Le monde selon le mode russe et la Pax Americana
Source : katehon.com – 25 aout 2025 – Leonid Savin,
https://katehon.com/fr/article/le-monde-selon-le-mode-russe-et-la-pax-americana
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La visite à Moscou du représentant spécial du président américain Steve Witkoff et les déclarations officielles concernant la rencontre prévue entre le président russe Vladimir Poutine et son homologue américain Donald Trump pour discuter du règlement du conflit en Ukraine soulèvent à nouveau la question d’une éventuelle cessation des hostilités et du lancement d’un processus de paix, si les conditions conviennent à toutes les parties.
Bien que l’on parle de paix, des connotations contradictoires et des questions supplémentaires apparaissent. Les objectifs de l’opération militaire spéciale annoncés par les dirigeants russes seront-ils atteints ? Le cessez-le-feu prévu affaiblira-t-il la Russie ou, au contraire, lui offrira-t-il de nouvelles possibilités de défendre ses intérêts ? Qu’adviendra-t-il des sanctions ?
La réunion à venir et les négociations éventuelles se déroulent dans un contexte d’expansion de la zone de contrôle russe sur la ligne de contact, de sorte que les craintes d’un échec du succès militaro-politique par le biais de décisions diplomatiques sont tout à fait plausibles. Les précédents historiques des guerres russo-ottomanes et, en particulier, la politique perfide de la Grande-Bretagne, puis des États-Unis, rendent ce risque assez élevé.
Mais avant tout, lorsque l’on réfléchit à la paix, il faut tenir compte du fait que nous la comprenons quelque peu différemment que l’entendent, disons, les représentants de la culture anglo-saxonne. Un détour par l’étymologie est important pour comprendre ce à quoi nous aurons affaire par la suite.
Dans la langue russe moderne, le mot « mir » a deux significations. Il désigne 1) l’espace qui nous entoure, c’est-à-dire la planète Terre, et 2) l’état de paix et d’harmonie. En sciences politiques, on utilise souvent le terme latin Pax, dont est dérivé le mot anglais Peace. Le plus souvent, le mot Pax est utilisé avec un adjectif, par exemple dans l’expression Pax Britannica, qui décrivait la puissance de l’Empire britannique et l’existence de ses colonies à travers le monde. La Pax Americana, c’est-à-dire la paix à l’américaine, est apparu dans la seconde moitié du 20ème siècle, lorsque la Grande-Bretagne, pour diverses raisons, n’a plus été en mesure d’exercer sa domination mondiale et que ses colonies ont commencé à se séparer les unes après les autres dans différentes parties du monde. Mais dans le dictionnaire latin-russe classique (édité par Dvoretsky), le mot Pax est donné dans un sens plus large, appliqué à l’Antiquité. Il existait alors la Pax Romana, décrite comme « la partie du monde pacifiée par les conquêtes romaines, c’est-à-dire par l’Empire romain, l’Imperium romanum ».
Donc, l’Imperium n’est pas simplement un état de paix et d’harmonie. D’abord, c’est le résultat des actions de l’acteur politique qui instaure cet Imperium. Ça peut être fait par la force des armes ou par la persuasion, mais la « pacification » en soi implique qu’elle n’a pas été réalisée de plein gré par ceux à qui s’applique cet ordre mondial. Deuxièmement, il s’agit de contours territoriaux bien définis. La Pax Romana s’étendait sur la région méditerranéenne, la Gaule et la Bretagne, mais la Scythie, la Perse et, a fortiori, l’Inde et la Chine, plus lointaines, n’ont jamais été soumises à l’autorité de Rome.
Au 21ème siècle, les réalités sont différentes. Si quelqu’un ne peut être « pacifié » par la force des armes, on aura très probablement recours à des instruments économiques, à l’influence culturelle, ainsi qu’aux services d’une tierce partie, qu’il s’agisse d’un organe supranational ou d’une organisation internationale influente. Il semble qu’un tel scénario d’Imperium, selon lequel certaines restrictions seraient imposées à la Russie, pourrait se réaliser aujourd’hui. Il s’agirait en quelque sorte d’une version de la Pax Americana qui s’approcherait de nos frontières (compte tenu des informations préliminaires selon lesquelles les États-Unis ont refusé de garantir que l’Ukraine n’adhérerait pas à l’OTAN).
Voilà donc une option, la pire pour la Russie. Quelles autres versions de l’apaisement actuel sont possibles ? Bien que Zelensky affirme également sans cesse la nécessité d’établir la paix, il est tout à fait évident que ce processus n’a pas grand-chose à voir avec l’Ukraine, car celle-ci n’est pas un sujet souverain. On peut également parler, avec beaucoup de bonne volonté, d’une Pax Europaea, car les principaux acteurs du processus de négociation sont la Russie et les États-Unis.
