« Nouvelle Guerre froide », Conjoncture stratégique et fracture nucléaire est-ouest

Par Irnerio Seminatore / source : ieri.be

Irnerio Seminatore est essayiste et Professeur des Universités. Il est le président de l’Institut Européen des Relations Internationales (IERI) et le directeur de l’Academia Diplomatica Europaea (ADE) à Bruxelles.

REMISE EN CAUSE DE LA DISSUASION ET ÉVOLUTION DOCTRINALE AMÉRICAINE

Un échange nucléaire de théâtre en Europe est il possible, au cœur de rivalités multipolaires et planétaires?

Ennemi, coalitions hostiles et enjeux de conflit

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Débuts, causes et conséquences de la « Guerre Froide »

Dans deux livres parus en 1971-72, la « République impériale, les États-Unis dans le monde (1945-1972) » et « Penser la guerre, Clausewitz (tomes I et II) », R. Aron recherche les origines et les responsabilités de la « guerre froide » et les identifie, au delà du récit historique sur l’émergence de la puissance américaine et de l’étude du général prussien, axée sur l’analyse des liens entre la politique et la guerre, dans l’exigence de stabilité du monde, à l’issue d’une grande épreuve tragique, le deuxième conflit mondial.

La parenté d’ordre intellectuel entre les deux réflexions portait sur les traits de la « guerre froide » et sur le type d’équilibre que la « Grand-Ile » du monde (l’Amérique) pourrait établir avec la puissance dominante du Pivot des terres (la Russie), ou le Heartland de H.J.MacKinder. Mais aussi quel ordre inter-étatique, idéologique et économique, pouvait désormais être instauré, après la rupture de la Grande Alliance anti-nazie contre le troisième Reich, pour conjurer une guerre entre le « monde libre » et le monde communiste. Il fallait se garder du recours à l’arme atomique et à l’ascension aux extrêmes de la violence paroxystique, dans une conjoncture planétaire, bipolaire et nucléaire.

Quel type de relations pourrait dès lors garantir une « Paix chaude », ou une « Guerre froide » entre les deux systèmes de pouvoirs qui se départageaient le monde, autour de principes de légitimité opposés, la démocratie et le totalitarisme ? Deux énormes structures de menaces et d’action/rétorsion, furent édifiées dans le but de maîtriser la gouvernabilité du système. Les doctrines d’emploi de ces deux systèmes furent conçues dans un premier moment autour du principe de la « mutual deterrence » (le MAD de Mac Namara), et pour éviter le dilemme entre capitulation ou mort assurée, sur celui de la « riposte graduée » et de la bataille nucléaire tactique.

La stratégie de dissuasion, conçue en fonction d’un risque nucléaire réciproque et de la montée aux extrêmes de la violence, comportait en son pur concept, le principe de préservation, pour chacun des deux Grands, d’une « capacité de seconde frappe imparable ». Celle-ci était associée à l’idée de parité et de stabilité et à des éléments d’adaptation constants, engendrant asymétries et instabilités, intrinsèques à la doctrine. Une doctrine, faut-il le rappeler, bâtie, en cas d’échec sur hypothèse d’une guerre nucléaire, combattue en vue de la victoire .

Une nouvelle « Guerre Froide »

La conjoncture de la « nouvelle guerre froide », dans laquelle nous sommes entrés progressivement depuis 2014, caractérisée par un accroissement des tensions internationales et par la montée en puissance d’autres acteurs nucléaires et principalement de la Chine, est celle d’une rupture stratégique, remettant en cause la stratégie bipolaire directe Est-Ouest (ou Usa/Otan>Russie), en dépit de l’existence d’autres acteurs du jeu multipolaire, globalement concernés. Dans ce scénario, retenu par l’Alliance atlantique, les armes nucléaires de théâtre reviendraient décisives et pas seulement dissuasives, en vue d’une issue victorieuse de la bataille conventionnelle.

Or, pour éveiller les consciences des responsables et des décideurs occidentaux sur les risques d’un conflit nucléaire Est-Ouest, qui ne serait pas celui de la France, ni celui des européens, un groupe de généraux français a alerté les opinions sur les changements doctrinaux, américains et otaniens, menant, par dérives successives ou par glissements opérationnels, à une confrontation nucléaire.

