L’Europe est-elle au bord d’une nouvelle crise migratoire ?
Par François d’Avenel pour Strategika
La question des migrations est l’une des questions les plus sensibles en Europe[1]. Une problématique doublement douloureuse pour la France, pays où tous les principaux prétendants à la présidence de la République ont abordé la question d’une manière ou d’une autre. Emmanuel Macron, lui aussi conscient de l’importance électorale de la question, a ainsi déclaré récemment vouloir modifier les règles de l’espace Schengen afin de protéger les frontières extérieures de l’UE et parvenir à une meilleure coordination dans la lutte contre l’immigration clandestine.[2]
Malgré ces déclarations d’intention, il est fort probable que les pays de l’UE doivent faire face à une nouvelle vague de migration de grande importance l’année prochaine.
Libye : un trou aux frontières maritimes avec l’UE
Les Européens n’ont pas encore oublié comment une vague de « réfugiés » en provenance de Syrie a submergé le continent en 2015. Cependant, il est rapidement apparu que les migrants comprenaient aussi des personnes impliquées dans des formations islamistes radicales, ainsi que des personnes qui n’avaient rien à voir avec la Syrie. Par exemple, des Kurdes iraniens ou des Afghans qui ont rejoint l’Europe dissimulés au milieu des Syriens. À l’époque, l’Allemagne accueillait la majeure partie des migrants. Mais aujourd’hui, ce sont les pays méditerranéens – la France et l’Italie – qui pourraient être les plus touchés.
La Libye reste le principal point de départ des migrants d’Afrique vers l’Europe. La situation en Libye est instable. Depuis le renversement de Mouammar Kadhafi par l’OTAN en 2011, le pouvoir de facto en Libye est entre les mains de groupes armés. Certains d’entre eux collaborent activement avec les trafiquants terroristes qui font entrer clandestinement des travailleurs migrants en Europe.
Dans le but d’endiguer à tout prix le flux d’immigrants clandestins, les États de l’UE ont offert leur soutien aux autorités nominales de la Libye. Cependant, le remède s’est avéré être encore plus toxique que la maladie. En effet, avec l’argent de l’UE alloué à la Libye pour lutter contre le flux de migrants et de réfugiés, un système de camps pour les migrants d’Afrique a été construit dans des conditions monstrueuses. Selon les enquêteurs de l’ONU, les proches des migrants ont été rançonnés, torturés, vendus et même utilisés comme main-d’œuvre[3]. Il s’agissait de fait d’une forme de restauration d’un système d’esclavagisme contemporain. Dans le même temps, les groupes libyens n’ont pas montré de réels succès dans la lutte contre la migration illégale.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) tente de s’immiscer dans cette question, mais uniquement pour lever tout obstacle à la circulation des migrants africains vers l’Europe[4]. Tant que la Libye restera instable, sous la pression de l’ONU, les migrants seront déplacés vers l’Italie et la France. La dernière nouvelle en provenance de Libye est le report indéfini des élections présidentielles qui devaient unifier le pays. Cela signifie qu’à court terme, il n’y aura pas d’autorité centralisée forte capable de mettre de l’ordre dans les migrations sur le territoire libyen.
Soudan : un nouveau flux de migrants vers l’Europe ?
Dans ce contexte de nouvelles décevantes en provenance de Libye, des nouvelles encore plus inquiétantes nous parviennent du Soudan.
Le plus haut responsable soudanais, le général Mohamed Hamdan Dagalo, a ainsi déclaré il y a peu que le Soudan retenait pour l’instant les migrants à ses frontières, mais que « si le Soudan ouvre la frontière, un gros problème se produira dans le monde entier. »[5]
Selon les Nations unies, le Soudan accueille plus d’un million de réfugiés en provenance d’autres pays[6]. L’ONU note également que quelque 7 millions de Soudanais et de Sud-Soudanais ont été déplacés de force, soit dans leur propre pays, soit dans toute la région.
Le Soudan accueille des réfugiés en provenance d’Éthiopie, du Sud-Soudan, d’Érythrée, de la République centrafricaine et du Tchad. Le conflit en Éthiopie n’a aucune chance de prendre fin dans un avenir prévisible. Suite aux affrontements dans la région éthiopienne du Tigré, 50 159 réfugiés éthiopiens sont arrivés au Soudan oriental entre novembre 2020 et novembre 2021[7].
Beaucoup d’entre eux aimeraient se rendre en Europe. La situation au Soudan reste instable : protestations, tentative militaire de remodeler le gouvernement, pressions extérieures (des États-Unis et de l’UE). Toute déstabilisation au Soudan pourrait entraîner un flux de migrants vers la Libye et, de là, vers les pays méditerranéens de l’UE. L’Europe et ses membres doivent être préparés à une telle évolution. Dans ces circonstances, il est vital que la France élise un président qui mettra une barrière ferme à l’éventuel flux de migrants en provenance du continent africain avant qu’il ne soit trop tard.
[1] Strategika y consacre d’ailleurs une série de dossiers dont le prochain est à paraitre début 2021 :
[2] Europe, frontières, présidentielle… L’essentiel de la conférence de presse d’Emmanuel Macron
https://www.liberation.fr/politique/en-direct-suivez-la-conference-de-presse-demmanuel-macron-sur-la-presidence-francaise-de-lue-20211209_5YADFMQQSFB4PNXE6VERE2QS2Y/
[3] Europe’s border agency under fire for aiding Libya’s brutal migrant detentions
https://www.nbcnews.com/news/world/frontex-europes-border-agency-fire-aiding-libyas-brutal-migrant-detent-rcna6778
[4] Libye : l’ONU alarmée par l’expulsion de migrants africains vers le désert du Sahara
https://news.un.org/fr/story/2021/12/1110502
[5] Top Sudan general warns country could be source of refugee influx to Europe
General Mohamed Hamdan Dagalo says the government will stabilize its refugee situation — for now.
https://www.politico.eu/article/mohamed-hamdan-dagalo-sudan-refugee-borders-military/
[6] SUDAN: POPULATION DASHBOARD Refugees and Asylum-seekers
https://reporting.unhcr.org/document/539
[7] Sudan: Building durable shelter for Ethiopian refugees
https://reliefweb.int/report/sudan/sudan-building-durable-shelter-ethiopian-refugees
Ping :Marseille : il avait 25 ans, il est mort poignardé dans le métro – Riposte Laique
« il est vital que la France élise un président qui mettra une barrière ferme à l’éventuel flux de migrants »
C’est-à-dire qui ?