Conservatisme mondial et guerre culturelle en Occident : une étude universitaire russe analyse cette réalité et cite Strategika
Les nouveaux médias de la « nouvelle droite » : exemples contemporains de promotion des valeurs traditionnelles – par Dmitry Moiseev
Dmitry Moiseev est né à Moscou, en Russie, en 1987. Il a obtenu son doctorat en histoire de la philosophie à l’Université nationale de recherche – École supérieure d’économie (HSE) de Moscou. Il est également titulaire d’un master en anthropologie philosophique de la HSE, d’une licence en économie et gestion de la London School of Economics et d’une licence en économie de la HSE. Il est maître de conférences à la HSE, membre de la Société philosophique russe et de la Société russe d’histoire et de philosophie des sciences.est né à Moscou, en Russie, en 1987. Il a obtenu son doctorat en histoire de la philosophie à l’Université nationale de recherche – École supérieure d’économie (HSE) de Moscou. Il est également titulaire d’un master en anthropologie philosophique de la HSE, d’une licence en économie et gestion de la London School of Economics et d’une licence en économie de la HSE. Il est maître de conférences à la HSE, membre de la Société philosophique russe et de la Société russe d’histoire et de philosophie des sciences.
La revue universitaire russe « Patria » a réalisé une étude sur les médias conservateurs occidentaux contemporains. Le professeur Dmitry Moiseev – École supérieure d’économie de Moscou – analyse la montée des idées « conservatrices » en Occident, une tendance illustrée par des exemples de médias contemporains ayant connu le succès, comme la maison d’édition britannique Arktos et le think tank français Strategika. Sont aussi évoqués nos travaux de recherche sur le globalisme politique. Cette étude est intéressante pour nous car : 1/ elle démontre une liberté de recherche et de parole impossible dans une université française ; 2/ elle donne un regard universitaire extérieur à la sphère européenne sur les réalités métapolitiques occidentales contemporaines ; 3/ elle analyse la lutte pour l’hégémonie culturelle qui se déploie en Occident entre traditionnalistes et libéraux, ainsi que ses convergences avec la ligne politique de défense des valeurs traditionnelles portée par la Russie.
Nous remercions Dmitry Moiseev pour l’intérêt porté au travail de Strategika.
Pierre-Antoine Plaquevent
Résumé : Les changements qui se produisent dans le monde depuis quelques années, sous l’influence de crises géopolitiques à grande échelle, peuvent être qualifiés de « nouveau virage à droite », conférant ainsi une actualité particulière aux idées formulées par les représentants du mouvement intellectuel de la « nouvelle droite », né en France en 1968. L’émergence d’un ordre mondial multipolaire, la montée en puissance de l’antimondialisme et du traditionalisme, la crise du libéralisme de gauche, la révision de facto des principes du droit international, la nouvelle révolution technologique, etc. Tous ces phénomènes avaient été prédits par Alain de Benoist, Guillaume Faye et Dominique Venner dans la seconde moitié du XXe siècle. Les médias modernes et le travail systématique dans le domaine de l’information visant à promouvoir les idées fondamentales de la « nouvelle droite », parfaitement en phase avec la politique actuelle de la Fédération de Russie, ont contribué à susciter un intérêt accru pour le discours de cette dernière. Cet article examine à la fois la tendance générale à la popularisation des idées de la « nouvelle droite » et des exemples concrets de médias de droite contemporains ayant connu le succès, comme la maison d’édition britannique Arktos et le think tank français Strategika.
Mots-clés : médias, « nouvelle droite », antimondialisme, valeurs traditionnelles, Arktos, Strategika
Pour citation : Moiseev D. (2025). Les nouveaux médias de la « nouvelle droite » : exemples modernes de promotion des valeurs traditionnelles // Patria. Т. 2. № 3. С. 36-47.