Une rupture stratégique

Ainsi et à ce sujet, la publication d’ une réflexion collective de la part du cercle de réflexion interarmées (CRI) présentée sous le titre : « Du danger de la stratégie nucléaire USA-OTAN pour l’Europe », montre que la vrai rupture de la logique dissuasive, en matière de stratégie est d’ordre tactique, mais que ses conséquences sont d’ordre stratégique. Tel est le cas de la « riposte graduée », intégrant le combat nucléaire dans toutes les étapes de la bataille de l’avant, influant immédiatement sur l’attrition des forces, en vue de la victoire. Par son effet d’entraînement, l’intégration du nucléaire tactique, dans un cadre conventionnel de combat accélère le processus clausewitzien de la montée aux extrêmes, mettant en cause le système de la dissuasion comme un tout. Par effet de l’interaction des forces et de l’interdépendance des théâtres, le changement doctrinal adopté par les américains et par l’Alliance atlantique, ouvre le front Est-Ouest de l’Europe, à des vulnérabilités et à des risques prévisibles, remettant en cause la capacité de frappe en second de l’adversaire, qui est la clé de la dissuasion.

Dans le cas des exercices annuels depuis 2016 et en particulier dans l’exercice « Defender » de 2020, l’Otan et les États-Unis, forcent la prise de conscience auprès de l’adversaire désigné (la Russie) et chez les Européens de l’Ouest, sur le fait que l’environnement stratégique global et l’espace planétaire de la conflictualité s’est aggravé et qu’il entraîne le leader de système et ses alliés, vers une guerre totale et non vers un simple avertissement.

Toute rupture stratégique ne remet pas en cause, cependant, les deux paradigmes essentiels, de la volonté politique et de l’intelligence de l’État personnalisé, qui demeurent dans les mains du leader de la coalition (États-Unis).

C’est à partir de ces deux paradigmes que se justifie la centralisation politique de la volonté et l’unicité de l’autorité du commandement américain sur ses alliés, et donc une maîtrise centralisée et une réplique indivisible. Les deux, soumises à l’évidence des événements, convergent dans l’évaluation des objectifs et des buts du conflit et, in fine, de l’escalade de la violence, dans une guerre qui serait une, en son concept et multiple, en ses acteurs et en ses théâtres.

De cette évaluation, à la fois globale et diversifiée, dépend également, en amont, la conduite de la diplomatie et de la politique étrangère, ainsi que l’issue politique d’un conflit, d’un affrontement et d’une négociation, qui représentent l’adaptation de l’acteur ou de l’alliance, à la situation et aux circonstances.

L’essence de la dissuasion et l’indépendance de la France et de l’Europe

La doctrine de la « réplique graduée », hier comme aujourd’hui, ne s’accorde pas avec la conception française du « faible au fort », condamnée à la frappe anti-villes et non à la logique anti-forces. Telle est la nature de l’engagement de la France, bâti sur le principe de l’indépendance nationale et sur l’essence même de la dissuasion, qui comporte une sanctuarisation européenne de la part des États-Unis, comme fondement de la sécurité du continent et, de ce fait, une « vassallisation » de l’Europe, vis à vis de l’Amérique.

« Une autre force nucléaire au sein de l’Alliance occidentale,assez autonome pour déclencher une guerre mondiale et trop faible pour la gagner, serait un danger pour la paix universelle et pour notre propre sécurité », argumentait Walter Lippmann en1963, ajoutant que : « la responsabilité finale des affaires nucléaires doit n’appartenir qu’à une seule capitale et non pas à deux ou à trois. » La thèse de Lippmann sur le monopole nucléaire des États-Unis de mise en danger de l’équilibre stratégique mondial, ne tenait pas compte de la volonté de la France du général de Gaulle de vouloir prendre en main son destin et de vouloir déterminer la ligne politique et diplomatique de l’Occident face à l’Union Soviétique.

Partant de la reconnaissance du danger d’un retour à la « riposte flexible » et d’une volonté d’autonomie politique et stratégique du continent, les généraux français revendiquent une sortie de la France du commandement militaire intégré de l’Otan, comme le fit le Général de Gaulle en 1966, dans le but de soustraire l’Hexagone et avec lui l’Europe, aux provocations bellicistes de l’Otan vis à vis de la Russie. Ils demandent à mots couverts, que cesse le rôle perturbateur joué aujourd’hui par l’Otan et les États-Unis, rôle joué autrefois par l’Union Soviétique.

