Israël : vers l’éviction tant attendue de Netanyahu ou vers l’accession des sicaires au pouvoir ?

Par Claude Timmerman – 29 mars 2021

Illustration : Force juive – Der Spiegel

Biologiste : zoologie, paléontologie, génétique et génétique des populations ; démographe; statisticien : modélisations et statistiques biologiques et critique des méthodologies médicales. Spécialiste des questions environnementale et de l’analyse de l’Évolution. Analyste de la surpopulation et des effets de la densification humaine croissante sur le milieu, notamment de son impact sur les espèces aujourd’hui en voie de disparition. Catholique traditionaliste, il s’est beaucoup intéressé au monde coranique et à la civilisation islamo-perse d’Asie Centrale. Auteur : Judéo-christianisme – Travestissement historique et Contre-sens idéologique.

La crise politique israélienne, reflet d’une crise économique et sociétale, n’en finit pas de rebondir d‘élection en élections depuis plus de deux ans ! Il n’existe plus de majorité claire à la Knesset permettant l’existence d’un gouvernement stable.
Benjamin Netanyahu, président du Likoud, le parti national-conservateur, est Premier ministre d’Israël de 1996 à 1999 (où il quitte le pouvoir, à la suite de sa défaite face au leader travailliste Ehud Barak).
En 2002, il retrouve une position de force en étant nommé ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement d’Ariel Sharon, qui lui confie l’année suivante le ministère des Finances.
À la suite des élections législatives de 2009, il forme un nouveau gouvernement, dans lequel il accorde une place de choix aux nationalistes et aux religieux ultra-orthodoxes. En plus de la fonction de premier ministre, il assumera en parallèle successivement ou de façon concomitante plusieurs portefeuilles ministériels ! (Logement, Affaires religieuses, Justice, Finances, Affaires étrangères, Santé, Immigration, Défense, etc.).
Il est reconduit à la suite des élections législatives de 2013 puis à nouveau après celles de 2015.
Sioniste pur et dur, il encouragera l’implantation des colonies israéliennes, s’opposera à toute reconnaissance d’un état palestinien et fera voter :

  • la loi dite du « vol des terres ». https://www.leparisien.fr/international/israel-le-parlement-vote-une-loi-accusee-de-favoriser-le-vol-des-territoires-palestiniens-07-02-2017-6661605.php
  • la loi dite d’exclusion racialiste « Israël État-nation du peuple juif ».
    « Israël est l’État-nation du peuple juif dans lequel il réalise son droit naturel, culturel, historique et religieux à l’autodétermination »
    https://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2018/07/19/israel-la-loi-sur-l-etat-nation-adoptee-a-la-knesset_5333366_3218.html
    Plus récemment, grâce à Donald Trump il obtient le transfert de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem et la normalisation des relations d’Israël avec les états religieux musulmans les plus fondamentalistes du golfe (Emirats, Qatar)…

Bien que son parti, le Likoud, soit sorti victorieux des législatives d’avril 2019, Netanyahu ne parviendra pas à former une nouvelle coalition en raison de la défection du parti de droite dite « laïque » qui le soutenait jusque-là : Israel Beytenou (le parti d’Avigor Liebermann)
(La Knesset comptant 120 membres il faut donc une majorité minimale de 61 sièges.)

Il en sera de même après un nouveau scrutin en septembre suivant.
En novembre 2019, Netanyahu est le premier chef de gouvernement israélien en exercice à être inculpé, pour corruption, fraude et abus de confiance. Son épouse est également inculpée, pour recel et détournement de fonds, mais elle s’en tirera sans procès…
En mai 2020, à l’issue de nouvelles élections législatives, où le Likoud obtient 36 sièges Netanyahu forme un gouvernement d’union nationale avec son rival centriste Benny Gantz (Parti Bleu-Blanc – 33 sièges) qui échouera à maintenir sa cohésion lors du vote du budget.
Sur le plan intérieur la popularité de Netanyahu est alors en chute libre notamment depuis sa mise en examen et des nouvelles difficultés économiques que traversent le pays (crise de l’emploi, crise des salaires, etc.)
Très impopulaire dans les milieux « arabes », sa politique d’alliance systématique avec les fondamentalistes religieux lui vaut la haine des milieux juifs libéraux et plus encore des juifs laïcs.