doi: 10.17323/3034-4409-2025-2-3-36-47
Traduction française : Strategika
Introduction. « La nouvelle droite » en tant qu’école de pensée
Les émeutes étudiantes de mai 1968 en France, l’émergence des idées de gauche et du libéralisme comme courants dominants de la philosophie politique, ainsi que la crise générale de la pensée conservatrice après la Seconde Guerre mondiale, ont conduit à une remise en question de l’héritage traditionnel de la « droite » et du modernisme réactionnaire de l’entre-deux-guerres. Ce défi a été relevé par le GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), dirigé par le philosophe Alain de Benoist, qui s’est ensuite fait connaître sous le nom de « Nouvelle Droite ». Inspirés par l’héritage de Friedrich Nietzsche, de Julius Evola, d’Oswald Spengler, de Vilfredo Pareto et d’autres penseurs de droite, Alain de Benoist, Guillaume Faye, Dominique Venner et Pierre Vial ont proclamé les principes de l’antisoviétisme et de l’antilibéralisme. Ces auteurs ont énoncé les principes de l’antisoviétisme, de l’antilibéralisme, de l’ethnopluralisme et de l’antiaméricanisme, créant un corpus de textes à la fois critiques et visionnaires dont la pertinence ne fait que croître à mesure que la crise de la postmodernité néolibérale s’approfondit. C’est ce que montre le chercheur T. Sunic dans son étude sur la genèse de la pensée de la « Nouvelle Droite », ces penseurs tiennent de Spengler leur critique de l’abolition par le libéralisme de la hiérarchie méritocratique et de l’idée d’histoire comme destin, de Pareto leur critique de la démocratie et de l’humanisme européen, et de Schmitt leur « dévoilement » du libéralisme en tant que romantisme politique.
Nietzsche et Evola sont importants pour la « Nouvelle Droite » en tant que critiques du monothéisme en général, et du christianisme en particulier. De ces philosophes, la « Nouvelle Droite » a tiré son admiration pour l’Antiquité gréco-romaine et, plus généralement, pour le vecteur spirituel traditionnel indo-européen, « païen », de la compréhension de l’existence. À partir de ces positions, la Nouvelle Droite critique le « mysticisme égalitaire », c’est-à-dire les utopies marxistes et néo-marxistes d’égalité, l’économisme égalisateur et la standardisation post-Lumières de l’homme. Elle prône un monde de diversité authentique, basé sur des identités nationales fortes et sur l’expérience historique et culturelle des peuples (Sunic, 2024 ; Moiseev, 2024). Selon la Nouvelle Droite, les politiques culturelles popularisées dans divers circuits sociaux jouent un rôle particulier dans le processus salvateur de retour aux sources de l’humanité occidentale.
Il convient de noter que le GRECE n’est pas parvenu à s’imposer en tant que force politique, se contentant d’être un groupe de réflexion et une école de pensée. Cependant, au XXIe siècle, nous avons assisté à une popularisation rapide des idées de la « Nouvelle Droite », et les reflets de ces idées sont désormais visibles dans les masses mondiales. La diffusion d’Internet a joué un rôle important dans ce phénomène, en raison de la présence de « nouveaux médias » et de la combinaison des efforts d’information, d’organisation et d’analyse déployés par divers individus et groupes à travers le monde.
Examinons l’évolution de ce processus étape par étape et à l’aide d’exemples spécifiques.
Le « nouveau virage à droite » et le rôle des médias
La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine du 5 novembre 2024 a provoqué un renversement rapide des tendances politiques occidentales vers la droite. Dans les premières semaines suivant son entrée en fonction, M. Trump a exposé les revendications géopolitiques des États-Unis concernant le Canada, le Mexique et le Groenland, signé un décret retirant les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé et de l’Accord de Paris sur le climat, lancé des efforts pour renforcer les frontières nord et sud des États-Unis, défait le centre de subventionnement de gauche USAID financé par les contribuables, fermé tous les programmes gouvernementaux relatifs à la diversité et à l’inclusion, et légiféré pour ne reconnaître que deux genres : le masculin et le féminin. En tenant ses promesses de campagne, Trump s’est attiré les faveurs des citoyens conservateurs, non seulement aux États-Unis, mais aussi à l’étranger. Son plus proche associé, Elon Musk, a quant à lui commencé à intervenir activement dans la politique intérieure de l’Allemagne et du Royaume-Uni, en soutenant des partis conservateurs de droite, Alternative für Deutschland – Alternative pour l’Allemagne et Reform UK – Réforme du Royaume-Uni, qui, selon des sondages récents, jouissent d’une popularité record (Coates, 2025 ; Statista.com, 2025).