La France et la dissuasion « du faible au fort »

La France -est dit dans le document publié-, ne doit pas « cautionner le concept américain du champ de bataille nucléaire de l’avant, en participant à sa protection et ce sur la frontière russe ».

Par ailleurs, dans un conflit planétaire et multipolaire, peut on isoler un front de combat, le front européen Est -Ouest, essentiellement bipolaire, en faisant abstraction de l’ensemble géopolitique eurasien ?

Où se situe-t-il, dès lors, le but de guerre, dans un monde multipolaire en conflit et qui le définit ? Venant encore à l’ultime avertissement de la dissuasion française, celui-ci était consécutif, dans l’antagonisme bipolaire des années 1980, à l’invasion soviétique de l’Europe occidentale et à une attaque imminente du territoire national. Or, l’inversion de la menace rend inconcevable le recours à la dissuasion française, dont « la signification et la valeur » seraient absorbées  par et dans le cours de la bataille offensive, menée loin de l’espace national.

Toutefois, pour la France, pas de « dissuasion du faible au fort », sans agression ou atteinte à la force vive de la nation ! Quant à la recommandation d’une sortie du commandement militaire intégré de l’Otan, quel bénéfice politique et militaire pourrait en tirer aujourd’hui la France, en l’absence d’une Europe de la défense et de la sécurité, avec une Allemagne indécise et rétive à embrasser une politique de défense européenne et indépendante, au dépens de l’assurance américaine ?

Personne n’a oublié « le préambule unilatéral » du Traité de l’Élysée, voté par le Bundestag, lors de sa ratification parlementaire, exprimant ses liens préférentiels avec Washington et privant d’inspiration et de substance le traité franco-allemand, devenu virtuel et rhétorique.

Que reste-t-il aujourd’hui du discours du Général de Gaulle, du 9 septembre 1965, dans lequel il tenta d’esquisser une autre voie pour l’indépendance du continent ? Cette voie peut elle encore être la nôtre de nos jours ? « Nous n’hésitons pas à envisager qu’un jour vienne, où, pour aboutir à une entente constructive depuis l’Atlantique jusqu’aux Ourals, l’Europe toute entière veuille régler ses propres problèmes et, avant tout, celui de l’Allemagne ? »

Faut-il comprendre que la ligne de politique internationale des généraux français va dans le sens des déclarations du Chef de l’État de l’époque, qui consista à dégager, mais pas à rompre avec l’Otan, pour influer sur les alliés et acquérir une liberté d’action internationale et mondiale? Et quel haut responsable politique du continent, pourrait reprendre à son compte aujourd’hui les déclarations anticipatrices du Général? Il reste, que ces militaires ont mis l’accent sur la contradiction qui a existé et qui existe toujours entre le lien transatlantique et l’intégration européenne.

Demie-guerre ou guerre illimitée?

Or, compte tenu de l’aphorisme clausewitzien , selon lequel « la guerre a une grammaire, mais non une logique propre », l’alerte des généraux semble revêtir une triple signification, que:

-la bataille de l’avant, hypothisée par l’exercice de l’Otan « Defender » 2020 (pays Baltes /Pologne>Russie, ou Europe >Russie), ne concerne pas une demie-guerre ou une guerre limitée

-la recommandation, à l’usage des décideurs ( Chefs d’État et de gouvernement), est semblable à celle de Clausewitz, consistant à ne pas se tromper sur la nature de la guerre et à ne pas méconnaître la montée aux extrêmes, venant de l’ennemi , mais aussi du Leader de groupe

-la guerre, qui le plus se rapproche de la guerre illimitée, est la guerre nucléaire et son élément modérateur est le pouvoir souverain et l’entendement politique du Chef de l’État, dont la discrétionnalité ne peut se soumettre à aucune concertation ou partage (ex. « souveraineté partagée » de l’Union Européenne).

En effet un seul homme doit avoir le doigt sur la gâchette et cet homme est le président des États-Unis.

OTAN, BAM, AEGIS-ASHORE. Une stratégie d’encerclement ?