Si un partage des sphères d’influence sur le territoire ukrainien a lieu, comme ce fut le cas lors de la conférence de Potsdam, deux ordres mondiaux – américain et russe – se côtoieront et disposeront peut-être d’une zone tampon. Comme à l’époque de la bipolarité; à cette époque-là, cependant, la frontière se trouvait beaucoup plus à l’ouest. La question cruciale et urgente sera alors de savoir où passera exactement la ligne de démarcation. Suivra-t-elle les frontières administratives et territoriales ? Le Dniepr (compte tenu du retrait des forces armées ukrainiennes de la partie occupée de la région de Kherson) ? Ou la Pax Russica s’étendra-t-elle beaucoup plus à l’ouest, où se trouvent les terres historiques du monde russe ?
Il convient de souligner que la Pax Russica est plus qu’une zone de contrôle militaire et politique de Moscou. Il s’agit d’un espace culturel et historique, d’une zone d’activité commerciale et économique, et d’un espace de liberté, sans entraves, pour les compatriotes vivant dans d’autres États. Cependant, d’un point de vue étymologique, la Russie mène actuellement une politique d’apaisement par la voie militaire à travers ses forces armées.
D’un point de vue géographique plus large et dans une perspective stratégique à long terme, la nuance suivante est importante. Tant que la Pax Americana règne en Europe (ce qui est évident dans le contexte actuel de l’UE et de l’OTAN), la Pax Russica ne pourra pas se transformer en Pax Eurasiatica, même avec la participation active des autres membres de l’UEE et l’adhésion de l’Inde, de la Chine et de l’Iran avec leur propre vision de la Pax, qui peuvent coexister de manière organique dans le cadre de l’Ordo Pluriversalis, un ordre géopolitique multipolaire. Il est donc nécessaire d’établir des bases solides (garanties, respect des exigences, communication des positions impératives) non seulement pour la mise en œuvre adéquate de la Pax Russica, mais aussi pour créer un terrain favorable à la future Pax Eurasiatica, qui implique évidemment la disparition du régime transatlantique, à travers lequel la Pax Americana continue d’exercer son hégémonie dans la péninsule occidentale de l’Eurasie.
L’uniformisation est au démoniaque, ce que l’unité est au Divin.
En 1964, dans « Humanisme et Culture », Edgar Faure écrivait : « Le système capitaliste de l’Occident et le socialisme de la Russie (aujourd’hui on pourrait dire des « BRICS ») cheminent l’un vers l’autre, vers la solution de synthèse ».
« Le monde actuel est en voie d’uniformisation totale », écrit Christophe Levalois dans son ouvrage « Les Temps de Confusion ».
L’aspect le plus patent de l’uniformisation du monde qui sévit aujourd’hui est le Mondialisme. Il se fonde principalement, au premier degré, sur des motivations économiques et idéologiques. En effet, il s’avère plus intéressant pour l’industrie et par là pour le système économique transnational, d’avoir plusieurs centaines de millions de consommateurs uniformes plutôt que des groupes de quelques millions bien différenciés. Le monde n’est plus dès lors partagé entre pays, communautés différentes et irréductibles, mais en zones qui sont des espaces quantitatifs consacrés à la distribution des produits. Quant au point de vue idéologique, il ne peut être dissocié de l’économique, car la primauté accordée à ce domaine est le moteur, l’arme et l’outil de la pensée matérialiste. Mais il s’habille d’une morale, les Droits de l’homme, et d’une fausse alternative, Capitalisme et Marxisme. Nous disons fausse, car ces deux tendances sont rigoureusement identiques quant aux principes et à l’objectif. Ce n’est qu’une question de formes et de modalités. Nous assistons aujourd’hui à une lente fusion des vestiges du Capitalisme et de ceux du Marxisme. La finalité est le Mondialisme.
Notons que Vladimir Poutine est devenu une sorte de « Superhéros » luttant contre le « Nouvel Ordre Mondial », à l’instar de son homologue étasunien et milliardaire actuel, Donald Trump, tant vanté et glorifié, lui aussi, par une dissidence peut-être un peu trop naïve.
Rappelons qu’en hâtant l’effondrement de l’empire américain, Donald Trump (à l’instar de M. Gorbatchev en URSS) agit comme un allié objectif des intérêts des globalistes de la « City » de Londres, c’est-à-dire cet Épicentre du séisme instigateur du « Nouvel Ordre Mondial », dont le seul objectif est l’avènement d’un gouvernement mondial. Car précisément, le gouvernement mondial ne pourra voir le jour que sur les décombres des États, tout empires soient-ils.
