Que veut Vladimir Poutine ? par J.L. Basle

Source: breizh-info.com – 16 janvier 2025 – J.L. Basle

https://www.breizh-info.com/2025/01/16/242691/que-veut-vladimir-poutine-par-j-l-basle/#_ftnref9

Abonnez-vous au canal Telegram Strategika pour ne rien rater de notre actualité

Pour nous soutenir commandez les livres Strategika : “Globalisme et dépopulation” , « La guerre des USA contre l’Europe » et « Société ouverte contre Eurasie »

Les enjeux du conflit

Pour comprendre la guerre russo-américaine par Ukraine interposée, il faut en connaître les antécédents et les enjeux. La guerre en Ukraine ne commence pas en février 2022, mais en octobre 1853 avec la Guerre de Crimée quand une coalition dirigée par la Grande-Bretagne s’oppose à l’expansionnisme russe. Cette rivalité entre un empire maritime et un empire continental s’exacerbe lorsque le géographique britannique, Halford Mackinder, postule en 1904 que le chemin fer renforce la puissance russe au détriment de l’empire britannique. Les Etats-Unis qui supplantent l’empire britannique en 1945, reprennent à leur compte la vision britannique. Elle implique de facto l’asservissement de l’Union soviétique. Cette rivalité n’a pas lieu d’être. Ce chemin de fer qui inquiétait tant Halford Mackinder, peut être un lien entre Etats-Unis et Russie, comme l’explique William Gilpin dans son livre publié en 1890 : « The cosmopolitan Railway ».[1] Un tel chemin de fer serait profitable aux deux nations. Il ne fut pas écouté. Henry Wallace, vice-président des Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, adhérait à cette vision à laquelle Franklin Roosevelt n’était pas insensible. Le sort voulu que Roosevelt mourut trop tôt et que la convention démocrate préféra Harry Truman à Henry Wallace.

Que veut Vladimir Poutine ?

Le 22 février 2022, jour du lancement de l’opération militaire spécial, Vladimir Poutine a pris soin d’en donner les objectifs : démilitarisation, dénazification et neutralité de l’Ukraine. Il les précise le 14 juin 2024 : retrait des troupes ukrainiennes des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, des régions de Zaporojié et de Kherson, neutralité, dénucléarisation, démilitarisation et dénazification de l’Ukraine. Les objectifs stratégiques qui sous-tendent ces propositions sont au cœur du différend russo-américain. Ils sont présents dans le projet de traité d’architecture européenne de sécurité que Poutine a envoyé à Washington le 17 décembre 2021. Les Américains lui ont opposé une fin de non-recevoir le 26 janvier.

Ce projet de traité d’architecture s’appuie sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité qui stipule que la sécurité d’une nation ne peut se faire au détriment d’une autre – principe inscrit dans les déclarations d’Istambul de 1999 et d’Astana de 2010 signées par les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe dont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, etc.[2] A ce principe, les Etats-Unis en opposent un autre, celui de la « porte ouverte »[3] qui donne à toute nation le droit de s’allier à toute autre nation sans égard à l’impact d’une telle alliance sur une ou plusieurs autres nations – principe inscrit dans l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. Ces positions antinomiques augurent mal d’une résolution pacifique du conflit.

L’objectif de Poutine est d’avoir une aire géographique de sécurité autour de la Russie dépourvue de missiles – une aire semblable à celle dont jouissent les Etats-Unis avec le Canada au nord, le Mexique au sud, l’océan atlantique à l’est et l’océan pacifique à l’ouest. Les médias ont déformé ses propos en laissant entendre que son objectif était la domination de l’Europe. C’est faux. Son objectif de sécurité est légitime. Le chef de la Marine allemande, l’amiral Kay-Achim Schönbach, l’a reconnu. Son franc-parler a provoqué sa démission.[4] C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la remarque de Poutine au sujet de la chute de l’Union soviétique qu’il qualifia de plus grande catastrophe du 20ème siècle parce qu’elle rompit l’équilibre des forces en présence qui assurait la paix. Sa remarque n’avait rien d’un quelconque regret idéologique ou puéril, comme le laissèrent entendre les médias occidentaux – sentiment au demeurant étranger à ce dirigeant rationnel, peu sujet aux états d’âme – mais rappelait une vérité connue des géopoliticiens.