Puisque, en conclusion, l’élargissement vers les frontières de la Russie de la part de l’UE et de l’Otan est l’expression d’un faisceau de stratégies conjointes, la sortie de la France du commandement militaire intégré, ne risquerait-elle-pas d’isoler la France au sein de l’Otan et de l’UE, d’accroître la poids de l’Allemagne et provoquer d’autres défections ? In fine la déstabilisation du continent qui s’ensuivrait favoriserait elle la paix ?

Les généraux rappellent, à bon escient, la « ruse » historique des BAM (missiles anti-balistiques) et leur installation dans des pays de la « Jeune Europe » (Pologne, Roumanie, République Tchèque), présentée initialement comme une première étape de la mise au point d’un bouclier de théâtre sol-air, destiné à protéger les États-Unis et leurs alliés d’une attaque en provenance d’États-voyous (Iran, Corée du Nord, etc.).

Ils confirment que les BAM, constituent en réalité le segment d’un système de frappes offensives, sol-sol, pointé contre la Russie. Le constat, de la part de celle-ci, que les lanceurs des BAM, installés tout autour des frontières russes font partie intégrante d’une architecture globale, destinée à anéantir sa deuxième frappe en second, dans l’hypothèse d’une première frappe désarmante de la part des USA/Otan, ce constat a poussé la défense russe à installer, en riposte, dans l’enclave de Kaliningrad, des lanceurs mobiles sol-sol Iskander (d’une portée officielle de 480km).

Or le dispositif otano-américain est complété d’une couronne de lanceurs Aegis Ashore SM3, constituant le containement ou le bouclier terre-mer, qui va de la mer Noire à la Baltique, tout autour de la Russie. L’architecture des BAM, intégré du système Aegis Ashore SM3, inaugure ainsi un nouveau cycle de provocations-réactions et engendre une ré-nucléarisation de l’Europe, redevenue un champ de bataille nucléaire.

Une période de tensions, plus sérieuses que celles du passé s’ouvre ainsi, vis à vis de la Russie, déclarée unilatéralement « ennemie »

La vraie question. Qui est, de nos jours, l’ennemi? Qui joue le rôle du perturbateur?

Dans l’actuelle condition de désagrégation de l’Ouest, la structure stratégique globale de l’Occident, pourrait devenir un puissant instrument de négociation diplomatique, s’il existait un sens ou une idée générale de la paix, partagés par les acteurs nucléaires de la conjoncture historique. C’est donc dans un nouveau contexte historique, moins maîtrisable, que se définit le fond de la « Nouvelle Guerre Froide ». Sa caractéristique principale est l’augmentation des incertitudes et des déterminismes, qui interviennent dans les calculs diplomatiques et stratégiques, brouillant la vision du long terme et la complexité planétaire de la multipolarité.

Or, la vraie question que le groupe de généraux devaient se poser, dans les conclusions de leur papier, n’est pas de dénoncer la contradiction de la dissuasion française, entre deux types d’engagement, celui offensif de la bataille de l’avant (et de l’Otan) et celui défensif, de l’ultime et unique avertissement, avant les frappes massives et anti-cités (couvertes théoriquement par la sanctuarisation du territoire), mais d’inverser les paradigmes politiques existants par une extension conceptuelle du cadre de réflexion, qui ne peut plus être celui de l’espace européen, mais de la géopolitique mondiale. En effet, le refus d’accepter la subordination euro-atlantique, dans le cadre de l’Otan, ne s’accompagne pas de l’esquisse d’un projet européen alternatif, qui est d’ailleurs la prérogative du politique, mais consiste à dénoncer l’erreur occidentale qui persévère à se tromper d’ennemi.

Or, la vraie question, qui n’a pas été posée et demeure pourtant capitale, est de savoir qui joue, de nos jours, le rôle du perturbateur et s’il y a encore un espace pour la paix et la négociation.

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DEUXIEME PARTIE

La dissuasion et ses adaptations

Entrer dans le débat sur la dissuasion et sur les adaptations des stratégies nucléaires à l’ère de la multipolarité signifie-y-il de remettre en cause la centralité de l’atome dans les équilibres de puissance du système international actuel?.

Cette centralité rappelle la radicalité conceptuelle et stratégique du débat sur le conflit nucléaire, qui marqua la période 1945-1991.

