Seule la guerre détermine ce qui existe et ce qui n’existe pas- Alexander Douguine

Source : reseauinternational.net – 14 août 2024 – Alexander Douguine

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Les gagnants ne sont pas jugés. Mais tous les autres sont jugés. Seuls les vainqueurs font l’objet d’une exception. Pour que notre vérité l’emporte – au sens le plus large (civilisationnel, philosophique, religieux) comme au sens le plus petit (les faits les plus simples – bombardements, pertes, invasions, attaques d’installations nucléaires) – il est nécessaire de gagner, au moins.

La guerre affecte l’ontologie. C’est elle qui porte un jugement sur l’être : sur ce qui est et ce qui n’est pas. Telle est la métaphysique de la guerre : elle peut effacer l’être ou le doter d’être. Elle fait, comme le disait Héraclite, de l’un un seigneur et de l’autre un esclave. Le vainqueur est le maître, il est. Le vaincu ne l’est pas, ou alors il est esclave, et être esclave est pire que de ne pas être du tout.

C’est pourquoi il est vain de s’indigner du comportement de l’Allemagne ou du Japon modernes, qui sont les esclaves de l’Occident en raison de la perte de la Seconde Guerre mondiale, et qui n’existent tout simplement pas.

Après la fin de la guerre froide, la Russie s’est retrouvée en position d’esclave – grâce à Gorbatchev, Eltsine et aux réformateurs libéraux. Et grâce à tous ceux qui ont soutenu ce salaud et se sont inscrits docilement dans la file d’attente du McDonald’s.

Il existe une formule du droit de l’Église qui consiste à «imputer ce qui n’est pas arrivé». Il ne s’agit pas d’un jugement sur le bien-fondé, mais sur l’existence. Il peut avoir existé dans un certain sens, mais les Pères ordonnent que cet être soit aboli, assimilé au néant. Les pères, qui règnent sur le présent, qui y ont triomphé, jugent librement et souverainement le passé, de manière seigneuriale, en y distinguant ce qui a été et ce qui, par essence, n’a pas été.

Évidemment, ce ne sont pas seulement les pères en conseil qui font cela, mais toute idéologie, tout pouvoir. Et Orwell n’exprime ici aucun paradoxe «totalitaire» : celui qui contrôle le présent crée son passé. C’est ce que tout le monde fait et a toujours fait. Si l’on veut contester tel ou tel verdict sur le passé et non le passé, il suffit de prendre le pouvoir, c’est-à-dire de gagner.

Poutine, tel un Spartacus géopolitique, s’est révolté, sortant la Russie de l’oubli. Mais la Russie ne sera que lorsqu’elle aura gagné. Être et Victoire sont synonymes.

La Russie est ce qui sera.

De cette guerre dépend, bien sûr, le sort de l’Ukraine. Et pas seulement si elle sera (j’espère que non), mais si elle n’a jamais été. La genèse n’est pas prouvée dans le passé, elle est décidée dans le présent par l’acte de création de l’avenir.

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