Une cote mal taillée qui ne satisferait personne

A défaut d’architecture de sécurité, Poutine pourrait se contenter d’un accord bâclé pour mettre fin à une guerre qui lui coûte cher, en se satisfaisant de l’annexion du Donbass et de la neutralité de l’Ukraine. Ce serait une erreur. Cette neutralité serait une façade. Les Etats-Unis poursuivraient leur objectif de démantèlement de la Russie au travers d’une guérilla larvée en Ukraine, voire en Russie – la CIA a une grande expérience en la matière – ce qui forcerait tôt ou tard Poutine à envahir l’Ukraine. De son côté, Donald Trump pourrait choisir de faire la paix à des conditions non pas optimum mais satisfaisantes pour la Russie pour mener à bien son programme MAGA, mais l’appareil de sécurité américain (ministère des affaires étrangères, complexe militaro-industriel, et agences de renseignement, etc.) n’accepterait pas cette paix.[5]

Cet accord, si jamais il existe, devra régler les questions épineuses que sont les réserves monétaires de la Banque de Russie gelées sur ordre de Washington, la levée des sanctions, la réouverture des gazoducs, l’expropriation des infrastructures de Gazprom en Allemagne, et de l’immeuble du consulat de San Francisco, etc… Questions qui devraient être abordées lors du sommet Trump-Poutine dont il est tant question dans les médias. S’il est évident qu’il est dans l’intérêt des deux parties de se rencontrer, quelle confiance Poutine peut-il accorder à une nation qu’il l’a si souvent trompé et à un dirigeant qui veut annexer le Canada, le canal de Panama et le Groënland ? Des projets inconcevables dans un monde rationnel et humain, mais possible dans un monde où la force prime le droit… celui dans lequel nous vivons.

Une guerre apocalyptique

Cette guerre échappe pour partie aux protagonistes. Du point de vue russe, la guerre en Ukraine est une guerre existentielle. Une défaite signifierait le démembrement de la Russie et sa disparition de la planisphère.[6] [7] Après l’humiliant retrait d’Afghanistan, une défaite en Ukraine serait un désastre pour l’empire américain. Le conflit en Ukraine sonne le glas des ambitions américaines, et met fin au rôle de l’Occident dans les affaires mondiales depuis le 16ème siècle. Boris Johnson déclara le 12 avril 2024 : « Si l’Ukraine perd la guerre, ce sera la fin de l’hégémonie occidentale. »[8] C’est une guerre qu’aucun des deux adversaires ne peut ni gagner ni perdre.

En 1946, Albert Einstein déclara que l’atome avait tout changé, sauf nos modes de pensée, et qu’en conséquence nous nous dirigions vers une catastrophe sans précédent. Nos dirigeants l’ont sans doute oublié. John Kennedy déclara, dans son discours à l’American University le 10 juin 1963 : « Notre lien le plus basic est que nous habitons sur une petite planète. Nous respirons tous le même air. Nous chérissons tous le futur de nos enfants. In fine, nous sommes tous mortels.”[9] Le temps est venu de changer nos modes de pensée pour continuer à chérir nos enfants.

Jean-Luc Basle

[1] Le Schiller Institute a repris ce concept au cours d’un conférence en septembre 2007 intitulée « Eurasia-North America multimodal transport. »

[2] Sergey Lavrov’s written message on Indivisibility of Security addressed to the Heads of Foreign / External Affairs Ministers / Secretaries of the US, Canada, and several European countries, 1 February 2022.

[3] La doctrine de la porte ouverte, due au secrétaire d’état John Hay, a pour objet d’ouvrir la porte de la Chine aux Etats-Unis à la fin du 19ème siècle en traitant toutes les nations sur un pied d’égalité afin qu’aucune n’est le contrôle total du pays.

[4] Un amiral allemand sommé de s’expliquer après des propos controversés sur la Russie. Le Figaro, 22 janvier 2022.

[5] Why the Ukraine Crisis is the West’s fault. John Mearsheimer, Foreign Policy, Septembre/Octobre 2014.

[6] Discours de Vladimir Poutine le Septembre 21, 2022.

[7] Conférence de presse Sergey Lavrov du 18 mai 2024.

[8] Ukraine le dur chemin vers la défaite vers la défaite. May 29, 2024.

[9] Commencement Address at American University, John F. Kennedy, June 10, 1963.