Étant donné que la rhétorique et les actions politiques de Trump sont fortement axées sur l’establishment gaucho-libéral, tout cela serait impossible sans un développement important de l’information par le biais des technologies médiatiques modernes.
Des chercheurs américains ont noté la popularité croissante des mouvements conservateurs de droite aux États-Unis dans les années 1990, qui a coïncidé avec l’émergence de nouvelles possibilités techniques permettant d’attirer l’attention et d’interagir avec la population sur le plan informationnel :
« La culture a été un facteur de succès essentiel dans les efforts de la nouvelle droite pour mobiliser les militants et promouvoir un programme conservateur. Leurs musiques, leurs événements familiaux, leurs jeux informatiques et leurs parcs d’attractions étaient profondément ancrés dans le quotidien des Américains, attirant de nouveaux groupes sociaux vers la politique (Blee et Creasap, 2010 : 273).
L’émergence des médias sociaux dans les années 2000, marquant l’avènement du Web 2.0 et des contenus créés par les internautes, et non plus seulement par les médias en ligne, a radicalement amélioré la boîte à outils traditionnelle du travail idéologique : « Le trend management est un moyen de persuasion relativement nouveau et de plus en plus dangereux dans les médias sociaux » (Prier, 2017 : 51). Ces mécanismes sont activement utilisés par des agents de l’État, des organisations privées, des groupes de citoyens, des partis politiques, des organisations publiques et des centres d’experts.
Compte tenu de l’accessibilité considérablement accrue à la création et à la communication d’informations publiques, ces développements n’ont fait qu’accroître la demande de récits et d’idéogrammes.
Le domaine de l’information moderne est devenu beaucoup plus complexe qu’au cours de la seconde moitié du XXe siècle, période durant laquelle il était dominé par les médias traditionnels, lui donnant un aspect extrêmement primitif (2). Comme l’a montré l’expérience de la dernière décennie et demie, ce changement a profité aux récits qui s’appuient sur une importante tradition intellectuelle et qui sont soumis à la discrimination, à la censure et à la pression dans le monde des « anciens » médias. Le récit de la « nouvelle droite » semble actuellement être l’un des principaux « vainqueurs » de la lutte pour l’information de la nouvelle ère technologique : complètement bloqué dans les années 1970, il a été ravivé au début du XXIe siècle et a acquis une influence sans précédent.
Les chercheurs ayant écrit sur la première campagne présidentielle de Donald Trump (2016) ont à plusieurs reprises souligné le rôle significatif joué par le mouvement de l’alt-right, et plus particulièrement par le média Breitbart, dans sa réussite (Davis, 2017 : 149). Parallèlement, Steve Bannon, le fondateur et dirigeant de Breitbart, qui a été le conseiller de Trump à la Maison Blanche pendant les sept premiers mois de sa première présidence, a été considérablement influencé par le conservatisme classique (Edmund Burke), la philosophie de droite européenne de la première moitié du XXe siècle (principalement Julius Evola) et des théories de droite plus récentes (les « Lumières obscures » de Curtis Yarvin). Des médias comme Breitbart ont su tirer parti de l’attention considérable accordée à la première campagne présidentielle de Trump, qui a également fait l’objet de nombreuses recherches universitaires, car le candidat à la présidence a largement utilisé les réseaux sociaux, comme Twitter, YouTube et Facebook, pour diffuser son message, économisant ainsi une somme importante sur la couverture de la campagne (Schroeder, 2018).
Dans ce contexte, le dialogue entre intellectuels de différents pays, activement recherché par les forces conservatrices du monde entier, revêt une importance particulière. L’élaboration de nouvelles variantes pour repenser le conservatisme traditionnel, qui tiennent compte de la dynamique extrêmement élevée du développement technologique tout en visant à préserver les valeurs et les identités traditionnelles, est en train de devenir une priorité (Gianoncelli, 2021).
La dynamique actuelle de l’information, largement créée par les « nouveaux médias », oblige les acteurs académiques à réévaluer la contribution théorique de la « nouvelle droite » à la théorie politique contemporaine. Richard Marcy et Valérie D’Erman, de l’université de Victoria, notent en particulier que « la Nouvelle Droite devrait être prise au sérieux en tant que communauté d’experts aux stratégies radicalement innovantes, car elle représente un corps de théories qui posent un véritable défi aux systèmes politiques contemporains et constitue une source d’influence significative sur les changements culturels à grande échelle » (Marcy et D’Erman, 2019 : 83).
