier 2012, pour pouvoir suspendre l’adhésion de la Syrie. Nous renvoyons le lecteur aux deux entretiens de Bachar el-Assad avec le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil el-Arabi le 13 juillet 2011 (p.251 à 257), et avec le Comité d’initiative arabe le 26 octobre 2011 (p.269 à 315), qui mettent en lumière l’ambiguïté, sinon la duplicité de certains États membres argentés de l’organisation, comme le Qatar et l’Arabie saoudite. A ce propos Sami Kleib rapporte une anecdote ultérieure saisissante : « c’est ben Jassem [NDA : le ministre des affaires étrangère du Qatar, principal interlocuteur de Bachar el-Assad lors de l’entretien avec le comité de l’initiative arabe du 26 octobre 2001 (p. 269 à 313)] qui va révéler lui-même, en 2017, l’implication de son pays ainsi que celle de ses voisins dans l’armement des combattants anti-Assad, en usant d’une métaphore qui en dit long sur son savoir et sa culture : « Nous nous sommes battus avec les Saoudiens pour chasser le gibier syrien« . C’est ainsi qu’un grand et ancien pays comme la Syrie se transforma en un simple gibier sur l’échiquier des deux pays du Golfe. Mais la ruse de l’histoire est encore plus douloureuse, qui fait du chasseur, à son tour le gibier chassé12 : quelques années plus tard, ces pays qui ont tourné leurs armes contre la Syrie les ont pointés les uns contre les autres. » (p.313)
Laissons le mot de la fin à Sami Kleib : « La guerre syrienne s’achèvera bientôt, Assad est toujours au pouvoir, l’opposition a gravement perdu son pari, les Occidentaux ont laissé la place à la Russie. Chacun regagne donc sa place comme si de rien n’était. Sauf qu’entre-temps, un pays a été détruit et des centaines de milliers de morts, de blessés et de réfugiés ont déjà été oubliés et ajoutés à d’autres oubliés, en Palestine, en Irak, au Yémen, en Libye et ailleurs, enfuis dans les entrailles de cette sombre et douloureuse histoire du Moyen-Orient. Les pays occidentaux qui portent la lourde responsabilité de tant de morts, de tant de destructions et de tant d’injustices, se sont contentés d’organiser des élections hautement démocratiques, de changer leurs gouvernements et de tourner la page sur les crimes des précédents !!! Mais un jour, l’histoire interpellera Marianne sur ce qu’elle a fait, ou sur ce qui a été fait en son nom ! » (p.384) Nous sommes en 2023 et cette prophétie est plus pertinente que jamais.
François Belliot, février 2023
Notes
1 Dans tout ce paragraphe nous simplifions l’histoire. Ainsi, la première nuit d’observation, Galilée n’en découvrit que trois. Le quatrième satellite lui apparut les jours suivants.
2 La sonde Pioneer 10 a été lancée le 2 mars 1972 et est passée à 130 354 km de la planète le 3 décembre 1973. Pioneer 11 a été lancée le 5 avril 1973 et est passée à 43 000 km de la planète début décembre 1974. Voyager 2 a été lancée le 20 août 1977 et a survolé la planète le 9 juillet 1979 à 71 400 km de distance. Voyager 1 a été lancée le 5 septembre 1977 et a survolé la planète le 5 mars 1979 à une distance de 350 000 km.
3 Il s’agit de la distance la plus faible, qui a été enregistrée le 20 août 2021. La distance la plus élevée entre la Terre et Jupiter est de 900 millions de km.
