AUKUS , une alliance anglo-saxonne dans l’Indo-Pacifique pour conserver l’hégémonie mondiale contre la Chine, la Russie et la France

par Pierre-Emmanuel Thomann

Pour interpréter la configuration géopolitique émergente qui résulte de la création de l’alliance des Etats-Unis de l’Australie et du Royaume-Uni (AUKUS) dans le cadre de la doctrine indopacifique , les enjeux doivent être abordés à l’échelle mondiale et pas seulement dans la zone Indo-Pacifique afin d’en souligner les ressorts profonds. (carte : Stratégie géopolitique des Etats-Unis  contre la Russie et la Chine dans le contexte de la nouvelle rivalité des puissances, 2020).

ll faut rappeler que selon la posture géopolitique Etats-Unis, la doctrine indopacifique (notion introduite par le Japon dès 2010), n’est que le volet asiatique d’une manœuvre plus large qui consiste à encercler l’Eurasie, l’autre volet étant le front est-européen contre la Russie. AUKUS s’inscrit donc dans la volonté des Anglo-Saxons de se positionner au sommet de la hiérarchie des puissances.  
 
Cette alliance anglo-saxonne dans l’indopacifique est exclusive, car elle est liée à l’objectif des Anglo-Saxons de ralentir l’émergence du monde multipolaire à l’échelle mondiale, notamment contre la Chine mais aussi contre la Russie. Elle est complémentaire de la stratégie globale des anglo-saxons d ’empêcher aussi l’éventuelle émergence d’un bloc Ouest-européen autour de la France et l’Allemagne, avec à terme une entente avec la Russie, voire la Chine par voie continentale. L’objectif est aussi de forcer les Etats à choisir entre la Chine et les Etats-Unis, sur le mode, vous êtes avec nous ou contre nous ! L ‘AUKUS ne constitue donc qu’une escalade supplémentaire dans le cadre d’une grande stratégie des Etats-Unis vis à vis de l’Eurasie, avec pour objectif d’empêcher une puissance rivale de contrôler les zones côtières de ce continent (et mettre en danger la sa suprématie). Elle trouve sa source dans la doctrine géopolitique de Spykman reconduite jusqu’à aujourd’hui ( endiguement de l’URSS dans les années 1950) et de manière plus explicite, la désignation, de la Chine et la Russie comme adversaires des Etats-Unis sous la présidence de Donald Trump.

L’angle spatial est le cœur de toute analyse géopolitique, et en s’inspirant de la formule du géographe allemand Friedrich Ratzel, « Im Raume lesen wir die Zeit » (Dans l’espace, nous lisons le temps), on peut ainsi dire  » nous pouvons lire l’avenir dans les cartes !

L’émergence de cette configuration était donc en grande partie prévisible. L’erreur de la diplomatie française (depuis le départ du général de Gaulle) a été de persister à croire qu’un rang privilégié pouvait lui être accordé en se coulant dans les priorités géopolitiques anglo-saxonnes (en s’inscrivant dans la doctrine indopacifique /élargissements OTAN) tout en préservant une marge de manœuvre tactique (en obtenant des contrats d’armements par exemple). Je souligne ici ma définition : une stratégie géopolitique c’est l’anticipation sur l’espace temps des autres (alliés et ennemis). C’est désormais à la France de répliquer (prochain post)

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