Israël apparaît donc aujourd’hui clivé en deux blocs 

  • un bloc sioniste laïc libéral dit « de gauche » plutôt présent dans le nord du pays (« capitale » Tel Aviv)
    Depuis près d’un an les militants de cette mouvance multiplient les manifestations hebdomadaires anti-Netanyahu jusque devant sa maison, exigeant sa démission : ils considèrent que la présence de Netanyahu est l’obstacle majeur à toute réconciliation nationale.
  • un bloc fondamentaliste religieux dit « de droite » plutôt présent dans le sud du pays, à Jérusalem et bien évidemment dans les colonies de peuplement (légales ou non).
    Au-delà des idéologies politiques, ces élections virent donc au referendum pro ou anti Netanyahu !
    Deux fractions irréconciliables où le facteur religieux est devenu l’élément essentiel sont ainsi constituées.
    Le rabbinat (orthodoxe) n’entend pas voir rogner ses prérogatives et les dernières dispositions de la Cour Suprême accordant la reconnaissance de la judaïté d’un immigré par conversion d’instituts non orthodoxes n’ont pas contribué à arranger les choses !
    https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/societe/1614616130-la-cour-supreme-reconnait-les-conversations-non-orthodoxes-au-judaisme-effectuees-en-israel
    Les nouvelles élections de mars 2021 traduisent ce hiatus et montrent de surcroît une baisse très nette du Likoud au profit des extrémistes.
    Nous en sommes donc à la quatrième élection en deux ans!

Contrairement à la propagande distillée par ses partisans, les résultats de ces élections ne sont pas forcément bons pour Netanyahu !
Aujourd’hui le Likoud reste le premier parti du pays mais a perdu près 20% de ses sièges, et la coalition avec les partis de la droite religieuse qui avait permis la constitution des gouvernements précédents, sous la houlette de Netanyahu, ne compte plus que 52 membres.
D’un autre côté, le parti « Bleu et Blanc » de Benny Gantz – prônant la solution politique d’une Palestine à deux états et la création d’institutions israéliennes civiles tel le mariage laïque (seul le mariage rabbinique, donc juif, est reconnu jusqu’ici en Israël) – a éclaté et s’est effondré : il ne dispose plus que de 8 sièges.
Son partenaire de 2020 Yad Lapid a repris son autonomie et son parti a obtenu 17 sièges.
L’ensemble des deux comptabilise pourtant un revers sérieux, passant de 33 à 25 sièges, (en cumulé)…

En fait, peu de nouvelles têtes modérées apparaissent dans cette nouvelle élection, on notera cependant au parti travailliste l’élection de Gilad Kariv, le premier rabbin libéral à servir à la Knesset de toute l’histoire d’Israël.
Leader du mouvement réformé israélien et activiste de longue date pour la pluralité religieuse, Kariv se présente aux élections israéliennes depuis neuf ans – des tentatives restées vaines jusqu’à aujourd’hui.
Les députés ultra-orthodoxes ont déjà fait savoir qu’ils refuseraient de travailler avec lui, et Kariv a appelé à conclure un « nouveau pacte » avec la communauté haredi.

Mais la grande nouveauté de ces élections est l’entrée à la Knersset – grâce aux menées de Netanyahu qui espère pouvoir s’appuyer dessus – du parti des sionistes fanatiques, voire terroristes : les sicaires de Otzma Yehudit (Force juive)

La figure emblématique de son leader Itamar Ben-Gvir mérite qu’on s’y arrête.
Après avoir échoué à entrer à la Knesset lors de trois élections au cours des deux dernières années, Ben Gvir est aujourd’hui membre d’une faction qui a franchi le seuil électoral et a gagné 7 sièges !
En 1995, année de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, (l’artisan des accords d’Oslo de1993), Itamar Ben Gvir s’était déjà fait remarquer, en brandissant à la télévision israélienne le bouchon de radiateur d’une Cadillac, le véhicule de Yitzhak Rabin : « On est arrivés à sa voiture. On arrivera jusqu’à lui aussi ».

Violemment hostile à tout processus de paix avec les Palestiniens, il a pour modèles :

  • le rabbin Kahane fondateur aux USA de la Jewish Defense League, groupe activiste juif extrémiste religieux fondé en 1968, inscrit comme « groupe activiste d’extrême droite » et qualifié d’organisation terroriste par le FBI, puis du Kach en Israël ;
  • le terroriste Baruch Golstein, membre de Kach, responsable du massacre d’Hébron.

