Dangers de l’Intelligence artificielle : une question ontologique ?

Par François Dubois

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François Dubois est ex-gradé de la Gendarmerie nationale, officier de police judiciaire, instructeur et formateur de formateur dans les écoles de Gendarmerie. Dans son livre « Alice au Pays de Lucifer » publié chez KA’éditions, il analyse les dimensions philosophiques et théologiques du périple épique d’Alice et livre une véritable autopsie des paraboles auxquelles elle va se heurter, dévoilant par la même occasion, les mécanismes de l’inversion des valeurs qui mettent en péril notre société.

L’intelligence artificielle se profile comme l’une des révolutions les plus marquantes de l’histoire, surpassant l’électricité, l’automobile ou la bombe atomique. Elle incarne à la fois une puissance sans limites et un risque latent, non par sa nature, mais par l’usage qu’on en fait. Désormais omniprésente, elle façonne l’ingénierie, le commerce, la défense, la santé et jusqu’à notre quotidien en ligne, traquant nos habitudes, influençant nos décisions et remodelant l’économie numérique.

Dans cette course technologique effrénée, aucun pays ne peut se permettre de décrocher sans risquer l’asservissement. L’IA perfectionne les cyberattaques, automatise les chaînes de production et redéfinit la guerre, où la suprématie repose moins sur la force brute que sur l’intelligence des machines. Sur le champ de bataille, les drones bon marché équipés d’IA surpassent des blindés valant des millions, transformant radicalement les stratégies militaires. Face à ces mutations, les grandes puissances investissent massivement : Donald Trump, à peine élu, lance le plan « Stargate » avec 500 milliards de dollars pour asseoir la domination américaine.

Mais cette révolution a un coût. La puissance de calcul requise croît de manière exponentielle, faisant de l’IA une vorace consommatrice de ressources. En 2024, son fonctionnement a nécessité cinq milliards de mètres cubes d’eau pour refroidir les infrastructures, plus que la consommation annuelle du Danemark. La quête d’une IA plus sobre énergétiquement devient cruciale, favorisant des pôles d’investissement comme l’Arabie saoudite et l’Iran, riches en capitaux et en énergie solaire. Par ailleurs, la prolifération des drones et des armes autonomes démocratise la puissance militaire, modifiant les équilibres géopolitiques et renforçant les menaces non étatiques.

Au-delà des enjeux techniques, une question obsède : l’IA pourrait-elle mener à l’extinction de l’humanité ? Certains craignent la singularité, ce point où l’intelligence artificielle dépasserait l’Homme et évoluerait de manière autonome. Popularisé par Ray Kurzweil, ce concept évoque un monde où les machines, affranchies de tout contrôle humain, façonneraient leur propre avenir, avec des conséquences imprévisibles sur la société. Loin de la science-fiction, cette dynamique alimente une révolution anthropologique : IA, robotique et transhumanisme redéfinissent déjà notre rapport au réel.

Mais le danger réside-t-il vraiment dans l’IA elle-même ? Ou dans le modèle de société qui l’oriente ? La Chine, outre les applications militaires, médicales et industrielles, l’utilise pour renforcer son contrôle social, tandis que les États-Unis, nouvellement conservateurs, privilégient l’innovation commerciale et militaire. La Russie orthodoxe l’intègre également, dopée dans ses recherches par le conflit Ukrainien, mais avec des dynamiques sociétales différentes où tradition et autorité forgent un tout autre équilibre. Chaque nation façonne son rapport à l’IA selon sa propre vision du pouvoir. Cette mutation n’est pas qu’un défi technologique : elle redessine l’ordre mondial et impose une réflexion profonde sur l’avenir de l’humanité.

Face aux blocs aux logiques divergentes, l’Europe se distingue par son progressisme universaliste et son attachement, devenu aujourd’hui aussi obsessionnel que dépassé, aux objectifs de l’Agenda 2030 du Forum économique mondial. Exprimé de façon dialectique, son modèle de gouvernance est le fruit d’une synthèse de certains pans des totalitarismes historiques, combinée à son anti-thèse sociétale que représente l’idéologie progressiste décomplexée. À persévérer dans une telle dynamique, l’Europe prend le risque de devenir cette néo-synthèse totalitaire intégrant IA, transhumanisme et ingénierie sociale comme piliers d’un nouveau modèle de gouvernance.

Le progressisme puise dans le transhumanisme : cette idéologie visant à transcender les limites biologiques de l’Homme pour atteindre une condition post-humaine. Dès 1973, Fereidoun M. Esfandiary (alias FM-2030) anticipait un monde où l’individu, détaché de ses racines culturelles et familiales, évoluerait dans un univers globalisé. Les modifications corporelles, la procréation artificielle et l’éducation standardisée formeraient des êtres sans attaches, parfaitement adaptés aux exigences du marché. Ce projet résonne aujourd’hui dans les ambitions du Forum de Davos et l’influence intellectuelle de figures comme Yuval Noah Harari.

Le transhumanisme s’étend bien au-delà de la technologie : il imprègne les idéologies contemporaines. La transition de genre, la fusion homme-machine ou la modification génétique s’inscrivent dans cette logique d’émancipation des déterminismes biologiques. D’une typographie semblable à celle de l’idéologie LGBTQIA+, Humanity+, organisation fondée par Nick Bostrom, reflète cette tendance, tout comme sa théorie des simulations, influente dans l’imaginaire collectif et dont le film Matrix à entièrement pompé le concept. Matrix dont les réalisateurs, frères de leur état, se sont aujourd’hui transformés en sœurs. De là à dire que l’idéologie transgenre est un sous-produit du transhumanisme…

Par ailleurs la quête d’immortalité transhumaniste soulève des paradoxes. Alors que l’industrie investit massivement dans la médecine régénérative et les interfaces cerveau-machine (Neuralink, Calico), les préoccupations environnementales et sanitaires suivent une logique néo-malthusiennes et façonnent un monde où la croissance démographique est perçue comme un problème. Les politiques de santé privilégient la gestion des maladies plutôt que leur prévention, tandis que l’euthanasie et le suicide assisté se normalisent dans plusieurs pays. Alors à qui se destinerait ce marché de l’immortalité, probablement hors de prix pour le commun des mortels ? La réponse est dans la question.

Loin d’être un simple progrès technologique, le transhumanisme pose une question existentielle : en cherchant à transcender sa condition, l’Homme ne risque-t-il pas de se perdre lui-même ? À mesure que l’IA et la robotique redessinent l’avenir, une fracture se profile : entre une élite transhumaniste et une masse reléguée à l’obsolescence. Comme le suggérait Laurent Alexandre en 2019, le futur pourrait bien opposer les « dieux » aux « inutiles », questionnant ainsi la place de l’humain dans un monde façonné par l’intelligence artificielle et la biotechnologie.

Le danger ne réside pas tant dans la technologie elle-même que dans les modèles de société que nous avons bâtis au fil du temps. Le monde moderne a sacrifié l’être sur l’autel de l’avoir, instituant une civilisation du paraître où domine une vision matérialiste de l’homme et de ses interactions. Jadis, la morale chrétienne constituait un rempart contre la réification de l’être humain. Mais les grandes mutations historiques – l’essor du protestantisme, le libéralisme économique, l’universalisme maçonnique d’influence judéo-protestante – ont progressivement sapé cet équilibre, facilitant l’avènement du matérialisme et du relativisme moral.

La Révolution française illustre ce basculement. Alors que la Révolution industrielle transformait l’Angleterre, la France abolissait les structures traditionnelles freinant le libéralisme économique par le biais de sa révolution. Ces changements favorisaient l’émergence d’un capitalisme sans entrave, celui que Zola dépeindra plus tard dans Germinal. Le XIXe siècle, avec Marx et Engels, consacra un matérialisme dialectique où les structures économiques et matérielles déterminent les idéologies et les institutions dans un monde purement athée. Qu’on le veuille ou non, le Marxisme a contribué à faire apostasier la classe ouvrière, la rendant ainsi plus compatible avec le marché et la société de consommation.

C’est dans ce contexte matérialiste et concurrentiel qu’il faut appréhender l’intelligence artificielle. Bien plus qu’une simple avancée technologique, elle incarne l’ultime étape de la réification de l’homme, amené à devenir un simple un rouage optimisable dans la machine du marché. La robotique et l’IA forment une combinaison explosive qui risque d’accentuer les inégalités : selon le FMI, près de 40 % des emplois mondiaux seraient menacés, une proportion atteignant 60 % dans les économies avancées. Ceux qui maîtriseront l’IA connaîtront un essor fulgurant, tandis que les travailleurs aux tâches automatisables seront relégués à l’obsolescence.

Cette fracture ne se limite pas aux individus : elle divise aussi les nations. Les pays technologiquement avancés creuseront leur avance, tandis que d’autres, faute d’infrastructures, seront marginalisés. Pendant ce temps, les gouvernances, de plus en plus déconnectées des volontés populaires, imposent des diktats sous couvert de progrès. L’érosion des libertés fondamentales et la numérisation intégrale de la monnaie est déjà palpable. L’IA seule n’est qu’un outil, mais combinée à une ingénierie sociale et politique redoutable, elle deviendrait l’instrument d’une domination absolue. Pis encore, un tel modèle de société pourrait soumettre les Hommes à la tyrannie algorithmique non par conviction, mais par nécessité : dans une société intégralement dématérialisée, y compris la monnaie, les Hommes seraient conduits à protéger les serveurs qui abritent leur possessions, sous peine de ne plus exister.

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