Les mêmes auteurs soulignent que « certains éléments suggèrent que la communauté de personnalités et d’intellectuels de la Nouvelle Droite contribue à saper le dialogue idéologique traditionnel de l’opinion publique, tant en Europe qu’en Occident, par des moyens socialement innovants » (Marcy et D’Erman, 2019 : 82).
Pour appuyer pleinement l’avis des experts ci-dessus, penchons-nous sur deux cas spécifiques qui illustrent le travail d’information des intellectuels de la « nouvelle droite » à notre époque, utilisant tout l’arsenal des technologies modernes de l’information.
Le cas d’Arktos (UK)
L’une des plateformes intellectuelles de droite conservatrice qui a activement soutenu la deuxième campagne présidentielle de Trump et popularisé la pensée de la Nouvelle Droite dans le monde anglophone est Arktos Media (Arktos.com), dont le siège est à Londres.
Fondé en Inde en 2009 par l’entrepreneur suédois Daniel Friberg et l’intellectuel américain John Morgan, le groupe Arktos a été lancé comme projet d’édition à Londres en 2010. Arktos Media a été lancé comme projet d’édition à Londres en 2010, avec le soutien de Gregory Lauder-Frost, chef du Traditional Britain Group, dont l’un des dirigeants à l’époque était Merlin Charles Sainthill Hanbury-Tracy, 7e baron Sudley (1939-2022). Ce groupe entretient des liens avec le Monday Club, une organisation traditionaliste d’élite proche du Parti conservateur britannique et de certains membres de la Chambre des lords.
Selon des sources académiques, pendant la période de formation du pool d’auteurs volontaires, Arktos a indiqué les priorités sémantiques suivantes en matière d’édition :
1) Les valeurs traditionnelles ; Nous essayons d’adhérer à des valeurs traditionnelles telles que l’honnêteté, l’intégrité et l’idéalisme ;
2) la protection de l’environnement. Nous nous soucions de la Terre et nous nous opposons à la destruction de l’environnement, à l’exploitation et à la maltraitance des animaux ;
3) Spiritualité. La plupart d’entre nous reconnaissent l’existence d’une réalité métaphysique supérieure, ou de Dieu, et suivent déjà un chemin spirituel authentique ;
4) Le rejet des normes modernes. Nous minimisons notre interaction avec les phénomènes modernes tels que le culte de la consommation, l’hédonisme vide de sens et illimité, et une culture hypocrite des droits de l’homme (Burden, 2013 : 172).
En moins de 15 ans d’activité, Arktos a publié plus de 250 livres en anglais. Le groupe publie des traductions en anglais d’œuvres classiques d’auteurs traditionalistes et conservateurs-révolutionnaires (J. Evola, E. Jünger, A. Mohler), ainsi que des livres et des articles des représentants les plus influents de la « nouvelle droite » (A. de Benoit, D. Venner, G. Fay, P. Krebs, P. Gottfried), ainsi que d’intellectuels contemporains de la droite conservatrice (D. Kirkpatrick, J. R. Giorgiani, T. Sunich, H. Vögel). Le travail d’Arktos sur l’héritage de la littérature russe contemporaine mérite une mention spéciale.
Il convient également de noter qu’en raison de l’orientation des valeurs d’Arktos vers la critique du libéralisme de gauche et du mondialisme (son slogan est « Making Anti-Globalism Global »), cette maison d’édition a fourni une plateforme au discours pro-russe dans le contexte de la confrontation actuelle. Elle publie régulièrement des ouvrages critiques de Douguine sur le sujet (3) et a publié en 2024 un livre de la journaliste ukrainienne D. V. Panchenko, nominé pour le prix mondial de la liberté de la presse de l’UNESCO en 2021. Journaliste qui critique la politique ukrainienne de ces dernières années (Panchenko, 2024).
Depuis 2023, la direction d’Arktos Media a décidé de transformer le projet en un véritable groupe de réflexion dont la mission est de « repousser les limites de la pensée et de donner la parole à des personnes ignorées par le courant dominant, tout en proposant des alternatives originales à la culture dominante » (4).
