La Déclaration Balfour et l’État d’Israël aujourd’hui

Par Jean-Luc Baslé – 12 août 2024

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Dans une lettre adressée au Premier ministre, Lloyd George, le 23 août 1917, Edwin Montagu, le
seul Juif de son gouvernement, écrit que la déclaration Balfour « provoquera en définitive un terrain de
ralliement pour les antisémites, de tous les pays du monde… il semble inconcevable que le sionisme soit
officiellement reconnu par le gouvernement britannique et que Balfour soit autorisé à dire que la
Palestine doit être reconstituée comme le ‘foyer national du peuple juif’. Je ne sais pas ce que cela
implique, mais je suppose que cela signifie que les musulmans et les chrétiens doivent laisser la place
aux Juifs…»
Puis, il ajoute : «J’affirme qu’il n’existe pas de nation juive. Les membres de ma famille, par
exemple, qui vivent dans ce pays depuis des générations, n’ont aucune sorte de communauté de vue ou
de désir avec une famille juive d’un autre pays, si ce n’est qu’ils pratiquent plus ou moins la même
religion… » Il termine sa lettre par ses mots prémonitoires : « J’ai le sentiment que l’on demande au
gouvernement d’être l’instrument de la réalisation des souhaits d’une organisation sioniste largement
dirigée, d’après mes informations, en tout cas dans le passé, par des hommes d’origine ou de naissance
ennemie, et qui, par ce moyen, ont porté un coup sévère aux libertés, à la position et aux possibilités de
travailler de leurs compatriotes juifs. »1
La politique des gouvernements israéliens, à l’exception notable d’Yitzhak Rabin, conduit à une
impasse et à l’instabilité du Moyen Orient, voire pire. Il semble que Benjamin Netanyahou, dans un
dessein machiavélique, est fait le choix du pire. Après la destruction de l’Irak, de la Syrie, de la Libye,
l’Iran est la seule nation capable de s’opposer militairement à Israël. Netanyahu n’a jamais fait mystère
de son désir de l’anéantir en raison de son soutien aux Palestiniens, annonçant chaque année depuis
quinze que l’Iran est sur le point d’acquérir l’arme atomique. Imitant Caton l’ancien, il répète à l’envie :
et l’Iran sera détruit.
Pour atteindre son objectif, il a obtenu des États-Unis qu’ils se retirent unilatéralement en mai
2018 de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, plus connu sous son acronyme anglais JCPoA,
signé le 14 juillet 2015.2 Cela ne pouvait qu’encourager l’Iran à acquérir l’arme atomique, faisant ainsi
de cette nation la menace que Netanyahou dénonce.
Ce premier pas accompli, d’autres suivent : en décembre 2016, les États-Unis reconnaissent
Jérusalem comme la capitale de l’Etat hébreu, en mars 2019, ils entérinent l’annexion des Hauteurs du
Golan, en janvier 2020, ils assassinent le général iranien Qassem Soleimani en Irak. En avril 2023, la
police israélienne intervient dans la mosquée al-Aqsa à Jérusalem. En janvier 2024, cinq militaires
iraniens sont assassinés à Damas dans une frappe attribuée à Israël qui provoque une réponse modérée
de l’Iran. Le 31 juillet Ismail Haniyeh, chef politique du Hamas est assassiné à Téhéran. L’Iran promet
de se venger.
Rien de cela n’est dû au hasard. Ce ne sont pas des évènements fortuits, mais des provocations
destinées à entraîner l’Iran dans la guerre, seule façon pour Israël d’enrôler les États-Unis dans un conflit
que Washington ne souhaite pas en raison de ses conséquences qui pourraient être catastrophiques, et de
l’opposition des électeurs à l’approche de l’élection présidentielle.3 A moins que ce ne soient les doutes
que nourrit le Pentagone sur sa capacité à mener à bien une nouvelle guerre.4
Quelles que soient les raisons qui font hésiter Washington, Netanyahou n’en a cure. Il s’est
enfermé dans sa propre logique. Il le sait. Il joue son va-tout. Il poursuit la seule stratégie qui vaille selon lui à cet instant.

En provoquant l’Iran, il fait le pari que les États-Unis n’abandonneront ni Israël ni le Moyen
Orient et son pétrole, et que la Russie et la Chine, alarmées par les effets que leur entrée dans cette
guerre provoquerait, feront le choix de s’abstenir.
Ainsi, est-il possible d’imaginer un scénario selon lequel, faisant abstraction de leurs réticences,
les États-Unis lanceraient une attaque nucléaire surprise sur l’Iran, en faisant usage de bombes
nucléaires tactiques ou mini-bombes, comme le prévoit le Nuclear Posture Review de décembre 2001.5
Une telle hypothèse donnerait raison à Netanyahou qui ainsi gagnerait son pari. L’horloge de la fin du
monde, aujourd’hui à 90 secondes de minuit, sera alors plus proche de l’heure fatidique…
Dans son éditorial du 5 août, Alastair Crooke s’interroge: L’Irgoun de 1948 renaît-il?6 Non. Il ne
renaît pas. Il n’est jamais mort. L’État palestinien n’est qu’un faux-nez, un cache-sexe pour les
Netanyahou de ce monde. Il faut être d’une grande naïveté pour croire que cet État dont on parle
depuis trois quarts de siècle deviendrait réalité un jour alors que la Cisjordanie est
progressivement occupée par les colons israéliens7 – une occupation illégale, comme l’a rappelée la
Cour internationale de Justice dans son dernier avis juridique.8 Le monde, hébété, assiste donc
aujourd’hui au dénouement d’une tragédie qu’il a trop longtemps ignorée. May the American
elector save the day.9

Notes:

1 Memorandum of Edwin Montagu on the Anti-Semitism of the Present (British) Government – Balfour Project.
2 President Donald J. Trump is Ending United States Participation in an Unacceptable Iran Deal – The White House
(archives.gov).
3 Majority of Americans Oppose Sending US Forces to Defend Israel if Attacked by Iran, Dina Smeltz, Global Affairs,
August 6, 2024
4 A ces deux facteurs, il faut en ajouter un troisième – l’impréparation de l’armée américaine à la guerre du futur. “America
isn’t ready of the wars of the future,” Mark A. Miley and Eric Schmidt. Foreign Affairs, Aug. 05, 2024
5 Les retombées radioactives de ces mini-bombes sont supposées être faibles , si l’on croit les documents officiels américains.
6 The 1948 Irgun re-born ? Alastair Crooke, 5 August 2024.
7 La guerre à Gaza renforce les colons extrémistes. Ouest France, 20 juillet 2024.
8 Israel should evacuate settlements, pay reparations, ICJ says. The Washington Post, 19 July 2024.
9 L’électeur américain sauvera-t-il la mise ?

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