Une pensée sur “Que veut Vladimir Poutine ? par J.L. Basle

  • 23 janvier 2025 à 13 h 13 min
    Permalink

    « Que veut Vladimir Poutine ? »
    Sur « META TV », en juin 2015, l’ancien présentateur Tepa recevait Pierre Hillard à l’occasion de sa préface publiée dans la réédition du livre de Carroll Quigley « L’histoire secrète de l’Oligarchie Anglo-Américaine ».
    Au cours de l’interview, Pierre Hillard rappelle que lors de son discours du 24 octobre 2014 au « club de discussion Valdaï », Vladimir Poutine reconnaissait la nécessité d’un « Nouvel Ordre Mondial », la création de puissantes unions régionales, ainsi que des règles commune acceptées par tous et permettant la stabilité et la sécurité entre les centres régionaux, interdisant, par la même, la politique d’un « cavalier seul », sous-entendu les Anglo-Saxons qu’il accuse de vouloir gouverner le monde « selon leurs seuls intérêts ».
    Il ressort donc de ceci que Poutine ne souhaite pas détruire le « Nouvel Ordre Mondial », mais simplement le gérer à sa manière.
    Dans le cadre d’un mondialisme « mou », Poutine semble donc vouloir mettre en place une gouvernance mondiale et des unions régionales : « Il vaut mieux des règles communes, même contraignantes, dit-il lors de son discours de Valdaï en 2014, que pas de règle du tout. Il faut arriver à se mettre d’accord sur des Règles communes.»
    Vladimir Poutine et ses « alliés » veulent une union Eurasienne. « Mais là où ça coince c’est avec l’Ukraine, dit Pierre Hillard, car le monde Anglo-Saxon veut prendre l’Ukraine sous sa coupe, ce qui est inadmissible pour la Russie. »
    Au sujet de l’Ukraine, Pierre Hillard rappelle qu’une grande partie de ce pays fait partie de l’ancien territoire Khazar.
    Pierre Hillard précise encore que Poutine, qui souhaite étendre sa zone d’influence, proposa lors d’une réunion Russie/Union Européenne à Bruxelles (en janvier 2014), la création d’un bloc continental allant de Lisbonne (Portugal) à Vladivostok (ville Russe près de la mer du Japon).
    « Cette proposition, dit Pierre Hillard, fit hurler d’horreur les élites Anglo-Saxonnes », car si un tel bloc eurasiatique (politique et économique) unifié voyait le jour, cela sonnerait le glas du grand marché transatlantique Anglo-Saxons et celui, par conséquent, de ses multinationales ; sans parler du gigantesque projet chinois, la BRI (« Belt & Road Initiative » ou « Initiative de la Ceinture et de la Route de la Chine »), concernant la nouvelle « route de la soie » économique, maritime et numérique du XXIème siècle.
    Toujours en janvier 2014, lorsque Vladimir Poutine proposa une énième fois la création de ce bloc continental, la réponse Anglo-Saxonne ne se fit pas attendre : dès février 2014 surgissait la révolution de Maïdan, ou « révolution de Février », en Ukraine… dont les effets durent encore.
    Pendant l’interview avec Tepa, Pierre Hillard rappelle également que, après la chute du mur de Berlin en novembre 1989, le monde Russe, c’est-à-dire les élites Russes, étaient déjà acquises au Nouvel Ordre Mondial et à ce qui était appelé la « Maison Commune ». Mais les Anglo-Saxons ont trahi les engagements pris au lendemain de la « chute du mur », puisqu’il était convenu une répartition des zones d’influence et des zones d’intérêts entre l’Est et l’Ouest, et, surtout, que l’OTAN ne devait pas progresser vers l’Est.
    Ici, constatons surtout qu’après la chute du mur de Berlin un nouveau « partage du gâteau » a eu lieu entre une poignée d’acteurs géopolitiques quasi identiques à ceux réunis à Yalta, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale.
    Dans cette histoire de « gâteau » mal partagé, c’est donc le monde Russe (soutenu par ses élites Juives) qui a été trompé par des élites Anglo-Saxonnes (y compris les oligarques Juifs Anglo-Saxons), qui ont violé les accords, et ont donc trahi les engagements qui avaient antérieurement été adressés à Mikhail Gorbatchev lorsqu’il était Secrétaire Général du Parti Communiste en Union Soviétique (de 1985 à 1991).
    Pendant quelques temps encore, les élites anglo-Saxonnes allaient donc continuer de « rafler la mise », au détriment des élites Russes.
    Aussi, il était clair que, dans ce contexte, le « Monde Russe » n’allait pas laisser les choses se passer ainsi. Une « résurrection » de la Russie allait être mise en place.
    Néanmoins, rappelons encore une fois que Vladimir Poutine et les élites Russes, comme les élites Anglo-Saxonnes, sont pour le principe d’un « Nouvel Ordre Mondial », le seul « hic » étant qu’ils n’arrivent pas à s’accorder sur le « partage du gâteau ».
    Enfin, Pierre Hillard rappelle cet article paru dans « Time of Israël » du 5 avril 2014, dont le titre est : « Les juifs de Russie et d’Ukraine sont en guerre ». Dans cet article, précise-t-il, on pouvait lire que « Les élite Juives d’Ukraine, soutenues par l’Occident, sont en guerre contre les Juifs de Russie qui soutiennent Poutine. »
    « En fait, dit-il, on assiste dans cette histoire à des guerres entre clans Juifs : entre Juifs libéraux, Juifs orthodoxes… ce sont des rivalités entre clans Juifs au nom de la Russie, au nom de l’Ukraine, au nom de l’Union Européenne, au nom du monde Anglo-Saxon. »
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/introduction-livres-de-femmes.html

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *