Et si l’objectif russe n’était pas de vaincre l’Ukraine, mais de vaincre l’Occident ? par Dominique Delawarde

Par Dominique Delawarde

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Comme tout observateur intéressé par l’opération spéciale en Ukraine, je me suis interrogé à de multiples reprises sur le comportement général de l’Armée Russe, sur sa retenue, sur ses actions ou parfois son inaction, sur la placidité et le calme affichés par la gouvernance russe face à l’hystérie des gouvernances et des médias des pays membres de l’OTAN.

J’ai donc cherché de nouvelles clefs pour tenter de comprendre les événements et leur donner du sens. Le texte d’un blogueur russe, m’a interpellé hier parce qu’il correspondait assez bien au cheminement de mes réflexions. Je vous le livre tel quel, ci après, avant d’y ajouter un bref commentaire.

Source:  https://t.me/actualiteFR/18411

Autre tentative de compréhension de l’opération russe en Ukraine, qui replace au centre de la stratégie le but principal : non de changer l’Ukraine seule, mais de faire plier l’OTAN en vue de l’obliger à respecter ses engagements de 1991 (ou 1997) et de la ramener sur les lignes de front de l’époque. J’avais expliqué tout cela entre décembre et février 2021-2022 : https://telegra.ph/Ukraine-%C3%A0-J3-27-f%C3%A9vrier-2022-04-12

Dès le début de l’opération en Ukraine, j’ai commencé à me poser de nombreuses questions sur ses buts, ses objectifs et son résultat final. Les actions de notre armée et de nos autorités ont clairement indiqué que la Russie ne s’efforçait pas d’achever rapidement l’opération.

Voyez comme c’est étrange :

– Retrait volontaire des troupes près de Kiev ;

– Refus de la prise d’initiative ;

– Arrêt des opérations offensives et passage en défensif ;

– Négociations délibérément dénuées de sens ;

– Étranges échanges de prisonniers ;

– Frappes quasi-exclusivement contre des cibles militaires ;

– Refus catégorique d’endommager les infrastructures stratégiques “civiles” ;

– Référendums organisés à la hâte ;

– Refus d’attaquer les QG et centres de décision ennemis.

Et il existe de nombreuses autres bizarreries qui ne sont pas typiques des actions d’une équipe qui a l’intention de remporter une victoire rapide et décisive [notamment : pas d’attaque contre la DCA, contre les voies d’approvisionnement etc].

Évidemment, l’option la plus simple est de considérer que nos autorités sont des imbéciles. Bien sûr, qu’elles sont capables de mener une guerre normale. Pourquoi ne le font-elles pas ? De longues réflexions m’ont amené à la conclusion suivante :

Si l’on considère que l’opération n’est qu’une des étapes de la lutte contre l’Occident, il s’avère que la Russie n’a vraiment pas besoin d’une victoire rapide et décisive en Ukraine. L’armée est inutile trop en avant. Une défaite rapide et complète de l’Ukraine ne changera rien pour nous en termes géopolitiques. Nous aurons de nouveaux territoires et de nouvelles populations, mais l’alignement géopolitique mondial restera le même. Et nous serons toujours obligés de jouer selon les règles de quelqu’un d’autre, où des sanctions unilatérales nous seront imposées en toute impunité..

L’objectif semble être complètement différent : forcer l’Occident à jeter autant de ressources financières et militaires que possible dans le brasier. Dans la partie d’échecs, une pièce est sacrifiée afin d’attirer un adversaire dans un piège dont il ne pourra plus sortir. Et si nous gardons cet objectif à l’esprit, il devient clair pourquoi les États-Unis ont fait sauter nos gazoducs : sans eux, l’importance des gazoducs ukrainiens augmente considérablement. Il s’agit d’une tentative d’engager davantage les européens dans le conflit.

La seule question est de savoir quand la Russie considérera que l’Occident a été suffisamment ruiné sur son projet ukrainien pour que Moscou mette rapidement fin au conflit et reprenne les discussions avec un adversaire économiquement affaibli. Le but n’est pas de vaincre l’Ukraine (il ne s’agit que d’une tâche secondaire), mais de vaincre l’Occident qui a trop grignoté notre souveraineté (si des sanctions sont décrétées contre nous en toute impunité, alors c’est que nous n’avons pas assez de souveraineté).

L’Ukraine n’est dans ce cas qu’une victime de son propre régime politique, qui s’est permis d’entraîner le pays dans une confrontation entre de grands acteurs géopolitiques. Elle n’est même pas une pièce du jeu d’échec, mais seulement le plateau sur lequel le jeu se joue. »

Tant que la Russie arrive à encaisser les mobilisations, qui n’avaient pas fait partie du marketing de ce conflit en février, qu’elle arrive à reprendre l’initiative de temps en temps, suffisamment pour conserver le gros du conflit à l’intérieur des frontières de l’ex-Ukraine, et qu’elle maintient un ratio de pertes nettement en sa faveur, tout se passera bien.