Le débat qui reprend aujourd’hui autour de la notion de conflit limité et d’escalade, a  été au cœur de la « guerre froide », celle-ci n’ayant jamais cessé, selon certains, en tant qu’expression des politiques de puissance. Il en résulte une question cruciale pour la stratégie française, évoquée par le cercle de réflexion interarmées, à savoir : « Comment concilier une guerre limitée et une escalade nucléaire de coercition, compte tenu du fait que la recherche de suprématie dans l’escalade peut surgir d’une guerre conventionnelle, locale et indécise et viser la victoire ».

Si le système multipolaire se signale par la rivalité entre plusieurs acteurs, satisfaits et insatisfaits, perturbateurs ou conservateurs et par la dimension de changement, qui est inscrite dans les règles de fonctionnement de tout système international, la dissuasion, comme stratégie de la « non-guerre » ne peut éviter les adaptations opérationnelles et doctrinales qui apparaissent sur le terrain des évolutions militaires globales.

En synthèse, puisque la dissuasion nucléaire entre Grands, ne peut éviter les conflits locaux ou de basse intensité, ni la logique des faits accomplis, qui interviennent sous couvert du nucléaire stratégique, des adaptations des forces conventionnelles se révèlent indispensables, pour mettre en échec l’option dramatique du « tout ou rien ».

Limites de la dissuasion

Les planificateurs et décideurs politiques de la « guerre froide » savaient pertinemment que la dissuasion ne pouvait pas mettre en échec une agression conventionnelle, locale ou de basse intensité et qu’elle ne pouvait surmonter le découplage des théâtres, américain et européen, car elle touchait à une « limite » de la doctrine, la « crédibilité élargie » du parapluie nucléaire américain.

Or, si la dissuasion nucléaire reste l’élément-clé de la stabilité du monde, la permanence des menaces étatiques majeures, justifie son maintien et sa crédibilité en Europe de l’Ouest, compte tenu aussi, des revendications chinoises en Asie-Pacifique pour un engagement plus intense dans la compétition stratégique globale.

Le concept de dissuasion entre stratégie de prévention et tactique d’emploi

Cependant, il faut accepter, dans la réflexion sur le nucléaire, une distinction structurante entre stratégie et tactique, qui prenne en compte les acteurs occidentaux et asiatiques dans un contexte global.

A ce titre, s’imposera une première dissociation entre le « nucléaire stratégique », entendu comme prévention du conflit et le « nucléaire tactique », conçu comme mode d’emploi, pour l’emporter militairement et politiquement, dans une guerre conventionnelle.

Une des hypothèses d’emploi de l’arme nucléaire dans le courant d’un conflit conventionnel, est de forcer l’adversaire à se déclarer vaincu, en démontrant l’existence d’une asymétrie des enjeux, par l’emploi d’une asymétrie des forces.

Par ailleurs, l’emploi du nucléaire dans une « guerre limitée », ne signifie pas nécessairement un échec de la « dissuasion », mais une rupture du tabou de la stratégie de prévention. Il peut viser l’objectif de négocier en position de force, ou encore de vouloir l’emporter et de vaincre. Le franchissement d’un « seuil » entre conventionnel et nucléaire, suppose de surcroît, une capacité de gestion de la crise, soit pour acquérir la suprématie dans l’escalade,  soit pour maîtriser l’escalade elle même, avant le passage à un échange stratégique nucléaire global. Cet échange ferait alors intervenir plusieurs acteurs multipolaires, compte tenu de la pluralité des puissances concernées par l’issue d’un conflit général ou par une guerre d’alternance hégémonique

Incertitude globale

Ainsi et au niveau le plus abstrait, l’ennemi est le pôle nucléaire et politique qui risque de dominer les autres (USA, Russie et Chine) et la dissuasion est, elle même, multiple, car elle doit exprimer militairement les rivalités politiques, au sein d’un environnement où domine la règle du « chacun pour soi ». Or face à l’évolution des États-Unis, qui accordent une place de plus en plus importante aux différents systèmes de défense anti-balistiques, intégrant, sous la forme d’une dissuasion élargie, des aspects conventionnels, nucléaires tactiques et antimissiles, le défi central, pour l’Europe et les pays nucléaires du continent, est de constituer une défense européenne indépendante et autonome pour traiter les menaces montantes dans des régions clés, sans remettre en cause la stabilité des puissances nucléaires majeures, à une époque d’instabilité accrue et de course aux armements, caractéristiques de la « nouvelle guerre froide ».

Bruxelles le 19 juin 2020 – Source : ieri.be/fr/

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