4 Adoptée par le Sénat étasunien le 12 décembre 2003, par 89 voix contre 4, la « loi pour la responsabilité de la Syrie et sur la souveraineté du Liban » prévoit des sanctions économiques et diplomatiques contre la Syrie. En voici le détail, dont nous soulignons quelques points saillants : Dans son préambule, cette loi énonce que – « Le gouvernement syrien est actuellement privé de l’aide américaine en raison de son soutien aux actes de terrorisme ». – « La résolution 520 du Conseil de sécurité appelle au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Liban, ainsi que de son unité et de son indépendance. Alors même que 20 000 soldats syriens occupent une large partie du territoire libanais et exercent une influence directe sur le gouvernement et ses décisions politiques. » – « La Syrie n’autorise pas le Liban à appliquer la résolution 425 du Conseil de sécurité qui l’oblige à déployer son armée au Liban-Sud. » – « Le 12 février 2003, le directeur de la CIA George Tenet a affirmé que le Hezbollah, soutenu par la Syrie et l’Iran, est une organisation qui a une capacité d’action internationale, et de ce fait elle représente une menace égale, sinon supérieure, à celle d’al-Qaïda. » – « Le gouvernement syrien développe un arsenal d’ADM biologique et chimique ainsi qu’un programme de recherche et de développement nucléaire qui représente une source de menace pour les USA. » – « La Syrie a procédé, à l’époque du régime de Saddam Hussein, à des importations illégales du brut irakien représentant une valeur de 2 millions de dollars par jour. » Le Congrès recommande par ailleurs : – « Le gouvernement syrien doit immédiatement affirmer son intention de retirer complètement ses troupes du Liban et fixer un calendrier pour ce retrait. » – « Le gouvernement libanais doit appliquer la résolution 520 qui le presse de déployer ses troupes au Liban-Sud et doit déloger toutes les forces terroristes, comme le Hezbollah et les Gardiens de la Révolution iranienne. » – « Les gouvernement libanais et syrien doivent entamer incessamment des négociations de paix avec Israël. » – « Le gouvernement US doit continuer à fournir une aide humanitaire et une assistance à l’éducation pour le peuple libanais. Cette aide doit se faire exclusivement par le biais d’organisations privées ou non gouvernementales. » – « La Syrie ne devrait pas siéger (au) ou présider le Conseil de sécurité et doit être exclue de ce Conseil. » A titre de sanctions, elle enjoint le président des États-Unis à – « Interdire les exportations (US) de tout produit vers la Syrie, ou accorder toute autorisation d’exportation vers la Syrie. » – « Appliquer deux ou plus des sanctions susmentionnées : 1 – « Interdire l’exportation des produits US (à part les produits alimentaires et pharmaceutiques). » 2 – « Interdire les investissements US en Syrie. » 3 – « Limiter les déplacements des diplomates syriens dans un rayon de 40 km autour de Washington DC ou autour du QG des Nations unies à New York. » 4 – « Réduire les relations diplomatiques US avec la Syrie. » 5 – « Geler les avoirs et les transactions ayant rapport avec le gouvernement syrien. » La scélérate loi César de fin 2019 est en germe dans la loi sur la Syrie d’avril 2003.
5 Présentée le 30 avril 2003 par l’administration Bush, la « feuille de route » visait à parvenir à la paix et la naissance d’un État palestinien viable d’ici 2005, à côté d’Israël, conformément à la vision de deux États ; plus généralement au règlement définitif du « conflit israélo-palestinien », pour reprendre l’expression consacrée. Les conditions posées par Israël étaient de mettre immédiatement fin à la violence et la reprise de la coopération sécuritaire avec Israël, la reconnaissance du droit d’Israël à exister en paix et en sécurité. Les Palestiniens devaient mettre en place des structures démocratiques procéder aux arrestations de ceux portés à poursuivre la violence et détruire les infrastructures des groupes armés. En échange l’État hébreu s’engageait à geler les colonisations. Élaborée en décembre 2002 par le quartette (États-Unis, Russie, Union européenne, ONU), elle n’a jamais été mise en œuvre. La feuille de route a été de fait rendue caduque le 11 juin 2003, quand l’armée israélienne a tenté d’assassiner le chef du Hamas dans la bande de Gaza, Abdelaziz al-Rantissi, en tirant cinq missiles depuis des hélicoptères sur le véhicule qui le convoyait.
6 Le plateau du Golan est un territoire syrien occupé par Israël depuis le 9 juin 1967, suite à la guerre des six jours. Il a été annexé le 14 décembre 1981 via une loi votée par la Knesset, reconnue aujourd’hui encore par les seuls États-Unis, et ce seulement depuis mars 2019. La récupération de ce territoire est une condition sine qua non posée par le pouvoir syrien pour envisager l’amorce d’une normalisation des relations avec Israël. Comme son père avant lui, Bachar el-Assad se montre d’une intransigeance absolue sur cette question.