Commentaires : En 1990, l’Ex-URSS s’est effondrée pour des raisons économiques. L’effondrement a été rapide et ses conséquences ont modifié pour longtemps les équilibres géopolitiques de la planète. La Russie aura mis plus de trente ans à se refaire une santé et à remonter la pente grâce à la détermination d’un homme providentiel, faisant passer les intérêts de son pays avant les siens, et réussissant à remettre sur pied l’économie de la Russie, à lui rendre sa fierté et sa cohésion, et à redonner à ses forces armées les capacités qu’elles avaient perdu.

Du côté occidental, trente années de désinvestissement dans le domaine de la défense pour les pays de l’UE, et de campagnes militaires coûteuses et contre-productives pour les USA ont considérablement détérioré les capacités de l’OTAN, tant sur le plan des effectifs d’active ou de réserve, que sur le plan de l’entraînement à la guerre de haute intensité ou sur celui des matériels majeurs, de leur maintien en condition, de leur disponibilité technique opérationnelle.

Sur le plan économique, les situations de surendettement chronique et sans limite de part et d’autre de l’Atlantique Nord, auxquelles s’ajoutent les coûts de presque trois années de gestion désastreuse de la crise sanitaire ont considérablement affaibli les fondamentaux des grandes économies occidentales à tel point que les signes de l’imminence d’une grande crise économique,  financière et sociale se multiplient. Par ailleurs, de part et d’autre de l’Atlantique Nord, les populations des États membres de l’Alliance semblent de plus en plus divisées et réluctantes à sacrifier leur pouvoir d’achat, leur confort et leur niveau de vie pour se lancer dans des aventures guerrières à l’initiative d’une petite élite néoconservatrice et mondialiste US.

Dans le bras de fer OTAN-Russie qui se déroule sur le théâtre ukrainien, il y aura un vainqueur et un vaincu en fin de partie. Et c’est bien le degré de résilience économique et sociale de chacune des parties en conflit qui désignera le vainqueur.

Pour moi, le temps joue aujourd’hui en faveur de la Russie qui n’a donc aucun intérêt à précipiter les choses et qui ne prend d’ailleurs aucune mesure dans ce sens, d’autant que les gestions européenne et US suicidaires de ce conflit, par des sanctions boomerang, risque fort de provoquer, à court terme, un effondrement économique occidental durable tout à fait  comparable dans son ampleur et dans ses conséquences  à celui que l’ex-URSS a connu en 1990.

Si l’opération spéciale russe avait été menée de manière décisive et rapide avec signature d’un traité de paix en bonne et due forme, avec l’Ukraine, il n’y aurait eu que quelques modifications de frontières et la marche du monde aurait repris comme avant sans aucun changement de règles. Le monde hégémonique USA-UE-OTAN aurait repris très vite l’ascendant et ses mauvaises habitudes de vouloir régenter la planète entière par les menaces et les sanctions.

Si au contraire, après un hiver douloureux, une inflation à deux chiffres entraînant une baisse importante du pouvoir d’achat et du niveau de vie en occident, des faillites d’entreprises et des troubles sociaux qui ne peuvent que s’y multiplier, un effondrement partiel ou total de leur économie, les gouvernances des pays membres de l’OTAN réalisent qu’elles n’ont d’autres choix  que d’accepter de nouvelles règles, celles du monde multipolaire tel qu’il se dessine aujourd’hui, alors seulement la Russie aura gagné la partie.

On ne le répétera jamais assez, l’enjeu du bras de fer OTAN-Russie dépasse largement les frontières de l’Ukraine. Pour la Russie et les États qui la soutiennent, il s’agit de neutraliser une fois pour toute l’hégémon « US-OTAN-dollar » et de revoir le fonctionnement des organismes qui lui sont plus ou moins associés et/ou soumis (FMI, OMC, et même ONU).

Pour y parvenir, il faut réussir à provoquer un effondrement partiel ou total des économies occidentales aux conséquences durables, susceptible de contraindre les gouvernances des pays membres de l’OTAN à composer.

Faire durer l’opération en Ukraine pourrait bien être la condition nécessaire et suffisante pour provoquer l’effondrement économique occidental. On comprendrait mieux, alors, l’attentisme d’une Russie qui semble bien prendre son temps …

Mais il ne s’agit encore, bien sûr, que d’une hypothèse parmi d’autres.

12 pensées sur “Et si l’objectif russe n’était pas de vaincre l’Ukraine, mais de vaincre l’Occident ? par Dominique Delawarde

  • 14 octobre 2022 à 3 h 10 min
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    Deux mondialismes en concurrence:
    – Un mondialisme à l’envers, celui des occidentaux
    – Un mondialisme à l’endroit, celui des Brics
    L’enjeu est énorme tant le projet qui le porte est tricoté depuis des décennies.

