Ukraine : persécution gouvernementale et instrumentalisation de l’orthodoxie

Source : jeune-nation.com- 16 septembre 2024 – Claude Timmmerman

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Claude Timmerman est un biologiste, statisticien, spécialiste de la génétique des populations, diplômé de l’ENS. Il a participé régulièrement au Libre Journal de Serge de Beketch sur Radio Courtoisie et publie des articles sur différents médias, tels que Rivarol, Stratégika ou Medias-presse.info.

L’Ukraine présente la particularité, comme la plupart des états slaves bordant la Russie historique, d’y voir se côtoyer les confessions chrétiennes séparées par le schisme de 1054…Une fracture essentiellement politique consécutive au refus du basileus de l’Empire Romain d’Orient de voir son clergé assujetti à la papauté romaine, héritière chrétienne de l’Empire Romain d’Occident. 

Cela a conduit à un affrontement idéologique religieux, jamais apaisé en mille ans, entre l’Orient et l’Occident, jouet des rivalités géopolitiques des grandes entités territoriales : le Saint Empire Romain Germanique et ses héritiers (Empire Allemand et Empire Austro-Hongrois), la Russie et l’Empire Ottoman…

La situation religieuse ukrainienne actuelle n’est qu’une résurgence, instrumentalisée d’abord par Porochenko et ses mentors, de ce conflit millénaire, en vue de rallier les religions à son régime euro-atlantiste et structurellement antirusse. Elle offre la particularité nouvelle d’affecter à la fois les deux communautés : le schisme orthodoxe actuel n’est, comme nous allons le voir, qu’une réponse politique moderniste et gouvernementale à un schisme catholique, lui anti-moderniste, beaucoup plus discret, mais intervenu il y a déjà près de 10 ans…

L’orthodoxie compte 250 millions de fidèles dans le monde, dont 150 millions sont liés à Moscou : contrairement à une idée reçue c’est l’orthodoxie slave qui est la plus importante à ce jour.

L’extraordinaire renouveau de l’orthodoxie en Russie, orchestré par Poutine, n’a fait qu’amplifier cette situation.

En Ukraine, l’Église orthodoxe très majoritaire rassemble environ 70 % des 43 millions d’Ukrainiens (soit 30 millions de fidèles), mais se trouve divisée en trois structures :

  • l’Église du Patriarcat de Moscou : Fidèle au patriarche Kirill, c’est la seule de ces trois Églises à être officiellement reconnue par l’orthodoxie mondiale. C’est aussi la plus importante par le nombre de paroisses (plus de 12 000). Elle est héritière du patriarcat de la Russ de Kiev, déplacé à Moscou en 1328 (à la requête du khan mongol soucieux de fixer sur la Moskova une population importante afin d’être à même de s’opposer aux incursions récurrentes suédoises).
  • l’Église dite du Patriarcat de Kiev : Fondée après la chute de l’URSS en 1992, elle n’est pas canonique (elle n’est reconnue ni par Moscou ni par Constantinople) et comprend environ 5 000 paroisses. Les Ukrainiens sont de plus en plus nombreux à rejoindre cette Église : les fidèles de celle-ci représentaient 15 % de la population il y a dix ans, 40 % aujourd’hui.
  • l’Église dite ukrainienne autocéphale : Elle est très minoritaire numériquement aujourd’hui. Elle a été fondée durant la révolution bolchévique, lors de la création de l’Ukraine. La Douma ukrainienne proclama l’indépendance et créa la République populaire ukrainienne qui tentera de diriger le pays de mars 1917 à octobre 1920. La loi du 1er janvier 1919 entérine la création de l’Église autocéphale ukrainienne. Le concile orthodoxe ukrainien réuni les 21-23 octobre 1921 élit le métropolite Basile Lypkivskyj malgré l’opposition du patriarche de Moscou. En 1928, le métropolite et les évêques sont arrêtés par le gouvernement soviétique stalinien qui organise la persécution de l’Église autocéphale.  Cette église est aujourd’hui majoritairement présente dans la diaspora ukrainienne, notamment au Canada. A la création du patriarcat de Kiev en 1992, la majorité locale de l’église autocéphale a rejoint le patriarcat de Kiev… 

C’est donc la rivalité d’influence entre une église d’obédience traditionnelle russe, et une église d’obédience proprement ukrainienne, gréco-catholique « moderniste » tournée vers Constantinople, qui se manifeste. La révolution ukrainienne a exacerbé les tensions entre ces communautés. 