La JDL et le rabbin Kahane
Sous couvert de « lutte contre l’antisémitisme » la JDL a été impliquée dans divers attentats contre les intérêts de l’Union Soviétique et de multiples assassinats, notamment d’arabes résidants aux USA, ou de binationaux « arabes » américains dans les années 1980 à 2000.
Parmi les rares attentats dont les auteurs ont pu être nommément désignés, on peut citer :
Le 5 avril 1982, l’incendie un restaurant libanais à Brooklyn, faisant un mort et huit blessés
Le 11 octobre 1985 le meurtre d’Alex Odeh « arabe américain » assassiné par l’explosion d’une bombe déposée dans son bureau de Santa Ana (Californie). (Odeh était directeur régional du American-anti-Discrimination Committee.)
Les statistiques du FBI montrent que de 1980 à 1985 il y eut 18 attaques terroristes aux États-Unis commises par des juifs, dont 15 le furent par des membres de la JDL.
La plupart de ces terroristes repérés ont pu fuir (ou ont été extradés ?) vers Israël où ils se sont installés… près de Kiryat Arba, grande communauté ultra-orthodoxe.
la JDL a compté jusqu’à 15 000 membres et s’est toujours glorifiée de ce que Baruch Godstein ait fait partie de ses fondateurs.
[Depuis 2006, à la suite de rivalités internes violentes (avec tentatives réciproques d’assassinats !) la JDL a éclaté et s’est réduite à quelques centaines de membres. Elle a perdu son aura et ses velléités terroristes : la question de fond, qui agite les militants restants, est l’appartenance des noms de domaine « JDL »]

C’est en septembre 1971 que le rabbin Kahane émigre en Israël, moment à partir duquel l’alyah (émigration en Israël) devient une préoccupation centrale de la LDJ.
Il développe, à travers son militantisme, des revendications davantage centrées sur des questions proprement israéliennes, s’élevant d’abord contre les activités des missionnaires chrétiens et réclamant le départ de tous les Arabes à travers des provocations violentes. Bien qu’attirant l’attention des médias et du public israéliens de temps à autre, Kahane restera à cette époque une figure marginale.
En marge de son militantisme extra-parlementaire, il tente également d’infiltrer le système politique institutionnel : en 1973, la Jewish Defense League devient en Israël le « Kach » (Ainsi), organisation sous la bannière de laquelle Kahane sese présente aux élections législatives la même année. Il n’obtient cependant que 0,8 % des voix.
Les accords de Camp David de 1979, instituant la paix entre Israël et l’Égypte, sont une étape importante dans la radicalisation de Kahane et de ses supporteurs qui s’y opposent radicalement.
Lors des élections de 1984, après trois tentatives infructueuses, ayant obtenu le soutien de plus de 25 000 électeurs – soit 1,2 % des votes dans le pays – il réussit enfin à entrer à la Knesset, disposant d’un siège sous la bannière du parti Kach.
Il développe alors ouvertement son idéologie fanatique connue aujourd’hui sous le nom de « kahanisme » :

  • conquête du grand Israël, fondée sur une interprétation fondamentaliste de la torah,
  • instauration d’un régime politique fondé exclusivement sur la loi juive,
  • interdiction du droit de propriété pour tout non juif
  • bannissement en Israël de toutes les religions non juives
  • expulsion de tous les goyim de la terre d’Israël même (et surtout) par la violence en cas de besoin
    C’est cet aspect raciste qui, indignant (le mot n’est sans doute pas approprié, « embarrassant » serait plus adapté) la classe politique israélienne, lui vaudra son expulsion de la Knesset en 1984 …
    Kahane apparaît comme disciple de Judas le galiléen.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Judas_le_Galiléen
    (Trente-cinq ans après c’est Netanyahu qui fera passer la fameuse loi « état nation du peuple juif « qui n’a évidemment aucun rapport avec les thèses de kahane puisque dans ses conséquences, c’est… pratiquement la même chose.)
    Le 5 novembre 1990, à New York, au Marriott East Side Hotel en plein cœur de Mahattan, Kahane prononce un discours dans lequel il incite les Juifs américains à « immigrer vers Israël avant qu’il ne soit trop tard ».
    À la fin du discours, peu après 21 heures, un individu, vêtu à la manière d’un Juif orthodoxe, s’approche de Kahane et tire à bout portant avec un pistolet 357. Atteint au cou, Kahane succombera à ses blessures.
    Kahane, véritable sicaire moderne, est aujourd’hui le maître à penser des extrémistes des colonies qui harcèlent les Palestiniens, voire les assassinent ; telle la mouvance des terroriste du groupuscule « Le prix à payer ».
    https://www.lemonde.fr/international/article/2013/06/20/le-mouvement-israelien-prix-a-payer-distille-sa-haine-des-minorites_3433298_3210.html
    Itamar Ben Gvir, devenu avocat, est le défenseur systématique de toutes les actions terroristes juives intentées autour des colonies. Il représente désormais les « jeunes des collines », ces colons qui harcèlent, passent à tabac et, parfois, tuent les Palestiniens qui ont le malheur de vivre à côté des implantations israéliennes.