7 On peut lire à ce propos (en français) Hicham Hamza, Israël et le 11 septembre, le grand tabou, 2013 ; Laurent Guyénot, JFK, 11 septembre, 50 ans de manipulations, Blanche, 2014. Laurent Guyénot a également publié plusieurs articles fondamentaux immédiatement consultables sur le site d’Égalité & Réconciliation : « La double imposture du 11 septembre » (en 4 parties, novembre 2014) « Dix-huitième anniversaire du 11 septembre : relire l’article « de l’hypothèse interne à l’hypothèse israélienne » » « 11 septembre : l’hypothèse d’une opération du Pentagone doublée par Israël » (22/01/2023). Signalons également son documentaire « Le 11 septembre et le grand jeu israélien », publié le 11/09/2021. Nous renvoyons par ailleurs à notre article « 11 septembre et massacre de Charlie Hebdo : ressemblance ou filiation ? » (02/09/2021).
8 Les sayanim sont des juifs de la diaspora recrutés par le Mossad pour l’assister dans ses opérations à l’étranger. Il existe des réseaux de sayanim dans tous les pays où une communauté juive importante est installée (par exemple France, Royaume-Uni, Argentine, États-Unis). Pour plus détails, lire Gordon Thomas, Histoire secrète du Mossad. Ils sont sélectionnés en considération de leur attachement inconditionnel envers Israël. Recrutés dans toutes les professions (banquiers, promoteurs immobiliers, médecins, etc), ils constituent un vivier de collaborateurs (c’est le sens du mot sayanim) susceptibles de rendre ponctuellement toutes sortes de services. Les sayanim sont par ailleurs extrêmement présents dans les médias de masse, un fort bataillon de sayanim dans ce milieu professionnel à des postes clés permettant d’influencer l’opinion publique dans l’intérêt d’Israël. Les sayanim sont aisés à reconnaître car ils prennent toujours position en faveur d’Israël et censurent ou diabolisent ceux qui sont critiques envers ce pays ou ce qui touche à ses intérêts. Sur le rôle des sayanim dans la mise en œuvre des attentats du 11 septembre 2001, nous renvoyons à l’ouvrage de Laurent Guyénot : JFK, 11 septembre, 50 ans de manipulations, Blanche, 2014.
9 Lire par exemple « Chirac veut « toute la lumière » sur l’assassinat de Rafiq Hariri », dans l’Obs du 21 février 2005. Dans ses mémoires l’ancien président français a reconnu : « Même si je n’avais pas de preuves concluantes, je ne doutais pas de la responsabilité d’Al-Assad dans le meurtre de Rafiq Hariri. Le lendemain de l’assassinat, j’ai demandé à Jean-Marc La Sablière, ambassadeur de la France auprès des Nations Unies à l’époque, de faire tout son possible afin d’établir une commission d’enquête internationale le plus tôt possible pour dévoiler les auteurs de l’assassinat. »
10 C’est l’occasion de citer, et de recommander la lecture, dans l’ordre alphabétique de François Belliot, Guerre en Syrie (volumes 1 et 2), Sigest, 2015 & 2016 ;Maxime Chaix, La guerre de l’ombre en Syrie, Erickbonnier, 2019 ; Jean-Loup Izambert, Crimes sans châtiment, 20 cœurs, 2013 & 56 : l’État français complice de groupes criminels, IS Édition, 2015 ; Bahar Kimyongür, Syriana, Investig’action, 2012 ; Michel Raimbaud, Les guerres de Syrie, Éditions Glyphe, 2019 ; Jean-Michel Vernochet, Retour de flamme, les banlieues de Damas, matrices du terrorisme qui frappe l’occident, Sigest, 2016.
11 Pour en avoir une idée, nous renvoyons à notre compte-rendu d’« Un débat truqué à l’Institut du Monde Arabe le 24 février 2013 ».
12 Le 5 juin 2017, l’Arabie saoudite, Bahreïn, l’Égypte et les Émirats arabes unis rompent leurs relations diplomatiques avec le Qatar, l’accusant de « soutien au terrorisme ». Après avoir envisagé d’envahir militairement le micro État gazier, ils se ravisent sous la pression étasunienne. La réconciliation a tout de même eu lieu le 4 janvier 2021. Catégories