Plusieurs prêtres du Patriarcat de Kiev se sont joints aux manifestations pro-européennes dès 2013 (organisant hébergements et prières collectives) pour protester à la fois contre le régime en place et contre le supposé prosélytisme du Patriarcat de Moscou. Il existe des liens forts entre l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Kiev et les nationalistes ukrainiens et d’une manière générale avec le nouveau régime personnifié par Porochenko. (Les prélats du Patriarcat de Moscou en Ukraine ont en revanche plutôt adopté des positions prorusses, notamment sur le dossier de la Crimée et sur la question du Donbass.)

En avril, le président ukrainien Petro Porochenko et les deux Églises non suffragantes de Moscou se sont tournés vers le patriarche de Constantinople Bartholomée pour lui demander d’unifier sous son autorité l’ensemble des Églises orthodoxes du pays en une Église canonique affranchie de la tutelle russe : la reconnaissance canonique d’un patriarcat ukrainien suffragant de Constantinople.

Une décision, suggérée par le gouvernement ukrainien, qui concrétise une scission entre l’église orthodoxe slave dépendant du patriarcat de Moscou fidèle à la Russie et à sa tradition liturgique du slavon, dirigée par le patriarche Kyrill et l’église orthodoxe de tradition liturgique grecque dépendant du patriarcat de Constantinople, dirigée par le patriarche Bartholomée très enclin à l’œcuménisme, et très sensible aux sirènes de l’Occident, tant de Rome… que de Bruxelles, tout autant qu’à celles de la mouvance atlanto-sioniste qui a largement poussé à la révolution ukrainienne….

L’Église orthodoxe russe a annoncé lundi 15 octobre 2020 à Minsk qu’elle rompait ses liens avec le Patriarcat de Constantinople après la décision de reconnaître une Église orthodoxe indépendante en Ukraine. Le Patriarcat de Moscou, a dénoncé un « schisme » et une « catastrophe », et a averti que des troubles pourraient se produire en Ukraine entre partisans des deux Églises rivales :

« Nous ne pouvons plus célébrer d’office en commun, nos prêtres ne pourront plus participer aux liturgies avec des hiérarques du Patriarcat de Constantinople », a déclaré aux journalistes Mgr Hilarion, chargé de la diplomatie du Patriarcat de Moscou, à l’issue d’un synode de l’Église orthodoxe russe. « Nous ne pourrons garder le contact avec cette Église, qui est en situation de schisme », a-t-il ajouté.

Mgr Hilarion a précisé que cette rupture complète des « liens eucharistiques » signifiait également que les fidèles du Patriarcat de Moscou ne peuvent plus désormais communier dans des églises sous la juridiction du Patriarcat de Constantinople.

L’Église orthodoxe russe met en garde contre des troubles en Ukraine. Certains prêtres de paroisses loyales à Moscou ont même appelé leurs fidèles à se tenir prêts à se défendre contre d’éventuelles opérations de force destinées à s’emparer de leurs églises : « L’Église orthodoxe russe est très majoritaire dans le pays où elle est historiquement propriétaire de plus des 2/3 des établissements religieux ! »

Au-delà de l’affrontement purement ukrainien, il faut comprendre que cette rivalité des deux pôles de l’orthodoxie est susceptible de faire tache d’huile dans tous les pays slaves de tradition orthodoxe – issus de la mouvance dans l’ex-URSS – qui, sur un plan géopolitique, rentrent aujourd’hui dans la zone d’influence européenne et plus généralement atlantiste. C’est non seulement un affaiblissement programmé de l’influence russe dans le monde orthodoxe occidental, mais aussi un puissant facteur de déstabilisation. C’est alors une menace pour la cohésion des états à majorité (ou à forte présence) orthodoxe de l’Europe de l’est dont certains ont déjà rejoint l’Union Européenne, ou bien la contemple avec les yeux de Chimène.