Baruch Goldstein
https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_d%27Hébron_(1994)
Nous ne reviendront pas ici sur le massacre d’Hébron, mais il faut souligner que B&aruch Goldstein, abject assassin terroriste, jouit d’une immense popularité chez les sionistes extrémistes israéliens et que sa tombe est l’objet de pèlerinages obscènes où l’on amène les enfants des écoles pour leur apprendre la haine des goyim…
Itamar Ben-Gvir, qui montre fièrement une affiche de Baruch Goldstein dans son salon, ne se cache de récupérer l’héritage de ces tueurs et reprend à son compte dans son parti, Otzma Yehudit (Force juive), les thèses défendues par Kahane à Kach !

Otzma Yehudit exige le départ de tous les non-Juifs du grand Israël, en premier lieu les Palestiniens et promeut l’annexion de la Cisjordanie.
Il a affirmé que sa mission est de «défendre les soldats israéliens qui sont arrêtés pour avoir tiré sur des lanceurs de pierres (palestiniens)» et de renforcer la sécurité des habitants du sud du pays, menacés par la criminalité de la minorité bédouine.
Tout un programme donc…

Ce qu’il est important de souligner c’est que ce fanatique n’est pas seul élu à être sur ces thèses: ils seront six à siéger à la Knesset pour défendre ce programme, et si d’aventure Netanyahu parvenait à constituer une alliance de gouvernement ces six sièges de Otzma Yehudit seraient déterminants.
Les efforts de Netanyahu pour garantir l’entrée du Parti sioniste religieux à la Knesset ont été critiqués par ses opposants qui affirment que le Premier ministre est prêt à franchir toutes les lignes rouges pour rester au pouvoir.
Comme le souligne le Times of Israël :
« Alors que Netanyahu a juré de ne pas donner à Ben Gvir un poste de ministre, le candidat du Parti sioniste religieux a fait remarquer que le Premier ministre devra compter sur lui pour former un gouvernement et ne sera donc pas en mesure de rejeter d’emblée ses demandes.
A ce titre, il compte insister pour être nommé ministre de la Défense du Néguev et de la Galilée. Un tel poste n’existe pas, mais il est essentiel de le créer pour protéger les résidents des zones périphériques qui souffrent d’une recrudescence non traitée de la criminalité arabe, affirme Ben Gvir. »

Tout un programme donc…
On notera d’ailleurs que les analystes politiques comme les journalistes incluent déjà comme « naturelle » la participation de Ben Gvir au bloc  « pro Netanyahu »

Le président du parti Israel Beteinou, Avigdor Lieberman a écrit dimanche sur sa page officielle Facebook qu’il recommandera au président Reuven Rivlin le chef du parti de l’opposition Yaïr Lapid alors que l’issue du scrutin de mardi dernier ne permet pour l’heure à aucun des blocs de former une coalition :
« La situation complexe dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui est le résultat direct du plan de survie politique et personnel d’un seul homme – Benyamin Netanyahou, qui a déjà échoué pour la quatrième fois à former un gouvernement stable et fonctionnel. Avec l’inauguration de la 24e Knesset, Israel Beiteinou soumettra un projet de loi qui limitera les mandats d’un Premier ministre à seulement deux, » a-t-il ajouté.

Avigdor Lieberman a souligné qu’un autre projet de loi permettra la démission d’un Premier ministre inculpé tel qu’adopté en lecture préliminaire à la Knesset le 21 mai 2008, avec le soutien du Likoud, dont celui de Benyamin Netanyahou.

Cette élection n’est plus une guerre politique ni même une guerre de leaders politiques engageant les destinées du pays.
C’est une cristallisation autour de la personnalité de Netanyahu qui n’a plus le soutien indéfectible d’un Donald Trump.

                                        Claude Timmerman

2 pensées sur “Israël : vers l’éviction tant attendue de Netanyahu ou vers l’accession des sicaires au pouvoir ?

  • 31 mars 2021 à 9 h 16 min
    Permalink

    Israel est l’État sicaire.
    Même sa forme le dit.

    Répondre
  • 29 mars 2021 à 21 h 36 min
    Permalink

    Il faut bien comprendre une chose c’est que le nom d’Israël fut donné à un peuple à un moment donné parce qu’il suivait les préceptes qui conduisent à Dieu et en vue de sa libération il devenait alors le centre du monde, mais s’il il ne continuait pas dans le sens requis, ce nom pouvait lui être enlevé, et devenir nul et non avenu, aussi nous pouvons dire qu’actuellement ce nom est une usurpation et que ceux qui ont pris le pouvoir dans le pays du nom d’ Israël, détruiront tous ceux qui ont encore un lien avec l’ancienne religion, c’est à dire les Séphardim. Au temps du Massiah la loi hébraïque est abolie.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *