Une victoire pour la démocratie

Source : arretsurinfo.ch – 8 novembre 2024 – Guy Mettan

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L’aveuglement jusqu’à la fin ! Les médias américains et européens se seront obstinés jusqu’au bout dans leur déni du peuple, leur incapacité à percevoir et à rapporter les attentes des classes populaires, et donc leur parti pris éhonté en faveur de Kamala Harris. Et une fois de plus, comme en 2016, ils se sont honteusement trompés. Gageons qu’ils ne tireront aucune leçon de cette cuisante défaite et que, comme à leur habitude, ils continueront de gloser sur le « fascisme » des Trump, Orban, Fico, Poutine tout en encensant les soi-disant défenseurs de la démocratie à la von der Leyen, Macron ou Scholz, qui sont pourtant arrivés au pouvoir par cooptation (von der Leyen) ou s’y maintiennent contre l’opinion de 85% de leurs concitoyens à en juger par leur cote d’amour dans les sondages (Macron, Scholz).


De fait, la victoire de Trump signe non pas la défaite, mais une impressionnante victoire de la démocratie. D’abord, parce que cette victoire est quadruple et sans appel. Victoire à la présidentielle, victoire au Sénat, victoire à la Chambre des représentants, victoire populaire (plus de 5 millions de voix d’avance). Les Démocrates, qui avaient saboté le premier mandat de Trump en invoquant une fausse ingérence russe, démentie par deux procureurs spéciaux, et qui avaient ensuite enfoncé le clou avec les émeutes du 6 janvier 2021 aussitôt présentées comme un coup d’Etat, ont désormais quatre ans pour ruminer les causes de leur défaite et ce qu’il en coûte de manipuler une opinion publique qui n’accorde plus aucun crédit aux médias installés.

Cette fois, il sera difficile d’accuser Poutine et d’empêcher la nomination des ministres républicains. L’Amérique est à nouveau réconciliée avec elle-même. Le président élu pourra gouverner à sa guise. Du même coup, il devra assumer l’entière responsabilité de ses décisions. A la fin de son mandat, on pourra le juger sur ses actes et sur la compétence de son équipe, et non sur ce qu’une majorité de l’opposition démocrate du Sénat lui aura imposé.

Ensuite cette victoire signe – enfin ! –  la défaite du camp néo-conservateur et des bellicistes qui empoisonnent la politique américaine depuis des décennies avec leur interventionnisme militaire, leurs invasions, leurs ingérences incessantes dans les affaires des autres Etats. Ceux qui ont organisé le coup d’Etat de Maidan en Ukraine en 2014, les Victoria Nuland, Robert Kagan, Hunter Biden, le fils du président impliqué dans la corruption du groupe gazier ukrainien Burisma, John Bolton et le pire d’entre eux, Antony Blinken, véritable va-t-en-guerre déguisé en diplomate, s’en trouveront pour leurs frais. Le pouvoir de nuisance de cette très influente clique va s’en trouver fortement réduit. C’est une bonne nouvelle pour la démocratie aux Etats-Unis mais aussi hors des Etats-Unis.

Il sera donc de plus en plus difficile pour les Occidentaux de continuer à prétendre que l’Ukraine est une démocratie alors que les mandats de son président et son parlement sont échus depuis mai dernier et qu’ils continuent donc à exercer le pouvoir en dehors de toute légitimité électorale. Il faudra trouver d’autres arguments pour alimenter la fiction de la « guerre des démocraties contre les autocraties » russe et chinoise.

De même, si l’on admet la victoire de Trump, il faudra aussi reconnaître la victoire récente du Rêve géorgien en Géorgie, obtenue avec 54% des voix malgré les innombrables chantages qui ont précédé les élections. Les allégations de fraude électorale, vieille rengaine avancée chaque fois que le résultat d’une élection déplait aux élites néolibérales atlantistes et interventionnistes, devront être considérées pour ce qu’elles sont en réalité, à savoir une odieuse tentative de faire basculer un pays dans le chaos sous des prétextes mensongers, en imposant un changement de régime contraire à la volonté populaire.

A ce sujet, on peut regretter que la manipulation des derniers scrutins en Moldavie ait été couronnée de succès. Il faut savoir que l’infime majorité en faveur de l’adhésion du pays à l’Union européenne a été obtenue avec une ingérence crasse de l’Union européenne dans les affaires moldaves. Depuis 2020, l’UE subventionne à tour de bras les ONG proches de la présidente sortante, Maia Sandu. Dix jours avant le scrutin, Mme von der Leyen se précipitait à Chisinau pour promettre 1,8 milliard d’euros d’aide dès 2025. Et cela ne serait pas de l’ingérence ! Pire, le résultat final a été obtenu grâce à une distorsion longuement préparée du vote des diasporas en faveur du camp pro-européen et de la présidente en place. C’est ainsi que 234 bureaux de vote ont été mis à disposition des 500 000 citoyens moldaves de l’UE alors que seuls 2 – je dis bien 2 ! – bureaux de vote ont été ouverts à l’intention des centaines de milliers Moldaves vivant en Russie, sur un territoire trois fois plus grand que l’Europe ! Plusieurs bureaux de vote italiens n’ont enregistré aucun électeur, faute de résident, alors qu’en Russie, les votants devaient faire des milliers de kilomètres pour se rendre dans l’un des deux seuls bureaux ouverts et que certains n’ont pu voter faute de bulletins en quantité suffisante. Naturellement, le chœur des médias européens n’a cessé de dénoncer l’ingérence russe tout en faisant silence sur cette grossière manipulation du scrutin. Idem pour le deuxième tour de la présidentielle, la majorité des Moldaves de Moldavie se prononçant contre la présidente sortante avant que les Moldaves européens ne renversent le résultat au nez et à la barbe de la diaspora moldave de Russie, une fois de plus empêchée de participer au scrutin.

Si l’on peut se féliciter de la nette victoire de Trump, gardons-nous cependant de pavoiser. Comme nous l’avions dit dans un papier précédent, l’avenir ne sera pas rose. Même devenus plus isolationnistes, les Etats-Unis ne renonceront pas à leur hégémonie ni à leur volonté d’imposer leur leadership au reste du monde. Le lobby de l’armement et les libéraux-interventionnistes ne vont disparaitre par enchantement. En Palestine, avec l’Iran, avec la Chine, avec les Européens aussi, les tensions risquent fort de s’aggraver. Les bombes, les missiles et les crimes de guerre vont continuer à pleuvoir sur les civils palestiniens, libanais, syriens et peut-être iraniens. La guerre en Ukraine pourrait s’apaiser mais les tensions en mer de Chine pourraient bien s’accentuer. Ce qu’on gagne d’un côté risque d’être perdu de l’autre. Il n’y a guère d’illusions à se faire à ce sujet.

Mais en attendant, savourons le répit démocratique que les Américains se sont accordés à eux-mêmes et ont accordé, peut-être, au reste du monde.

Par Guy Mettan, journaliste indépendant suisse


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