S’attaquer à l’orthodoxie slave est un puissant moyen de sortir idéologiquement ces états de l’orbite tutélaire russe… C’est aussi faire prendre à ces États le risque de la désintégration à travers des guerres civiles. Et c’est sans doute ce qui est souhaité à l’ouest par les stratèges euro-mondialistes. Comme l’exprimait déjà au début des années 1990 le « gourou » de la géopolitique américaine Zbigniew Brzezisnki :

« Après l’effondrement du communisme, notre adversaire principal est l’orthodoxie russe ».

En 1991, l’URSS étant disloquée, des millions de personnes se sont retrouvées sans points de repère identitaires autres que l’héritage historique tsariste et la religion… L’orthodoxie a été le principal moteur permettant de la résurrection nationale russe. L’Occident, « vainqueur de la guerre froide », avait compris que l’orthodoxie était un fondement idéologique et l’âme du patriotisme russe au plus profond, voire le principal facteur d’intégration de toute la Russie. 

On se souviendra (même si le film d’Eisenstein se devait alors d’exalter le patriotisme soviétique) de la dernière phrase lancée à la face du monde – en l’occurrence aux chevaliers teutoniques écrasés symbolisant l’Occident – prononcée par Alexandre Nevski : « Et sachez que la Russie est bien vivante ! » L’Occident, dans son projet hégémonique, s’est donné pour objectif de désintégrer, autant que faire se peut, ce socle profondément ancré qui veut rassembler sur le fond religieux traditionnel et fait la part belle à la résurgence des nationalismes et à l’idéologie identitaire.

Il est navrant de voir l’orthodoxie grecque s’en rendre complice et ne pas comprendre qu’à terme elle subira, depuis l’Occident, les mêmes attaques que l’orthodoxie russe actuellement !

Sur le plan géopolitique la situation religieuse en Ukraine est géographiquement désormais claire : 

  • À l’ouest règnent la catholicité romaine progressiste, et l’orthodoxie ralliée à Constantinople, instrumentalisées par le régime de Porochenko et son successeur pour appuyer ses ambitions atlantistes.
  • À l’est (Crimée, Donbass) s’affirment l’orthodoxie russe, et les catholiques de tradition uniates aujourd’hui plus proches de Moscou… »

Très clairement face à une église gréco-catholique en voie de déliquescence, comme l’ensemble de la catholicité conciliaire, l’orthodoxie essentiellement rattachée au patriarcat de Moscou représente le point de ralliement essentiel des populations fondamentalement chrétienne de l’Ukraine, notamment orientale.

C’est là que Zelynsky a profité des nouvelles élections ukrainiennes pour lancer son offensive anti orthodoxe. Le 18 octobre 2022, Gallagher Fenwick lançait sur Actualité Juive un article fracassant toujours en titre phare du webzine, à la une près de deux ans plus tard : « Zélinsky ne met pas en avant son identité juive ». 22 mois de « Une » (et ce n’est pas fini) : un record éditorial qui n’est pas près d’être battu !

Que l’on soit donc rassurés, le virtuose du piano à queue vient de rappeler ses origines en lançant la persécution d’état de l’orthodoxie en Ukraine. Une grande tradition dans le monde juif que de susciter la zizanie entre les communautés chrétiennes et de chercher leur éradication. On l’a vu par exemple en Palestine, au Liban, en Syrie et en Irak. Maintenant donc en Ukraine ! 

Le Monde, jamais en retard en matière de désinformation n’hésite pas à dire :

« Les autorités ukrainiennes affichent une hostilité croissante depuis 2014 envers le clergé de l’Église orthodoxe ukrainienne du patriarcat de Moscou (connu sous le sigle ukrainien « UPC MP »), affirmant que cette dernière influence sa population dans les intérêts du Kremlin. Kiev lui préfère un autre clergé orthodoxe (connu sous le sigle ukrainien « PCU ») formé en 2018 et qui a obtenu l’année suivante – au grand dam de Moscou – le statut d’Église autocéphale des mains du patriarche de Constantinople. »