Le groupe Arktos a créé un environnement médiatique interne complet, comprenant le magazine électronique Arktos Journal (Arktosjournal.com), des blogs vidéo, des podcasts, etc.
Parmi les cadres d’Arktos, l’intellectuel allemand Konstantin von Hoffmeister, rédacteur en chef, se distingue. Ancien coach commercial à succès, il est diplômé en philologie et en sciences politiques. Il a fait ses débuts en 2024 avec son propre livre, Esoteric Trumpism, publié en quatre langues : anglais, italien, espagnol et russe (Hoffmeister, von, 2024a, 2024b, 2024c ; Hoffmeister, von, 2024).
Dans cet ouvrage prophétique, von Hoffmeister prévoit le succès de Donald Trump à l’élection présidentielle et le considère, à l’instar de la philosophie d’Oswald Spengler, comme un « nouveau César » face à la vague de décadence qui déferle sur l’Occident. Le penseur allemand associe l’image de Trump aux valeurs de la culture américaine classique et à sa tentative de survivre aux coups portés par le libéralisme de gauche et le mondialisme, tout en préservant son identité. Il y voit le caractère ésotérique de l’homme politique américain lui-même, ainsi que la signification métaphysique de l’élection présidentielle de 2024.
Dans son nouveau livre Multipolarité (Hoffmeister, von, 2025), il souligne la nécessité de préserver le sacré contre les forces inhumaines de la modernité. (Hoffmeister, von, 2025), publié cette année et influencé par la tradition de pensée de la Nouvelle Droite, l’auteur souligne la nécessité de préserver le sacré contre les forces inhumaines de la modernité. La notion de Dasein de Heidegger et le concept d’archéo-futurisme, qui harmonise la sagesse du passé avec le potentiel technologique de l’avenir, sont au cœur de sa vision. Il considère l’isolationnisme de Trump et l’effondrement de l’hégémonie américaine comme des signes avant-coureurs d’un nouvel ordre mondial qui remplacera l’ordre néolibéral. Le penseur allemand affirme que cet avenir sera fondé sur une véritable diversité de cultures et d’identités ethniques fortes.
Dans l’ensemble, Arktos est actuellement l’un des principaux acteurs des médias anglophones de la « nouvelle droite » contemporaine, et nous pouvons nous réjouir de constater que cette position met l’accent sur le respect de la Russie contemporaine et de sa contribution à la lutte pour un avenir meilleur et plus sain pour l’humanité.
L’exemple de Strategika (France)
Un exemple remarquable de réussite d’un média de « nouvelle droite » en langue française est celui de la plateforme de sciences politiques anti-mondialiste et think tank Strategika (Strategika.fr).
Créée en 2020, cette plateforme est à la fois un think tank, une société de conseil, un portail d’information, une chaîne YouTube, un espace pour les intellectuels conservateurs anti-mondialistes et une maison d’édition. Strategika conseille les politiciens et les personnalités publiques sur le monde multipolaire émergent, la reconfiguration des rapports de force existants dans les relations internationales et la promotion d’une vision des enjeux géostratégiques contemporains. Les intellectuels associés à ce think tank développent une stratégie paneuropéenne alternative au vecteur destructeur gauchiste-libéral. Strategika est guidé par les principes d’indépendance, de souveraineté, d’autonomie, de réalisme et de liberté (Strategika.fr).
Des auteurs français de renom tels que l’historien des idéologies Youssef Hindi, le général Dominique Delawarde (décédé en mai 2025), l’historien des idées Robert Steuckers, l’avocate Valérie Bugault, l’écrivain Lucien Cerise ou encore l’urbaniste Pierre Le Vigan, collaborent avec ce centre. Le think tank est dirigé par le politologue Pierre-Antoine Plaquevent, auteur de plusieurs ouvrages critiquant le mondialisme.
Son livre Globalisme et Dépopulation (Plaquevent-Strategika, 2022) commence par une citation de N. P. Patrouchev, alors secrétaire du Conseil de sécurité de la Fédération de Russie :
L’Occident continue d’agir conformément à la doctrine inhumaine du « milliard doré », qui implique une réduction significative de la population mondiale par divers moyens. Pour ce faire, l’Occident a créé un empire du mensonge qui vise à humilier et à détruire la Russie et d’autres États indésirables (Plaquevent, 2022 : 14).