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  • 14 octobre 2022 à 3 h 02 min
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    Concernant la stratégie Russe, ça me semble être clairement cela: user l’adversaire, tant sur le plan économique que militaire, tout en économisant ses soldats et ses ressources.
    Les américains ont obligé la Russie à agir en lançant une préparation d’offensive Ukro dans le Donbass, mais les Russes étaient de toutes façons prets, ils savaient depuis 2014 que le choc était inévitable. Les Russes avaient de toutes façons transmis un ultimatum à l’OTAN dès la fin 2021.
    Un autre point à ne pas ignorer est que les Russes ont choisi d’agir une fois l’entreprise d’autodestruction des sociétés occidentales (Covid, dette et destruction des sociétés etc…) bien lancée par les elites mondialistes eugénistes.
    Il me semble évident que les Russes iront jusqu’au bout, c’est à dire qu’il ne pourra y avoir de véritable paix tant que les psychopathes de Washington, Bruxelles, Davos, Londres et ailleurs conserveront leur mainmise sur l’Occident. L’objectif final des Russes est bien de défaire l’Occident.

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  • Ping :IR0481-Articles de presse : la crise ukrainienne n°40 – IL REVIENT

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    • 14 octobre 2022 à 2 h 45 min
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      Bonjour Nicolas, sauf que dans le scénario d’Orwell, la population est affaiblie des deux côtés. Pour le moment, il ne me semble pas que la population russe paraisse affaiblie. Bien au contraire, elle me paraît plutôt stimulée. Ce qui est loin d’être le cas des populations en Europe quia vivent la boule au ventre dans l’attente de savoir si leur réservation à Disneyland pour Noël ou Halloween sera confirmée (voir mouvement des oreilles jaunes)!

      https://www.youtube.com/watch?v=221T5gDBTpo

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  • 13 octobre 2022 à 5 h 52 min
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    Autre hypothèse : Et si ni les russes ni personne n’étaient les maîtres de rien du tout ? On se retrouverait face à l’Hitoire en marche , nos contradictions et autre impatiences narcissiques . Spectateurs, chroniqueurs, analystes en tout genre, la vie c’est vous, et c’est ici et maintenant .

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  • 12 octobre 2022 à 17 h 05 min
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    Ce que la population européenne et notamment française ne réussie par à faire de l’intérieur en chassant une oligarchie à la botte des États-Unis et de son moyen l’OTAN, la Russie pourrait détruire le modèle de gouvernance mondiale engagée par l’occident depuis des années et accéléré depuis la pseudo pandémie. Mais pour nous européens, la facture au quotidien sera « salée », voir irréversible car nous devrons sans doute revenir à un modèle de souveraineté qui sera long à construire tellement nos institutions sont gangrènées et vassalisées aux EU. Je suis très inquiet…

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  • 12 octobre 2022 à 16 h 59 min
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    Analyse d’un autre niveau que celles des « généraux de plateau TV »…
    Puissiez-vous avoir des responsabilités après la libération et la tonsure de tous les traîtres (les coiffeurs vont avoir du boulot)!

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  • 12 octobre 2022 à 15 h 48 min
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    Il est aussi un élément que vous n’avez pas pris en compte dans votre analyse sur l’objectif russe de ne pas vaincre l’Ukraine, mais l’occident : C’est l’intelligence qui s’atténue dans le monde occidental !
    La Bible cite plus de 150 fois le mot « intelligence », qui est un curseur à la disposition de Dieu dans l’écriture. Il la donne, avec la Sagesse comme pour Salomon ou la retire aux chefs des peuples pervertis, les entraînant dans des fossés. C’est là une constante de l’ancien testament.
    Exemple en 1Co1:19 « Je détruirai la sagesse des sages, Et j’anéantirai l’intelligence des intelligents. »
    C’est ce que nous observons avec les idiots aux pouvoirs…
    Ils se complaisent dans leurs âneries et leurs mauvais jugements.
    Donc le temps joue pour le camps du bien.
    Le QI des élites d’hier atteindra d’ici quelques temps le plancher des vaches. 😉
    J’en rigole déjà.
    J’ajoute que selon Malachi Martin, le message de Fatima (3ème secret) : « Très important. Si on croit à la Vision de Fatima, le salut du monde, la guérison de tous ses maux, commencera en Ukraine et en Russie. C’est un message très bizarre puisqu’on aurait pu croire que selon nous, occidentaux, le salut du monde viendrait de l’Ouest. Mais non. Selon Fatima, notre salut viendra de l’Est, et en particulier de l’Ukraine et de l’Etat russe, ce qui est extraordinaire en soi. » Lien = https://propheties.jimdofree.com/pere-malachi-martin/

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    • 12 octobre 2022 à 20 h 45 min
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      Il y a un côté très visionnaire dans cette affirmation sur le salut du monde, puisque Malachi Martin est décédé en 1999. (voir son parcours sur le lien ci-dessus.)

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  • 12 octobre 2022 à 15 h 12 min
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    Une analyse pertinente, car depuis le début bon nombre de gens sensés, ont le sentiment que le temps joue en la faveur de la Russie, contrairement à une Europe à bout de souffle car en crise de longue date pressée d’en finir au plus vite à coups d’esbroufe.

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