Le Parlement ukrainien a approuvé, mardi 20 août, une loi interdisant les organisations religieuses liées à la Russie, ouvrant ainsi la voie à une interdiction complète des activités de l’Église orthodoxe affiliée à Moscou sur son territoire.  Quelque 265 législateurs de la Verkhovna Rada ont voté mardi matin en faveur de la loi en seconde et dernière lecture, soit une nette majorité sur un total de 450 députés. Vingt-neuf législateurs ont voté contre la loi, le reste s’est soit abstenu soit était absent de l’hémicycle. Pour être appliquée dans trente jours, la loi doit encore être promulguée par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a déclaré : « La loi sur notre indépendance spirituelle a été adoptée. Nous en avions parlé avec les membres du Conseil des Églises et des organisations religieuses. Je m’entretiendrai avec des représentants du patriarche œcuménique [de Constantinople] Bartholomée. Nous continuerons à renforcer l’Ukraine et notre société ».

Maria Zakharova, journaliste russe spécialiste des questions religieuse a réagi vigoureusement sur la chaîne de télévision culturelle et historique russe Zvesda :

« Il s’agit d’une éradication. L’objectif est d’éradiquer le vrai christianisme orthodoxe canonique, et de le remplacer par une fausse Église, qui ne peut être comprise que sous cet angle, pour établir une Église pseudo-orthodoxe. Il ne s’agit pas d’une église schismatique, ni d’une église dissidente, mais d’une fausse pseudo-église qui utilise des rituels apparemment similaires, qui s’empare de monastères et de reliques et prétend les utiliser selon les coutumes orthodoxes, alors qu’elle les bafoue. C’est pourquoi nous devons parler de l’éradication du christianisme orthodoxe en Ukraine. »

Le métropolite Clément, président du département synodal d’information et d’éducation de l’Église orthodoxe ukrainienne a déclaré :

« Les juristes du Parlement lui-même affirment que le texte de la loi qui vient d’être adoptée n’est pas conforme à plusieurs articles fondamentaux de la Constitution ukrainienne et à un certain nombre de principes que l’Ukraine a ratifiés dans des traités internationaux en tant qu’État démocratique. Il s’agit là de l’aspect juridique de la loi. Mais il y a aussi un aspect moral. Si des millions de citoyens ukrainiens croyants avaient su que le parlement actuel allait interdire les églises, il est évident qu’ils auraient choisi une composition complètement différente lors des élections. »

Soyons clairs : l’église orthodoxe visée par le gouvernement est l’église chrétienne principale d’Ukraine et elle est propriétaire des ¾ du patrimoine religieux du Pays ! La loi entrera en vigueur 30 jours après sa signature par le virtuose du piano à queue. Toutefois, elle accorde un délai de 9 mois aux paroisses et monastères de l’Église orthodoxe ukrainienne pour disparaître. Inutile d’imaginer, en pleine guerre, dans quelles conditions ce patrimoine historique considérable sera négocié ! Des religieux expulsés, leur patrimoine bradé, pour ne pas dire confisqué, par l’État, cela ne vous rappelle rien (cent vingt ans plus tard Laïcité : du laïcisme au wokisme) ?

La seule solution, face à cette provocation, pour que soit respectées les rites et les coutumes religieuses majoritaires dans la population est donc que la Russie gagne la guerre, ce qui permettra de faire cesser cette tyrannie car il n’est pas certain que la population ukrainienne suive majoritairement une telle mesure.

Nul doute que l’Ukraine aux abois – qui fait du tourisme du côté de Koursk en oubliant, mauvais présage, que l’invasion allemande avait conduit à une bataille mémorable (la plus grande bataille de chars motorisés historiquement jamais vue à ce jour) gagnée par les soviétiques en 1943 contre les envahisseurs – ne cherche aussi à utiliser cette menace pour négocier la paix, inéluctable malgré tous les efforts de l’OTAN.

Neuf mois, ce qui nous mènera à fin juin, c’est donc le délai laissé à la Russie pour gagner la guerre, ramener la tolérance, faire annuler cette mesure scandaleuse, et rendre aux populations ukr(‘ainienns notamment orientales, orthodoxes, la faculté de vivre leur foi.

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