Dans cet article, le politologue français examine les statistiques officielles sur les dommages causés par la vaccination contre le COVID-19, qu’il replace dans le contexte de divers plans et projets d’organisations mondialistes. Faisant appel à de multiples sources, Plaquevent amène le lecteur à penser que ce qui pouvait sembler « conspirationniste » il y a quelques années, trouve rapidement une confirmation empirique. Trois ans plus tard, nous pouvons ajouter que des informations que les médias dominants avaient qualifiées de fausses sont désormais reconnues comme vraies par les autorités et rapportées ouvertement par les principaux médias, comme l’origine en laboratoire du virus de la COVID-19, basée sur des informations de la CIA américaine, rapportée par The Guardian (The Guardian, 2025). Les mêmes médias britanniques ont également largement rendu compte des auditions publiques du Congrès américain, initiées par Marjorie Taylor Green, qui ont examiné les preuves de la nocivité des vaccins (The Guardian, 2024).
Dans son ouvrage « Open Society vs. Eurasia. The Geopolitics of Globalism » (Plaquevent, 2023), le politologue français examine les activités d’organisations telles que la fondation Open Society de Soros, Chatham House et le Council on Foreign Relations (CFR) des États-Unis, et retrace les principales lignes idéologiques de ces structures mondialistes, ainsi que leur impact sur les décisions politiques majeures dans différents pays. S’appuyant sur les théories de Carl Schmitt et de Karl Haushofer, Plaquevent soutient que la question centrale des relations internationales est la lutte entre l’« État mondial » et les États-nations, entre « cosmopolitique idéaliste et géopolitique réaliste ». Selon lui, afin d’éviter une nouvelle catastrophe d’ampleur planétaire, il est nécessaire d’engager un dialogue entre les États, en mettant de côté les chimères du mondialisme et du transhumanisme.
Tout en exprimant une position très critique à l’égard de la République française contemporaine, de la bureaucratie européenne et des fondations mondialistes, les auteurs de Strategika (Plaquevent en tête) sont favorables à la Russie actuelle et à sa lutte contre les forces mondialistes de gauche. Ceci est particulièrement évident dans le respect des valeurs traditionnelles, car la question de l’identité nationale est particulièrement aiguë en France aujourd’hui (Šima, 2021).
L’importance du « nouveau virage à droite » pour la Russie dans le contexte de la protection et de la promotion des valeurs traditionnelles.
Dans de précédentes publications scientifiques et d’experts, nous avons maintes fois justifié l’opportunité stratégique d’une communication productive avec les intellectuels de la « nouvelle droite » en vue d’élaborer conjointement des scénarios de développement mondial futur, en raison de la similitude essentielle des positions de valeur entre les doctrines russes officiellement approuvées et les points de vue développés par les penseurs de droite au cours des XXe et XXIe siècles.
Ainsi, dans « Le concept de conservatisme mondial… », nous avons noté que « la politique étrangère et intérieure actuelle de la Fédération de Russie ne laisse aucun doute sur le fait que le pays penche vers le spectre « droit » de la vision politique du monde. Cela peut faire des intellectuels, des hommes politiques et des militants de la « nouvelle droite » des alliés naturels de la Russie » (Moiseev et al., 2023 : 122). Étant donné que la Russie fait partie de l’espace civilisationnel et culturel européen, une telle communication est extrêmement souhaitable, voire stratégiquement inévitable, à notre avis.
En menant une « rébellion » civilisationnelle et géopolitique contre le libéralisme de gauche, notre pays a gagné de nombreux alliés et sympathisants dans les pays étrangers, convaincus que la voie consistant à imposer le libéralisme de gauche par la violence et la censure est profondément viciée et décadente pour les intérêts nationaux des peuples occidentaux. La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine a été la première confirmation significative de la lassitude des citoyens occidentaux face à la domination de l’« agenda progressiste ». Il semble évident que ce cas est le premier d’une longue série et que le processus de renaissance de la politique de droite conservatrice ainsi que le retour généralisé à l’idée d’une « Europe des nations » s’intensifieront à l’avenir. Pour la Russie, qui a une longue expérience réussie dans la suppression de divers aspects de l’agenda globaliste, le « nouveau virage à droite » est l’occasion d’acquérir une « puissance douce » sans précédent et de s’aligner stratégiquement sur les forces de droite conservatrices qui ont une chance d’accéder bientôt au pouvoir politique dans leur pays. Étant donné le rôle crucial joué par les nouveaux médias dans le « nouveau virage à droite », il est essentiel de souligner leur utilité en tant que plateforme d’interaction.