(…)
Les pays se sont ruinés sans s’en apercevoir. Comme personne n’apporte de solution miracle (c’est impossible au niveau actuel du Plan), les hommes qui sont au pouvoir visible tentent de créer l’illusion que tout va bien. C’est la raison pour laquelle tout a été fait pour corrompre la classe politicienne. Et les peuples continuent de flatter, pour le temps qui leur reste, ceux qui donnent l’impression d’écarter d’eux toutes les calamités. Inutile de vous dire que cette espérance est et sera trompée. Tous les accords de paix dont vous avez entendu parler depuis la « guerre du Golfe », tous les évènements de Russie faisant croire à une nouvelle ère où le Communisme serait renvoyé au cimetière sont des « composantes » du Plan. Pensez-vous réellement que cette « Organisation » qui a financé Lénine, qui a donné la moitié du monde à Staline avec la complicité des dirigeants de l’époque accepterait de tout arrêter alors qu’elle est si proche du but ? Croyez-vous sérieusement que tous les montages secrets qui ont permis au Socialisme d’être planétaire vont s’arrêter là ?
Comprenez que le Communisme ne sera réellement mort que le jour où son « père nourricier », à savoir le Capitalisme ultra libéral de la Haute Finance, ne sera, lui-même, plus de ce monde !
Avec la grande duperie de la « Perestroïka » (Restructuration) et l’imposture de la « Glasnost » (Transparence), nous assistons depuis quelques temps au « Glissement » mondial (Européen pour commencer) vers une Deuxième « Révolution d’Octobre ».
Pour faire une révolution, disait Julian Huxley (le frère d’Aldous), l’alternative démocratique est la plus désirable et la plus permanente, la méthode totalitaire s’autodétruit à la longue.
NB : Tartufferie institutionnelle et Justice divine
Pour info, rappelons que si Joe Biden a gracié son fils, Hunter Biden, juste avant son départ de la Maison Blanche, fin 2024 (Biden a aussi gracié de façon préventive des personnes qui n’ont pas encore fait l’objet d’une enquête, notamment le très controversé docteur Anthony Fauci), Donald Trump a, quant à lui, gracié Ross Ulbricht deux jours à peine après son investiture en janvier 2025. Rappelons que Ross Ulbricht est le créateur du site « Silk road » ou « eBay » de la drogue (entre autres ; tous les trafics de drogue passaient là-dedans), et considéré comme la source de crime organisé. Ce site était conçu comme un marché libre où n’importe qui pouvait acheter n’importe quoi, dans un anonymat complet. Ainsi, tout le monde pouvait acheter des stupéfiants, des armes, des « services » de piratage de comptes Twitter ou Facebook et des faux papiers. Arrêté en octobre 2013, Ross Ulbricht sera inculpé en août 2014 de blanchiment d’argent, de trafic de drogues et de piratage informatique ; condamné en 2015 à la réclusion à perpétuité, comptabilisant en détail deux réclusions à vie ainsi que d’autres durées d’emprisonnement plus ou moins longues, il sera finalement gracié par Trump en janvier 2025.
La justice semble, aujourd’hui, bien plus conciliante à l’égard de celui qui « vole un bœuf » qu’envers celui qui « vole un œuf ».
Rappelons également ceci : le 31 décembre 1999, au moment où la guerre en Tchétchénie interdisait tout débat sérieux, quelques oligarques russes organisèrent une discrète passation des pouvoirs d’Eltsine à Poutine, sans élections à la clé. Ancien Officier du KGB, les Services de renseignements soviétiques (Poutine a passé 17 ans au KGB avant que Boris Eltsine fasse de lui, en 1998, le directeur du FSB, ex-KGB), le premier geste de Vladimir Poutine en tant que président fut de signer la loi qui mettait son prédécesseur à l’abri de toute poursuite judiciaire, que ce fût pour des actes de corruption ou pour les assassinats de manifestants en faveur de la « démocratie » commis par l’armée pendant qu’il était au pouvoir. De plus, bien que figure centrale de l’exécutif de la nation Russe depuis 1999, notons qu’une commission parlementaire britannique a publié en mai 2018 un rapport alertant sur le fait que la « City » de Londres serait devenue un centre de blanchiment d’argent pour les hommes d’affaires russes et pour Vladimir Poutine et son entourage, ce qui a valu à la capitale britannique le surnom de « Londongrad ».
Le retour à la LOI DIVINE est signe de régression, de faiblesse, et d’éloignement. Elle est donnée à nouveau à l’homme (l’humanité ou le peuple) qui ne sait plus se conduire.