En 2023, Vladimir Poutine a noté que « la tendance du monde à la multipolarité est inévitable. Elle ne fera que s’intensifier. Et ceux qui n’en prennent pas conscience et ne suivent pas cette tendance seront perdants. C’est un fait absolument évident. C’est aussi évident que le lever du soleil ». Cela nous incite à revenir à l’idée de « civilisation boréale », dans le cadre de laquelle « la Russie peut rassembler et faire revivre les valeurs, les idéaux, les modèles de développement et la structure politique qui semblent avoir péri, effacés de la mémoire par le néolibéralisme et le mondialisme » (Moiseev et al., 2024).
Ce processus, dans lequel la Russie a montré au monde une voie constructive, s’est déjà étendu aux États-Unis et pourrait bientôt englober les États européens.
Pour nous, il s’agit à la fois d’un défi et d’une grande chance historique de prendre part, voire de guider culturellement, une nouvelle étape de l’histoire des grandes nations européennes (et post-européennes) auxquelles nous appartenons indubitablement. Dans cette perspective, l’interaction productive avec les représentants des médias de la « nouvelle droite » est une ligne stratégique importante, à la fois pour restaurer un dialogue culturel créatif et pacifique, et pour participer à la détermination des contours du destin politique du monde au XXIe siècle.
NOTES
1. La nécessité de renforcer la frontière sud (avec le Mexique) est apparue pour la première fois comme l’un des principaux messages du candidat républicain Patrick Buchanan en 1992 et en 1996. Pendant la campagne de 1992, Buchanan a même suggéré de « creuser un fossé » à la frontière pour arrêter l’immigration illégale (voir Diamond, 1996).
2. En 1965, le philosophe français Jacques Ellul, discutant de la simplicité des médias populaires, a affirmé : « La propagande cesse d’exister lorsque le dialogue le plus simple commence » (Prier, 2017 : 56). Compte tenu des spécificités du champ de l’information au XXIe siècle, les récits modernes sont obligés de résister à de telles « vérifications » et de représenter des lignes informationnelles et idéologiques plus élaborées.
3. Dans cette partie, les chercheurs occidentaux soulignent « l’influence surprenante de Douguine sur la pensée politique américaine », à laquelle ils associent « le retour de la Russie comme facteur important dans la vie politique américaine » (Franks, 2024 : 248).
4. https://arktos.com/about/. En général, l’expansion des représentations médiatiques traditionnelles a caractérisé Arktos dans les périodes précédentes. Dès 2013, il a notamment été noté qu’Arktos « combine les expressions intellectuelles traditionnelles de la « nouvelle droite » à travers la publication d’œuvres écrites (à la fois sous forme papier et numérique), mais forme également un écosystème plus large visant à stimuler d’autres discussions entre ses propres auteurs et la communauté plus large de la « droite » » (Burden, 2013 : 174). Arktos est donc qualifié de « maison d’édition hybride » présente à la fois dans le monde numérique et dans le monde physique (Burden, 2013 : 176).
5. La co-directionnalité, mentionnée en termes de ligne de défense des valeurs traditionnelles et explicitement proclamée par les créateurs d’Arktos ainsi que par les décideurs publics nationaux, est également remarquée par nos adversaires idéologiques de la gauche radicale-libérale.
6. Cela peut également être considéré comme le retour de l’Amérique aux notions classiques de liberté d’expression, qui ont subi ces dernières années des attaques considérables de la part de la soi-disant culture de l’annulation et du culte du politiquement correct, que certains universitaires ont considérés comme une menace pour les principes mêmes de la démocratie américaine ; voir par exemple (Feffer, 2021) et (Nossel, 2024).
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